Le lendemain à la première heure, les quatre agents du BLADE empruntent une nouvelle fois le monte-charge de la porte ouest pour se rendre en Primordia. Les seules différences avec la sortie de la veille étant la présence de Skoll à leurs côtés, et l'objet cylindrique qu'ils tirent sur un diable.

« Pourquoi c'est à moi de tirer ce truc ? se plaint Skoll. C'est un bizutage, c'est ça ?

- C'est toi le Pathfinder, souligne H. Lin. C'est ton travail de placer les sondes pour étendre FrontierNav.

- J'ai pas signé pour ça, se plaint-il.

- T'as signé un peu vite aussi. » rétorque Baldr.

De son côté, Mimir scrute les environs à la recherche de fruits, de légumes ou d'animaux dignes d'intégrer son encyclopédie. Sans compter qu'elle doit encore retrouver une pomme astrale pour savoir pourquoi sa graine a soudainement perdu son éclat lorsqu'elle l'a ramassée.

« Dis-moi Skoll, demande Baldr dans l'idée de meubler un peu la conversation. C'est vrai que tu es un expert en survie ?

- J'irai pas jusqu'à dire que je suis un expert, mais je peux me targuer de quelques exploits, oui.

- Lesquels ? s'intéresse H. Lin.

- J'ai par exemple traversé l'Australie d'ouest en est équipé seulement d'un couteau et d'une paire de baskets.

- Pourquoi spécifiquement l'Australie ? demande Baldr.

- L'Australie est probablement la zone émergée la plus dangereuse de la Terre, intervient Mimir. Une grande majorité des espèces animales qui la peuple sont mortelles pour l'Homme. C'est par exemple en Australie qu'on trouve le taïpan du désert, le serpent le plus venimeux du monde.

- Je croyais que c'était l'Amazonie l'endroit le plus dangereux de la Terre, commente H. Lin.

- Je trouve aussi que l'Amazonie est pire, souligne Skoll. L'avantage de l'Australie, c'est que c'est dégagé. On ne risque pas de se faire attaquer par quelque chose sans l'avoir vu.

- On trouve beaucoup plus facilement à manger dans la forêt Amazonienne, commente Mimir.

- C'est vrai, confirme Skoll. Mais je pense quand même que c'était une de mes expéditions les plus difficiles.

- Tu as aussi été en Amazonie ? s'étonne Baldr.

- Je m'étais donné pour mission de retrouver l'épave du vol LANSA 508, explique Skoll.

- C'est une épave particulière ?

- C'est l'une des plus impressionnantes catastrophes de l'aéronavale, explique H. Lin. A cause d'un orage, l'avion s'est disloqué en plein ciel, tuant tous les membres d'équipage et passagers, sauf une. Elle a survécu à une chute de plusieurs milliers de mètres avant d'atterrir en pleine jungle amazonienne. Elle a fini par rejoindre la civilisation à pied, marchant une bonne semaine dans la jungle.

- Ouah ! s'exclame Mimir.

- Juliane Koepcke, ajoute Skoll. Elle avait 17 ans quand c'est arrivé, et elle a survécu grâce aux conseils de survie qu'elle avait reçus.

- Une histoire inspirante, comprend H. Lin.

- Bref ! Je suis parti de Lima, au Pérou, et je devais rejoindre la côte est du Brésil, en retrouvant le lieu où elle avait atterri et la boîte noire de l'avion, le tout équipé seulement d'un couteau et d'une paire de baskets.

- Et ben ! s'exclame Mimir. Sacré programme.

- Pourquoi encore un couteau et une paire de baskets ? demande Baldr.

- A mon avis, ce sont les deux choses les plus importantes à avoir sur soi en permanence, explique Skoll. Et puis c'est un gimmick récurrent qui contribue à ma popularité.

- Je vois… marmonne H. Lin.

- Ça explique ce qu'a dit le commandant hier, remarque Baldr.

- Tout ceci fut fort divertissant et instructif, mais nous voilà arrivés, lance H. Lin.

- Pas trop tôt. » marmonne Skoll en lâchant la poignée du diable.

Les quatre camarades sont de retour en haut du promontoire duquel Baldr a aperçu la capsule de survie de Skoll la veille.

« C'est ici qu'on doit la placer ? demande Mimir. Il me semblait qu'on nous avait dit qu'il fallait un terrain dégagé…

- Non, c'est pas exactement ici, explique Baldr. Mais c'est à partir d'ici qu'on va devoir la transporter à la main.

- Le lieu où planter la sonde est précisément l'endroit où nous avons trouvé Skoll hier, ajoute H. Lin.

- Il faut encore qu'on se farcisse tout ce chemin ? se plaint Skoll. Et avec la sonde sur les bras ?

- Baldr et moi allons la prendre, répond H. Lin. Toi, tu ouvres la marche et tu surveilles Mimir.

- Comment ça je la surveille ? Elle est adulte que je sache. » répond Skoll en regardant autour de lui pour trouver Mimir, avant de se rendre compte qu'elle a disparu.

« Ben… Elle est partie où ? demande Skoll.

- Elle est au bord de l'eau, en contrebas, répond Baldr en commençant à détacher la sonde du diable.

- Tu devrais te dépêcher, ajoute H. Lin.

- Mais elle est complètement inconsciente ! s'exclame Skoll en courant vers elle.

- Je savais pas que tu étais du genre à bizuter les nouveaux, lance Baldr à H. Lin.

- Je ne vois pas pourquoi je serais la seule à garder un œil sur notre électron libre. »

Au bord de l'eau, Mimir observe un étrange lézard gris.

« Complètement desséché, mais toujours en vie. On dirait qu'il ne parvient pas à s'hydrater, même en restant dans l'eau…

- Mimir ! l'appelle une voix derrière elle.

- Je suis là, répond-elle sans lever les yeux de sa trouvaille.

- Ça va pas de partir sans prévenir ? s'énerve Skoll en arrivant à son niveau.

- Je suis pas partie, rétorque-t-elle. Je suis juste à côté.

- On est en environnement hostile, rappelle Skoll. Juste à côté, c'est déjà trop loin. Et si un de ces crabes géants t'attaquait ?

- Ils sont pas dangereux, rétorque Mimir. Je suis même quasiment sure qu'ils te laisseraient les caresser.

- Comment tu peux en être si sûre ?

- A ton avis, il se nourrit de quoi ce lézard ? demande Mimir, changeant complètement le sujet.

- Hein ? J'en sais rien, moi.

- Il est incapable de retenir l'eau, déduit Mimir. Si cette espèce n'est pas éteinte, c'est qu'elle doit avoir un moyen de puiser de l'eau dans les aliments qu'elle ingère. C'est donc qu'il doit y avoir des aliments à forte teneur en eau dans le coin.

- Ce serait vraiment très étonnant sur une plage, ironise H. Lin en arrivant à leur niveau, la sonde sur l'épaule. Vous nous ouvrez la marche ?

- Oui cheffe ! s'exclame Mimir en se redressant vivement.

- Quel personnage étrange… » marmonne Skoll.

Après quelques minutes de marche au milieu des forfexs, l'équipe arrive sans incident au lieu d'installation de la sonde. Pendant que H. Lin explique à Skoll comment l'installer, Baldr s'approche de Mimir qui est en train de fouiller le sable.

« Tu cherches quelque chose ? demande-t-il.

- Le régime alimentaire des créatures locales, répond Mimir. Pour que ces crabes puissent être aussi grands, c'est qu'il y a un aliment riche en nutriments dans le sable. Sans compter que des lézards déshydratés arrivent à survivre, donc il y a aussi un aliment riche en eau douce. Je me demandais juste si je pouvais les trouver en fouillant le sable.

- Et alors ?

- Juste quelques algues pour l'instant… Elles sont certainement très nutritives, mais elles ne transforment pas l'eau salée en eau douce.

- Tu… as goûté ? s'inquiète Baldr.

- Une goutte, oui.

- Et tu n'as pas peur de t'empoisonner ?!

- Pas vraiment, non. J'ai vu plusieurs espèces se nourrir de ces algues et je n'ai goûté qu'une goutte.

- Si tu le dis…

- Le mystère du lézard reste entier… » marmonne Mimir, pensive.


Rizattice : Ressemble à un lézard, mais en raison de son incapacité à retenir l'eau, il est presque complètement desséché. Il chasse plutôt des proies à haute teneur en eau.

Exploration de Mira : 0,31%