Chapitre 32: Le Blâme
«Je... Je...»
Avant même qu'il ne franchisse ses lèvres, il sut que le mensonge qu'il avait concocté ne ferait pas l'affaire. Komaeda savait. Komaeda ne pourrait être dupé. Il ne parviendrait qu'à aggraver son cas.
Frissonnant, Naegi serra ses bras autour de lui, les yeux rivés sur le sol. «Je pensais que tu te mettrais en colère si je disais la vérité, surtout si c'était Soda qui s'en chargeait.
-Soda-kun n'est pas très doué avec les mots, n'est-ce pas? dit Komaeda d'un ton compatissant. D'accord, je vais te laisser expliquer.
-Je...» Il prit une dernière inspiration, et ce fut comme inhaler une masse solide. «Je lui ai joué un tour. Je lui ai dit que détruire ses robots servirait le désespoir, mais c'est faux. Peut-être qu'il en tirera du désespoir, mais pour le monde extérieur, je crois que ça apportera l'espoir.»
Komaeda inclina la tête. «Vraiment?
-Oui, répondit Naegi, un tantinet plus sûr de lui. S'il y a moins de Monokumas là-bas, les gens vont s'en rendre compte. Et alors, ils vont commencer à se demander si le pire est passé. Ils vont penser que les choses s'amélioreront. Ils vont espérer.»
Komaeda eut un petit rire dans sa barbe. C'était un rire réjoui. Un bon rire. Les épaules de Naegi se détendirent à ce son.
«Je ne peux pas dire que je sois ravi que tu le manipules comme ça, mais procédons par petits pas.» Komaeda tendit la main et lui ébouriffa les cheveux. «C'est un bon début.
-Tu n'es pas en colère?»
Un instant ou deux passèrent sans que Komaeda ne réponde, et Naegi commença à craindre qu'il venait tout juste de rappeler à Komaeda que si, il était en colère. Puis ce dernier soupira, et ce fut un soupir plus exaspéré qu'irrité. Bien qu'il soit déjà proche, Komaeda fit un pas en avant, si bien que Naegi devait à présent reculer la tête pour regarder le Chanceux.
«Non, je ne suis pas en colère», dit doucement Komaeda. Il posa sa main au dos de la tête de Naegi, d'un geste presque tendre. «C'était ça qui t'inquiétait?»
Naegi se mordit la lèvre sans rien dire.
«Je vais te poser une question et je veux que tu y répondes avec honnêteté. Je te promets de ne pas m'énerver.»
… Avec honnêteté? Ce serait comme plonger une lance dans une ruche. Komaeda n'était pas conçu pour gérer l'honnêteté – si ça avait été le cas, Naegi ne serait plus coincé ici. Il observa Komaeda avec appréhension. Komaeda pouvait prendre n'importe quelle direction avec cette question, et poser toutes sortes de pièges. Naegi pouvait entendre sa voix une dizaine de fois dans sa tête (douce comme le miel, mais rauque comme une toux d'agonie), chacune posant sa propre question, toujours une question qui lui glaçait les sangs...
«Que représentes-tu pour moi? demanda Komaeda.
-Hein?
-Qu'est-ce que tu représentes pour moi? Qu'est-ce que je pense de toi? répéta Komaeda. Je veux l'entendre de ta bouche.»
Il était impossible que ce soit autre chose qu'une question piège. Naegi savait qu'il ne pouvait pas ramener complètement la couleur à son visage, mais il tenta de maintenir une expression neutre en regardant Komaeda. Il ignorait exactement ce qu'il y cherchait, mais il savait qu'il cherchait des indices. Il y avait tant de manières d'interpréter et de répondre à cette question. Que voulait Komaeda?
… Hé bien, c'était évident, non?
«L'Espoir... Je suis ton Espoir, répondit Naegi. Je suis ce que tu as cherché pendant toute ta vie. Je suis ta grande vision pour l'avenir, n'est-ce pas? C'est pour ça que tu me gardes ici et que tu... p... prends soin de moi. C'est pour ça que tu as besoin de moi. Tu as besoin de moi pour aider à débarrasser le monde du désespoir.»
Tout en parlant, il avait dévisagé Komaeda à la recherche d'un signe qu'il était sur la bonne voie, devenant de plus en plus nerveux alors que le temps s'écoulait sans réaction visible. Quand il eut terminé, ses mains étaient luisantes de sueur et il les essuya sur son pantalon.
«Donc, c'est ce que tu penses», dit Komaeda d'un ton monotone.
… Il n'avait pas donné la bonne réponse. Il le sut instinctivement, comme une proie sait parfois qu'un prédateur rôde dans les parages. Une terreur soudaine entra en éruption en lui, et il recula en chancelant hors de portée de Komaeda.
«Ce n'était pas la réponse que j'attendais», ajouta Komaeda à mi-voix. A grands pas puissants, il suivit Naegi qui reculait maladroitement, jusqu'à ce que ce dernier se retrouve acculé contre un mur. Les paumes de Komaeda s'écrasèrent sur le mur de chaque côté de sa tête, les bras rigides comme des barres de fer. Même s'il y avait la distance d'un bras entier entre eux, même si les bras de Komaeda étaient au niveau de ses yeux et donc, qu'il était facile de se glisser dessous, Naegi était figé sur place.
«Naegi-kun.»
Le son de son propre nom sonna comme un couteau à ses oreilles, et il se tortilla et gigota sur place, voulant courir mais s'en trouvant incapable.
«Naegi-kun, regarde-moi.»
Naegi s'immobilisa. Lentement, il tourna la tête.
«Ce que tu es pour moi est très simple.» Sur ces mots, Komaeda lui prit son menton, faisant glisser un doigt le long de la courbe de la peau sensible à cet endroit. «Tu es la chose la plus importante au monde.
-… C'est ça?» Pas un seul mot sur l'espoir?
«C'est ça, confirma Komaeda. Entendre que tu t'imagines que je ne te vois que comme un outil... C'est douloureux. C'est ma faute. C'est obligé. Je ne te l'avais pas assez répété... Hé bien, à partir de maintenant, je vais te le dire tous les jours!
-Me dire quoi?»
La main qui lui tenait le menton remonta, glissa sur sa pommette avant de retomber alors que Komaeda se penchait et posait son front contre le sien.
«Que je t'aime», dit Komaeda.
Un nœud de malaise se coinça dans sa gorge. Naegi répondit avec précaution: «Je sais. Je suis ton Espoir.»
Komaeda eut un petit rire. «Ce n'est pas que ça. J'aime ton optimisme, j'aime ta gentillesse, j'aime ta capacité à aimer. J'aime chaque petite pièce qui te fait toi.»
Comment répondre à une telle déclaration? Avec un merci? Avec de la peur? Naegi n'en savait rien. «L'amour» de Komaeda était une lame à double tranchant. En voulait-il? Devait-il en vouloir?
… Est-ce que Komaeda pleurait?
Oui. Ce n'était pas le genre de sanglots vilains ou intenses comme ce à quoi il avait assisté chez Tsumiki. C'étaient des pleurs silencieux, qui passaient facilement inaperçus à moins que l'éclairage soit approprié. Le Chanceux maintenait un sourire tremblant, mais des larmes traçaient les coins de ses lèvres. Il cligna rapidement des yeux à plusieurs reprises, tentant probablement de les faire disparaître.
Quelque chose d'aigre s'enroula au fond de l'estomac de Naegi. Quelque chose de presque dangereux, comme un serpent se préparant à frapper. Mais en même temps, ses propres yeux s'embuaient avec compassion. Il avait conscience des sensations que cela suscitait en lui. Il n'avait jamais aimé voir des gens pleurer, et en regardant les larmes tomber au sol, son cœur se retournait et se repliait sur lui-même d'une manière qui ne devrait pas être possible.
«C'est vraiment douloureux, dit Komaeda en reculant d'un pas. Si je t'avais demandé ce que tu pensais de moi, je me demande ce que tu aurais dit... Rien de bon, je parie. Comment pourrait-il en être autrement? Je ne vaux rien. Je ne mérite pas d'être aimé. Je... je sais que tu me détestes, Naegi-kun.
-Je ne te déteste pas», répliqua instantanément Naegi. Une autre larme coula du visage de Komaeda et Naegi fut tenté de lever la main pour essuyer les autres.
«Je vois la manière dont tu me regardes», dit Komaeda. En réalité, on aurait dit qu'il se parlait à lui-même. «Tu as toujours été un livre ouvert. Tout le monde peut le voir. Ah... ahahaha, peut-être que c'est mon cycle de chance qui fait des siennes. Je ferais n'importe quoi pour toi. Je te donnerais mes habits, je me couperais le bras, je me tuerais. N'importe quoi. Absolument tout. Et tu me vois quand même comme...»
A présent, la voix de Komaeda vacillait. Sa respiration était rapide et saccadée. Naegi demeurait figé sur place, ne sachant que faire, ne sachant comment aider.
«Je ne te déteste pas, répéta-t-il. Je l'ai déjà dit, non? Je ne mentais pas quand j'ai dit ça.»
Komaeda hoqueta. «Tu es trop gentil. Tu as toujours été trop bon avec moi. Je ne le mérite pas. Je ne mérite pas ta gentillesse.
-Ce n'est pas vrai!» protesta Naegi, avec presque l'impression d'être à nouveau en train de parler avec Tsumiki. Il haïssait quand ils parlaient d'eux-mêmes en ces termes. «Tu ne devrais pas dire ça.»
Komaeda le dévisagea longuement. «Tu es si clément. J'aimerais tellement savoir comment tu pourrais me pardonner pour ça.
-D... de quoi tu parles au juste?» demanda Naegi à mi-voix. Il ne pouvait pas parler plus fort, car la peur ferait trembler sa voix.
Komaeda oscillait d'avant en arrière sur ses talons. Ses dents s'enfonçaient dans sa lèvre, comme si ce qu'il était sur le point de dire le meurtrissait physiquement.
«L'exécution.»
Cela coupa net toute tentative de répartie de Naegi.
Komaeda parlait dans un murmure tendu, comme s'il révélait à Naegi le code pour désamorcer une bombe.
«Je ne … je ne voulais pas faire ça. Je devais le faire, mais j'ai détesté avoir à le faire. Je me suis haï pour ça. Je ne pouvais pas en dormir après. Je t'ai fait des choses si horribles.
-Komaeda-kun...
-Je ne peux pas...» Komaeda lui tourna le dos, fixant le plafond tout en se passant les mains sur le visage, comme s'il ne pouvait pas croire qu'il était vivant. «Comment pourrais-je demander ton pardon? Je ne le mérite pas. Je suis une ordure. Je suis une si horrible personne...
-Komaeda-kun...
-Je me suis puni!» Komaeda se retourna si vite qu'un instant, Naegi fixait son dos, l'instant d'après, son visage torve. «Tu vois? Tu vois ce que j'ai fait pour toi?»
Komaeda manqua déchirer sa manche en la remontant. Naegi en eut la respiration coupée, ses émotions explosant immédiatement sous le choc. Le long du bras de Komaeda courait une série de plaies encroûtées et douloureuses à regarder, qui paraissaient avoir été laissées par un couteau.
«Je devais le faire, haleta Komaeda. Je devais me punir pour ce que je t'ai fait.
-N... non! Tu n'étais pas obligé!» Dans l'esprit de Naegi, du sang frais perlait de ces plaies.
«Si. Je devais expier mes actions. Je dois me racheter...»
Le bras indemne de Komaeda tressaillit. Brusquement, un couteau était apparu dans sa main. Il le retourna pour porter le fil de la lame à la peau de son bras déjà blessé.
«Je dois me racheter...»
Le couteau entra dans sa peau tout comme... comme...
(«Arrache-toi la peau, ordonna le Yakuza, et le couteau se glissa sous la peau, exposant du rouge suintant alors que la peau se retroussait...)
«ARRÊTE !»
Tous deux se figèrent. Naegi avait saisi Komaeda par le poignet, stoppant net le couteau. Sa main tremblait, mais à l'opposé, la stabilité de Komaeda permettait de compenser, et Naegi se concentra dessus quand il ouvrit la bouche et reprit la parole.
«Komaeda-kun, s'il te plaît. Tu n'as pas besoin de te punir.
-Si. Comment faire pour obtenir ton pardon autrement?» Komaeda se dégagea doucement de la prise de Naegi, et serra ses bras autour de lui. «J'ai besoin que tu me pardonnes. Je ne peux pas...
-D'accord.»
Komaeda cilla. «Hein?
-Je... je te p... pardonne», dit Naegi d'une voix tremblante. Ça y est? Pouvait-il finalement aider? (Tout, n'importe quoi pour que ça s'arrête). «Tu n'as pas besoin de te punir, alors s'il te plaît. Range ton couteau.»
S'il te plaît, ne m'oblige pas à revoir ça je t'en prie...
«N... Naegi-kun...
-Tout va bien.» Naegi fit un pas en avant. «Tu n'as pas besoin de pleurer.»
Cela ouvrit les vannes. En un éclair, le couteau tinta sur le sol et les bras de Komaeda se refermèrent autour de lui. Naegi tortilla maladroitement ses propres bras, les dégageant de cette étreinte soudaine.
«Naegi-kun...» Komaeda sanglotait presque. «Merci, merci!
-Tout va bien», répéta Naegi.
Komaeda gémit. «S'il te plaît ne m'oblige plus à me faire du mal.
-O... ok... Je ne veux pas non plus que ça arrive. Je ne savais pas... Je suis désolé de t'avoir fait faire ça.
-Ne m'oblige pas... ne m'oblige plus à te faire quelque chose comme ça.
-Je... je vais essayer, d'accord?
-... Merci», murmura Komaeda dans ses cheveux. Naegi demeurait figé sur place, sentant la poitrine de Komaeda bouger au rythme de ses inspirations.
(La légère torsion condescendante du sourire de Komaeda lui échappa complètement).
«Tu restes vraiment assis toute la journée sans rien faire? Ça ne devient pas ennuyeux?
-Tout est ennuyeux, fut la réponse de Kamukura.
-Mais est-ce que c'est pas... encore plus ennuyeux?
-Ce n'est pas parce que Komaeda t'a laissé là que tu dois rester ici, dit platement Kamukura. Si tu cherches quelque chose à faire, sors.»
Naegi se tordit nerveusement les mains.
«Mais si je croise Komaeda-kun...
-Dis-lui que je t'ai mis dehors, dit Kamukura. Il ne le remettra pas en cause.
-C'est une bonne idée. Merci!»
Cela dit, maintenant qu'il avait pris la décision de partir, il ne savait pas trop que faire ensuite. En théorie, si. Il avait l'information sur l'endroit où était retenue sa sœur, et il savait à qui il devait la transmettre. Mais c'était ça le problème. Les membres de la Fondation du Futur ne se baladaient pas dans les couloirs. Il n'avait pas non plus le droit de quitter les lieux et il doutait qu'on l'autorise à envoyer une lettre – du moins pas sans que le Désespoir Ultime ne la lise d'abord.
Il était si, si près d'aider sa sœur. Et pourtant il ne pouvait rien faire du tout.
Il donna un coup de pied au mur pour faire bonne mesure. Il ne se sentait pas vraiment impuissant, seulement impatient. Il ressentait le besoin de courir quelques tours de terrain, ou détruire quelques Monokumas jusqu'à ruisseler de sueur. Sauf que ce n'était pas vraiment vrai, parce qu'il voulait faire quelque chose d'utile ; il voulait aider. Il voulait être capable de faire quelque chose de plus utile pour le monde que de persuader Soda de détruire quelques robots de temps en temps. Mais il ne pouvait pas. Pas en étant enfermé ici alors que le monde évoluait sans lui.
Il finit par frapper les sacs de frappe dans le gymnase. Ils étaient durs pour ses articulations et il récolta quelques égratignures, mais ce n'était toujours pas suffisant. La respiration lourde, il fixa sa propre ombre sur le sac qui se balançait.
«Pas mal. J'aime bien voir ce type de passion chez mes athlètes!»
Naegi se retourna, s'attendant à moitié à apercevoir Owari à ses côtés. Mais c'était seulement Nidai aujourd'hui, portant un maillot de bain, une serviette sur l'épaule.
«On a une piscine? demanda Naegi.
-Bien sûr! dit Nidai. Quel centre sportif de renommée mondiale n'en a pas? Tu veux venir nager avec moi?
-Je...» Naegi eut du mal à faire abstraction de l'étrange sensation dans sa tête. Nidai lui demandait s'il voulait faire quelque chose? Et attendait vraiment une réponse? Ce... ce n'était pas le genre de chose qui arrivait. D'habitude, ils ne demandaient que par politesse (s'ils demandaient), et partaient du principe qu'il acceptait. Ce n'était pas souvent qu'on lui donnait un vrai choix.
Naturellement, alors, il voulait dire oui.
«Je n'ai pas de maillot de bain, remarqua Naegi.
-Nage en caleçon, ou enlève tout. J'ai vu toutes sortes de corps, alors pas la peine d'être embarrassé.
-Ouais. Je vais garder mon caleçon.»
En dépit de l'affirmation de Nidai qu'il n'y avait pas lieu d'être embarrassé, il sentait un peu de chaleur lui monter aux joues alors qu'il se tenait au bord de la piscine sans sa chemise. Nidai lui lançait un regard inexpressif, son regard balayant lentement son torse et ses bras.
«Merde. T'as que la peau sur les os.»
Naegi haussa à moitié les épaules. «Je n'ai jamais été très sportif. Ou doué pour ça.
-Je pensais juste que tu avais le corps idéal pour du patinage artistique. Je n'avais pas réalisé que tu étais malade.
-Je ne suis pas malade...
-Bien essayé!» Nidai enfonça un doigt au milieu de sa poitrine, manquant lui faire perdre l'équilibre. «Tout le monde est au courant que tu as passé une nuit à l'infirmerie, et que Hanamura-kun te fait des repas spéciaux.
-Je ne suis pas malade!» Naegi se détourna à moitié, bizarrement gêné par sa phrase suivante. «J'ai juste perdu beaucoup de poids parce que je ne m'alimentais pas assez.»
Nidai était étrangement silencieux. Il regardait attentivement Naegi, si bien que ce dernier se colora d'une légère nuance de rouge.
«Tu sais que ce n'est pas sain, hein? demanda Nidai d'une voix douce qui détonnait avec son apparence.
-Je sais, dit Naegi. Je le fais pas exprès. Ça arrive juste comme ça. Je n'ai pas faim, alors je saute un repas et...
-Hé.» L'énorme main de Nidai s'abaissa sur l'épaule de Naegi. Pourtant, elle ne pesait pas plus qu'un papillon. «Tu ne dois pas avoir honte. On a tous des problèmes à régler. Tu ne peux pas continuer à te laisser abattre, cela dit. Tu dois prendre soin de toi.»
Naegi ne répondit pas. Comment expliquer ses problèmes à l'une des personnes qui en étaient responsables?
«J'allais dire qu'on devrait nager quelques longueurs, mais je pense pas que ce soit pertinent, là. Va essayer l'eau. Je reviens.»
Même si Naegi se sentait un peu engourdi, il descendit les marches du côté non profond. C'était parfaitement chauffé – bien entendu. Il laissa ses bras flotter à la surface près de lui tandis que l'eau lui léchait le cou.
«HÉ, NAEGI! ATTRAPE!»
Quelque chose de gros mais de très léger le frappa à la tête.
«Une bouée?» dit-il, surpris. Il savait à quoi elles servaient, et ce genre d'activité n'était pas quelque chose qu'il associait au Coach endiablé.
«Ecoute, petit.» Nidai s'accroupit au bord de la piscine comme une gargouille bizarre sur une église. «N'importe quel Coach peut te dire de pratiquer et de t'entraîner. Mais ce qui sépare les meilleurs Coachs des bons, c'est savoir quand faire une pause. En tant que Coach Ultime, je te le dis: tu as besoin de te poser et de te relaxer. Au lieu de faire des longueurs avec moi, contente-toi de te laisser flotter et je nagerai tout seul.
-Je n'ai pas vraiment le choix, n'est-ce pas?» Pourtant, malgré le fait que ces mots annonçaient d'habitude de mauvaises choses, Naegi les accompagna avec un sourire en coin.
«Haha, non! Maintenant tiens-toi bien à cette bouée, parce que c'est l'heure d'un CANNONBALL!»
Ce n'était pas une vague. C'était un tsunami.
C'était une bonne chose que l'eau soit chauffée sinon il grelotterait de la tête aux pieds.
Suivant la suggestion de Nidai, Naegi pagaya vers un coin hors du passage, et se laissa flotter alors que Nidai effectuait furieusement des longueurs. Ce n'était pas comme regarder Asahina nager. Elle se déplaçait avec une rapidité fluide, fendant l'eau aussi aisément qu'un patin glissant sur la glace. L'allure de Nidai était beaucoup plus énergique, laissant des éclaboussures piquées d'écume dans son sillage. C'était un homme qui ne nageait pas pour la compétition ou même pour rester en forme ; Nidai aimait clairement juste s'entraîner pour s'entraîner.
Au bout d'un moment, le bruit d'éclaboussures disparut en arrière-plan. Naegi flottait dans sa bouée. Ses doigts pendaient dans l'eau. L'eau lui taquinait l'estomac, mais sinon était tranquille. La sensation de l'eau fraîche sans être froide était appréciée par ses muscles douloureux (il n'avait pas remarqué qu'ils étaient courbaturés). Il s'autorisa peu à peu à se laisser aller, laissant de plus en plus son corps se détendre. Ça faisait du bien. Il devait admettre que Nidai avait eu raison.
Il laissa ses yeux se fermer alors que le flux et le reflux réguliers de l'eau le berçaient, l'entraînant vers le sommeil...
Quand il se réveilla, ses cheveux étaient mouillés et froids, mais il ne semblait plus être dans l'eau. Il avait trop chaud pour que ce soit le cas. Il commença à bouger automatiquement, s'immobilisant quand il réalisa que ses pieds n'étaient pas sur le sol et qu'il allait tomber...
«Hé, attention! s'exclama Nidai. Laisse-moi d'abord te reposer, d'accord?»
Nidai remit précautionneusement Naegi sur ses pieds. Ce dernier chancela, encore désorienté.
«Qu'est-ce qu'il s'est passé? demanda-t-il.
-Rien de grave. Je te ramenais à ta chambre, dit Nidai. Tu as fait une sieste dans la piscine. Ce qui n'est pas un problème, mais je pouvais pas te laisser trop longtemps ou tu aurais pu souffrir d'hypothermie.
-Oh. Merci. Tu avais raison, tu sais. Je me sens mieux.
-Bien.» Nidai lui lança un sourire rayonnant, mais bien vite, il retrouva son sérieux. «Tu dois prendre soin de toi, petit. Il y a une limite à ce que peut faire un coach sans la coopération de l'athlète.
-Je sais. Je vais essayer de m'améliorer, dit-il. Mais sérieusement, merci. J'en avais besoin.
-Haha, pas de problème! Souviens-toi juste d'une chose: on est de ton côté, ici.»
Naegi le regarda attentivement, tentant de comprendre ce qu'il voulait vraiment dire.
«… Bien sûr.»
