Et bien continuons à suivre les péripéties de notre sorcier-héro. Tous les habitants de Perchelune sont-ils assoiffés de sang ?
Perchelune, nous l'avons dit, était un bourg aux mille facettes.
Les Perchistelunés, fiers habitants dudit bourg, se révélaient de fiers conteurs pour louer la beauté et la grandeur de leur lieu de villégiature.
Le climat était, parait-il, idéal. Ni trop froid ni trop tiède. Les nuages étaient paresseux et duveteux, le sol produisait peu de légumes mais énormément de fruits, et il neigeait pendant 14 jours très précisément chaque hiver, c'est à dire deux à trois fois par an.
Selon quelques légendes tenaces il se racontait au coin du feu qu'un jour William Blake, tout juste sorti victorieux de son effroyable combat avec la Cour, se serait accordé un moment de repos dans une petite vallée entourée de montagnes majestueuses.
Cela n'avait aucun lien avec Perchelune qui n'existait ni de près ni de loin à cette époque, et se serait située de toute façon à une distance prodigieuse du lieu de repos de l'auguste Archon.
Pourtant, ce lieu aussi bien luné par le nom que mal par les circonstances, ne manquait pas de raisons d'être héroïque.
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Harry, toujours perdu dans ses réflexions, suivit mécaniquement. Tandis qu'ils s'approchaient, le forgeron levait une large lame au fil étincelant pour l'inspecter à la lumière. Verte-Panse brisa le silence d'un ton familier.
« Marteau-Souriant, toujours à l'œuvre, même après un spectacle pareil. Rien ne te déstabilise, on dirait. »
Le forgeron releva enfin la tête, révélant un visage buriné, encadré par des mèches de cheveux grisonnants plaquées de sueur et de poussière. Un sourire tranquille, presque ironique, se dessina sur ses lèvres. Il posa la lame avec soin avant de s'essuyer les mains sur un chiffon usé.
« Marteau-Souriant, hein ? » dit-il avec un ricanement discret. « Tu es en retard, mon vieil ami. On m'appelle Cendrier maintenant, paraît-il. Rapport à la poussière de forge, je suppose. Quelle imagination, ces gens… aussi fine que leur soif de violence. »
Il désigna d'un geste désinvolte le chariot chargé d'outils ensanglantés.
« Que ce soit sur un champ de bataille ou dans une arène, ils veulent du sang. Moi, je ne fais que fabriquer les outils. Eux, ils décident de ce qu'ils en font. »
Ses yeux se posèrent sur Harry, observant le jeune homme de haut en bas. Ce regard scrutateur, mais curieux, sembla sonder bien plus que la surface.
« Encore un de tes protégés, Verte-Panse ? » demanda-t-il en haussant un sourcil. « Celui-là semble avoir plus de consistance que le dernier Hobbe que tu nous as présenté… mais il a un sacré regard vide. Voilà un jeune homme qui se pose trop de questions, dirait-on. »
Verte-Panse esquissa un sourire en coin et leva une main dans un geste théâtral de présentation.
« Harry, voici Tovald, dit le Cendrier, forgeron et fournisseur officiel de beaucoup de mes petits besoins. Un artisan hors pair… et un homme à l'esprit affûté comme ses lames. »
Tovald fit un signe de tête poli mais resta silencieux, attendant que Verte-Panse continue.
« Et voici Harry, » reprit Verte-Panse. « Il est… en quête d'une voie. » Il posa une main sur l'épaule du jeune homme. « Il voyage avec moi. Aujourd'hui, il a découvert une facette de la justice qu'il n'avait jamais envisagée. Ce qu'il a vu ici… ravive des souvenirs douloureux. »
Tovald hocha la tête lentement, son expression devenant plus grave.
« Je vois. Un homme qui réfléchit à la justice est déjà plus honnête que la foule qui se repaît de la violence. » Il regarda Verte-Panse avec un soupçon d'inquiétude. « Et toi, qu'attends-tu de moi cette fois ? »
- Rien de bien compliqué, » répondit Verte-Panse avec un sourire apaisant. Nous avons besoin de ton hospitalité pour reprendre notre souffle. Harry doit digérer ce qu'il a vu. Moi, j'ai besoin de m'asseoir et de reposer mes vieux os.
Tovald croisa les bras, observant un moment le duo avant de se détendre.
- Tu sais bien que tu es toujours le bienvenu. Venez, il y a de la soupe chaude à la forge, et peut-être même un pain qui n'a pas encore durci. Quant à toi, Harry… il faudra que tu me racontes ta version de ce que tu cherches. On verra si ton voyage mérite ses tourments.
Il se leva : « Ma femme et mes enfants seront ravis de rencontrer un nouvel invité, »
Ils quittèrent la place du village et prirent un chemin sinueux menant à la maison du forgeron. La demeure, adossée à la forge, était simple mais robuste, construite en pierre grise. L'air était saturé de l'odeur du charbon et du fer chauffé, mais en s'approchant, Harry remarqua une lumière chaude filtrant par les fenêtres, dénotant un intérieur bien plus accueillant que la façade austère.
En entrant, Harry fut immédiatement frappé par la chaleur de la maison, à la fois littérale et figurative. Le contraste était saisissant : à l'extérieur, la forge ronronnait doucement, témoignant de l'effort physique et de la rigueur artisanale. À l'intérieur, la maison était un véritable kaléidoscope de couleurs et de textures. Des peintures vives couvraient les murs, certaines abstraites, d'autres représentant des scènes naturelles ou des visages expressifs. Des étagères débordaient de pots de peinture, de statuettes de glaise en cours de séchage, et de pinceaux encore humides, déposant de petites taches colorées sur les meubles environnants.
Harry laissa son regard vagabonder sur une sculpture en bois représentant une créature étrange, mi-féline mi-dragon, et fut frappé par l'énergie créative qui semblait infuser chaque recoin de cette maison. L'endroit respirait la vie, l'excentricité et une joie désordonnée qui lui rappela brièvement le Terrier des Weasley, bien que plus chaotique encore.
Une femme surgit alors, pieds nus, vêtue d'une tunique tachée de peinture et de glaise. Ses longs cheveux bruns, parsemés de feuilles sèches et de fleurs sauvages, flottaient autour de son visage marqué par un sourire lumineux. Elle tenait une palette de couleurs d'une main, tandis que l'autre portait encore les traces d'une sculpture inachevée.
« Tovald ! » lança-t-elle joyeusement, ignorant un instant Harry et Verte-Panse. « Tu n'as pas dit qu'on aurait des invités ! » Son regard se posa ensuite sur Harry, pétillant de curiosité. « Et cette brave vieille perruche de Verte-Panse, bien sûr. »
« Runa, voici Harry, » répondit Tovald en souriant, habitué à l'exubérance de sa femme. « Il va rester avec nous quelque temps. Il a besoin de repos et de calme. »
Runa s'approcha d'un pas bondissant, tendant une main fine mais tachée de glaise vers Harry.
« Harry, quel prénom délicieusement… cocasse et chatoyant ! » dit-elle avec un rire cristallin. « Sois le bienvenu, cher nouvel ami. La maison est modeste, mais elle déborde de vie ! Ne fais pas attention au bazar, c'est l'inspiration qui me guide, et elle ne connaît ni ordre ni discipline ! »
Harry, surpris par son enthousiasme et sa familiarité, lui serra la main avec hésitation. Mais l'accueil chaleureux et excentrique de Runa, si différent de tout ce qu'il avait connu, lui rappela immédiatement Luna Lovegood. Il sentit une bouffée de nostalgie en voyant cette femme libre et insouciante, dont la démarche légère semblait danser au rythme de sa propre créativité.
Runa éclata de rire en essuyant distraitement une traînée de glaise sur son visage, ne faisant qu'étaler davantage la matière sur sa joue.
« Oh, et j'oubliais ! Sophie – notre fille – doit être dans les parages, probablement en train de se trouver où elle ne devrait pas être. On ne sait jamais avec elle. »
Elle guida Harry vers une chaise près du feu, tout en chantonnant une mélodie indéchiffrable. L'odeur réconfortante du bois brûlé se mêlait à celle, plus terreuse, des pigments et de l'argile. Verte-Panse, quant à lui, s'installa sur un banc en bois, visiblement à l'aise, et échangea un regard complice avec Tovald.
« C'est une maison particulière, » murmura Harry à Verte-Panse, presque pour lui-même.
« Particulière, oui, » répondit ce dernier avec un sourire en coin. « Mais c'est ici que les outils se forgent… qu'ils soient faits de fer ou d'idées. »
Un mouvement attira l'attention de Harry du côté de la forge. Une jeune fille d'environ treize ans les observait en silence, appuyée contre l'encadrement de la porte. C'était sans doute Sophie, la fille de Tovald et Runa. Contrairement à l'ambiance éclatante et chaotique de la maison, Sophie semblait bien plus à son aise dans l'environnement robuste et structuré de la forge.
Elle portait un tablier de forgeron bien trop grand pour elle, ce qui lui donnait un air à la fois maladroit et déterminé. Ses mains et son visage étaient maculés de suie, trahissant des heures passées à manipuler le métal comme son père. Ses cheveux blonds retombaient en mèches désordonnées sur son front, mais ce furent ses yeux, pétillants de curiosité, qui retinrent l'attention de Harry.
Sophie les observait attentivement, ses traits marqués par une hésitation mêlée d'intérêt. Visiblement surprise de voir un invité dans la forge paternelle, elle sembla sur le point de poser une question, mais se ravisa au dernier moment. Lorsque Harry croisa son regard, elle le lui rendit avec force sans baisser la tête. Puis elle eut un sourire amusé et s'éclipsa sans un bruit.
Tovald, qui avait suivi son regard, sourit en coin.
« Ma fille, » dit-il d'un ton mêlé de fierté et d'exaspération douce. « Elle préfère marteler des métaux plutôt que manier un pinceau comme sa mère. Je suppose qu'elle tient de moi. Elle est curieuse, et pas sotte, cette gamine. Mais elle a encore beaucoup à apprendre. »
Harry esquissa un sourire léger, mais ses pensées restaient embrouillées par tout ce qu'il avait vu et entendu ce jour-là. Runa, toujours attentive, posa une main rassurante sur son bras.
« Viens, repose-toi, » dit-elle doucement. « Ici, on forge bien plus que des épées. On forge des idées. Et tant mieux car il y a bien plus à dire sur l'art que le travail de la forge. »
Un mouvement dans le fond de la pièce attira alors l'attention de Harry. Un garçon d'environ huit ans, visiblement plus jeune que Sophie, s'amusait avec un morceau de bois qu'il brandissait comme une épée imaginaire. Ses vêtements, couverts de dessins hétéroclites représentant divers animaux, trahissaient une âme encore enfantine et insouciante.
Tovald suivit le regard de Harry et sourit à nouveau.
« Et voilà mon deuxième enfant. Un sacré lascar, lui aussi. Il n'est pas encore assez curieux pour venir se mêler de mes affaires à la forge, contrairement à sa sœur. Mais donne-lui quelques années, et je parie qu'il suivra ses traces. Pour l'instant, on l'appelle Fiston. »
« Fiston… pour l'instant ? » répéta Harry, interloqué par la simplicité déconcertante de ce surnom.
Décidément, les coutumes de ce monde n'en finissaient pas de le surprendre.
« Eh oui, Fiston, » confirma Tovald avec un rire chaleureux. « Le jour où il fera quelque chose qui mérite un nom, on en reparlera. Pour l'instant, il est encore… en devenir. »
Runa leva les yeux au ciel avec un sourire amusé, clairement habituée à cette philosophie désinvolte.
« Tovald adore ce genre de discours encourageant, mais ne t'inquiète pas, Fiston a tout le temps de trouver son chemin, » dit-elle en secouant légèrement la tête.
L'enfant leva brièvement les yeux vers Harry à la mention de son nom, mais retourna aussitôt à son occupation, visiblement peu impressionné par la présence du nouvel arrivant. Pourtant, Harry remarqua dans ses gestes une curiosité contenue. De temps à autre, Fiston jetait des coups d'œil furtifs, comme pour s'assurer qu'il n'avait pas manqué quelque chose d'intéressant.
Harry se laissa tomber dans une chaise près du feu, une chaleur douce l'enveloppant. Malgré l'agitation de cette famille si vivante, il sentit une certaine sérénité se dégager de cet endroit. Peut-être, pensa-t-il, pourrait-il effectivement se forger ici plus que des armes. Peut-être même un semblant de paix.
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La soirée avançait doucement, rythmée par le crépitement des flammes dans l'âtre et les va-et-vient des enfants. Sophie était revenue de la forge avec une petite barre de métal qu'elle martelait doucement sur un coin de table, sous l'œil indulgent de son père. De temps à autre, elle partait chercher Avo sait quoi dans la pièce voisine. Fiston, quant à lui, s'était installé sur le tapis avec une collection de morceaux de bois et d'argile, construisant ce qui ressemblait à une forteresse miniature.
Runa, assise près de la fenêtre, travaillait sur une statuette d'argile en forme d'oiseau tout en observant la scène avec un sourire paisible. Elle intervenait de temps à autre avec une remarque légère, ponctuant la conversation de touches d'humour ou de sagesse inattendue.
Harry était assis à la grande table de bois, ses doigts effleurant le bord de sa tasse de thé refroidie. Les paroles échangées autour de lui semblaient résonner dans une pièce lointaine, pourtant il ne pouvait détourner son attention. Verte-Panse, toujours alerte malgré une journée sur les routes, était installé face à Tovald.
Ce dernier fut le premier à briser le silence pesant, sa voix grave et posée dirigeant la conversation vers une pente plus sérieuse.
« Alors, Verte-Panse, qu'est-ce que tu veux vraiment que ce garçon comprenne ? » demanda-t-il en croisant les bras, son regard perçant ancré dans celui de son vieil ami.
Verte-Panse prit un moment pour répondre, ses yeux clairs passant de Tovald à Harry. Il semblait peser chaque mot avant de parler.
« La complexité du monde. Que ce qu'on croit simple ne l'est jamais vraiment. Harry a vu des choses que peu de gens pourraient supporter, et il porte un fardeau que beaucoup fuiraient. Mais je veux qu'il apprenne à voir. Pas seulement ce qui est évident, mais ce qui se cache derrière. »
Harry releva la tête, ses yeux reflétant un mélange de défi et d'incertitude.
« Voir quoi, exactement ? » demanda-t-il, la voix empreinte d'une certaine tension.
Verte-Panse esquissa un sourire énigmatique.
« Ce que toi seul peux trouver. »
Tovald posa son gobelet sur la table avec un bruit sourd et fixa Harry avec la patience d'un maître artisan face à une pièce inachevée.
« Alors, garçon, qu'as-tu pensé de ce que tu as vu aujourd'hui ? Ces exécutions, cette foule… Je vois bien que ça te travaille. »
Harry hésita. Les images brutales, la violence brute du fouet, la cruauté ancrée dans les visages de la foule, tout cela tourbillonnait dans son esprit.
« C'était… brutal. Injuste, » murmura-t-il, presque à contrecœur. «Je pensais avoir tout vu quand j'étais...plus jeune. La méchanceté gratuite, la prétendue morale des pouvoirs publics. Mais apparemment, on oublie vite à quel point l'injustice est partout.»
Verte-Panse, qui s'était appuyé contre un mur près du feu, hocha lentement la tête, ses traits fatigués empreints de gravité.
« Et bien, je peux imaginer à ta réaction que tu l'as déjà vu sous bien des formes, cette injustice. Mais aujourd'hui, tu as appris quelque chose : ce ne sont pas toujours les grands tyrans qui perpétuent la cruauté. Parfois, c'est la foule, ceux qu'on appelle les gens ordinaires. »
Runa, concentrée sur les détails d'un bec qu'elle sculptait, leva brièvement les yeux vers Verte-Panse.
« Ce n'est pas la justice elle-même qui est mauvaise, » dit-elle doucement, son ton tranchant malgré la douceur. « Ce sont les gens qui s'en emparent et la déforment pour servir leurs intérêts. »
Tovald soupira, son regard pensif posé sur Harry.
« La justice, c'est comme un marteau. Un outil. On peut l'utiliser pour bâtir ou pour détruire. Mais trop souvent, les gens s'en servent pour frapper ce qu'ils ne comprennent pas. »
Sophie, qui jusqu'à présent semblait absorbée par son travail, releva la tête et intervint avec une certaine perplexité.
« Mais… si personne ne décide de ce qui est juste, alors tout le monde peut faire ce qu'il veut, non ? »
Verte-Panse sourit doucement à la jeune fille, comme amusé par son courage de poser une telle question.
« Tu as raison, petite. Mais les règles… qui les écrit ? Ce sont ceux qui ont le pouvoir. Et le pouvoir ne va pas toujours de pair avec la sagesse ou la justice. »
Un silence s'installa, lourd et chargé. Harry semblait vouloir répondre, mais aucun mot ne lui venait.
Ce fut Runa qui brisa le silence, sa voix douce mais pénétrante.
« Et pourtant, ce que tu choisis de créer peut changer bien plus que tu ne le crois. Un outil, une arme, une idée… Ils portent tous une intention. Et parfois, cette intention reste, même après toi. »
Sophie ajouta à son tour, ses yeux brillants d'une admiration évidente pour son père.
« C'est pour ça que tu m'apprends toujours à respecter le métal, pas vrai, Papa ? Parce qu'une lame peut être une arme, mais elle peut aussi devenir quelque chose de bon. »
Tovald sourit doucement, une lueur de fierté dans les yeux.
« Exactement, ma fille. C'est le propre de la forge, tout comme c'est le rôle de tout artisan.»
Verte-Panse brisa finalement le silence, sa voix posée mais ferme.
« C'est pour ça que je te laisse ici, Harry. Tovald est un homme qui sait ce qu'il fait. Pas juste avec ses mains, mais avec sa tête et son cœur. Tu as besoin de réfléchir, de trouver ta propre voie. Moi, j'ai d'autres routes à emprunter. »
Il se leva, s'éclaircit la gorge, et rajusta son manteau usé. Puis, se tournant vers Tovald, il tendit une main ferme.
« Merci pour l'accueil, vieux camarade. Comme toujours. »
Tovald hocha la tête, un sourire discret aux lèvres. « Fais attention sur tes routes, vieille canaille. On sait jamais quand les ornières deviennent des gouffres. »
Verte-Panse lâcha un rire grave, puis posa une main sur l'épaule de Harry.
« Toi, Harry, souviens-toi de ceci : regarde toujours en face ce que tu ne veux pas voir. Ça t'aidera à avancer. »
Ils se serrèrent la main avec camaraderie se promettant de se retrouver bientôt au hasard des routes.
- Merci pour tout. Fit Harry non sans émotion.
- Ne me remercie pas encore, mon jeune ami. Si nos échanges ont pu t'apporter un éclairage ou une compréhension de certaines choses, alors j'aurai contribué à soutenir une personne digne de ce nom. A plus dans les puces.
Harry hocha la tête, incapable de trouver les mots. Verte-Panse hocha doucement la tête en retour, puis se tourna vers la porte, disparaissant dans la nuit sans un regard en arrière.
Un long moment s'écoula avant que quiconque ne parle. Ce fut Runa, finalement, qui rompit le silence.
« Eh bien… un départ grandiloquent comme on les aime, hein ? »
Sophie esquissa un sourire discret, tandis que Fiston, qui jouait silencieusement dans un coin, leva les yeux.
- Il reviendra, papa ? » demanda-t-il innocemment.
Tovald haussa les épaules, une lueur pensive dans le regard.
« Qui sait, fiston. Verte-Panse revient toujours… mais jamais de la manière qu'on attend. C'est étonnante rencontre que celle que tu as faite, jeune homme »
Harry resta assis, le regard perdu dans les flammes, réfléchissant à tout ce qui avait été dit. La maison, malgré l'agitation des derniers instants, était redevenue étrangement paisible, comme si elle lui offrait un sanctuaire pour affronter ses propres démons.
« Tu resteras ici quelques jours, si ça te convient, » proposa Tovald en retournant à son établi, où une épée inachevée reposait, prête à être forgée. « On a de la place, et tu as l'air d'avoir besoin de réfléchir. Ça tombe bien, la forge a toujours eu cet effet. Ça aide à trouver un équilibre. »
Harry hocha la tête, reconnaissant mais encore trop perdu dans ses pensées pour formuler une réponse. Son regard erra sur les outils suspendus aux murs, les pinces noircies, les marteaux usés par les ans. L'atmosphère de la forge était étrangement apaisante : la chaleur diffuse, le rythme lent et régulier des gestes de Tovald, et même le léger tintement métallique semblaient éloigner la cruauté qu'il avait vue en ville.
Avec Verte-Panse désormais parti, un silence s'installa dans la forge, seulement troublé par le crépitement du feu. Tovald, concentré sur son travail, reprit doucement son martèlement. À un moment, Runa entra, un sourire en coin. Elle tapota la joue de son mari d'une main encore tachée de glaise, laissant une empreinte grise sur sa peau déjà noircie par les cendres.
« Viens, Harry. Tu dois être affamé, » dit-elle en se tournant vers lui avec bienveillance. « Tovald, rejoins-nous quand tu auras fini. »
Elle sortit, légère, ses pas résonnant à peine sur le sol de pierre. Harry suivit, traversant la pièce où Sophie restait assise près de la forge. Elle ne disait rien, mais ses yeux brillaient d'une curiosité difficile à masquer. Elle serra les mains dans son dos, mordillant sa lèvre inférieure comme si elle hésitait à parler.
Dans la cuisine, simple mais chaleureuse, Harry s'installa à la table en bois massif. L'endroit respirait la vie et l'artisanat : des pots de peinture étaient alignés sur une étagère, des toiles inachevées posées contre les murs, et une pile de sculptures en terre cuite reposait dans un coin. Sur le rebord de la fenêtre, un bouquet de fleurs sauvages ajoutait une touche de douceur.
Alors qu'il observait distraitement les détails de la pièce, Sophie apparut timidement à la porte. Elle jeta un coup d'œil rapide vers Harry avant d'entrer et de s'asseoir à l'autre bout de la table, silencieuse mais manifestement pleine de questions.
Après quelques instants de silence, Harry leva les yeux vers elle.
« Tu voulais me dire quelque chose ? » demanda-t-il doucement.
Sophie releva la tête, visiblement surprise qu'il ait brisé la glace. Elle hésita un instant avant de répondre.
« C'est vrai, ce que Verte-Panse a dit ? Que… tu as vu des choses horribles aujourd'hui ? »
La question était directe, presque brutale dans sa simplicité. Harry inspira profondément, réfléchissant à sa réponse.
« Oui, » dit-il finalement, sa voix grave. « Des choses que personne ne devrait voir. »
Sophie détourna légèrement le regard, mais pas par peur. C'était plutôt une tentative de comprendre, d'assimiler ce qu'il venait de dire.
« Et… tu as fait quelque chose ? » murmura-t-elle, ses doigts jouant nerveusement avec le bord de la table.
Harry sentit une pointe de culpabilité le traverser, mais il ne laissa rien paraître.
« Non, » répondit-il honnêtement. « Pas cette fois. »
Sophie fronça légèrement les sourcils, son visage exprimant une incompréhension sincère.
« Pourquoi pas ? »
Cette fois, Harry prit plus de temps pour répondre. Il passa une main dans ses cheveux, comme pour se donner une contenance.
« Parce que parfois, intervenir peut aggraver les choses. Et parfois… » Il marqua une pause, cherchant ses mots. « Parfois, on est simplement… impuissant. »
Sophie resta silencieuse, mais son regard ne vacilla pas. Elle semblait peser ses paroles, les confronter à ce qu'elle croyait juste.
Runa, les mains toujours couvertes de glaise, esquissa un sourire complice à son mari.
« Cela va prendre un peu plus de temps que je ne le pensais, » dit-elle en s'essuyant les mains sur son tablier. « Je vais finir de préparer le repas. Harry, tu peux prendre la petite chambre près de l'atelier. Ce n'est pas très grand, mais c'est confortable. »
Elle tourna alors la tête vers Sophie.
« Va montrer à notre invité où il dormira, puis revenez. »
Sophie, toujours fascinée par l'inconnu qu'était Harry, s'approcha avec un mélange d'assurance et de timidité.
« Par ici, » dit-elle d'une voix plus assurée qu'auparavant, sa curiosité éclatant à travers sa petite posture.
Tandis qu'elle guidait Harry à travers la maison simple mais chaleureuse, il ne pouvait s'empêcher de remarquer les détails qui insufflaient une âme à cet endroit. Des sculptures et des peintures ornaient les murs – probablement des créations de Runa – représentant des scènes de nature, des animaux stylisés, ou des visages sereins. Les meubles, façonnés à la main, étaient en bois massif et dégageaient une certaine chaleur, celle d'un artisanat familial. L'odeur subtile du bois brûlé se mêlait à celle des herbes séchées, créant une atmosphère apaisante et familière.
La chambre qui lui était destinée était modeste, comme l'avait dit Runa, mais soigneusement entretenue. Un petit lit avec une couverture tissée à la main, une fenêtre donnant sur le jardin, et une table de chevet ornée d'une lampe à huile. Harry aperçut une petite sculpture en argile d'un oiseau posée sur la table, sûrement une œuvre de Runa. Sophie se tenait près de l'entrée, l'observant discrètement tandis qu'il examinait la pièce.
« C'est… joli, » dit Harry en se tournant vers elle.
« Maman aime les oiseaux, » répondit Sophie, légèrement gênée d'avoir été surprise dans ses observations. « Elle dit que les animaux comprennent mieux la liberté que nous, les humains. »
Harry esquissa un sourire fatigué.
« Je crois qu'elle a raison. »
Un silence paisible s'installa entre eux, un silence étrange, mais d'une douceur réconfortante. Sophie, comme toujours, débordait de questions, mais ne voulait pas paraître trop intrusive.
Finalement, c'est elle qui brisa le silence.
« Tu fais quoi dans la vie, toi ? » lança-t-elle, sa voix claire et directe, teintée d'une franchise qui prit Harry au dépourvu. « Et pourquoi tu as une épée ? »
Harry leva les yeux, un peu surpris par la question, mais sa réponse vint naturellement.
« Eh bien… » Il réfléchit un instant, cherchant une façon de répondre sans trop en dire. « Disons que j'ai fait beaucoup de choses. J'ai combattu, voyagé très loin… Mais en ce moment, je cherche ma voie. »
Sophie fronça légèrement les sourcils, comme si cette réponse ne la satisfaisait pas totalement.
« Chercher sa voie…c'est très philosophique. Et en pratique, ça donne quoi? »
Harry sourit malgré lui. Il avait l'impression d'être tombé sur un petit miroir de sa propre curiosité adolescente.
- J'essaye de faire ce que j'aime, de découvrir le monde, de rencontrer plein de gens et de grandir à leur contact. C'est pour ça que je voyage. »
Un silence s'installa à nouveau entre eux, mais il était plus léger cette fois, presque complice. Sophie, pensive, le regarda un moment, ses yeux brillant d'un intérêt non-simulé.
Avant qu'elle ne puisse ajouter, un bruit de pas précipités résonna dans le couloir.
Son frère, le si simplement nommé Fiston, fit irruption dans la pièce comme un boulet de canon, les cheveux en bataille et un morceau de bois dans les mains, qui, à son regard triomphant, devait manifestement être une épée imaginaire. Il s'arrêta net en apercevant Harry, ses grands yeux ronds fixés sur lui avec une curiosité sans retenue.
« Ah il est encore là lui ? » lança-t-il sans détour à Sophie, ignorant toute notion de politesse.
« C'est Harry, » répondit Sophie, déjà agacée par son manque de manières. « Il va rester ici un moment. Et tu pourrais au moins te présenter, pas comme tout à l'heure! »
Le garçon fronça les sourcils, scrutant Harry comme pour jauger si cet inconnu méritait son attention. Après un instant, il redressa les épaules, l'air décidé.
« Moi, je m'appelle… » Il marqua une pause dramatique, manifestement en quête d'un surnom digne de son ambition. « On va dire que je m'appelle… l'Éclair ! Parce que je cours vite. »
Harry ne put s'empêcher de sourire. Il s'adossa légèrement contre la table, amusé par l'assurance du garçon.
« L'Éclair, hein ? » dit-il, un éclat malicieux dans la voix. « Ca serait un nom impressionnant. Je pourrais peut-être essayer de m'appeler comme ça aussi, qu'en dis-tu? Mais je crois que je te laisse le titre. »
Il toucha brièvement la cicatrice en forme d'éclair sur son front, sans insister, mais le geste fit immédiatement réagir Sophie, qui le regarda avec surprise, comme si elle ne l'avait jamais vraiment remarqué.
Le garçon, quant à lui, éclata de rire, manifestement ravi que leur invité valide ses prétentions.
« L'Éclair, c'est moi ! » s'exclama-t-il avec fierté, brandissant son épée improvisée.
Harry, tout en souriant, ne pouvait s'empêcher de penser à son propre surnom, « Fruitier », et à l'ironie cruelle qu'il portait.
Fichue Albion. Harry l'Eclair c'était pas idéal, mais ça aurait été toujours mieux que cette catastrophe fruitière.
Il se demanda brièvement si «Fiston» conserverait ce surnom aussi joyeusement s'il devait le porter à l'âge adulte.
Runa, qui avait manifestement tout entendu depuis la cuisine, fit son entrée dans la pièce, portant avec elle l'odeur réconfortante du pain frais et des légumes cuits.
« Allons, petit garnement, laisse un peu Harry tranquille, » dit-elle en posant une main douce mais ferme sur l'épaule de son fils. « Va te laver les mains avant de manger. »
« Mais je suis l'Éclair ! » protesta le garçon, bien que son ton trahisse plus un jeu qu'une véritable objection.
« Alors, Éclair, sois rapide et file ! » répliqua Runa, amusée, en le poussant doucement vers la porte.
Le garçon s'éclipsa à contre-cœur, toujours avec son grand sourire béat, laissant Harry seul avec Sophie et sa mère.
Tous redescendirent ensuite vers la salle à manger.
Runa posa sur la table un grand bol de soupe fumante, son parfum réchauffant aussitôt la pièce. Sophie tira une chaise près de Harry, sans jamais cesser de l'observer pensivement. Mais malgré cette ambiance chaleureuse et l'atmosphère simple mais apaisante de la maison, Harry sentait toujours ce poids familier sur ses épaules. Un mélange d'incertitudes, de souvenirs, et cette question lancinante : pouvait-il réellement trouver un semblant de paix ici, ou cette sérénité n'était-elle qu'un mirage éphémère avant la prochaine tempête ?
Runa, perceptive comme toujours, posa une main légère sur son bras en passant. « Mange, Harry. On parle mieux le ventre plein. »
Il hocha la tête en silence, un mince sourire aux lèvres. Peut-être qu'elle avait raison et qu'un bon repas était le début du bonheur.
C'était après tout la grande philosophie de son meilleur ami Ron..
La grande mode des surnoms en Albion...et ce n'est qu'un début.
j'attends vos retours avec impatience
