Bonjour à toutes,

Comme promis me voici pour le chapitre deux, pour notre premier rendez-vous d'une série de huit semaines =)

Merci à vous pour l'accueil du premier chapitre qui a déjà de nombreux followers et pour lequel plusieurs d'entre vous ont pris le temps de laisser un commentaire =) Mille mercis à mes fidèles lectrices qui me suivent d'une histoire à l'autre et qui prennent le temps de me faire part de leur retour régulier, vous êtes au top ! =)

Bonne lecture à vous !

Rar :

Guest : Hey ! C'est moi qui prend plaisir à te retrouver ;) Ravie d'égayer ton hiver, c'était le but en postant cette fiction à cette période, d'autant que tu m'avais soufflée l'idée d'un calendrier de l'avent pour l'année prochaine, je me suis dit que pour patienter en attendant les beaux jours, c'était parfait ! ;) Ravie que tu sois séduite par le scénario, j'espère que les péripéties à venir te plairont =) Merci à toi pour ta fidélité, à très vite !


Il avait mal partout.

Son corps entier n'était plus que douleur.

Surtout son bras droit.

Et ses tympans. Il avait l'impression que tous les sons lui parvenaient décuplés.

Et ses yeux. Lorsqu'il avait voulu les ouvrir, la clarté l'avait tellement ébloui qu'il les avait prestement refermés en expirant un gémissement douloureux.

Un gémissement qui avait sonné étrangement à ses oreilles. Aigu et déformé.

Il avait voulu porter une main à sa tête, qu'une migraine carabinée semblait sur le point de faire exploser.

C'était là que les choses avaient commencé à partir en couille.

Il ne sentait plus ses doigts.

Paniqué, il avait ouvert les yeux et porté sa main devant son visage, pour réaliser avec horreur qu'il n'avait plus de doigts. Pire encore, il n'avait même plus de main !

Son cœur avait loupé un battement, comme s'il avait manqué une marche dans un escalier. Plusieurs marches même. Et plusieurs battements, de fait.

Non seulement il n'avait plus de main, mais il avait, en lieu et place de celle-ci, une patte. Une patte noire et velue, couverte de fourrure noire d'un côté, et équipée de petits coussinets roses de l'autre.

Deux secondes s'étaient écoulées. Deux longues secondes pendant lesquelles sont cerveau avait semblé quitter le navire, refusant sans doute l'évidence pour préserver sa raison. Hébété, il avait regardé la petite patte noire, tentant de bouger ce qui aurait dû être une main humaine pourvue de doigts. Au lieu de quoi, les petits coussinets dodus avaient bougé, lui faisant brusquement prendre conscience de ce qu'il en était réellement.

Son cerveau s'étant reconnecté dans le même temps, le Serpentard avait fait un bond en arrière, tout à fait horrifié de la réalité qui s'imposait à lui avec cruauté.

Par Salazar !

Il n'avait pas eu le temps de se poser davantage de questions.

Son brusque mouvement de recul l'avait fait basculer par dessus… par dessus quoi, d'ailleurs ? Il n'aurait su le dire. Toujours était-il qu'il avait perdu l'équilibre, s'emmêlant les pinceaux sans parvenir à se stabiliser, pour se retrouver le nez contre un sol en parquet qui n'était définitivement pas le sol en pierre de son laboratoire.

« Par Merlin mais qu'est-ce que…? » avait-il voulu pesté, ahuri.

Au lieu de quoi, seul un miaulement déchirant été sorti de sa bouche, le faisant tressaillir.

Il avait voulu se relever, mais avait eu un mal fou à coordonner ses pieds. Enfin ses mains et ses pieds. Ou ses pattes. Oh bon sang, ce n'était pas possible ! Toujours était-il qu'il avait tenté de retrouver son équilibre, mais un hoquet de douleur _ ou un nouveau miaulement douloureux _ lui avait échappé quand il s'était appuyé sur sa main droite. Sur sa patte… Oh merde après tout ! Il avait eu mal, et pas qu'un peu.

Lançant un regard en direction de sa main blessée, il avait froncé les sourcils en avisant le bandage blanc qui enserrait sa… patte. Par Merlin, si c'était un cauchemar, il allait vraiment falloir qu'il se réveille, car il ne supporterait pas cela longtemps ! Il n'aurait su dire avec certitude ce qui l'avait surpris le plus. La bande soigneusement enroulée autour de son extrémité, alors même qu'il ne se rappelait pas s'être blessé, ou l'idée que quelqu'un _ et il ignorait qui _ avait posé ce pansement alors même qu'il était… qu'il était…

Non vraiment, si son esprit devait se réveillait, c'était maintenant ou jamais ! Avant qu'il n'admette l'effroyable pensée qui prenait doucement mais sûrement des airs de certitude dans son esprit horrifié…

Il avait fermé les yeux, tâchant de rappeler à lui les derniers souvenirs qu'il avait d'avant toute cette… mascarade.

Le chaudron qui bouillait sur le feu… les racines de canis qu'il avait ajoutées, finement coupées en tranches fines. Les poils de caméléon… Et puis les réactions en chaînes… l'inquiétude qui l'avait brièvement étreint quand il avait réalisé qu'il ne parviendrait pas à stabiliser le mélange… l'explosion… Le bouclier anti-brûlure, les projections, la potion qu'il avait avalée par mégarde…

Oh non… Tout mais pas ça, par pitié…

Un affreux grincement l'avait brusquement fait sursauter, et il avait seulement alors pris le temps de lever les yeux sur le lieu où il se trouvait, pour réaliser avec horreur les conséquences de cette idée qu'il n'avait pas encore acceptée tout à fait.

Il était petit. Terriblement, petit. Ridiculement petit, même. Par Merlin, jamais il n'aurait pensé qu'une simple question de perspective pouvait à ce point changer la perception des choses.

L'immense porte de l'immense pièce où il se trouvait s'était ouverte sur une immense femme, qui s'était précipitée sur lui en quelques immenses foulées. Le temps que Severus ne réalise avec incrédulité que cette jeune femme ne lui était pas si inconnue, et qu'il s'agissait bel et bien d'Hermione Granger, la Gryffondor était sur lui. Dans un pur réflexe d'évitement, mêlé à sa nature asociale qui n'acceptait pas qu'on l'approche de si près, il avait voulu se reculer davantage, mais n'avait réussi à déclencher un nouvel élan de douleur dans sa main droite _ sa patte. Putain, il n'allait pas supporter cela longtemps !

- Oh non n'ais pas peur, je ne vais pas te faire de mal ! S'était exclamée la jeune femme, désolée de sa réaction.

Severus avait froncé les sourcils _ autant qu'un chat puisse le faire, évidemment _, interloqué autant par les mots que par le ton de la Gryffondor. Sans même parler de son attitude inquiète. Depuis quand lui parlait-elle ainsi ? Et puis, « n'aies pas peur », vraiment ? Par Salazar, si elle pensait vraiment qu'il avait peur d'elle, elle se fichait le doigt dans l'œil ! Et puis, qu'est-ce que c'était que ce nom nasillard dégoulinant de niaiserie et de miel ? On aurait dit Rusard lorsque, pensant que personne ne l'entendait, il s'adressait à sa satanée…

Severus avait blêmi _ autant qu'un chat noir puisse blêmir, autant dire pas beaucoup.

Oh non… Par pitié. Tout mais pas ça… Surtout pas ça !

- Allez viens petit bonhomme, on va regarder ta patte et après je te donnerai à manger. On ne voudrait pas que tu dépérisses le temps que l'on retrouve ton propriétaire, hein ?

« Petit bonhomme »… « Donner à manger »… « Propriétaire »…

C'en était trop pour Severus.

Alors que la jeune femme tendait déjà une main vers lui, avec l'intention évidente de le toucher, le Serpentard s'était hérissé de tout son long. Véritablement, hérissé, pour le coup. Il avait senti toute son échine dorsale se contracter, et sa fourrure se gonfler de sa nuque jusqu'à la pointe de sa queue puisque, par Merlin, il était à présent pourvu d'une queue couverte de fourrure qui battait furieusement à l'extrémité de son corps. C'était un véritable cauchemar !

Avant qu'il ne l'ait véritablement décidé, un feulement menaçant était sorti de sa bouche hérissée de crocs pointus, et il avait senti de petites griffes aiguisées sortir de ses pattes pour se planter dans le parquet sous lui.

Par tous les Saints, voilà qu'il ressemblait presque à un lion, coincé dans ce corps de félin ridicule !

L'effet sur Granger avait été immédiat. La jeune femme avait eu un brusque mouvement de recul, craignant de se faire mordre ou griffer par le chat enragé qui lui faisait face et dont elle n'avait pas la moindre idée de la véritable identité, comme venait de le comprendre le Serpentard quelques instants plus tôt. Il ignorait où et quand exactement Granger l'avait ramassé dans cet état, peut-être même était-ce elle qui lui avait joué un mauvais tour, mais toujours était-il que son ancienne élève était convaincue d'avoir face à elle un véritable animal, et non pas le directeur de Serpentard en personne.

Profitant qu'elle batte en retraite, Severus avait saisi l'opportunité qui se présentait à lui. Il y avait suffisamment d'espace pour qu'il puisse bondir près de la jeune femme, et ensuite se faufiler par la porte restée ouverte derrière elle. Ne lui resterait plus qu'à regagner le château, ce qui ne serait pas si compliqué étant donné que de ce qu'on lui avait dit, la Gryffondor habitait à présent à Pré-Au-Lard. Il pourrait alors retourner à son laboratoire et trouver une solution à son petit problème de fourrure, de moustaches et de queue.

Le plan était parfait, d'une simplicité enfantine, et lui permettrait d'oublier rapidement cette journée cauchemardesque.

Le plan était parfait. A un détail près.

Severus n'était pas habitué à avoir le se mouvoir dans le corps d'un chat.

Il avait réussi, Dieu sait comment, à se coordonner suffisamment pour sauter près d'Hermione Granger, mais cela avait été la seule étape réussie de son plan d'évasion.

Une douleur fulgurante était remontée dans sa patte droite quand il s'était réceptionné de son saut. Sa patte s'était dérobée sous lui, et il s'était affalé sur son épaule droite avant de glisser sur le parquet ciré sur presque un mètre, allant rudement heurter le pied d'un meuble qui se trouvait là. Le hoquet surpris de Granger avait déchiré ses tympans sensibles, achevant de le désorienter tandis qu'il se redressait à grand peine.

Puis, comme la jeune femme s'approchait déjà pour l'immobiliser, il avait serré les dents et pris la fuite, moitié boitant moitié claudiquant sur trois pattes, et s'était précipité par la porte ouverte. Le parquet ciré lui avait de nouveau joué des tours à l'angle du palier, lui faisant dessiner un virage dérapé plus ou moins contrôlé qui l'avait fait patiner plus que de raison pour se remettre en route vers ce qu'il pensait être la sortie de la maison… et qui s'était révélé être, un peu tardivement, une cage à escaliers.

- Non attention aux marches ! Avait glapi Granger derrière lui, horrifiée de le voir courir à toute allure vers les escaliers sur le parquet vitrifié.

Trop tard, cependant.

Severus avait senti son cœur remonter dans sa gorge tandis que l'inévitable se profilait à l'horizon. Freinant de tous ses coussinets, il n'avait toutefois rien pu faire pour arrêter sa progression vers les escaliers. Ses pattes s'étaient de nouveaux emmêlées et il s'était vautré de tout son long sur les lames de chênes qui, parfaitement vernies, avaient pris des airs de patinoire. Tel le palet d'un jeu de curling, la pauvre petite créature qu'il était devenu avait filé droit vers les escaliers, avant d'effectuer un vol plané saisissant au dessus de la première marche, pour aller s'écraser…

- Wingardium Leviosa !

Le Serpentard avait senti son corps changer brusquement d'orientation, libéré de son élan précédant pour se retrouver à léviter doucement et paresseusement dans les airs. Ouvrant un œil prudent, il avait tressailli en avisant la hauteur vertigineuse des escaliers qui s'étendaient sous lui, et le mur dangereusement proche de son museau, qu'il aurait sans nul doute embrassé si le sortilège n'avait pas arrêté sa course.

Son cœur battait tellement vite qu'il avait eu l'impression que c'était son corps entier qui pulsait d'adrénaline, et il avait eu beau savoir que Granger était une sorcière plutôt talentueuse quand il s'agissait de manier une baguette, il n'avait été rassuré que lorsque le plancher était réapparu sous lui. A peine ses pattes avaient-elle touché le sol qu'il s'était éloigné précipitamment des escaliers, remontant le couloir en sens inverse pour trouver une autre échappatoire. Le souffle court, la patte douloureuse, il s'était glissé sous un buffet dans le salon et n'avait plus bougé de son refuge, même quand Granger l'avait appelé pour tenter de le faire sortir de sa cachette.

Là, pelotonné contre le mur entre des moutons de poussière et un stylo abandonné, il avait repris son souffle, et tenté de remettre de l'ordre dans ses idées, se repassant les événements de la matinée en tâchant de prendre le recul suffisant pour analyser la situation avec hauteur.

A l'évidence, il y avait eu un soucis, et pas des moindres, dans la réalisation de sa potion. Sans doute avec les poils de Caméléon Angora, car le mélange avait capoté à partir de leur ajout.

Il avait été transformé en chat par l'ingestion involontaire du mélange… C'était là la partie la plus fâcheuse de l'histoire, en réalité. Ça, et peut-être aussi le fait qu'il se soit inexplicablement retrouvé dans l'appartement d'Hermione Granger, qu'il n'avait plus revue depuis plusieurs années. Cette dernière ne savait pas qu'il était lui, et pensait avoir simplement récupéré un chat errant.

Il ne pouvait pas parler, et ses tentatives pour utiliser la magie informulées avaient été infructueuses, durant les deux heures qu'il avait passées sous le buffet à tenter de trouver une solution à son problème.

Malheureusement, plus le temps passait, et plus il lui avait fallu se rendre à l'évidence.

Il n'avait pas le début d'une solution.

Hormis attendre que la potion cesse de faire effet. Ce qui pouvait facilement prendre jusqu'au lendemain.

Par Merlin, la journée promettait d'être longue !

OoOoO

Picorant sans appétit dans son assiette, Hermione avait lancé un énième coup d'œil en direction du buffet de la pièce de vie, sous lequel son nouveau pensionnaire était caché depuis le milieu de l'après midi, après avoir tenté de s'échapper et manqué de se tuer dans l'escalier qui menait à l'arrière boutique.

- Il a l'air aussi sociable que le propriétaire du labo où tu l'as ramassé ! S'était moqué George en face d'elle, amusé.

La Gryffondor lui avait lancé un regard sombre, n'appréciant que peu qu'il se moque du pauvre petit animal effrayé qu'elle avait ramené plus tôt dans la journée. George n'avait émis aucune protestation quand il l'avait vu rentrer avec le chat, et avait gloussé quand elle était revenue de courses un peu plus tard avec tout le nécessaire pour s'occuper d'une armée de félins abandonnés. Il n'avait pas caché son hilarité lorsqu'elle lui avait raconté la tentative d'évasion du greffier qui se montrait tout sauf docile, depuis qu'il s'était réveillé quelques heures plus tôt.

- Il est seulement effrayé, avait-elle rétorqué en plantant brusquement sa fourchette dans une pomme noisette innocente. C'est le temps qu'il prenne ses marques, c'est tout. En plus, il est blessé à une patte.

- Oh oui, pauvre petite chose fragile ! Avait ricané le rouquin en lui subtilisant une de ses pommes de terre, sa propre assiette étant déjà vide.

Hermione lui avait jeté un nouveau regard réprobateur, pour la forme uniquement, car elle avait fini par pousser son assiette vers le centre de la table pour qu'il puisse y avoir accès plus librement.

- Rappelle moi pourquoi tu ne l'as pas simplement laissé sur place ? Dans mes souvenirs tu devais revenir avec un conseil de la part du Sombre-et-Terrible-Professeur-Rogue ! S'était-il moqué en prenant une voix grave sur le sobriquet. Pas avec un greffier ingrat et efflanqué.

- Rogue n'était pas là, avait-elle répondu en grignotant le pourtour croustillant d'une pomme noisette. Et vu l'état de son labo, le-dit chat n'est pas étranger dans le foutoir qui y régnait. Connaissant Rogue et son obsession pour l'ordre, je suis sûre qu'il aurait passé ses nerfs sur lui en revenant.

- Dit celle qui passe son temps à faire et défaire les placards pour trouver la meilleure organisation possible ! Avait raillé George, ironique.

Hermione lui avait tiré la langue, dans une attitude tout à fait puérile qu'elle n'aurait sans doute jamais eue avant, mais qu'elle se permettait depuis son emménagement avec le rouquin. Vivre avec George était d'une facilité déconcertante, après sa cohabitation houleuse avec Ron, qui s'était largement détériorée lors des derniers mois où ils avaient vécu ensemble.

Même si son caractère pitre et farceur laissait suggérait tout le contraire, le frère de Ron n'était ni bordélique ni je m'en-foutiste, comme avait eu la surprise de le découvrir Hermione. S'il avait été certain que l'école n'était pas une institution pour lui, entrer dans la vie active et ouvrir son propre commerce de Farces et Attrapes l'avait obligé à acquérir rigueur et professionnalisme. Tout était systématiquement rangé à sa place, même dans son arrière boutique où les références ne manquaient pas. Sans doute la jeune femme aurait-elle eu bien plus de mal à accepter de travailler dans des conditions différentes, d'ailleurs.

Quant à leur quotidien, une fois le magasin fermé, il était étonnement serein. Là où elle se querellait régulièrement avec Ronald, à tel point que chaque sujet était devenu source de conflit, tout semblait couler sans accroc avec George. Le jeune homme avait pour lui son sens de l'humour et son détachement qui lui permettaient de désamorcer le moindre début d'accrochage, et qui illuminaient les soirées d'Hermione même quand elle se laissait aller à un coup de cafard, chose qui lui arrivait encore régulièrement, quelques mois seulement après sa rupture avec le cadet de la fratrie.

- Peu importe, avait-elle repris en lui abandonnant définitivement son assiette pour s'approcher de nouveau du buffet avec un petit morceau de viande qu'elle estimait attrayant. Il doit bien être à quelqu'un, je demanderai à Rusard lorsque je retournerai au château.

- Oui, et s'il se trouve qu'il lui appartient, tu lui diras que tu lui as gentiment piqué son chat de peur que Rogue ne le découpe en rondelles pour s'en servir dans une potion quelconque ! Avait ri le jeune homme, amusé.

- N'importe quoi ! S'était exclamée Hermione en levant les yeux au ciel, souriant malgré elle de ses plaisanteries. Allez viens bonhomme… Charbon, vient… avait-elle ajouté d'une voix fluette à l'attention de la boule de poils blottie sous le buffet.

Personne n'était sorti de sous le meuble. George, qui l'observait agiter le petit morceau de viande tout en avalant les pommes noisettes comme s'il s'agissait de pop-corn, s'était esclaffé moqueusement.

- Je croyais que tu voulais rechercher son propriétaire !

- C'est ce que je compte faire. Dès demain, figure toi.

- Vraiment ? Alors pourquoi tu lui donnes un nom ? Si véritablement il appartient à quelqu'un, tu ne pourras pas le garder.

Hermione avait marmonné quelque chose d'incompréhensible, tout en continuant d'appâter le chat décidément bien difficile.

- Je vais chercher son propriétaire, mais je ne suis pas certaine qu'il en ait réellement un, en vérité, avait-elle repris après être passée dans la cuisine pour troquer le morceau de poulet pour une soucoupe de lait. A cette époque, il n'y a plus personne à Poudlard ou presque. Et puis il n'est pas bien épais. Minou, minou, regarde ce que c'est… Hmmm, du bon lait bien frais… Tu dois bien avoir soif depuis ce matin, non ?

Elle avait fait glisser la soucoupe de lait sous le meuble en direction du félin, ce qui lui avait valu en retour un feulement furieux tandis que l'animal s'éloignait plus encore sous le buffet. Derrière elle, George avait éclaté de rire, amusé de la déconvenue de sa colocataire face à une créature aussi chétive.

- Tu devrais plutôt l'appeler Chardon, plutôt que Charbon ! S'était-il exclamé, hilare.

Abandonnant la soucoupe de lait sur le sol près du buffet, Hermione s'était redressée en époussetant ses mains et ses genoux. Il allait vraiment falloir qu'elle prenne le temps de faire un grand ménage durant l'été à venir !

- Il finira pas s'y faire. Il lui faut juste un peu de temps. D'ici quelques jours, il sera devenu doux comme un agneau, tu verras !

Si seulement elle avait su, la pauvre !

OoOoO

Severus avait l'impression que cela faisait une éternité qu'il était coincé dans ce satané corps de félin, alors même que cela ne faisait qu'à peine quelques heures. Ce qui était déjà foutrement long pour l'effet d'une potion dont il n'avait absorbé qu'une faible quantité !

La veille au soir, Granger avait essayé de l'amadouer en lui donnant toute sorte de nourriture, des croquettes pour chat jusqu'à de la pâtée mitonnée aux petits légumes et à la sauce forestière dont elle lui avait lu l'intitulé à voix haute, comme si cela pouvait suffire à le faire manger. Comme s'il était assez idiot pour se faire avoir par l'intitulé d'un plat digne d'un restaurant gourmet ! Elle lui avait même proposé une gamelle de lait ! A croire qu'elle le prenait vraiment pour un gosse !

En vérité, elle le prenait simplement pour ce dont il avait l'apparence, un chat. Et c'était bien là le problème. Severus avait passé une bonne partie de la nuit sous le buffet, somnolant plus ou moins jusqu'à être certain que les deux occupants des lieux soient endormis. Il avait été surpris lorsque George Weasley, fauteur de trouble parmi les fauteurs de trouble, avait rejoint la Gryffondor le soir venu. Il se souvenait que les deux rouge et or travaillaient ensemble, mais ne savait pas qu'ils habitaient également à deux. C'était plutôt incongru, connaissant leurs caractères diamétralement opposés, mais de la part de membres de Gryffondor, plus rien ne le surprenait.

Lorsque plus aucun bruit ne s'était fait entendre dans l'appartement, il était sorti de sa cachette et avait parcouru les lieux, autant pour se familiariser avec son nouveau corps, qui le faisait voir le monde d'en bas, que pour repérer les points de sortie de l'appartement. A ce stade, la seule chose qu'il désirait, c'était sortir d'ici pour rejoindre son laboratoire à Poudlard.

Malheureusement, toutes les issues, fenêtres comme portes, étaient fermées, et sa magie informulée n'avait pas été plus fructueuse que dans l'après-midi. Alors qu'il se dirigeait vers la cuisine pour tenter de voir où donnait la fenêtre de cette pièce, un délicat fumet l'avait pris au nez, déclenchant une crampe douloureuse dans son estomac désespérément vide depuis le petit déjeuner de la veille. Avant qu'il ne l'ait réellement décidé, ses pas l'avaient mené au pied du plan de travail, où deux petits bols étaient restés en évidence. L'un contenait de l'eau claire, l'autre du thon. Alors même qu'il s'était promis de ne rien avaler venant de Granger, Severus avait été incapable de se retenir d'engloutir le poisson, tant son estomac criait famine.

Jamais une boîte de thon ne lui avait semblé aussi délicieuse. Fou ce que les capteurs sensoriels sur la langue d'un chat étaient fins et délicats. Et cette odeur légèrement fumée ! Par Merlin, il aurait pu en manger jusqu'à s'en distendre l'estomac ! Mâcher avec des dents de carnivores n'était pas chose aisée, mais il s'en était sorti néanmoins, laissant derrière lui quantité de miettes de thon qu'il s'était refusé à lécher. Il n'était quand même pas tomber si bas.

Quant à l'eau… boire avec une langue n'était pas non plus une partie de plaisir, et il avait sans doute renversé plus d'eau hors du bol qu'il en avait ingérée, en réalité. Il était reparti à ses explorations, découvrant la salle de bain puis la chambre du fils Weasley. L'appartement n'était pas très grand, et il en avait ainsi vite fait le tour, revenant bientôt dans le salon, où il avait réussi tant bien que mal à se hisser sur le canapé. Ayant encore du mal à se faire à son nouveau corps, la fatigue l'avait cueilli presque aussitôt, et il s'était endormi dans un coin du sofa, priant Merlin pour qu'à l'aube, son corps ait repris sa forme originelle.

Malheureusement, soit Merlin prenait lui aussi des vacances l'été, soit il n'en avait rien à foutre de sa personne, ce qui ne l'aurait guère étonné, au vu de ce qu'avait été sa vie jusqu'à présent. Toujours était-il qu'au petit matin, son problème était le même. A la différence près qu'un nouveau souci s'était présenté à lui.

Sa vessie était pleine.

Bonté Divine, mais qu'avait-il fait au bon Dieu pour mériter ça ?

OoOoO

Hermione n'avait jamais été du genre à s'impatienter dans la vie, mais elle commençait réellement à se demander si la patience ne s'étiolait pas avec les années.

Cela faisait quatre jours.

Quatre jours qu'elle s'était rendue au château pour demander conseil au professeur Rogue sur sa potion, et qu'elle était revenue de Poudlard avec, non pas une piste pour avancer sa préparation, mais un petit chat noir terriblement mignon, mais incontestablement sauvage.

Pattenrond ayant été son premier chat, il était naturellement devenu sa référence en matière de félins. Force était de constater que Charbon était l'exact opposé du matou orange et facile qu'elle avait adopté à l'animalerie, dix ans plus tôt. Là où le demi-fléreur s'était montré calme et docile, acceptant dès le premier jour les caresses et le contact avec les humains, le chat noir ne semblait pas prêt de se laisser amadouer si facilement.

Cela faisait déjà quatre jours qu'Hermione s'évertuait à s'en approcher, sans succès. Il s'enfuyait dès qu'elle faisait une nouvelle tentative, et refusait même de manger tant qu'elle était dans les parages. Et c'était peu de dire qu'il était difficile en matière de régime alimentaire ! Il avait catégoriquement boudé la nourriture pour chat qu'elle avait achetée, aussi haut de gamme était-elle, et n'acceptait que des aliments destinés aux humains, thon, poulet ou jambon. George avait été atterré lorsqu'elle avait sorti les courses réalisées exprès pour la boule de poils, le soir du deuxième jour, sidéré qu'elle cède si facilement à ce chantage alimentaire.

- Tu sais que même ma mère ne nous donnait rien d'autre à manger tant que nous n'avions pas fini notre assiettes, lorsque nous étions petits ? Et toi tu achètes du « jambon supérieur sans couenne » et du « thon naturel cultivé en eau sauvage », pour un chat ? Avait-il demandé, ahuri.

Hermione lui avait retourné sa plus belle grimace, cloîtrant ainsi la conversation avec beaucoup de maturité.

Les recherches pour retrouver son propriétaire n'avaient rien donné. Hermione avait fait le tour des commerces de Pré-Au-Lard pour déposer de petites affichettes, ayant réussi tant bien que mal à prendre une photo potable de l'animal. Pour l'instant, personne ne s'était manifesté, et la jeune femme n'avait pas encore eu l'occasion de retourner à Poudlard pour interroger Rusard. Si elle s'était réjouie, après quarante-huit heures sans prétendant pour le petit félin, de pouvoir le garder, elle s'était néanmoins attristée de ne pas le voir s'acclimater à son nouvel environnement, et s'était donc résignée à lui donner plus de temps.

Le seul point positif était que le matou était propre. Enfin presque. Suite à un petit accident la première nuit, où il avait uriné sur le tapis de salle de bain, elle l'avait menacé de lui faire retirer ses bijoux de famille s'il s'obstinait à ignorer la litière qu'elle avait pourtant mise à disposition. Avait-il compris le message, ou était-ce pure coïncidence ? Toujours était-il qu'il n'avait pas réitéré les mauvaises surprises nocturnes.

Sa patte semblait tout à fait guérie. Hermione n'avait pu s'en assurer de près, puisqu'il ne l'avait pas laissée s'approcher, évidemment, mais il avait réussi à retirer le pansement et ne boitait plus. De fait, il avait gagné en assurance, et avait réussi à apprivoiser les escaliers, ainsi qu'à stabiliser ses sauts et ses déplacements sur le plancher sans ressembler à un manchot handicapé glissant sur la banquise. Ce qui obligeait la jeune femme à être d'autant plus précautionneuse lorsqu'elle sortait, car le chenapan n'avait de cesse de vouloir se faufiler entre ses jambes pour sortir avec elle. Plusieurs fois elle avait dû employer la magie pour l'empêcher de s'enfuir, ce qui lui avait valu chaque fois des feulements et des crachements mécontents.

Hermione avait beau être patiente, elle commençait néanmoins à désespérer, et à se demander si elle avait bien fait de récupérer le petit animal au château. Peut-être devrait-elle demander conseil à Hagrid, qui de tout temps avait toujours su dompter les cas les plus compliqués. Ou à Minerva, si la situation ne s'était pas améliorée d'ici le retour de vacances de la directrice du château. Après tout, étant elle-même un chat sous sa forme d'animagus, peut-être saurait-elle désamorcer cette situation qui semblait partie pour durer.

Puis, alors que toute cette situation minait son moral toujours fragilisé par sa rupture avec Ron quelques mois plus tôt, et qu'elle commençait à se convaincre que, décidément, même un simple chat ne voulait pas d'elle, un rapprochement inattendu s'était opéré.

La première semaine de cohabitation avec Charbon touchait à sa fin. Hermione se levait toujours un peu plus tôt le samedi matin, afin d'avoir plus de temps pour faire un dernier tour de la boutique avant la journée du samedi, qu'elle effectuait en général toute seule, George étant en renfort sur l'échoppe du Chemin de Traverse en cette période plus creuse pour Pré-Au-Lard.

Elle s'apprêtait à partir, après avoir rempli la gamelle d'eau de Charbon qui, décidément bien difficile, ne buvait que de l'eau fraîche du jour, là où Pattenrond avait toujours pris un malin plaisir à boire l'eau des plantes ou celle qui stagnait dans la douche. Comme George le lui avait conseillé en début de semaine, elle avait ignoré le chat, prenant le pli de le laisser venir à elle plutôt que de chercher à l'approcher invariablement.

Elle avait déjà ouvert la porte, et alors qu'elle se penchait pour réajuster le laçage de ses chaussures, rejetant ses cheveux en arrière d'un geste machinal pour qu'il ne tombe pas par dessus son épaule, elle avait senti une résistance au bout de l'une des mèches chocolat, et avait eu la surprise de voir une petite patte noire apparaître dans son champ de vision. Interdite, elle s'était redressée à demi, découvrant avec étonnement Charbon perché sur une marche à hauteur de son visage, plus proche d'elle qu'il ne l'avait jamais été. Ses pupilles étaient si dilatées qu'on ne voyait presque plus la couleur de l'iris autour des deux billes sombres, et il observait ses cheveux avec fascination.

- Hey…, avait-elle murmuré, enchantée de le voir enfin d'humeur sociable. Ça y est, Monsieur a décidé de ne plus faire la tête ? Tu vois quand tu veux, ce n'est pas si difficile !

Elle avait incliné davantage la tête, de sorte que ses cheveux viennent effleurer le bout du museau du petit chat, dont les yeux s'étaient arrondis davantage, si c'était encore possible. La réaction ne s'était pas faite attendre et, incapable de résister à la tentation, il avait de nouveau tenté d'attraper ses cheveux, sa patte passant à travers les mèches brunes qui lui avaient filé entre les griffes. Hermione avait ri, ravie et amusée à la fois de son humeur joueuse, et s'était assise sur une marche pour être à la hauteur du félin et le titiller davantage avec la pointe de ses cheveux.

Métamorphosé par son envie de jouer, Charbon s'était prêté au jeu avec énergie, sans plus feuler ni chercher à s'enfuir, et elle avait même pu aller jusqu'à le caresser, grattouillant la ligne de son dos en remontant vers ses oreilles pour lui ébouriffer le haut de la tête. Heureuse de ce petit moment de complicité avant sa journée de travail, Hermione n'avait pu retenir un éclat de rire joyeux.

Et puis tout avait dérapé.

Surpris par le son soudain de son rire, le chat avait vivement sursauté, et ses pupilles s'étaient étrécies en deux fentes étroites. Sentant son brusque changement d'attitude, Hermione avait voulu s'écarter, mais n'avait pas été assez rapide, malheureusement. Un grondement sourd était monté dans le gorge du chat qui avait retroussé ses babines sur ses dents, feulant et crachant à la fois. Avant qu'elle n'ait pu s'éloigner suffisamment pour être hors de portée de ses pattes, le coup de griffes était partie.

Une vive douleur avait traversé la Gryffondor, qui s'était écartée d'un bond sans pouvoir retenir un cri effrayé en portant sa main à sa joue brûlante. Elle avait tressailli en sentant sous ses doigts le contact chaud et humide du sang qui s'écoulait déjà des marques de griffures qui barraient sa pommette, et avait regardé sans comprendre le félin qui s'était figé, presque aussi surpris qu'elle de ce revirement de situation.

L'air aussi vulnérable que menaçant, le chat avait tourné la tête vers la porte toujours ouverte, et avant qu'Hermione n'ait pu réagir, il s'était précipité par l'ouverture. La Gryffondor s'était ruée à sa suite, ignorant la douleur palpitante de sa joue. Malheureusement, elle avait eu beau l'appeler et le prier de ne pas s'enfuir, lorsqu'elle était arrivée dans le petit couloir qui menait à l'arrière-boutique, elle n'avait eu que le temps de voir l'extrémité d'une queue noire disparaître à travers l'ouverture du soupirail qui donnait sur la rue.

Quand, le cœur battant, elle avait ouvert à la volée la porte de la maison, en cette heure fort matinale où les commerçants voisins commençaient seulement à rejoindre leurs échoppes respectives, il n'y avait plus l'ombre d'un chat dans la rue.

Elle avait perdu Charbon.