Bonjour à tous ! ça y est, les fêtes sont terminées et j'ai repris le chemin du boulot, des bonnes habitudes, et de vous publier des chapitres préparés et non à la va-vite ^^
Je vous souhaite à tous joie, bonheur et santé pour cette nouvelle année 2025, et je la commencerai par vous dire que j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle.
La bonne nouvelle, c'est que je suis en train de reprendre la partie 3 de cette fic, et que je pense qu'elle sera bientôt finalisée (sans doute d'ici fin mars). La mauvaise, c'est qu'en fait il va me falloir une partie 4... Donc... tant que je n'aurai pas fini la partie 4, on va rester au rythme de deux chapitres par mois, et c'est pas demain la veille que je pourrai accélérer la publication...
J'aurais dû le voir venir "Crabe" aussi devait faire trois parties. Elle en fait cinq. J'imagine qu'on peut déjà s'estimer heureux que cette fic-là, je suis SÛRE que ça n'excèdera pas quatre parties au moins ! Point positif également, il est possible que la partie 4 soit moins longue que les trois autres (qu'elle fonctionne comme un épilogue de 150 pages plutôt qu'une partie de 300, quoi). J'espère que vous resterez fidèle au poste jusqu'au bout, mais je comprends que la perspective paraisse interminable ^^' (imaginons vous bien que c'est pire pour moi, je l'ECRIS)
RaR des anonymes :
Buck, sur le chapitre 13 : Ravie de te retrouver fidèle au poste :) Tu peux reviewer tous les chapitres, moi ça ne me fera que plaisir ! :) Si tu as trouvé 'Crabe' longue, dis toi que cette fic, en deux parties, sera déjà aussi longue que Crabe... et qu'elle va compter quatre parties !
Guest, sur le chapitre 13 : Merci beaucoup, j'espère que la suite te plaira :)
Eris, sur le chapitre 14 : Je réponds toujours à mes reviews, surtout quand c'est pour remercier du fond du coeur des revieweurs qui disent des gentillesses ! Neil est pas une mauvaise personne, elle est pas la personne faite pour John. Je la déteste pas, mais clairement, c'est pas non plus un personnage que j'ai créé pour qu'elle soit aimée ^^ Ravie de savoir par contre que tu aimes bien Mike ! Les amis de John, ils vont rester un moment dans le paysage, et eux ce sont mes bébés (ils ont une vie entière dans ma tête) alors je suis contente que vous les aimiez bien ! (même si Mike n'est pas un personnage purement original, je prends quand même le compliment !). J'espère que la suite te plaira !
Résumé : John est inscrit en 1ere année de médecine à l'Imperial College of London, fac très réputée. Il y est boursier, et vit dans un petit appartement off campus, contrairement à ses amis, Judith, Peter, Mike, Caitlin et Alec. De manière improbable, il est également devenu le meilleur ami de Sherlock, génie autoproclamé qui rend John plus vivant que jamais. Dans le même temps, il sort avec Neil, une étudiante en médecine de 4e année. Le deuxième semestre de John se passait bien jusqu'à maintenant, jusqu'à ce que son père, homme globalement violent, homophobe et alcoolique, l'appelle pour lui annoncer que sa soeur est partie de la maison. John s'est réfugié chez Sherlock, le seul endroit où il se sentait en sécurité, et a raconté ce qui s'est passé à son meilleur ami. C'est l'une des ouvertures le plus importantes de John quant à son passé.
Bonne lecture !
Chapitre 15
— John ?
Le susnommé ouvrit un œil qu'il n'avait pas conscience d'avoir fermé. Il était tard, il se levait tôt demain pour avoir le temps de passer en vitesse à son appart pour changer de vêtements et prendre ses affaires de cours pour sa journée à l'Imperial. Dans la soirée, il avait rendez-vous avec Neil et il ne voulait pas porter des fringues sales, les mêmes dans lesquelles il s'apprêtait à dormir. Sherlock n'avait jamais proposé de lui prêter un pyjama, et considérant la différence de gabarit entre les deux hommes, ça valait mieux. John aurait flotté dedans, et aurait eu l'impression d'être un enfant ayant emprunté les vêtements de son père. Sherlock n'était guère plus grand que lui, mais il était plus élancé, plus fin. Il allait de soi à John qu'aucun des vêtements de Sherlock ne pouvait lui aller, exception faite du blouson informe et trop grand que Sherlock portait en hiver.
Et puis dormir en T-shirt et boxer, ça lui allait très bien. Il était sur le point de s'endormir, dans le lit de Sherlock, quand la voix de ce dernier l'avait tiré de son demi-sommeil.
Il marmonna un truc qui n'avait aucun sens, mais qui suffit à Sherlock pour comprendre qu'il écoutait.
— Je ferai faire un double des clés de ma chambre et je t'expliquerai comment y entrer, annonça le génie. Si ça doit se reproduire.
Il n'avait pas aimé l'idée que John soit venu chercher du réconfort et ait été obligé de se cantonner au salon du bas, faute de pouvoir pénétrer dans sa chambre.
— M'ci, Sherlock.
Même à bonne distance du lit, et dans la pénombre de la pièce où tout était éteint et où la lune ne transperçait que peu les nuages, ce soir (il pleuvrait demain, le toit serait glissant, il faudrait qu'il fasse attention en s'éclipsant par la fenêtre, si besoin est), il vit clairement le sourire de John, et son cœur eut un soubresaut.
— Et si un jour, tu voulais parler de ton père... ajouta maladroitement Sherlock. Je suis là.
Ce genre de propos n'était pas dans ses habitudes. Il le pensait sincèrement. Il y avait des choses qu'il n'avait pas déduites de John, et il voulait tout savoir de lui. Mais le fait de le dire, de proposer d'ouvrir une conversation, pour être une oreille attentive et réconfortante, ce n'était pas franchement usuel de sa part. D'ailleurs, il n'était pas vraiment certain que c'était ce qu'il proposait. Si John, d'aventure, décidait de se confier, il était plus que probable qu'il en récolterait en retour quelques vérités assénées à grands renforts de reniflements méprisants et autres « je sais » ou « c'est évident et confondant de stupidité » arrogants. On ne changerait pas Sherlock. Mais John en avait bien conscience. Ça lui allait comme ça.
— Oui, répondit John d'une voix pâteuse, alourdie par le sommeil qui gagnait lentement sa bataille. Un jour, pr'mis.
Sherlock s'en contenta. Il arma sur son épaule le violon qu'il tenait à la main jusque-là, et fit glisser l'archet sur les cordes.
John sourit dans le sommeil qui l'emportait doucement. Sherlock jouait des cantiques de Noël. Ils étaient la mi-avril, et c'était bientôt Pâques, et cet homme improbable et têtu jouait des cantiques de Noël, parce qu'il savait que ça faisait partie des morceaux préférés de John.
Se sentant rassuré et pleinement protégé, pour la première fois depuis l'appel menaçant de son père, John s'endormit un sourire aux lèvres.
— Hey, John ! Qu'est-ce que tu nous as fait hier ?
John tapa dans la main de Mike en arrivant dans son premier amphi de la journée. Il était encore tôt, et pas grand monde n'était arrivé. De leur petite bande, seul Mike était déjà là.
— Malade, grimaça John avec conviction. Intoxication alimentaire, je pense. Y'a un truc dans mon frigo qui a mal dû respecter la chaîne du froid, ça a été rapide et fulgurant. Je te passe les détails.
Il eut un petit rire gêné, et Mike l'accompagna, imaginant en effet sans difficulté le calvaire que cela pouvait être, et l'impossibilité pour son ami de se déplacer, s'il se retrouvait à vomir tout l'après-midi.
— Tu pourras me filer les cours que j'ai ratés ? demanda John avec un sourire angélique.
Mike acquiesça. Il n'avait absolument aucun doute sur le fait que son ami lui disait la vérité. Il ne doutait absolument pas de la sincérité de John, et ne pouvait pas s'imaginer le coup de téléphone, les menaces, l'angoisse, la fuite, et l'après-midi et la soirée passées avec Sherlock.
— On ira les photocopier ce soir, indiqua-t-il.
— Plutôt à midi ? proposa John. Ce soir, juste après les cours, je vois Neil.
— Pas de souci ! C'est que ça commence à devenir sérieux, cette histoire dis donc, le taquina Mike. Ça commence à faire des mois, quand même ! Comment ça va ?
John s'empourpra. Il n'avait pas spécialement envie d'épiloguer sur le sujet de sa copine.
— Parlons plutôt de toi, t'avais pas dit que maintenant que tu discutais bien avec Elisabeth, t'allais l'inviter à sortir, hein ? Ça se passait plutôt bien, aux dernières nouvelles. Alors, ça en est où ?
Ce fut au tour de Mike de piquer un fard. Il avait pris en confiance en lui, du moins en apparence. Il avait aussi subi quelques désillusions dans ses tentatives, et John lui avait conseillé d'attendre de connaître davantage les jeunes femmes qu'il tentait maladroitement de séduire avant de leur proposer un peu trop frontalement un rendez-vous. Tout l'inverse, au demeurant, de ce que lui avait fait avec Neil.
Mais le conseil avait aidé Mike, et Elisabeth ne semblait pas indifférente à ses tentatives, si toutefois il daignait les concrétiser.
— Elle pourrait faire le premier pas aussi, hein, marmonna Mike. Ce serait moderne, ça, non ? C'est pas ce que tu prônes toujours, toi ?
Il était encore écarlate, et John rit. Ils n'eurent pas le temps d'épiloguer, parce que Judith, tranquille et discrète, arrivait, accompagnée du nettement moins tranquille Peter. John avait appris d'expérience que Mike n'aimait pas parler de ses histoires quand il y avait les autres, alors il se tut.
Il avait, lentement mais sûrement, tissé des relations différentes avec tous les membres de leur petit groupe. Il était proche de Mike, qui manifestement lui faisait confiance pour lui avouer des choses qu'il ne disait à personne d'autre. Il aimait réviser avec Judith, qui ne paniquait jamais, n'élevait jamais la voix, et ne perdait jamais son calme. C'était une grosse bosseuse, et elle était terriblement intelligente.
Avec Alec, John partageait davantage le sport, et il leur était arrivé, en de rares occasions, d'aller courir ensemble un matin, pour se défouler.
Peter et Caitlin formait un tout, toujours à se chamailler, un pas en avant, deux pas en arrière, dans une drôle de danse qui n'en finissait plus. Ils étaient les plus expansifs et bruyants, blaguaient à propos de tout, et John avait avec eux les conversations les plus explosives sur des sujets variés, parce qu'ils avaient des opinions bien arrêtées et aimaient les vrais débats, mais en montant dans les décibels.
— John ! Tu nous as manqué hier, mon pote ! s'exclama Peter. Qu'est-ce que t'as foutu ?
Avec le sourire, John se prépara à répéter son mensonge toute la journée à tous ceux qui demanderaient. Il n'avait même pas l'impression que c'était grave. Ils n'avaient pas besoin de savoir. Il les aimait sincèrement, et serait triste de les quitter, quand il le faudrait. Mais ils n'avaient pas besoin de savoir. Personne n'avait besoin de savoir, à part Sherlock.
John avait presque réussi à oublier sa mésaventure d'hier, dans les rires et les sourires de ses copains, quand il rejoignit Neil le soir pour un nouveau rendez-vous. Il avait récupéré les cours qu'il avait manqués, et avait constaté à son grand soulagement qu'il ne se sentait pas trop en retard pour autant. Sherlock était assez pointu en anatomie, et il en demandait toujours plus à John, alors il n'était pas trop largué. Sur le reste, Sherlock l'aiderait aussi.
— Salut ! lui adressa Neil avec un grand sourire quand ils se rejoignirent à la sortie de l'Imperial.
La jeune femme avait l'air plutôt épuisée. Les examens approchaient, d'ici quelques semaines à peine ils seraient en train de plancher, et elle était en quatrième année, elle ne pouvait pas se permettre d'échouer.
— Comment tu vas ? demanda-t-elle. Quoi de neuf ?
Un bref instant, John fut de nouveau projeté à la veille, quand le téléphone avait sonné. Il envisagea d'en parler à sa copine. Mais il n'était pas sûr que cela soit une bonne chose. Elle savait à peine que les parents de John vivaient en banlieue de Londres, qu'il avait une sœur. Elle posait la question par politesse. Pire, avait-il réalisé un jour, elle posait la question pour qu'il la lui retourne, et qu'elle puisse parler. C'était d'autant plus vrai en ce moment, qu'elle était épuisée et à fond dans le boulot. Elle voulait simplement se plaindre, être soutenue, comprise, entendue. Elle voulait que John lui demande comment elle allait, pas savoir si quelque chose n'allait pas pour lui.
C'était une forme d'égoïsme, mais John ne pouvait pas vraiment le lui reprocher, considérant qu'il ne s'en plaignait pas, et qu'il n'essayait jamais de parler de ses problèmes. Au contraire, il savait depuis longtemps que le meilleur moyen de détourner l'attention de soi, c'était de faire parler les autres d'eux-mêmes, et c'était ce qu'il avait toujours appliqué avec Neil. Normal qu'elle ait pris l'habitude de cela, désormais.
— La routine, répondit-il avec un faux sourire. Et toi ? Tu as un nouveau maquillage très tendance ! la taquina-t-il en passant un doigt léger sur les cernes qui lui mangeaient le visage.
Sur sa peau très pâle et constellée de taches de rousseur, le noir des cernes était terriblement visible.
Comme prévu, la jeune femme rit à sa blague.
— N'est-ce pas ? Je suis précurseur de ce nouveau maquillage, tout le monde va bientôt l'arborer, charmé par mon look ravageur !
Elle tourna sur elle-même, mimant une star sous les applaudissements de John, qui riait de bon cœur avec elle.
— Ça me va terriblement bien, non ? Bientôt on pourra me proposer de tourner une scène avec des pandas, et la gloire me sera assurée !
John rit encore, tandis qu'ils poursuivaient leur route vers un énième rencard. Cette fois encore, la jeune femme avait réussi à chasser sa coloc et sa sœur de leur appartement pour la soirée, qu'ils passeraient là-bas. Ça arrangeait plutôt les finances de John, qui n'avait ainsi pas à supporter les restos, les cinés et autres sorties qu'ils pouvaient faire. Ça arrangeait nettement moins la jeune femme, qui n'aimait pas devoir virer de leur appartement les gens avec qui elle vivait, non seulement parce que ce n'était pas poli, mais surtout parce qu'elle avait l'impression que de facto, elle informait systématiquement tout le monde que ce soir, elle voyait son mec et allait s'envoyer en l'air, et elle n'aimait pas ça. Elle refusait de faire le moindre truc s'il y avait quelqu'un d'autre dans l'appartement, parce qu'elle ne voulait pas être entendue, mais au final ça revenait au même. Sa petite sœur de dix-huit ans était informée de la fréquence des rapports sexuels de son aînée, et ça ne convenait pas à cette dernière.
De plus, elle était agacée par le fait que John ne restait jamais dormir, et repartait systématiquement la soirée finie. Ils étaient ensemble depuis un moment, et il ne semblait pas pressé de mieux connaître ses amis à elle, de lui présenter ses amis à lui.
Elle savait qu'elle était paradoxale, qu'elle voulait tout et son contraire, mais elle avait le sentiment que John ne s'investissait pas autant qu'elle dans cette relation, et cela la rendait irascible.
— Sans rire, par contre, lui indiqua doucement John sur le trajet, tu penses à dormir un peu, quand même ? T'as l'air décalquée, et les exams sont pas avant plusieurs semaines, tu vas pas tenir éternellement comme ça.
Elle se redressa, piquée au vif.
— C'est une année ultra importante ! Tu comprends pas, je dois réussir ! C'est important ! T'as peut-être le privilège de pouvoir dormir, mais pas moi !
John tressaillit à son tour. Elle avait arraché sa main de la sienne, et c'était heureux, parce qu'il l'aurait sans doute lâchée. Ce n'était pas la première fois qu'elle insinuait que ses révisions étaient plus importantes que celles de John, et c'était systématiquement vexant. La première année de médecine était l'une des plus difficiles. John s'en sortait bien parce qu'il avait Sherlock. Sans le petit génie à ses côtés, son mépris et son arrogance, ses techniques de mémorisation, et sa capacité à engranger des connaissances faramineuses juste pour aider John, il serait nettement plus en galère. Mais il avait Sherlock, et pouvait se permettre de dormir la nuit un peu plus que les quatre ou cinq heures que Neil s'autorisait chaque jour.
— Je bosse aussi, répliqua-t-il d'une voix froide. Peut-être pas autant que toi, mais je bosse, et tu le sais très bien. Ça ne fait pas si longtemps pour que tu aies pu oublier ce que ça fait, une première année.
Elle eut un sourire contrit. Elle ne s'excuserait sans doute pas, ce n'était pas dans sa nature, mais c'était le mieux qu'elle pouvait faire. Sherlock non plus ne s'excusait jamais, mais ça ne faisait pas le même effet.
— Ok, ça va, on arrête. J'aime juste pas que tu me dises ce que je dois faire, c'est tout.
— Ce n'est pas ça, soupira John. C'est juste de l'inquiétude. T'as l'air très fatiguée, c'est tout.
Elle haussa les épaules.
— Je me reposerai quand je serai morte, comme on dit. En attendant, faut bien vivre !
La soirée fut habituelle. Ils étaient bien rodés, désormais. John avait pris l'habitude de cuisiner chez la jeune femme, parce qu'elle était nulle en cuisine et qu'il avait des années de pratique derrière lui, quand sa mère enchaînait les gardes et que son père ne songeait pas à faire à manger à ses enfants.
Ils se disputèrent de nouveau, cette fois à cause du fait que John ne s'impliquait pas assez dans leur relation.
— Je ne suis même jamais allée chez toi ! asséna Neil. Ce serait pourtant plus pratique qu'ici !
— Tu ne l'as jamais demandé, répondit John avec froideur.
Il mentait. Neil l'avait suggéré à, si ce n'est deux, au moins une occasion, mais il avait évité le sujet. Il n'arrivait pas à imaginer sa copine là-bas, dans son appartement petit, froid, presque insalubre en comparaison de l'appartement de Neil. Ce n'était pas comme s'il pouvait vivre ailleurs.
Neil n'était pas particulièrement riche. Elle ne vivait pas dans une maison de plusieurs étages avec un système ultra-sécurisée et n'avait pas des manières et des vêtements de lord anglais. Mais ses parents étaient aisés. Ils payaient sans sourciller la location du grand appartement avec un immense salon, trois chambres et deux salles de bains dans lequel Neil et sa sœur vivaient. Elle ne s'était jamais demandé si l'argent était un problème. Elle n'avait jamais compté le moindre centime de ses courses pour savoir si elle allait réussir à tenir le mois.
John le faisait, lui. Même si, depuis qu'il ne mangeait plus beaucoup chez lui, mais beaucoup chez Sherlock et un peu chez Neil, il faisait des économies substantielles.
Bizarrement, Sherlock était mille fois plus aisé que Neil, et pourtant l'imaginer dans son appartement ne gênait pas John. Il évitait généralement de s'attarder sur cette pensée.
— Eh bien je te le demande, là maintenant !
— La prochaine fois, promit John sans intention de tenir sa parole.
Ils désamorcèrent la crise, et finirent au lit, comme souvent, passant leur frustration dans le sexe.
John avait conscience que sa relation avec sa copine se dégradait, mais il laissait faire, sans rien tenter pour arranger les choses. Il n'envisageait pas de faire sa vie avec elle, et appréciait le temps passé ensemble, sans vouloir officialiser les choses pour autant. Elle ne voulait pas la même chose, et bientôt le fossé entre eux serait trop grand. Mais il préférait se voiler la face, pour l'instant.
— John ? Pourrais-tu m'accorder un instant, s'il te plaît ?
John se figea dans les escaliers qui menaient à la chambre de Sherlock. Il venait de descendre faire une expédition dans le frigo, et remontait avec une assiette pleine de sandwichs pour lui et son ami. Sherlock dirait qu'il n'en voudrait pas, comme d'habitude, mais John les pousserait de force dans sa main, et il finirait par les manger machinalement.
Mycroft venait de l'interrompre dans son entreprise, et il rougit, persuadé d'avoir dépassé les bornes. En utilisant la clé, la semaine dernière, et en squattant la maison en l'absence de ses propriétaires ? En prenant trop de choses dans les placards et le frigo ? En restant trop souvent ici, y prenant désormais régulièrement des douches, ce qui lui faisait faire des économies sur l'eau et les charges ?
Il ne savait même pas que l'aîné Holmes était là avant cet instant.
— Bien sûr, Mycroft, acquiesça-t-il.
Depuis peu, l'homme lui avait demandé de l'appeler par son prénom, et John s'y efforçait, sans que cela ne sonne naturel à ses oreilles pour l'instant. Au contraire.
Il redescendit trois marches, et pénétra dans le bureau de Mycroft, qui referma la porte derrière lui.
— J'ai fait quelque chose de mal ? demanda-t-il, inquiet.
— Non, John, soupira Mycroft avec lassitude. Ne t'inquiète pas. Ce n'est pas toi le souci. C'est Sherlock. C'est toujours Sherlock.
John fronça les sourcils. Sherlock avait l'air bien, dernièrement. Il posa son assiette de sandwichs sur le bureau de son interlocuteur, lequel se renfonça dans son siège.
— J'ai été informé qu'il n'est pas allé au lycée depuis une semaine. Pas un seul cours. J'ai l'habitude de son programme... « à la carte », mais il avait fait des progrès, dernièrement. Mais là, il a raté l'intégralité d'une semaine. C'est... beaucoup. Mes parents payent une fortune pour cet établissement, et si l'argent n'est pas un problème, la réputation du lycée l'est. Bientôt ils ne voudront plus de lui, et ça devient compliqué à gérer, s'il n'est pas inscrit dans un établissement secondaire pour passer ses examens, un jour. Tu as une idée de ce qu'il a fait, cette semaine ?
— Non... Aucune.
Le regard de Mycroft s'attarda un instant de trop sur John, qui eut l'impression d'avoir échoué à un test qu'il ne savait pas être en train de passer.
— Vraiment ? insista-t-il.
— Ben oui... Je lui ai même dit que je voulais qu'il aille au lycée, la dernière fois qu'on en a parlé ! affirma-t-il.
Il n'aimait pas Mycroft, et il était évident que le frère de son meilleur ami avait le même sentiment réciproque à son égard, mais ils avaient tous les deux consciences qu'ils avaient le bonheur de Sherlock à cœur. Le seul problème, c'était qu'ils avaient une opinion divergente sur comment rendre Sherlock heureux. Mais, sur la question des études du jeune homme, au moins ils étaient raccords.
— Je te crois, John, asséna Mycroft en cessant son examen minutieux. Mais le fait est que moi, je sais où il était.
— Pourquoi vous me posez la question, alors ? s'agaça John.
Sherlock allait l'attendre, et il prenait du retard sur ses révisions, avec cette conversation qui ne menait à rien.
— Il était chez tes parents.
Cela eut le mérite de totalement couper le sifflet à John, qui ouvrit la bouche et se mit à béer, sans être capable de dire un mot pendant un très long moment. Les pensées se bousculaient dans son esprit : comment Sherlock avait-il bien pu avoir l'adresse de ses parents ? Comment Mycroft pouvait avoir l'adresse de ses parents ? Pourquoi Sherlock était-il allé là-bas ? Est-ce que Mycroft était au courant des relations entre John et ses parents ? Pourquoi Sherlock y était allé toute une semaine ? Qu'est-ce qu'il avait ? Qu'est-ce qu'il prévoyait ?
— C'est impossible, balbutia-t-il finalement, incapable de penser correctement.
— Oh, je t'assure que si. Rien n'est impossible avec Sherlock, malheureusement.
— Comment aurait-il eu l'adresse ? Ça n'a pas de sens ! bégaya John, toujours abasourdi.
Le regard vaguement condescendant de Mycroft l'informa que ce n'était pas la bonne question à poser.
— Tu n'as vraiment rien à voir avec la présence de Sherlock là-bas, alors ?
— Qu'est-ce qu'il a fait ? demanda John sans répondre.
Il avait déjà affirmé avec sincérité n'avoir eu aucune idée des activités de son meilleur ami durant la semaine qui venait de s'écouler, et son air d'ahurissement parlait pour lui, John ne supportait pas que Mycroft pose encore la question.
— Pour l'instant, rien, reconnut Mycroft. D'après mes informations, il se contente d'aller là-bas et d'observer. J'apprécierais que tu le dissuades de poursuivre quelle que soit l'idée aberrante qui va germer dans son cerveau novateur.
Sur ce point, John était plutôt d'accord. L'idée de Sherlock à proximité de sa famille le révulsait.
— Vous le faites suivre en permanence, en fait ? demanda John d'un ton dur.
Il passait énormément de temps avec son ami, et ils parcouraient la ville de long en large. Sherlock ayant toujours une grande passion pour le crochetage de serrures et les toits des immeubles, toujours un peu plus haut, il leur arrivait très souvent de s'introduire dans des endroits franchement peu légaux. L'idée d'être suivi faisait se serrer de colère les poings de John.
— Bien sûr que non, soupira Mycroft. Je n'ai ni le temps, ni les moyens pour ça, et Sherlock finirait juste par s'en rendre compte et se mettre encore plus en danger pour échapper à mes hommes. Ça n'a aucun intérêt, pour lui comme pour moi, et cela gâcherait les ressources du pays inutilement. En revanche, après trois jours à être informé de son absence la plus totale en cours, j'ai pris sur moi de le localiser sur les jours suivants, et voilà le résultat.
John n'était pas tout à fait certain qu'il trouvait cela beaucoup plus rassurant, mais il accepta l'explication, n'ayant pas spécialement le choix de faire autrement.
— Vous allez continuer ? À le faire suivre ? Enfin, le « localiser et le surveiller », comme vous dites ?
Le ton de John était peu amène, et il aurait fallu être un imbécile pour ne pas déceler la colère et le mépris dans son ton, et Mycroft Holmes était beaucoup de choses et de qualificatifs peu flatteurs, mais il était loin d'être un imbécile.
— Non, répliqua-t-il avec sincérité. Pas dans un premier temps, du moins. Si son absentéisme au lycée se poursuit, cependant, je devrai prendre des mesures pour l'obliger à y retourner rapidement, avec que le directeur de l'établissement ne le renvoie purement et simplement.
— Il pourrait passer ses examens de fin de lycée bientôt, non ? proposa John. Il a le niveau. Je sais qu'il est pas en dernière année, mais il pourrait choisir de passer vingt matières pour ses A-level qu'il trouverait encore le moyen de les réussir avec les meilleures notes possibles.
Un demi-sourire se dessina sur le visage de Mycroft, vite remplacé par son sérieux habituel.
— Et qu'est-ce que ça changerait, de lui faire officiellement terminer le lycée ?
John haussa les épaules.
— Il pourrait aller à la fac. Même si les dossiers sont déjà finis et tout, j'suis sûre que n'importe quel établissement lui mangerait dans la main, avec les notes qu'il pourrait avoir.
— Parce que tu crois que la fac y changerait quoi que ce soit ? Qu'il irait davantage en cours ?
John recommença le même mouvement.
— Nan, mais à la fac, on s'en fiche un peu de si on va en cours. Et puis, s'il choisit un cursus qui l'intéresse, il apprendra peut-être enfin quelque chose, et alors il ira en cours. Il a besoin de challenge, après tout. Passer ses examens de fin de lycée avec deux ans d'avance, ça lui en donnerait.
C'était une réflexion que John s'était fait plus d'une fois, mais qu'il n'avait pas osé partager avec Sherlock. Il était évident que le génie avait les moyens de réussir ses A-level haut la main. Et qu'il en était sans doute capable depuis plusieurs années. Pourtant, il était dans une classe correspondant à son âge. Il n'avait pas franchi les classes plus rapidement, alors que Mycroft l'avait fait. Un jour que John s'était intéressé à l'âge du grand frère, surpris de sa jeunesse et par extension qu'il soit déjà diplômé, dans la vie active, et à un poste manifestement à responsabilités et brillant, Sherlock avait signifié que cet idiot était entré à Cambridge avec plusieurs années d'avance, comme l'intégralité de sa scolarité.
Sherlock n'était pas moins intelligent que son frère, au contraire. Pourtant, il avait suivi un parcours classique. John avait rangé ce questionnement mental dans une boîte avec plein d'autres concernant Sherlock.
— C'est une idée naïve à mon sens, commenta Mycroft avec un rictus. Mais ça vaut peut-être le coup d'y réfléchir. Bonne fin de journée, John.
Il congédiait le jeune homme par cette phrase, qui fila sans demander son reste, emportant son assiette de sandwichs avec lui. Il n'aimait jamais les conversations avec Mycroft, à la fin, et même si cela le faisait enrager de se faire renvoyer d'une phrase quand Mycroft le jugeait bon, il était toujours heureux de partir.
— Tu en as mis du temps ! râla Sherlock quand il arriva tout en haut, dans le domaine de Sherlock. J'avais envie de manger !
John haussa un sourcil quant à ce choix de terminologie. Il affirmait toujours qu'il n'avait jamais ni faim, ni soif, ne ressentait aucun besoin primaire du corps humain. Qui étaient exactement ça : des besoins. Des nécessités pour vivre. En revanche, régulièrement, il avait envie de manger. Comme si John n'était pas capable d'entendre son estomac gargouiller.
— J'ai croisé ton frère, répondit John se laissant tomber sur le lit.
Il était devenu maître dans l'art du déplacement rapide dans le capharnaüm qu'était la chambre de Sherlock, désormais.
Sherlock le rejoignit, attrapant au passage un sandwich dans l'assiette que John venait de poser sur la table de nuit.
— Mycroft est là ? J'ignorais.
Il mordit dans son sandwich avec délectation, tout en prétendant encore et toujours qu'il n'avait pas faim. John se redressa de sa position couchée en travers du lit, plantant son regard dans celui de Sherlock, assis au bord du lit avec lui.
— Il sait ce que tu as fait, cette semaine, puisque tu n'es pas allé au lycée. Du coup, il me l'a dit. Ce qui fait que j'ai deux excellentes questions à te poser, Sherlock. Premièrement, pourquoi tu vas pas au lycée, alors que tu m'avais promis de faire des efforts. Deuxièmement, pourquoi tu vas voir ma famille, alors que je te l'ai expressément interdit ?
John était en colère, et Sherlock devint brusquement bougon. Il détestait être pris en flagrant délit.
— Tu n'as jamais rien dit de tel, râla-t-il. Tu n'as donné aucune interdiction.
John leva les yeux au ciel.
— Ça me paraissait plutôt évident quand j'ai refusé de m'installer ici, et que j'ai dit que je ne te demandais rien.
Sherlock marmonna un truc sur la sémantique, mais John se refusa à l'écouter.
— Je n'ai rien fait, de toute manière, répliqua Sherlock.
— Tu ne vas plus au lycée.
Le jeune génie balaya l'argument de la main, frôlant la joue de John au passage. Il fit de son mieux pour ne pas y réagir.
— Oui bon, ça, d'accord. Je finirai éventuellement par y retourner, c'est promis. Mais c'était plus urgent !
— Espionner ma famille, c'était plus urgent ? s'ahurit John.
Bien sûr que Sherlock en savait plus sur lui que n'importe qui au monde, mais il se sentait quand même violé dans son intimité. Sherlock connaissait désormais la tête de ses parents (et, le connaissant, probablement également leur taille, poids, plat préféré et couleur de leurs baskets lors de leur rentrée à l'école primaire.)
— J'essaye de retrouver Harry ! se défendit Sherlock. Ça t'inquiète, non ? Pas totalement, mais un peu. Alors j'essayais juste de la retrouver !
Cette fois John n'eut plus rien à dire. Passée la frayeur des menaces de son père, il avait réalisé qu'il lui avait annoncé que sa grande sœur avait fugué. Même si on ne pouvait pas vraiment utiliser ce terme, puisqu'elle était majeure et vaccinée. Mais Harry avait le chic pour se fourrer dans des situations improbables, et il était parfaitement vrai que John s'était inquiété de savoir où était sa sœur.
Il détestait quand Sherlock avait raison comme ça, parce que c'était d'autant plus difficile de lui expliquer pourquoi ça n'allait pas.
— Tu n'avais pas à le faire sans mon autorisation, articula-t-il distinctement. Sherlock, c'est ma famille dont il s'agit !
Sherlock haussa les épaules, assez indifférent à l'argumentaire de John. Il était touché par sa colère, parce qu'il n'avait aucune idée ou intention de vexer ou blesser son ami, mais ne voyait pas la logique dans ses propos.
— Harry est une adulte, non ? Je n'ai pas besoin de ton autorisation pour ça.
John ferma les yeux, se massant les tempes. Parfois, dialoguer avec Sherlock s'apparentait à courir un marathon. Il devinait qu'il ne gagnerait pas cette manche. Il y avait des leçons d'humanité qu'il n'arrivait pas à apprendre.
— Laisse tomber. Tu l'as trouvée, alors ?
— Oui, se rengorgea le jeune génie avec fierté. Elle va bien et elle est en sécurité. Est-ce que tu veux savoir où elle est ? Parce que si oui, tu devras mentir à ton père s'il rappelle.
John doutait que son paternel réitère les menaces téléphoniques, et lui mentir n'avait jamais réellement posé de souci au jeune homme, au contraire. Il lui avait fallu apprendre très tôt l'art du mensonge pour survivre à sa famille. Mais dans tous les cas, il refusa la proposition de Sherlock.
— Je n'ai pas à savoir ce qu'elle ne veut pas me dire, expliqua-t-il. Elle sait où j'habite et connaît mon numéro de téléphone. Si elle veut me contacter, elle le fera. Mais je veux pas savoir quelque chose qu'elle ne veut pas que je sache, que j'aurais appris en l'espionnant.
— Ce n'est pas toi qui as fait ça, c'est moi, répliqua Sherlock, terre-à-terre.
John ne chercha même pas à répondre, prenant un sandwich à son tour, alors que Sherlock entamait le deuxième. Il devait avoir sacrément faim, le bougre. C'était rare qu'il mange autant d'un coup.
— Et mes parents ? finit par demander John après un instant de silence.
Il ne pouvait pas s'empêcher de demander. Ce que Sherlock avait fait, ce qu'il avait vu, ce qu'il avait déduit. S'il s'était passé quelque chose de spécial.
— Rien de particulier, annonça doucement le jeune homme. Rien que je ne savais déjà, du moins. J'ai simplement pu apprendre leur visage.
— Pourquoi tu y es allé ? demanda John avec lassitude. Pendant une semaine complète, tout ça pour rien.
— Pas pour rien ! se récria Sherlock. J'ai pu localiser ta sœur, quand même !
— Et ça t'a pris quoi, trois jours ? Le reste du temps, ça te servait à quoi ?
— Deux, à vrai dire, bougonna Sherlock.
Il ne dit rien de plus, s'absorbant dans la lente mastication de sa nourriture, se fichant de mettre des miettes sur la descente de lit.
— Sherlock, insista John, pourquoi ça t'a pris autant de temps ?
— Pour te protéger ! explosa brutalement Sherlock.
Il sembla immédiatement regretter son éclat de voix, et surtout son aveu. Il lâcha le morceau de pain qu'il tenait, et qui atterrit par terre, et se redressa, bondissant en un instant loin de John. Avec ses grandes jambes, il franchit une distance impressionnante en un temps record, sans même regarder où il mettait les yeux, malgré le bazar au sol.
John vit ses yeux faire la navette entre la fenêtre et la porte, comme pour déterminer la meilleure solution, et choisir la fenêtre une fraction de seconde plus tard.
John avait à peine eu le temps de se relever et de ramasser le sandwich échoué que Sherlock avait déjà ouvert la fenêtre et s'était engouffré dans l'ouverture, connaissant les prises par cœur. Il grimpa sur le toit, et échappa au champ de vision de John.
— Mais ! s'exclama ce dernier, abasourdi.
Si Sherlock voulait réellement le fuir, il avait choisi la bonne option. Depuis que John avait la clé, ils passaient nettement plus fréquemment par la porte qu'avant. Sherlock aimait l'option des toits, et ça leur arrivait de temps en temps, surtout que le temps était redevenu plus clément et moins humide et donc glissant. Mais John n'avait pas la force de l'habitude de son camarade, ni son assurance certaine. Il mettait toujours plus de temps que lui à faire les acrobaties dangereuses qui leur permettaient d'entrer et de sortir par une fenêtre à quinze mètres du sol.
Jamais John n'aurait la vitesse nécessaire de le rattraper. Il n'hésita pas cependant et se jeta à sa suite. Même si le soleil brillait et qu'ils étaient anglais, Sherlock n'avait presque rien sur le dos, il allait mourir de froid s'il sortait comme ça.
Conscient que trop de précipitation ne servirait à rien, John prit son temps pour trouver ses appuis et se hisser sur le toit. Il valait mieux perdre du temps et le perdre de vue plutôt que perdre la vie.
À sa grande surprise, Sherlock était encore là, sur le toit, là où il leur était arrivé de s'allonger pour regarder les étoiles, jouer aux Uchronies et deviser sur le sens de l'univers (Sherlock avait des théories bien arrêtées, et sa totale absence de croyance à la théologie était réjouissante).
— Hey, appela doucement John. Qu'est-ce qui ne va pas ? Explique-moi, là. Je comprends pas tout.
À son grand étonnement, il eut la sensation que Sherlock se mit à trembler, mais pas de froid. Ses mouvements spasmodiques étaient surprenants, comme machinaux et rythmés. Comme un métronome qui se serait mis à battre d'avant en arrière.
— Sherlock, viens là ! Tout va bien, je ne suis pas fâché, ça va ! Tout va bien !
Il atteignit l'endroit de son ami, et se laissa tomber assis à côté de lui, le serrant dans ses bras. Il n'essaya pas d'arrêter les mouvements de balancier, se laissant porter dans ce rythme-là, sans jamais lâcher Sherlock. Il ne savait pas ce qui se passait, mais il comptait bien le découvrir. Il laissa son ami bégayer et respirer de manière erratique jusqu'à ce que son étreinte fasse son œuvre et que le grand corps maigre s'apaise et s'immobilise dans ses bras. Doucement, John lui frotta le dos en cercles concentriques, jusqu'à ce qu'il relève les yeux vers lui. Ses pupilles étaient dilatées, témoin concret de la crise qu'il venait d'avoir, et il était vraiment proche de John. Terriblement proche. Leurs corps enlacés étaient mêmes plus proches que John n'en avait l'habitude avec Neil, et il aurait pu compter chacun de ses cils (démesurés, à faire pâlir d'envie bien des femmes).
— Calme-toi, d'accord ? Tout va bien, et je ne te lâcherai pas. Mais il va falloir que tu m'expliques ce qui vient de se passer. Quand tu seras prêt. Prends ton temps.
Il y eut un instant de silence, puis John ajouta :
— Enfin, prends-le pas trop quand même, on se les pèle, là, sans manteau ni rien. Foutue Angleterre.
Sa réplique eut le mérite de faire rire Sherlock, du moins de provoquer des spasmes brefs et incontrôlés dans sa poitrine, rires sans un bruit, et de dérider l'atmosphère.
— J'ai... paniqué, je crois, marmonna Sherlock.
— Ça j'ai bien vu, confirma John, qui avait déjà assisté à une crise de panique de son ami, bien moins importante. Mais pourquoi ? Je... je n'ai rien fait de mal, non ?
— Non ! s'exclama Sherlock. C'est juste que... je t'ai dit... enfin je...
— Tu as dit que tu avais surveillé mon père pour me protéger, reprit John d'une voix douce. Même si je vois pas trop comment.
— Je voulais être sûr qu'il n'avait pas l'intention de mettre sa menace à exécution. Je devais l'observer pour le déduire, apprendre ses habitudes, être sûr qu'il ne viendrait pas te chercher.
John hocha la tête. Ça se tenait. Quand on s'appelait Sherlock Holmes et qu'on pouvait tout deviner d'une personne rien qu'en la regardant, du moins.
— J'aurais préféré que tu ne le fasses pas, Sherlock, parce que je n'ai pas besoin que tu te mettes en danger pour moi. Mais je ne suis pas fâché de ça, plutôt... touché. C'était gentil de ta part, sincèrement. Je suis heureux de ça. Que tu fasses ça, c'est prendre soin de moi, tu sais. Personne n'a jamais vraiment pris soin de moi, avant.
Sherlock, qui avait posé la tête sur son épaule se redressa et brisa légèrement l'étreinte entre eux pour regarder John dans les yeux. Ses pupilles étaient toujours beaucoup trop larges.
— Pourquoi dire ça t'a fait paniquer, Sherlock ? interrogea doucement John.
— Je... je n'ai jamais... ressenti... Je ne sais pas... comment faire, comment dire, comment gérer ça... bégaya-t-il.
John l'attira de nouveau contre lui. Lui non plus n'avait jamais ressenti ça, la puissance telle d'une amitié qui balayait tout sur son passage. Il n'avait jamais eu une relation telle que celle qu'il avait avec Sherlock, mais il avait l'habitude d'avoir des sentiments, et de les exprimer. Souvent, on s'était moqué de lui en disant que ça ne faisait pas très viril, mais Richard Watson avait déconstruit ses principes de masculinité à coups de poings (John avait juré de ne jamais devenir comme lui) et Harry avait beaucoup fait évoluer ses opinions également, d'une manière différente (elle avait annoncé à l'âge de quinze ans, quand John n'en avait que douze, qu'elle était lesbienne et l'avait éduqué à tout cela ensuite). John avait en outre constaté que cette manière d'être le rendait nettement plus attractif pour les filles que jouer les gros bras, et ça lui convenait très bien.
Mais Sherlock n'était pas lui. Il ne savait pas communiquer, comprenait très mal les humains s'ils ne disaient pas clairement les choses, et n'avait pas l'habitude d'avoir des sentiments qui n'étaient pas parfaitement factuels. Tout ce qu'il ne pouvait pas comprendre, analyser, disséquer, justifier, et classer dans son immense cerveau devenait hors de contrôle.
Clairement, ce qu'il ressentait pour John, ce qui l'avait poussé à aller espionner son père pour le protéger, il n'était pas capable de l'expliquer.
— T'es mon meilleur ami, Sherlock, et je suis le tien, je crois.
— Bien sûr ! affirma Sherlock.
— T'as pas l'habitude, et t'as du mal avec tes émotions. Mais c'est pas grave. Ça va aller. J'suis là. Tout ira bien.
Il y croyait dur comme fer, et Sherlock le crut aussi. Mais John rajouta mentalement qu'il devait retourner dans la section psycho-socio de la bibliothèque universitaire. Il devait comprendre ce qui venait de se produire.
Prochain chapitre le Me 22/01/2025 ! Bonne année à tous !
Reviews, si le cœur vous en dit ? :)
