Musique d'écriture : Am I not Merciful ? - Gladiator OST - Hans Zimmer
Chambre du Comte Phantomhive
Un bruit de glissement fut perçu par la faible oreille du garçon. Un frottement léger, presque inaudible, venait du plafond, juste au-dessus de son lit.
Il resta immobile, contrôlant sa respiration, tandis que son majordome tendait la main vers la flûte indienne. Il regardait le démon porter l'embout à ses lèvres et attendre, les yeux cuivrés levés vers la bouche d'aération au-dessus du lit à baldaquin.
Ciel leva à son tour les yeux vers le plafond et aperçut la tête tachée de noir du reptile passer à travers la grille. Le garçon étouffa un cri et se retint de porter la main à sa bouche en un mouvement effrayé. Il fut surpris qu'un serpent aussi gros puisse aplatir ainsi son corps pour passer entre les fins barreaux. Il devait avoir les entrailles vides, affamé, à la recherche d'une proie pour festoyer.
L'animal siffla, léchant l'air de sa langue fourchue tout en glissant sur le bois du lit. Ciel eut l'impression que le serpent humait l'air, cherchant, dans la faible lumière qui le rendait aveugle, l'odeur de sa victime.
Et le garçon savait que c'était lui que la bête voulait.
Un son perçant emplit soudain la pièce. Ciel se tourna brusquement vers son majordome qui avait commencé à jouer dupungi. La musique était désagréable. Ciel grimaça et faillit futilement porter les mains sur ses oreilles. Pourtant, l'effet sur le serpent fut bien différent. Il fixait de ses yeux jaunes la flûte dont les vibrations résonnaient dans son corps à sang froid. Après deux torsions étranges, il se laissa tomber à terre. Ciel sursauta puis se mit debout sur le lit, reculant contre le mur.
Mais le serpent se contenta de s'approcher du majordome qui jouait toujours de son instrument.
Il se tordait sur le sol, comme mû par les notes grinçantes qui s'échappaient de la caisse de résonance, tout en essayant de résister au charmeur qui tentait de le posséder.
Soudain, l'animal se raidit pour ensuite se laisser doucement conduire par les mouvements de la flûte. Il ondulait doucement, suivant les gestes du majordome.
Ciel soupira et se détendit devant l'attitude obéissante du reptile. C'était un premier pas.
Pourtant, si le plan devait fonctionner, il fallait que tout le monde pense que c'était le serpent qui menait Sebastian au tueur.
Tout en continuant de jouer, le démon émit de faibles mouvements circulaires et le serpent ondula de la même manière. Il avança d'un pas, balançant l'instrument vers l'avant dans un geste sec, et à la grande satisfaction de Ciel, le reptile avança. Sebastian réitéra la manœuvre plusieurs fois, plaçant un pied devant l'autre, et le serpent se faufilait devant lui.
— Il semble docile à présent, murmura Ciel, qui ne souhaitait pourtant pas s'approcher du dangereux serpent. Ils croiront que c'est lui qui nous mène à Snake et que lepungine sert qu'à le garder inoffensif.
Sebastian acquiesça puis leva une main vers la porte et l'indiqua à son maître. Le garçon hésita, puis sauta du lit, ses pieds nus glissant sur la moquette. Il ramassa le cache-œil qui avait glissé sur le sol quand Sebastian le lui avait ôté pour l'embrasser, et recouvrit son œil marqué du sceau maudit, en faisant un nœud grossier avec les fils noirs.
Il attrapa le chandelier d'argent sur la table de chevet et courut ouvrir la porte afin de faire rentrer les invités qui attendaient dans le corridor.
Une forte odeur embaumait les lieux, et Ciel plaqua sa main sur son nez et sa bouche.
La nausée lui monta aux lèvres.
Quelle odeur insupportable ! C'était sans doute cet encens que les serviteurs avaient répandu dans tout le manoir pour diriger les serpents vers sa chambre.
Combien de temps faudrait-il pour que cette odeur quitte le domaine ?
— Ce n'est pas trop tôt, grinça Charles Gray, appuyé contre le mur, une main posée sur le pommeau de son épée. À sa ceinture pendaient de longues menottes que Ciel connaissait bien, car elles avaient servi à l'entraver lorsqu'il était soupçonné du meurtre de Lord Siemens. Le majordome de la Reine fixait le jeune comte avec dédain. — On étouffait dans cette puanteur.
— Vous nous avez gratifiés de saveurs plus exquises, Comte, dit Lau avec sarcasme, tout en laissant ses yeux naviguer le long des jambes nues du garçon.
Le Comte les ignora et s'écarta de la porte pour laisser passer le reptile, secondé par Sebastian, qui jouait toujours de son maudit instrument.
— Mon Dieu, ce serpent est un monstre ! s'exclama Abberline en apercevant l'animal qui dansait sur le parquet du couloir.
—Daboia, murmura Ran Mao en se plaçant devant Lau, un poignard à la main.
— Que dit-elle ? demanda Arthur, qui sortait de l'ombre pour s'approcher lui aussi du reptile.
— Elle parle duDaboia, expliqua le Chinois. C'est une race de serpent très venimeuse, bien connue en Asie pour son caractère irritable. Du calme, Ran Mao. — Il posa une main rassurante sur la hanche fine de la jeune femme et l'attira à lui. — Monsieur Sebastian a visiblement la situation sous contrôle.
— Une mue deBlack Mambaet maintenant unDaboia, grinça Abberline. Notre tueur est un véritable amateur de bêtes rares et dangereuses.
— Vous aurez tout le temps de lui demander quand vous l'aurez attrapé, déclara Ciel d'un ton sec, coupant court à une conversation qu'il jugeait inutile. Ne perdez pas de temps, vous connaissez le plan. Le serpent vous mènera à son maître. Lorsque vous aurez attrapé le tueur, vous l'enfermerez dans la cave jusqu'à ce que nous puissions le remettre à Scotland Yard. Quand vous aurez fini, rejoignez-nous dans le salon.
— À vos ordres, Monsieur le Comte, dit Lau. Il se pencha vers sa ravissante compagne, dont il enserrait amoureusement la taille, et murmura à son oreille : — Cette soirée va être des plus intéressantes, n'est-ce pas, Ran Mao ?
Gray émit un soupir dédaigneux et se détacha du mur pour se rapprocher du petit groupe.
Sebastian leva doucement le regard vers son jeune maître qui acquiesça légèrement de la tête.
Le serpent dansait toujours, les yeux fixés sur lepungi. Le majordome commença doucement à avancer dans le couloir, suivant le reptile qui glissait doucement sur le sol, le précédant.
— Est-il déjà sur la piste du tueur ? demanda Abberline.
— Qui sait ? Suivons-le, nous verrons bien où cela nous mènera, murmura Lau.
Le garçon prit une des bougies du chandelier et la tendit à Abberline, qui alluma un autre chandelier qui était resté éteint jusqu'alors.
— Nous ne devons pas allumer les lumières pour éviter d'être repérés. Seul le petit salon où se trouvent les autres invités est éclairé.
Il donna ensuite le premier chandelier à Lau qui se mêla au petit cortège qui suivait le majordome dans le couloir obscur.
— À plus tard, Comte, dit-il en esquissant un léger signe de la main.
Les ténèbres les enveloppèrent rapidement alors qu'ils s'éloignaient.
— Souhaitez-vous vous vêtir avant que nous descendions rejoindre les autres invités, Monsieur le Comte ? demanda Abberline au jeune homme qui ne portait que sa fine chemise.
Le Comte inspira brusquement, ramené à la réalité sombre du lieu, et porta la main à son vêtement comme s'il réalisait qu'il était légèrement vêtu. Il acquiesça en direction d'Abberline, qui s'en fut dans sa chambre. La musique se faisait moins stridente et la lumière du chandelier s'évanouissait totalement.
Ciel sentit une main chaude se poser dans le creux de son dos, brûlant sa peau à travers la simple chemise. Il leva les yeux et découvrit Arthur qui le regardait, soucieux, cherchant sans doute dans les yeux du garçon une raison à son angoisse palpable.
Le garçon se ressaisit et son visage se fit de marbre. Il repoussa la main qui le caressait d'un geste sec du bras, comme si son contact lui était douloureux.
— Charmant… marmonna Arthur devant ce rejet acide du Comte.
Il ne répondit pas et détacha son regard de celui de son amant. Malgré le doux réconfort des doigts de cet homme, le garçon ne désirait pas être touché. L'heure n'était pas aux douceurs ou aux réconforts, il devait avoir l'esprit clair.
Arthur parut blessé, presque en colère, mais avant qu'il ne puisse parler à nouveau, l'inspecteur ressortit de la chambre.
— Ils reviendront sains et saufs, j'en suis sûr, ajouta Abberline en lui tendant un pantalon, une veste et des bottes que le majordome avait disposées avec soin sur une chaise près du lit. Le garçon s'empressa de les enfiler. — Un contre quatre. Cela devrait être facile.
Ciel ferma les yeux et sentit son cœur se serrer. Cela serait-il facile ? Il n'avait plus aucune certitude.
Bien sûr, il avait ordonné à Sebastian de gagner. Le démon ne pouvait que réussir. Une défaite de sa part était inenvisageable.
Mais il devait se battre contre un dieu de la mort. Un démon était-il de taille ?
Oh oui, il avait gagné la première fois, par la ruse, en rendant l'arme du shinigami inutilisable.
Mais Grell ne se laisserait pas avoir une seconde fois, il protégerait son jouet. La faux du dieu de la mort était une arme puissante et redoutable, trop dangereuse pour un démon.
Ciel se souvenait de ce bruit atroce, des vibrations monstrueuses du moteur qui faisait tourner une scie infernale, déchirant le tissu des vêtements, déchiquetant la chair. Derrière ses paupières closes, Ciel se rappelait une glaciale nuit londonienne et de la pluie qui perlait sur le manteau noir dont Sebastian l'avait recouvert. Il revoyait encore les éclaboussures de sang qui giclaient dans les airs pour retomber sur le sol en immenses flaques cramoisies.
Le sang, c'était celui de Sebastian.
Jamais Ciel n'avait vu une telle expression de douleur sur le visage épuisé de son démon, alors qu'il se tenait devant lui, chancelant, tremblant, une main crispée sur l'épaule que la lame avait déchirée.
Un peu plus tard, Madame Red gisait à ses pieds, une plaie béante creusée dans la poitrine, ses cheveux d'amaryllis baignant dans son propre sang et celui que son majordome avait versé.
Ciel revoyait Grell arracher le beau manteau rouge au cadavre de la jeune femme et le passer avec arrogance sur ses épaules.
Le garçon serra les poings. Le portait-il ce soir, ce manteau que Madame Red arborait si bien ?
— Êtes-vous prêt, Comte ? demanda Abberline alors que le garçon finissait de boutonner sa veste bleue.
Inspirant profondément, Ciel inspecta son apparence, lissant son costume. Il avait su se rendre présentable sans la présence de Sebastian, un exploit sans aucun doute, même s'il ne voulait pas se l'avouer. Mais, regardant ses mains, il se rendit compte que quelque chose lui manquait.
— Mes bagues, murmura le Comte, et il partit dans la chambre, suivi d'Abberline, qui l'éclairait à la lumière des bougies.
Ciel prit le sceau des Phantomhive sur la table de nuit, le plaça à son doigt, puis tendit la main vers la bague à la pierre bleue, la bague de ses ancêtres qu'il avait ramassée dans le sang, le symbole de sa vengeance.
La regardant, le garçon étouffa un rire grave, nerveux, consumé. Tant de choses restaient à venir, tant étaient à accomplir avant que cette bague n'entende son dernier souffle.
Il la plaça à son pouce et en ressentit le poids sur son cœur, tout autant que sur sa main. Tout lui sembla d'une sensiblerie ridicule. Le chemin qu'il avait emprunté était parsemé de ronces meurtrières. Du sang souillerait ses mains, d'autres morts s'amoncelleraient devant son trône. Et, malgré sa souffrance grandissante et ses pertes écrasantes, il n'avait plus le choix. Son destin était scellé depuis trois ans, le jour où il avait décidé de survivre.
Pouvait-il aujourd'hui se permettre d'être inquiet pour un démon, un être vil et cruel ?
Oh, qu'il devenait faible. Il se méprisait lui-même.
Aimer une bête ? Pas le Comte Phantomhive.
Sebastian était à ses côtés pour qu'il puisse assouvir sa vengeance en échange de son âme. Rien de plus. Il lui avait promis sa mort, tels étaient les termes morbides du contrat.
Au diable les sentiments humains et son besoin de caresses interdites. Sebastian était son pion. Son cavalier. Il le placerait où bon lui semble, peu importe ce qu'il lui arriverait. Pourquoi hésiter ? Il n'aurait pas plus de pitié pour Sebastian que celui-ci n'en aurait au moment de prendre son âme.
Il porta sa main baguée à son visage, effleurant ses lèvres de ses doigts. Le goût de son démon était toujours sur sa bouche, une douceur amère, insupportable, empoisonnée. Et devant lui, son propre lit aux draps défaits où Sebastian l'avait touché et embrassé. Il tressaillit, troublé par la texture honteuse et exquise du souvenir, et il porta la main à sa poitrine. Il lui sembla que respirer devenait difficile. Ces derniers jours lui avaient donné l'illusion d'un bonheur qu'il avait abandonné, sous l'apparence des caresses sensuelles d'un homme et de la révélation déshonorante d'un désir interdit pour un démon. Il n'avait droit ni à l'un ni à l'autre.
Quelle qu'en soit l'issue, sa fin serait tragique. Il lui fallait pourtant décider ce qu'il devait faire du temps qui lui était imparti.
— Tout va bien, monsieur le Comte ? demanda Abberline qui se tenait toujours derrière lui.
Ciel acquiesça doucement, sans se retourner, et grimpa à genoux sur le lit. Il glissa sur les draps pour atteindre son oreiller, passa la main dessous et attrapa l'arme qu'il y cachait.
La serrant dans sa main, il en ouvrit le barillet. Il comptait toujours six balles, chargeur plein. Il n'avait jamais eu à tirer dans sa propre demeure. Il doutait que le revolver puisse lui être utile contre les adversaires qui hantaient maintenant son manoir. Mais il se battrait jusqu'au bout, et cela était maintenant son unique et inébranlable certitude. Il referma le barillet et plaça l'arme dans son dos, la coinçant dans sa ceinture.
— Allons-y, dit le Comte, en passant devant l'inspecteur. Sa voix était ferme, glaciale.
Arrivé dans le couloir, Abberline tendit le chandelier à Arthur et défit son manteau qu'il plaça sur la tête de Ciel, l'emmitouflant.
— Avec mon manteau sur vos épaules, votre odeur sera moins décelable par les serpents, expliqua l'inspecteur avec douceur.
Ciel fut troublé par cette intention soudaine, car il se souvenait que Sebastian avait eu le même geste à son égard. Sans mot, il acquiesça, voulant faire taire son cœur.
— Ils nous attendent, s'enquit Abberline, en poussant doucement le Comte d'une main rassurante. Tu viens, Arthur ?
Mais l'écrivain, absent, regardait en direction de l'ombre où le groupe avait disparu un moment plus tôt.
— Allez-y, dit-il enfin, en attrapant une des bougies du chandelier avant de le rendre à Frederick.
Ciel sursauta malgré lui. Que voulait-il dire ?
— Vous ne venez pas avec nous ? demanda le Comte, choqué.
— Non.
Couloirs du Manoir
Alors qu'ils traversaient les nombreux couloirs de la demeure, Sebastian jouait toujours de son instrument de musique, faisant zigzaguer le serpent devant la petite foule, sans savoir réellement où il devait aller. Il tendait l'oreille, cherchant des bruits inconnus qui n'appartenaient pas au domaine. Pourtant, il était presque certain que Snake n'avait pas pénétré dans le manoir, ou du moins, pas dans les pièces principales.
La cave peut-être ? Ou le jardin ? Il devait sortir du château. Bénis soient les enfers, ils étaient presque arrivés à la porte principale. Sebastian espérait que cette mascarade puisse prendre fin rapidement.
— Cette satanée flûte me casse les oreilles ! grogna Charles Gray.
Le majordome prit une profonde inspiration entre deux mesures mélodieuses. Il exécrait cet homme prétentieux. Le démon pressentait que l'homme vêtu de blanc serait la source de menaces qu'il ne pouvait pas encore imaginer. Il observait sa stature droite, son air dédaigneux. Dans son jeune corps, il nourrissait le désir de voir la chute du Comte Phantomhive. Sebastian se demanda ce qui pouvait avoir créé une telle animosité envers son jeune maître, mais la réponse lui importait peu. Si le Comte se révélait être une menace, il serait ravi d'écraser son crâne contre un mur et d'en arracher les mèches blondes.
Un son lui parvint de l'étage au-dessus. Il reconnut le pas léger de Mei rin. La jeune femme était en chasse, cherchant Grell pour lui. Il ne devait pas être loin, pourtant Sebastian ne percevait pas encore sa présence. Le shinigami était tout près, il en était certain. Sutcliff n'aurait pas laissé son nouveau jouet venir seul et il ne l'aurait pas non plus laissé s'introduire dans le manoir, où Sebastian aurait pu lui briser la nuque à tout moment. Non, Snake était caché et attendait, laissant ses reptiles accomplir sa vengeance.
Où était le jeune maître ? Sebastian tendit l'oreille. Il lui sembla entendre le pas feutré de Ciel dans les couloirs menant à ses appartements. Il n'était pas dans le salon avec les autres invités, une pièce où les bouches d'aération étaient calfeutrées et où il aurait été protégé du danger. Pourquoi n'était-il pas encore à l'abri ?
Sebastian se maudit en silence. Il aurait dû emmener Ciel avec lui. Il n'était pas en sécurité avec ces deux beaux parleurs. Malgré tous ses talents de manipulation, le jeune maître avait peu de pouvoir sur ces « âmes de bonne volonté ». Et si Grell le trouvait…
Les paroles d'Undertaker lui revinrent en mémoire.
« Mais Grell Sutcliff se moque bien du garçon. Ce qu'il désire vraiment, c'est vous blesser. C'est pourquoi il veut que le Comte meure. »
« Lors de votre rencontre, il a compris que le Comte était plus important que votre propre vie. »
Plus que sa propre vie ? Cela était évident. C'était dans leur contrat. Selon les termes maudits, Sebastian devait protéger son maître quoiqu'il puisse lui en coûter, car il appartenait à Ciel, son corps comme son âme. C'était le contrat, tout cela était dans le contrat, rien de plus.
Sebastian se souvenait de sa rencontre avec Grell et de l'hésitation de Ciel. De Madame Red.
Il était piégé contre le mur, la pierre rugueuse et froide raclant son dos, la lame de la faux diabolique de Grell dans ses mains à quelques centimètres de sa peau. Et Ciel ne bougeait pas. Il l'appelait, mais il ne bougeait pas. Et cette femme, cette femme qui l'étranglait, qui serrait sa gorge tendre et brandissait son poignard.
Une douleur soudaine avait embrasé sa poitrine et entaillé le gouffre de son cœur. Une peur soudaine l'avait saisi, brutale et douloureuse, si insupportable qu'il avait laissé la lame du shinigami lui trancher le bras. Mais le garçon l'avait arrêté, lui demandant la vie sauve pour sa tante.
Pourquoi n'avait-il pas tiré ? Pourquoi refusait-il la mort d'Arthur ?
Il hésite…,pensa Sebastian en fermant les yeux.Il hésite et c'est dangereux. C'est quand il hésite que je pourrais le perdre.
« Perdre Ciel », c'était évidemment inenvisageable au vu de ses valeurs esthétiques démoniaques. Mais l'idée était également… insoutenable, presque étouffante.
Éclaircissant ses esprits, Sebastian effaça toutes pensées inutiles et prêta l'oreille. Un bruissement de feuilles, des murmures des invités venant de l'étage en dessous, un oiseau de nuit qui hurlait dans les jardins, les battements de cœur de son maître…
Soudain, un son plus fort attira son ouïe : des sifflements, nombreux. Un rassemblement de serpents et un souffle humain… venant de la serre. La serre ! C'est donc là que s'était réfugié Snake.
Il indiqua la porte d'entrée aux personnes qui l'accompagnaient et Ran Mao se précipita pour l'ouvrir. L'air frais et humide du jardin pénétra dans le manoir, adoucissant l'affreuse odeur lourde de l'encens.
Lorsqu'ils sortirent du château, Sebastian fit exécuter un mouvement du serpent vers le bâtiment vitré et décréta que la comédie était terminée. Il jeta la flûte à terre, il avait assez joué, le combat s'engageait enfin :
— Il est dans la serre.
Le serpent, libéré de sa prison sonore, siffla avec fureur et Sebastian écrasa sa tête du talon qui explosa dans un craquement sec.
Couloir du Manoir, 2ème étage
La jeune femme vêtue de noir errait dans un couloir obscur. Elle regarda par la fenêtre et vit le majordome se diriger vers le bâtiment de verre.
— Monsieur Sebastian va dans la serre, murmura-t-elle en faisant glisser ses doigts gantés sur la vitre glacée. Ce n'est donc pas là qu'est notre souris.
Finni apparut alors, courant presque pour venir à sa rencontre.
— Rien, affirma le garçon dans un haussement d'épaules.
— Rien non plus dans les sous-sols et la cave, ajouta Bard qui arrivait à sa suite. Il ne reste que le toit.
Mei rin hocha de la tête, releva ses lunettes sur son front et ouvrit la fenêtre. Elle grimpa sur le rebord, jaugea la hauteur et la distance jusqu'au toit. Bard monta à son tour, s'accroupit sur la bordure et croisa les doigts pour faire la courte échelle à la jeune femme. Celle-ci prit appui sur ses épaules et se laissa porter par l'ancien militaire.
— Bonne chance, Mei rin, entendit-elle Bard lui murmurer alors qu'elle atteignait la corniche et montait sur le toit.
Dans la nuit noire, la jeune fille partit en chasse sur le faîte du Manoir des Phantomhives.
Couloir du Manoir, 1er étage
— Pardon ? s'enquit Ciel en jaugeant le jeune écrivain qui le regardait avec arrogance.
— Vous avez très bien entendu, monsieur le Comte, répondit Arthur avec calme. Je ne me joindrai pas à vous dans le petit salon. Il y a encore des questions auxquelles je n'ai aucune réponse, et je n'ai pas l'intention de passer à côté des indices que pourra m'apporter l'enquête que je compte effectuer à partir de maintenant.
Trahi, Ciel se sentit bouillir de rage. Comment cet homme pouvait-il se montrer si obtus dans un moment si périlleux, alors que leurs vies étaient en danger ?
— Vous ne parlez pas sérieusement…
— Frederick, dit Arthur, en se tournant vers son ami qui restait perplexe aux côtés du jeune homme, qui parut outré de se voir ignoré ainsi. Tu devrais conduire le Comte dans le petit salon où il est attendu. Je vous rejoindrai un peu plus tard.
D'abord confus, Abberline acquiesça et posa la main sur l'épaule du garçon, qui ne quittait pas le jeune médecin des yeux.
— Venez, Comte, insista-t-il.
— Ne me touchez pas ! cria le garçon en repoussant brusquement la main de l'inspecteur. Le manteau glissa de ses épaules et tomba au sol. Il regardait son amant, tremblant presque de rage.
— Tu fais une grave erreur, Arthur, grinça-t-il, menaçant malgré sa posture frêle.
— Ce ne sera pas la première, répondit l'écrivain avec un sourire, posant une main sur son cœur, à l'emplacement où Sebastian l'avait blessé.
— Inspecteur Abberline, dit Ciel d'un ton autoritaire. Retournez au salon.
L'officier de la couronne fit un geste pour objecter, mais le jeune homme continua d'une voix égale :
— C'est un ordre du Limier de la Reine. Je pense que ni Sa Majesté ni Lord Randall n'apprécieront que vous ayez fait échouer une interpellation par désobéissance !
— Et vous, monsieur le Comte ? demanda Abberline, après une courte hésitation.
— Je m'occupe de raisonner notre ami.
Abberline fronça les sourcils et serra les poings, visiblement agacé par le déroulement des événements. Étouffant péniblement un râle de mécontentement, il attrapa son manteau qui traînait sur le sol.
— J'espère que l'un de vous sait ce qu'il fait, grommela-t-il avant de partir seul en direction du petit salon.
Les deux amants restèrent seuls dans le couloir obscur. Ciel regardait Arthur allumer une lampe-tempête, une lampe à pétrole transportable, protégeant la flamme du vent à l'aide de la bougie qu'il avait prise.
— Tu avais tout prévu, remarqua Ciel en secouant doucement la tête, désabusé, se maudissant silencieusement de n'avoir pas su prévoir le comportement de l'écrivain.
— Pas vraiment, répondit Arthur en réglant doucement la hauteur de la flamme à l'aide de la goupille. J'ai demandé à ton jardinier de me l'amener dès que nous sommes sortis de ta chambre. Je ne savais pas encore ce que je comptais faire, mais je pensais en avoir besoin si je devais parcourir seul le manoir.
— Que puis-je dire pour que tu acceptes de me suivre ? demanda soudain le garçon.
— Tu ne me feras pas changer d'avis.
— Tu ne sais pas ce que tu risques, Arthur.
— Oh ! Tu as peur que je meure ? s'enquit-il avec un sourire charmeur.
— J'ai peur que tu agisses avec stupidité, que tu fasses échouer le plan et que quelqu'un soit blessé parce que tu n'as pas voulu obéir.
— Quand tu dis "quelqu'un", tu penses à Sebastian, n'est-ce pas ?
Ciel grimaça et se détourna, ne désirant pas répondre.
Sebastian… Oui, c'était pour Sebastian qu'il avait peur. Il devait se mettre rapidement à l'abri pour que Grell ne le trouve pas et que le démon puisse l'affronter sans que le Comte soit un fardeau pour lui. Mais il ne pouvait abandonner l'écrivain au risque que celui-ci croise le shinigami.
Il pensa un instant à ce que Grell pourrait faire d'Arthur. Il voyait la faux du shinigami transpercer sa poitrine, l'embrochant sans effort. Il imaginait Grell regardant la lanterne cinématographique de son amant, alors que la vie quittait son corps, savourant les images de ses souvenirs et de son existence, se délectant de ses moments intimes et des instants où Arthur l'avait touché, embrassé, aimé. Il voyait clairement le meurtrier de sa tante glousser de plaisir et d'orgueil en déchiquetant le corps de l'homme qui l'avait porté à l'extase, se régalant des images de Ciel gémissant de plaisir.
Le garçon eut soudain envie de vomir, et il se blottit, repliant ses bras contre son propre corps pour se protéger des terribles images qui défilaient dans son esprit. Il ne pouvait supporter cela. Arthur ne devait pas se trouver face à lui.
Il leva les yeux vers le jeune écrivain qui le regardait toujours, surpris de cette soudaine fragilité que montrait le Comte. D'abord honteux, le garçon voulut en tirer avantage.
— Tu ne veux pas aller dans le salon, dit-il doucement en s'approchant.
Arthur ne bougeait pas, observant silencieusement le jeune homme qui avançait vers lui. Le Comte tendit la main et prit la sienne, entrelaçant leurs doigts.
— Alors, reste ici, avec moi.
Il porta les doigts de l'homme à ses lèvres douces et embrassa tendrement ses phalanges. Arthur retira sa main de la sienne, mais seulement pour la poser sur la hanche du jeune homme, l'obligeant à reculer contre le mur. Ciel retint son souffle alors qu'Arthur plaquait son corps contre le sien, l'emprisonnant contre le mur, l'écrasant de sa hauteur et de sa stature, l'enveloppant de chaleur. Le garçon leva les mains vers son visage, caressant ses joues, plongeant les mains dans ses cheveux noirs, soutenant son regard fiévreux. Doucement, il attira l'homme à lui tout en levant son visage vers le sien, proposant ses lèvres. Et sans aucune résistance, Arthur l'embrassa, cajolant sa langue de la sienne, dévorant son corps de ses mains, en une étreinte si familière. Ciel finit par briser le baiser, reprenant son souffle tandis qu'Arthur posait son front contre le sien avec douceur.
— Tu restes ? demanda Ciel dans un soupir, voulant l'attirer vers la porte de sa chambre, vers son lit déjà défait.
Arthur sourit, déposa un autre baiser sur ses lèvres et murmura contre sa peau :
— Non, merci.
Surpris et furieux, Ciel plaqua ses deux mains sur la poitrine de son amant et le repoussa violemment, humilié.
— Imbécile ! cracha-t-il.
Arthur se mit à rire devant le visage rouge de colère du Comte.
— Aller jusqu'à me demander de coucher avec toi pour m'empêcher de partir… Tu attises vraiment ma curiosité.
Mais son sourire s'évanouit rapidement, remplacé par une moue de dégoût et de tristesse.
— Me crois-tu stupide ? Me crois-tu si faible ? Je suis désolé de te décevoir, mais ni mon amour ni mon désir pour toi ne m'ont rendu idiot.
Ce fut le tour de Ciel de rire, un rire triste, désenchanté et mélancolique.
— Idiot ? Non, jamais je ne t'ai cru idiot. Mais je t'ai sous-estimé. Je t'ai trop sous-estimé.
Ciel se mordilla la lèvre, encore gonflée et rouge du baiser.
— D'accord, murmura le garçon en dressant ses mains devant lui, comme pour raisonner le jeune homme tout en apaisant sa propre colère. Tu n'as pas besoin de faire cela. Si tu veux des réponses, je te les donnerai.
— Tu me mentiras.
Avant que le Comte ne puisse le contredire, il ajouta : — Il faut que je sache, Ciel ! Je ne peux faire autrement, tu comprends cela ? Je n'ai pas le choix.
— Oh oui, je comprends ! Je sais ce que c'est de ne pas avoir de choix ! C'est toi qui te trompes, qui ne te rends pas compte que tu as ce que je n'aurai jamais plus ! Un avenir et un libre arbitre ! Tu as une famille, une vie, du talent, tout ce que j'ai perdu ! Pourquoi veux-tu tout gâcher ?
— C'est à cause de toi !
Ciel se figea, tremblant, et Arthur continua :
— Est-ce ma faute si le monde a pris une autre couleur, si ce que je croyais impossible est maintenant à portée de mes mains, aussi proche de moi que la douceur de tes bras ? Penses-tu que je puisse oublier les instants que j'ai vécus dans ce manoir ? Non, j'ai vu des choses ici. Et je veux savoir si je les ai imaginées ou si elles sont réelles. Je veux savoir si je deviens fou. Je veux la vérité !
— Ta précieuse vérité ! cracha Ciel, hors de lui. Elle ne t'apportera rien. Si tu pars, il te tuera, ce meurtrier que tu veux tant voir. Tu ne sais pas ce qu'il est ! Il t'éventrera pour me blesser, il t'arrachera la vie avec autant de facilité que si tu étais un insecte. Et il aimera te regarder mourir ! Il aimera voir tous tes souvenirs, tes douleurs, et il trouvera cela jouissif !
— Comment pourrait-il voir mes souvenirs ? demanda lentement Arthur.
Ciel se tut. Il en avait trop dit. Chacune de ses paroles ne faisait que gonfler la passion romanesque de l'écrivain. Ses épaules s'affaissèrent dans un élan d'épuisement. Il se demanda soudain depuis combien de temps Arthur et lui se querellaient dans ce couloir, et il se rendit compte que sa cause était perdue.
À un moment au cours de la partie, la pièce était sortie de l'échiquier et il réalisa avec tristesse qu'elle n'était plus son pion. Il ne pouvait contrôler Arthur.
— Tu ne céderas pas, murmura Ciel sans poser de questions. Il se sentait fatigué, mélancolique, mais malgré la faiblesse qui assénait son cœur, il devait agir.
Brusquement, il passa la main dans son dos, sous sa veste, et en sortit le pistolet, l'arma, et le pointa sur Arthur. Celui-ci se figea, son regard passant de l'arme au garçon qui le visait.
— Nous t'avons laissé tellement de chances. Je voulais que tu vives ! dit Ciel, et il lui sembla que sa voix tremblait. Mais tu ne me laisses pas le choix parce que tu refuses de suivre les règles que je fixe, Arthur !
— Je n'ai pas à suivre tes règles, je ne suis pas ton pion. Ce n'est pas un jeu !
— Oh si, c'est un jeu. C'est une grande et formidable partie d'échecs.
Ciel inspira doucement, fébrile, et murmura dans un souffle :
— Et tu n'y as plus ta place.
Son doigt était sur la détente, son bras tremblait, mais maintenant il ne pouvait plus reculer.
À sa grande surprise, Arthur avança vers lui, face à l'arme. Ciel cessa de respirer et sa poitrine se fit douloureuse, comme enveloppée de ronces. À travers ses yeux troubles, il vit Arthur attraper le canon du pistolet et le placer sur son cœur.
— Vas-y, murmura-t-il. Tire !
Serre du Manoir
Ils ouvrirent brusquement la porte de la serre. La faible lumière du chandelier se reflétait sur les vitres où les ombres des plantes semblaient être des griffes menaçantes. Rien. Pas un bruit. Pas une respiration.
Lau et sa compagne pénétrèrent les premiers, Charles Gray les suivait, l'épée en garde devant lui. Ran Mao marchait légèrement devant son maître, le protégeant de son corps en brandissant deux sabres courts. Sebastian resta à l'entrée, fouillant de son regard perçant la sombre demeure de verre.
Soudain, un serpent surgit de l'obscurité. Ran Mao attira Lau sur le côté pour éviter que les crocs empoisonnés ne l'atteignent, juste avant que Charles Gray ne lui tranche la tête d'un coup d'épée. Alors qu'ils contemplaient le reptile immobile dans une flaque de sang, une voix glacée leur parvint des ténèbres.
— Vous avez tué Emilie. Vous allez le payer, dit Oscar.
Des sifflements de serpent, par dizaines, se firent entendre dans toute la salle, les encerclant. Le groupe se mit dos à dos, prêt à recevoir une attaque, mais celle-ci ne vint pas.
Un homme leur apparut. Le tueur enfin à découvert ! Un jeune visage dont la peau était semblable aux écailles des serpents qui s'enroulaient amoureusement autour de son cou, de ses bras et de ses jambes.
— Alors c'est toi le monstre qui hante le domaine ? grinça Gray en le désignant de son épée.
— Malgré les apparences, Monseigneur, le monstre, ce n'est pas moi, dit Keats.
Ran Mao chargea sur le garçon, qui battit en retraite alors que ses serpents passaient à l'attaque. La jeune femme évita de peu les crocs d'un black mamba effrayant, tandis qu'un autre enroulait sa queue autour de sa gorge fine, menaçant de l'étrangler. Lau planta une longue aiguille dans la tête du serpent, le transperçant, et libéra la jeune femme qui s'attaqua aux autres bêtes qui glissaient vers leurs jambes.
Charles Gray abattait sa lame sur les reptiles, avançant vers l'homme qui commandait aux serpents. Celui-ci reculait, la sueur commençait à perler sur son front alors que le Comte arrivait sur lui. Il tenta de battre en retraite, disparaissant derrière les plantes, avançant accroupi pour échapper aux yeux de ses adversaires alors qu'ils se débattaient avec les reptiles. Il lui fallait atteindre la porte, retrouver le shinigami.
De l'air froid caressa sa joue à travers les feuilles du figuier pleureur qui le cachait. Il ne devait pas être loin de l'entrée. Un dernier effort, une course furtive, et il serait libre. Il inspira à fond et sortit de sa cachette, se précipitant vers les portes de verre ouvertes.
Mais alors qu'il était sur le point de les atteindre, un coup violent lui fut porté à la base du crâne et il s'écroula à terre. Il aperçut l'ombre d'un homme au manteau en queue de pie, puis tout s'évanouit.
Snake ouvrit péniblement les yeux, mais il ne put voir. Son crâne était douloureux. Ses poignets le faisaient souffrir. Des couleurs apparurent, floues. Des voix autour de lui. Il essaya de bouger, mais c'était impossible, des chaînes l'entravaient. La vue lui revint doucement et il aperçut enfin les hommes qui le tenaient à leur merci.
Il reconnut Black, affairé à faire un nœud avec chaque serpent et les enfermer dans une des caisses de bois trônant dans la serre.
— Il semble que notre invité a repris connaissance, entendit-il dire. Il se souvenait de la voix du Chinois aux vêtements bleus amples.
— Le shinigami aura ta peau, démon. Ou du moins celle de ton maître, dit Shakes, murmura Snake, son regard luisant d'une malice meurtrière. Sa voix était grave. Il lui semblait sentir le goût de son propre sang dans sa bouche.
Sebastian esquissa un sourire et s'approcha du jeune garçon. Il posa un genou à terre et se pencha pour murmurer à son oreille. Ses cheveux chatouillaient la peau reptilienne.
— Tu devrais tenir ta langue de serpent, si tu ne veux pas que je te l'arrache.
Une douleur aiguë apparut à l'arrière de sa tête et, à nouveau, tout devint noir.
Sebastian contemplait le corps inanimé de Snake allongé sur le sol. Il valait mieux le garder endormi. Le majordome ne souhaitait pas souffrir les viles menaces de leur hôte impromptu et il ne voulait pas non plus que d'autres l'entendent les proférer. Il lui fallait partir à présent. Il s'approcha du Chinois qui nettoyait ses aiguilles tachées du sang des serpents avec des tissus blancs.
— Lau, j'ai besoin que vous vous occupiez de notre invité surprise, dit-il, gagnant un sourire enchanté et intéressé de son interlocuteur. J'ai peur qu'il ne parle trop. Surtout à Charles Gray. Il pourrait dire des choses dangereuses pour le jeune maître.
— Vous partez ? s'enquit l'Asiatique d'un ton faussement surpris.
— Une affaire urgente.
— Il me semblait bien que votre logique avait des failles, mais vous connaissant, ces incohérences cachaient forcément des mystères admirables.
Lau essuya à nouveau la longue aiguille acérée et, la regardant, il murmura :
— Partez tranquille. Il ne parlera pas.
Le majordome s'inclina légèrement et sortit rapidement de la serre, l'instinct aux aguets, à la recherche de la véritable menace.
Toits du Manoir Phantomhive
Malgré les nuages sombres qui emplissaient le ciel en cette nuit lugubre, la lune pleine parvenait à percer les ténèbres et à éclairer la terre. Mei Rin profitait de ces éclaircies furtives et bénies pour parcourir des yeux son nouveau terrain de chasse. Dans une combinaison noire, ses doubles pistolets accrochés à des ceinturons enroulés autour de ses cuisses, la jeune femme courait sur les toits, escaladait les montées de tuiles et se cachait derrière les cheminées.
— Où es-tu, petite souris ? murmurait-elle alors qu'elle glissait le long d'une pente pour atterrir sur l'aile nord du château, au centre du manoir. Où es-tu dans ton beau manteau rouge ? Où te caches-tu dans la nuit ?
Cela faisait presque une heure qu'elle cherchait ainsi le tueur mystérieux et, jusqu'ici, aucune piste, aucun signe. Elle leva son regard vers le ciel. Les nuages se rassemblaient encore. Il allait à nouveau pleuvoir. L'air était épais, l'humidité du sol s'élevait dans l'atmosphère qui devenait plus étouffante, et le vent la faisait frissonner. Peu importait ! Elle ne pouvait pas échouer, c'était son devoir, en tant que servante de la famille Phantomhive. Elle se devait de protéger le manoir, de protéger le Jeune Maître.
Alors qu'elle s'apprêtait à revenir sur ses pas pour recommencer sa ronde, elle aperçut une forme sombre, assise sur une des cheminées de l'aile est. Elle s'accroupit, se cachant derrière la pente d'un toit. La jeune femme s'allongea à plat ventre contre les tuiles glacées pour se dérober aux regards curieux qui pourraient la surprendre. Elle plissa les yeux.
C'était un homme, un homme qui arborait de longs cheveux rouges. Il portait un costume trois-pièces élégant et son col était fermé par un ruban pourpre. À ses côtés, contre la cheminée de briques, reposait un étrange instrument. On aurait dit une arme commandée par Bard, en provenance de son pays, une sorte de scie ovale particulièrement aiguisée. L'homme caressait doucement l'appareil de sa main gantée, le regard posé dans le vide, en direction de la serre.
Malgré les lunettes qui barraient son visage, l'inconnu avait un air familier, mais Mei Rin ne parvenait plus à se souvenir où elle avait aperçu ce visage. Le souvenir d'un serviteur maladroit et timide, peut-être ? Elle ne savait plus.
Mais ce manteau rouge, immaculé, aux coutures parfaites... Oui, un parfait complet pour Madame Red.
Il s'agissait bien du tueur que recherchait Sebastian. Glissant sur le sol, elle rampa en silence jusqu'au bord du toit. La fenêtre en contrebas était restée ouverte.
— Bard, Bard... murmura-t-elle.
Le serviteur à tête blonde passa la tête par la fenêtre, un mégot de cigarette fumant pincé entre ses lèvres.
— Il est là ! dit la jeune femme en indiquant la cachette de l'intrus. Va chercher Sebastian.
Bard acquiesça et disparut. Mei Rin se redressa légèrement et retourna sans bruit à son poste d'observation. Elle releva la tête et regarda au loin... mais l'homme avait disparu !
— Mais où est-il passé ? soupira-t-elle entre ses dents, alors qu'elle portait une main à son pistolet.
Ce fut une voix railleuse qui lui répondit :
— Derrière toi... !
Fin du Chapitre 9
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Notes d'Autrice :
Meir in va-t-elle survivre ? Ciel va-t-il tirer ?
Sebastian arrivera-t-il à temps ? Que va faire Lau à Snake…. ?
Vous avez la possibilité de voter pour chacune possibilité sur votre boitier… non non je rigole !
Non sérieux, j'espère que ce chapitre vous a plu et que vous me pardonnez cette longue longue attente.
Alors oui j'ai pensé au révolver en voyant l'un des derniers chapitres du manga, je trouve que Ciel est adorable quand il est armé. Mais là, il s'agit de l'arme qu'il braque sur Sebastian dans le chapitre 14.
Lau regarde les jambes nues de Ciel car pour moi… il a un regard très ambigu sur le jeune garçon. Je pense que Lau est un personnage vraiment très intéressant et j'aimerai lui laisser plus de place dans l'histoire seulement… c'est l'un des rares personnages de Kuro que je ne comprends pas du tout !
La lampe à pétrole et surtout la lampe tempête a été inventé dans les années 1850… ce qui m'a fait plaisir parce que j'en avais marre de les voir ce déplacer avec des chandeliers. Enfin une lampe sympa au 19ème !
J'ai adoré rentrer un peu dans le personnage de Mei rin !
Pour ce qui est de Grell… je le montre sous un jour un peu sombre, j'en fais un vrai psychopathe alors que (soyons honnête) on aime tous Grell… parce qu'on le voit comme un allié futur de Sebastian et Ciel comme dans l'anime. Mais du point de vue de Ciel dans le manga, c'est sans doute l'un des pires personnages qu'il a rencontré et le seul être dont Sebastian n'a pas totalement vaincu. Dans le chapitre 56 du manga qui va bientôt sortir, je pense que la rencontre Grell/Ciel sera difficile pour le jeune garçon. Selon Yana Toboso, Grell est vraiment l'un des plus puissants shinigami qui existent. Je pense donc que lorsque sa faux est utilisable, un démon peut perdre…
Heu je crois que c'est tout…
