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Fake it, till you make it.

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Les talons des escarpins icônes de la Maison Louboutin claquèrent sur le sol froid en résine des locaux d'UchihaCorp. Sasuke Uchiha sut qu'elle arrivait avant qu'elle ne traverse la porte de son bureau. C'était le début de semaine et comme d'habitude, Sakura Haruno, jeune diplômée d'état en technique de communication, et accessoirement folle des chaussures de marques, avait fait du shopping dans sa boutique préférée de Tokyo.

Au fil du temps, cela était devenu une sorte de passe-temps pour Sasuke ; il irait jusqu'à dire que c'était un jeu, un pari contre lui-même. Reconnaître quels talons sa secrétaire particulière chaussait représentait un défi autrement stimulant que l'analyse pointue des divers investissements financiers du CAC40. Avant même de s'en rendre compte, il était tellement pris dans le jeu spéculatif qu'il ne pouvait plus faire marche arrière. Il était complètement obsédé par ses escarpins de différents coloris et de designs uniques qu'arborait fièrement la rose. D'ailleurs, ceux-ci semblaient être la seule excentricité qu'elle se permettait, toujours affublée au tout et pour tout que d'un costume/pantalon trois pièces noir taillé sur mesure.

Info/Intox n°1 : la rumeur disait qu'elle en avait exactement vingt-quatre dans sa garde robe ; tous de la même coupe et couleur, ce qui correspondait à un costume par jour ouvré du mois, Samedi y compris.

Sasuke secoua sa tête devant cet amas d'ineptie. Cela serait fou mais la femme prenait tellement à cœur son travail que ça ne le surprendrait pas autant qu'il le pensait au final. La porte s'ouvrit en le tirant de sa rêverie. Sakura Haruno entra dans la pièce avec toute la ponctualité et l'efficacité qui la définissait. Les yeux charbons de l'homme migrèrent au Sud de sa silhouette effilée.

« So Kate », fut la première chose que le brun pensa. Le modèle à bout pointu avait été réalisé en PVC Loubicraft avec un savoir-faire au rendu « trash » par la maison mère Louboutin©. La paire était faite en pièces de boîte de souliers de la marque ainsi que de leurs sacs shopping. La tige décolletée, elle, était ensuite déposée sur un talon aiguille de 120 mm exactement. Comment Sasuke le savait ? Eh bien, il avait écumé tous les modèles de chaussures féminines que proposait le magasin préféré de la femme durant ces dernières années. Rien de bien extraordinaire pour un homme tel que lui, doté d'une fantastique capacité de mémorisation. Et, précisons-le, ce n'était surtout pas à cause des — très légères !— tendances obsessionnelles que ses parents avaient banalisés depuis sa tendre enfance.

Non.

Absolument pas.

— Bonjour, Sasuke-sama, le salua-t-elle de bonne humeur.

Elle posa l'énorme classeur qu'elle tenait entre ses mains sur la table en chêne de son bureau. Sasuke haussa les sourcils face à la montagne de papiers.

— Ce sont les documents de la semaine qui requièrent ma signature ? tenta-t-il, dépité.

Sakura sourit de toutes ses dents blanches.

— Non. Ce sont les documents que vous devez traiter en priorité avant demain après-midi, Sasuke-sama.

C'était l'une des raisons pour lesquelles il avait décidé d'embaucher la femme aux longs cheveux roses. Sa tyrannie déguisée derrière un sourire permanent aux lèvres indifféremment du grade de son interlocuteur était le moteur de ses journées fades. Elle faisait un excellent travail.

Sakura s'inclina avec grâce et poise puis fit volteface dans le cliquetis reconnaissable de ses hauts talons.

Sasuke fut subjugué.


Il se l'était admis le mardi matin de la première semaine du deuxième mois après qu'elle ait commencé à travailler comme secrétaire chez UchihaCorp. La précision de cette date ne faisait que démontrer son admiration pour elle. Rien à voir avec une quelconque obsession qu'il niait depuis leur dite rencontre. Il espérait le nier car il fallait se rendre à l'évidence que Sakura Haruno était totalement son type.

Elle était grande et ne se gênait pas pour le montrer, perchée sur le plat de ses talons vertigineux. Elle avait de longs cheveux qu'elle attachait toujours en une queue-de-cheval haute très particulière dont il soupçonnait l'esthétique de provenir de Chine. Son visage était un mixte familier mais étranger tout à la fois ; sûrement dû à sa double nationalité qu'elle avait héritée de son père japonais et de sa mère chinoise — oui, il s'était renseigné. Et, bon Dieu ! Elle avait des fossettes ! D'adorables petites fossettes qui ne se révélaient que quand elle boudait ou se plaignait des incapables ayant une fois de plus envoyé les mauvais documents sur son bureau. Elles apparaissaient également lorsqu'elle faisait à de rares occasions des remarques espiègles sur les gourdasses qui remplissaient l'étage en-dessous du leur et dont le seul travail, autre qu'éditrices du magazine d'UchihaCorp, semblait se résumer à colporter les ragots dans toute l'entreprise.

Ce qui le ramenait au problème auquel il faisait face. Il était descendu audit étage pour parler à son éditeur en chef et accessoirement meilleur ami, Naruto Uzumaki, lorsqu'il avait entendu un bout de conversation de trois pipelettes avec des bracelets Swarovski© étincelants accrochés autour de leurs poignets.

— Oui, je parle bien de Sakura, la Sakura Haruno, je te jure ! s'exclama la blonde numéro 1, comme il la nomma intérieurement.

Le nom de sa secrétaire ne pouvait que le faire ralentir. Puis s'arrêter. Non, il n'admettrait jamais s'être caché derrière le pot de plante tropical près de l'espace de repos où étaient installées les femmes dans l'espoir d'espionner la discussion. Jamais.

Un coup d'œil rapide de la salle confirma que le bureau était vide à cette heure peu avancée du déjeuner.

— Tu sais, Trévor, l'étranger qui nettoie leurs bureaux ! poursuivit-elle bruyamment en se poudrant le nez, les jambes croisées. Il m'a dit qu'il avait fait le test et que c'était vérifié !

De son emplacement de choix, Sasuke vit la blonde numéro 2 lever les yeux au ciel, ne croyant visiblement rien de ce que son amie racontait.

— On parle de Sakura Haruno, dit-elle. Une paire de ses chaussures vaut mon salaire, et elle en change chaque putain de matin donc non, ta théorie ne tient pas. Celle de ton « Trévor » non plus.

Sasuke fut de plus en plus intrigué par le sujet de la conversation. Il jeta un coup d'œil rapide à sa Rolex et fit un rapide calcul mental. Il avait cinq minutes de marge. Naruto l'attendrait bien encore un peu…

— C'est grotesque, s'immisça la dernière femme, une brune cette fois-ci. Ton histoire sent le fake.

— C'est elle qui est fake, s'exclama blonde numéro 1 en déposant furieusement son pinceau sur le bureau. Même si son costume est de marque, elle se balade avec le même toute la semaine ! C'est franchement dégueulasse !

Sasuke se contenta de hausser un sourcil parfaitement sculpté.

— Tu ne peux pas y croire tout de même ! Tu sais combien elle vaut à chaque pas qu'elle effectue ? Le frottement quasi-inexistant des diamants de sa dernière paire de boucles d'oreilles Bvlgari© me hante jusqu'à aujourd'hui…

La brune afficha un air rêveur, signe qu'elle se rappelait des mouvements réguliers des magnifiques bijoux en or jaune de 18 K et pavés de diamants sur les bords. Les boucles d'oreilles étaient de la collection privée BZero1. Inspirée du Colisée, l'amphithéâtre le plus connu au monde, cette collection était le symbole innovant de la vision créative de la marque de luxe Bvlgari© teintée d'une touche d'insolence. Sasuke avait apprécié l'essence même de cet esthétisme joaillier; particulièrement sa spirale originale réimaginée avec des picots.

Il était bien informé sur ce bijou d'exception… car c'était lui qui le lui avait offert pour son anniversaire, deux mois plus tôt, sous couvert d'une gratification pour services rendus aux frais de l'entreprise. Sasuke ne savait pas si elle avait gobé l'histoire mais le sourire qu'elle lui avait adressé après que les reflets dorés provenant de la petite boîte aux allures princières lui aient caressés le visage, fut suffisant pour comprendre qu'il avait fait le bon choix. Sa courte hésitation avant de passer la commande fut dès lors oubliée… Bon, il était vrai qu'il avait hésiter pendant un mois mais il n'y avait vraiment pas de quoi en faire tout un drame !

— Je suis d'accord, soutint la blonde numéro 2. Elle ne peut pas avoir qu'une seule paire de costume dans son armoire alors qu'elle a toutes ses chaussures.

— Mais justement ! C'est pour pouvoir se payer ses chaussures et se la péter qu'elle est minimaliste de ce côté-là ! Elle nous a habitué à un certain standing, et maintenant, elle ne veut pas perdre la face ! Elle vit à l'américaine, vous savez ? « Fake it 'till you make it » !

Les femmes sont vraiment des pestes entre elles, se dit Sasuke en secouant la tête. Il savait bien que ces rumeurs n'avaient pour source que la jalousie mal placée de la jeune femme mais il s'interrogea sur la question. Il était vrai que sa secrétaire ne portait qu'un costume noir… et en y réfléchissant bien, la coupe échancrée de son pantalon allongeant ses longues jambes à l'infini était la même day by day. Un doute naquit. Il pinça ses lèvres en une ligne ferme.

— Je savais que vous ne me croiriez pas alors j'ai demandé une preuve, ajouta fièrement la blonde en fermant sa trousse de maquillage et en la rangeant dans son sac Céline. Regardez, c'est une photo de son costume le jour où il a collé le sticker dans son blazer, et ça, c'est une photo du lendemain, quand il a regardé sur le portemanteau ! Le sticker est resté, elle ne nettoie même pas ses affaires ! Regardez la date d'envoi du message !

Sasuke n'avait jamais été fan de gymnastique… il ne le regretta jamais autant qu'à cet instant précis en se tordant l'œil et le cou pour voir l'écran du téléphone portable de la jeune femme. Il savait qu'il offrait un piètre spectacle, presque à califourchon sur le pot dont les feuilles lui obstruaient partiellement la vue. Il la nierait jusqu'au bout si quelqu'un le surprenait dans cette position peu flatteuse. Fière d'elle, la blonde referma ensuite son téléphone en voyant les regards choqués de ses amies. Sasuke retint un grognement. Il n'avait pu rien voir de ce qu'elle avait montré. Les regards convaincus des deux autres nourrirent pourtant ses doutes.

— Soit, si même avec ça vous ne me croyez pas, je n'y peux rien. Mais je suis sûre de moi, cette fille est plus fausse que les lentilles de contact de la famille Hyuga !

Sasuke se retint de faire très sèchement remarquer que la pathologie héréditaire courant dans les gènes des Hyuga était loin d'être un choix de sujet de moquerie pertinent. Ils avaient eu leur dose de média usant de leurs noms à des fins marchandes autour de cette caractéristique aussi singulière qu'incroyable.

— Sasuke ? fit une voix en face de lui.

Il ferma les yeux très fort en voyant les trois filles se tourner dans sa direction. Nonchalant, il sortit de sa cachette en se redressant lentement. Chacun de ses pas était accompagné d'une malédiction spéciale lancée à l'encontre de Naruto, et de sa future lignée. Ce dernier l'observait d'un air réservé, presque méfiant de l'avoir surpris en train d'épier les trois commères.

— Naruto, j'ai amené le dossier dont je te parlais, fit le brun entre ses dents serrées avec un sourire faux savamment travaillé sur les lèvres.

Si le blond le questionnait sur ce qu'il venait de voir, il ferait de lui de la nourriture pour chien. Il ne montrerait aucune pitié ; aucune. Le blond sembla comprendre la menace voilée car ses yeux inquiets se posèrent successivement sur les femmes puis sur le sourire faux de son meilleur ami. Il déglutit et tenta un sourire tremblant à son tour.

— Euh, hé, réciproqua-t-il la salutation. Je t'ai vu sortir de l'ascenseur, allez, viens. On va manger ensemble. On regardera ça là-bas.

Avec un sourire charmeur qui fit rougir les jeunes femmes, Sasuke prit congé d'un signe de révérence de la tête. Il regarda Naruto pénétrer rapidement dans l'ascenseur, la queue entre les jambes. Le regard meurtrier qu'il lança en marchant vers lui fit reculer le blond tout au fond de l'ascenseur jusqu'à ce que son dos rencontre la surface froide de la vitre de protection. Sasuke se tint devant lui, une main dans sa poche, l'autre serrant dans une poigne de fer les documents importants. Bien que plus petit que le blond, son aura se chargeât de communiquer reste. Le géant au teint bronzé sembla rapetisser sous l'intensité de son œillade.

La porte de l'ascenseur se ferma derrière le brun. Il était temps d'expliquer à son subordonné qu'on n'intervenait en aucun cas dans les affaires de son patron.

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à suivre... (abonnez vous à l'histoire si vous voulez être sûrs de recevoir la notif')

Note d'auteure : Juste une mise à jour d'une série chill en cinq chapitres adressée aux fans de Naruto qui me suivent. Cette version remasterisée fait suite à mon envie de reprendre l'écriture après plus de deux ans d'abandon, littéralement.