Premier chapitre publié de 2025! Navrés pour l'attente, mais Lirae avait de gros examens en fin d'année.

Du coup, nous avons décidé de mettre deux chapitres en un, avec un double point de vue.

Chapitre psychologique, mais avec tout de même une information validée.

En hommage à celles et ceux qui se demandaient qui sont les parents de nos héros...

Les premières étoiles apparaissaient déjà au-dessus de l'Ile de la Destinée quand Sora sortit de la salle de bain, à l'étage. La pièce, comme presque tout, avait reçu le nettoyage minimal, certains meubles ou produits prenant la poussière. Le jeune homme avait souri en retrouvant une de ses vieilles chaînettes dans un tiroir et s'était amusé à en accrocher une triple à son pantacourt. Après quoi il avait pris la direction de son ancienne chambre. Devant le pas de porte, levant la main devant la poignée, il eut une ultime hésitation. Les mots du Gardien Phénix lui revenant en mémoire:

"Ce n'est pas une simple projection de ton esprit ou de tes désirs oubliés, Élu de la Keyblade. Tu peux vraiment faire ce choix et changer ton destin, changer de vie…"

Craignant de vivre à nouveau une sordide illusion, Sora prit une grande inspiration pour se donner du courage et tourna le bouton de porte. D'un geste de l'index, il releva l'interrupteur et ce qu'il vit lui coupa le souffle: contrairement à tout le reste de la maison, sa chambre était parfaitement propre. En désordre, certes, mais ce qui lui semblait être l'exact même désordre dans lequel il l'avait laissée en s'enfuyant par la fenêtre. Celle-ci était fermée, heureusement, et à travers elle il parvenait à voir l'Ile s'endormir sur le bleu sombre de la mer. Comme s'il rentrait dans une église, Sora traversa ses souvenirs d'enfance sans un mot, les gouttes d'eau tombant du linge entourant ses épaules ponctuant seulement son avancée dans la pièce. Avec des gestes méticuleux, il s'accroupit et commença à plier les vêtements abandonnés au sol pour les placer dans l'armoire, rangeant la raquette de tennis posée par terre avec le trident et les harpons de son père, à côté de la porte, puis s'affaira à essayer de caler dans une caisse en bois tout un tas de ses premières inventions tombées au sol, notamment un bras robotique dont il n'avait aucun souvenir mais qui l'impressionna lui-même (malgré sa claire inefficience). Lorsque ses cheveux se prirent dans quelque chose au plafond, il leva la tête et nota qu'il s'agissait du bâteau miniature qui transportait les poupées à son effigie et celle de Kairi. Il avait dû se mettre sur une chaise pour pouvoir à peine le suspendre sur la pointe des pieds à l'époque, songea-t-il en caressant à présent sa coque de ses doigts levés au-dessus de sa tête. Comme dans un rêve, le jeune homme suivit les courbes des poutres au plafond et réalisa, pour la première fois, que ses souvenirs de la pièce étaient inexacts: il n'avait jamais remarqué que le toît était arrondi, mimiquant l'intérieur d'une baleine, et que même la fenêtre n'était pas construite droite. Absorbé par ses réalisations, il sursauta quand la voix de sa mère traversa puissamment le parquet:

"Sora! le dîner est prêt! Tu peux descendre!"

Le jeune homme se figea quelques instants, peu préparé à entendre ces mots. Ces identiques mêmes mots qu'elle avait prononcés le soir où leur monde avait été englouti par le ténèbres… Pour vérifier qu'il ne rêvait pas, il se pinça violemment l'avant-bras et grimaça de douleur.

"Nope… murmura-t-il avec soulagement, quoiqu'en regrettant son geste auto-mutilateur. C'est pas un rêve étrange…"

"Sora..?" réinterra la voix hésitante de femme.

"J'arrive!" s'écria-t-il, gonflé de joie, en partant en trombe dans l'escalier.

Il descendit quatre à quatre les escaliers en bois, qui craquèrent sous son poids, puis rejoignit la silhouette féminine qui s'affairait à débarrasser l'évier débordant de vaisselle propre à présent. Alors qu'une lourde casserole en fonte laissait échapper une vapeur alléchante et des bruits d'ébullition, Sora contourna la table qui venait d'être lavée et proposa, d'une voix douce, en prenant une assiette dans l'eau de la plonge:

" Laisse, je vais faire."

Sa mère parut légèrement sursauter à l'entente de son timbre, peut-être parce qu'elle ne l'avait pas entendu arriver? Ou parce qu'elle n'avait pas reconnu sa voix qui avait mué à présent? Quoi qu'il en soit, elle posa deux yeux bleu lagon surpris sur lui, avant de lui laisser le torchon qu'elle tenait en lui souriant de toutes ses dents:

"Merci, c'est gentil mon chocobo des îles!"

Sora sourit, heureux de retrouver la personnalité expansive de sa mère qu'il connaissait. Elle allait retourner à ses fourneaux lorsque son regard se posa sur l'avant-bras droit de Sora, qu'il avait débandé pour le laver, et poussa un petite cri étouffé en découvrant les cicatrices noirâtres qui couraient à présent de sa main à son coude, suivant le cheminement de ses veines.

"Sora, ta main…!?"

Sora papillonna des cils avant de sortir son bras de l'eau savonneuse et de demander, légèrement gêné:

"Ah oui… ça te dérangerait de m'aider à refaire le bandage…?"

Mutique, Yoko ouvrit la bouche, puis se ravisa. Elle remit nerveusement une mèche grise derrière son oreille, s'étant échappée de sa queue de cheval, et alla chercher rapidement la trousse de secours dans une armoire murale pendant que Sora prenait place sur une des deux chaises, légèrement mal à l'aise et cherchant déjà comment expliquer sa blessure. Sa mère ne tarda pas à s'asseoir à ses côtés et débuta le pansement dans des gestes minutieux, frôlant à peine la peau de son fils, comme si elle avait peur de lui faire mal. Un silence s'installa à nouveau entre eux, ponctué par les plaintes de la vapeur s'échappant de la casserole derrière eux. Puis, surprenant Sora, Yoko souleva brusquement les pans de son t-shirt gris troué et ouvrit de grands yeux terrifiés en découvrant les multiples cicatrices courant le long de son abdomen et de ses pectoraux. Elle se permit de remonter la pièce de vêtement jusqu'au cou et s'attarda sur l'impressionnante marque laissée par le laser de Xemnas, juste sous son épaule gauche. Sora la laissa l'examiner, mais ne put s'empêcher de baisser la tête, honteux de se présenter à elle après tout ce temps dans un tel état, et anticipant une violente réaction de sa part. Mais sa mère se contenta de laisser retomber le tissu et de poser sur lui deux yeux exorbités, s'exclamant:

"Sora… Qu'est-ce… Qu'est-ce qui t'es arrivé!? Par toutes les tempêtes, c'est pire que ton père!"

"T'en fais pas pour moi maman… tenta-t-il maladroitement, en essayant d'abaisser (en vain) son vêtement pour dissimuler son corps torturé. ça va, ça fait plus vraiment mal…"

"Sora, lâcha-t-elle avec un ton autoritaire qui étonna son fils, en le pointant de la main qui tenait encore une crème désinfectante. Je ne suis pas bête, je vois que ça ne va pas. Tu as l'air de t'être battu (de te battre souvent, peut-être même avec des rhinocéros) et tu es l'ombre de toi-même! Alors n'essaie pas de dévier la conversation et de me faire croire que tout va bien. Raconte-moi ce qu'il t'est vraiment arrivé."

"Haaa...depuis quand…?" soupira le jeune homme, sachant que toute tentative d'évitement était vaine quand Yoko faisait ses yeux là.

"Depuis le tout début, décida sa mère, inspirant profondément. Raconte-moi tout depuis le début."

Sora évita de croiser son regard inquisiteur, la boule au ventre alors qu'il allait devoir expliquer sa fugue cette sombre nuit il y a bientôt cinq ans de cela. Il réfléchit quelques instants avant de décréter, l'air grave:

"Maman… Ce que je vais te raconter va te paraître dingue. Mais s'il te plaît, laisse-moi aller jusqu'au bout, et… ne raconte jamais ça à quelqu'un d'autre. Promets-moi que ça restera un secret entre nous deux."

Après une sorte de réticence, Yoko acquiesça du menton, et se redressa contre le dossier de sa chaise, comme se préparant au pire.

"Tu te souviens de la tempête qui a ravagé l'ile? débuta Sora, en la lui pointant d'un doigt, à travers les carreaux de la fenêtre de la cuisine, et bien ce n'était pas vraiment une tempête ordinaire…"

Le jeune homme retraça, durant plusieurs heures, et de la manière la plus claire et succincte possible, les principaux événements qui avaient marqué et gravé sa vie et son destin jusqu'à leur sortie de Scala ad Caelum. Sa mère respecta sa demande de silence dans un premier temps, bien que son visage expressif reflétait son incompréhension, son inquiétude, sa colère voire son ahurissement par moments. Elle ne put s'empêcher de l'interrompre pour lui demander ce que signifiait se transformer en sans-cœur, demander des nouvelles de Kairi et Riku, ou encore vérifier qu'elle avait bien compris les pouvoirs d'une Keyblade. Sora tenta de minimiser la violence de leurs combats ou le sadisme de certains de leurs adversaires, mais la main que sa mère porta bientôt au visage lui indiqua qu'elle n'était pas dupe: elle avait compris que son fils avait fait partie d'un large conflit, et qu'il était impliqué dans une guerre d'une ampleur considérable. Elle eut les larmes aux yeux à plusieurs reprises, notamment quand Sora parla de l'accident d'Iwako, de la mort de Kokum ou encore quand Hayate perdit tout souvenir de leur amour au Manoir Oblivion. Elle faillit également tomber de sa chaise lorsque Sora lui parla du royaume des monstres et de sa rapide discussion onirique avec son père, et elle le pressa alors de questions (parfois incongrues, comme le fait de savoir s'il était toujours aussi beau). Enfin, Ventus la perturba tellement qu'elle l'arrêta dans son monologue, chassant l'air devant elle comme pour repousser la brume de ses pensées:

"Attends, laisse-moi résumer: ce jeune homme est à la fois une partie de toi que tu avais perdue et le garçon qui vivait secrètement dans ton cœur depuis toujours? Et que j'ai aussi élevé sans le savoir? Est-ce que ça fait de lui… mon second fils!?"

"En quelque sorte, admit Sora en haussant les épaules. En tout cas ça lui ferait super plaisir de t'entendre dire ça. Et de te rencontrer… personnellement aussi."

Sa mère se leva alors de table, alla chercher une bouteille d'alcool dans un placard, et s'en servit un verre. Elle allait porter le liquide à sa bouche quand elle posa un nouveau regard sur son fils, fronçant ses sourcils. Puis elle lui présenta subitement la bouteille avant de lancer, presque d'un ton nonchalant:

"Tu en veux?"

Sora, ahuri, ne répondit pas tout de suite et fronça à son tour ses sourcils en V, analysant chaque recoin du visage de sa mère pour tenter de savoir s'il s'agissait d'un piège ou non. Elle lut dans ses pensées (manifestement), car elle ajouta, un sourire en coin:

"Ce n'est pas un piège. Tu es un adulte maintenant après tout… Et je pense que tu en as bien besoin."

Alors Sora accepta et, une fois qu'il eut trempé les lèvres dans une substance sans aucun doute inflammable et beaucoup trop forte à son goût, Yoko avala son verre cul sec et poursuivit son interruption:

"J'ai toujours su que tu étais spécial, et que comme ton père, tu ne pouvais pas t'empêcher de jouer aux héros mais tout ce qui t'es arrivé… C'est impensable. Ce vieil homme bizarre… Ce Yen Sid… il est complètement dingue d'envoyer des enfants à la guerre! Et ce que ces monstres… ces "chercheurs" comme tu les appelles… ce qu'ils t'ont fait subir est… impardonnable! Faire ça à un enfant! ça me donne envie de les….argh!"

Elle joignit le geste à la parole en faisant mine d'étrangler son torchon de cuisine.

"Et attends d'entendre la suite… ricana Sora avec sarcasme. C'est pas le pire."

Le jeune homme voulut agripper le pendentif à son cou pour trouver un peu de courage dans ce geste, mais sa main se referma sur le vide et il abaissa ses sourcils de regrets. Sa mère l'observa attentivement avant de commenter, tristement:

"Le collier de ton père… tu savais qu'il était censé porter chance? Peut-être qu'une part de lui t'a un peu protégé… du moins je l'espère. Peut-être qu'il était magique en fin de compte. Après tout, il y avait une légende dans la famille qui disait que c'était un objet qui venait d'un ancien culte des âmes…"

Elle fit une pause dramatique, perdue dans ses pensées, avant d'hausser les épaules de manière désinvolte et d'exploser:

"Ou alors c'était juste une babiole sans importance!... Mais…Tu l'as perdu…?"

C'était la question que Sora redoutait le plus. Le jeune homme sentit les larmes qu'il retenait lui monter jusqu'aux yeux au souvenir d'Hayate et il commença, lentement et douloureusement, le récit de la dernière partie de leur périple à la tour de Crystal, jusqu'à la disparition d'Iwako, d'Hayate et de la Keyblade, omettant son dernier combat contre Riku (de crainte qu'elle lui en tienne rigueur). Cette fois-ci, Yoko pleura également à chaudes larmes, compatissant à la douleur de son fils qu'elle finit par prendre dans ses bras quand la voix gorgée de peine du jeune homme se brisa dans sa gorge. Lorsque ses sanglots se furent apaisés, il quitta l'étreinte rassurante de sa mère et ferma son poing gauche balafré, le fixant avec dépit alors qu'il admettait, comme perdu dans un songe:

"J'avais enfin trouvé ma lumière… ma vraie lumière… la plus forte et la plus brillante de toutes…"

Il fit une pause, esquissant un sourire alors qu'une fugace image d'Hayate et lui combattant côte à côte lors de leur dernière Fusion irradiante lui revenait en mémoire, puis il soupira et admit, désemparé:

"Mais… Le destin me l'a enlevée. Sans elle, je me sens perdu… et je ne sais pas où la chercher…Mais je sais qu'elle est toujours en vie, quelque part…"

Yoko hésita quelques instants avant de mettre une petite main apaisante sur celle de son fils tout en déclarant en souriant:

"Les deux jeunes femmes que tu as rencontrées avaient l'air incroyables… Et tu as tellement changé… Je vois bien qu'elles sont très importantes pour toi alors, si tout ce que tu m'as dit est vrai et que je l'ai bien compris, je pense…"

Elle hésita et chercha quelque chose du regard dans la pièce. Lorsqu'elle le trouva, elle força Sora à se lever et le conduisit à la fenêtre où elle lui désigna le phare de l'Ile Mère, visible à l'entrée du port.

"Je pense, reprit-elle, que si tes amies et surtout cette Hayate que tu aimes tant sont toujours là, quelque part, ton coeur sera attiré par elles comme les marins en pleine tempête qui retrouvent le chemin du port grâce à la lumière d'un phare… comme toi tu l'as fait."

Elle caressa d'une main la joue de Sora, qui ferma les yeux à ce contact. Une confuse émotion monta en lui, mélange entre du soulagement et de la culpabilité, et il murmura, ravagé par la honte:

"Je suis tellement désolé… J'aurais dû te prévenir… j'aurais dû te donner des nouvelles… j'aurais pu…"

Un sanglot se coinça dans sa gorge et sa mère l'accueillit à nouveau contre son sein.

Il pleura longuement, Yoko le consolant et lui assurant qu'elle ne lui en voulait pour rien au monde. Enfin, le flot de larmes en Sora se tarit, ne lui laissant qu'un goût amer dans la bouche.

Le jeune homme se redressa alors, se passant le dos de la main sous le nez pour en chasser tout potentiel résidu de morve disgracieux, puis étala un grand sourire sur ses lèvres, toutes dents dehors, en guise de remerciement. Sa mère le lui rendit, de plus belle, ce qui retroussa le petit nez en trompette qu'il avait hérité d'elle. Elle prit son visage entre ses mains, le forçant à redresser le menton et déclara, les yeux brillants de fierté en levant son regard bleu lagon vers lui:

"Mais regarde-toi: tu dois avoir bientôt dix-neuf ans! Tu es grand et fort, tu as su traverser toutes ses épreuves, sauver le monde… deux fois! Et tu es revenu sain et sauf à la maison! Je n'osais plus l'espérer… C'est tout ce que mon coeur souhaitait, et c'est tout ce qui compte à présent."

La mère et le fils échangèrent une longue accolade, avant que le ventre de Sora n'exprime son mécontentement de la manière la plus bruyante qui soit. Ils se séparèrent alors en riant et Yoko proposa de passer enfin à table, espérant que les légumes du ragoût ne se soient pas trop changés en purée. Sora dressa la table sous les compliments de sa mère, qui le trouvait mûri et serviable, et il partagea un chaleureux repas avec elle, affirmant qu'il passerait la nuit chez eux. Il accepta même de répondre à des questions gênantes sur Hayate et lui pour assouvir la curiosité maternelle de Yoko, qui le menaçait d'un concombre à chaque détail intime qu'il lui refusait.

Les yeux turquoise de Riku suivirent un moment la barque emportant avec elle ses deux amis d'enfance, avant de se détourner de la mer et d'emprunter le sentier menant à la grotte abritant la porte de leur monde. Arrivé devant le mur de lianes dissimulant l'entrée de leur cachette d'antan, le Maître de la Keyblade effleura du bout de ses doigts la paroi rocheuse, à la recherche de la familière interstice. Ce n'est qu'après quelques instants d'inspection qu'il constata, perplexe, que sa main tâtait un pan de mur qu'il n'aurait jamais été capable de toucher jadis, l'ouverture qu'il recherchait se situant désormais à hauteur de son bassin. Les sourcils haussés, le jeune homme s'accroupit, scrutant un instant le tunnel parsemé de racines qui s'enfonçaient dans la terre, avant de s'y introduire, à quatre pattes et non sans difficulté, pour suivre le passage jusqu'à la familière caverne aux dessins. Lorsqu'il atteignit sa destination, il fut dans un premier temps soulagé de pouvoir se redresser pleinement, le plafond bombé de l'excavation étant considérablement plus haut que celui du tunnel y menant, mais se figea tantôt en constatant que la porte – celle qui hantait ses cauchemars depuis ses 15 ans – était bien plus petite que dans son souvenir. Calmement, le Maître de la Keyblade s'approcha de l'objet qui avait changé sa vie quatre ans plus tôt et passa une main délicate sur le cadran doré de la porte, dont le haut se trouvait à présent directement en face de ses yeux brillants.

« Tout est si… petit », murmura-t-il dans le silence avant de se retourner et de se laisser tomber par terre dans un long soupir, son dos glissant contre le vieux bois protégeant le cœur du monde.

Détendant l'une de ses jambes et fermant les yeux, Riku posa son avant bras droit sur son genou fléchi et adossa l'arrière de son crâne contre la cloison brun foncé, demeurant dans cette pose sans compter les minutes. Malgré la nostalgie du lieu qui fut autrefois son refuge, le jeune homme ne parvint pas à trouver le réconfort qu'il espérait. Tandis qu'un écho de tristesse fit vibrer son cœur pétrifié, ses iris turquoise se posèrent sur le gribouillage représentant Sora et Kairi s'échangeant un fruit paopou. Empli d'une soudaine inspiration et estimant que cet espace était incomplet, le jeune Maître s'empara d'une pierre angulaire gisant à proximité et, repérant un pan de mur vierge, commença à tirer des traits blancs, des gravures dans la roche grise, avec une détermination frénétique. Des yeux en amande, des sourcils arqués, une joue ornée de trois grains de beauté, de longs cheveux cascadant autour de fines épaules. Il connaissait ces traits par cœur et, comme guidé par l'esprit de la jeune femme, le visage d'Iwako se dessina petit à petit sur la roche froide, le regard doux de la magicienne posé sur son sculpteur alors que celui-ci s'efforçait de tracer le moindre détail du visage ovale qu'il rêvait de toucher à nouveau. Satisfait de la qualité de son travail, Riku entama derechef un second visage, rond cette fois-ci et orné de nombreux grains de beauté. Il traça le regard d'acier entouré de longs cils délicats de sa meilleure ennemie devenue amie, ses cheveux bicolores et ses lèvres en forme de pomme. Ce n'est que lorsque Hayate prit sa place légitime aux côtés d'Iwako que l'acharnement de Riku s'estompa enfin. Respirant l'air humide de la caverne, le jeune homme se passa une main tremblante dans les cheveux, se sentant étrangement apaisé alors qu'il contemplait son œuvre : bien qu'elles n'eussent jamais honoré ce monde de leur présence, les deux jeunes femmes avaient trouvées leur place au sein de son souvenir d'enfance, dans son monde, dans son cœur. Se sentant plus léger désormais, le jeune homme réalisa finalement qu'il avait sans doute passé plusieurs heures dans cette grotte et se décida, à contre cœur, de rejoindre l'Ile Mère et de retrouver Kairi. La nuit était déjà tombée lorsque Riku retourna à la surface, une lune en croissant et d'innombrables étoiles illuminant l'eau calme de l'océan de leur reflet éthéré. Alors que le jeune homme s'époussetait les vêtements après sa petite aventure dans la terre, Riku crut entendre une voix féminine venant de la direction de la plage.

"Riku?"

Quand bien même il souhaiterait le nier, le cœur de Riku trembla lorsqu'il reconnut la voix de sa mère. Sa mère, qui n'avait jamais mis les pieds sur cet îlot dans son enfance. Sa mère, qu'il avait exilée de ses pensées depuis son 15ème anniversaire. Sa mère, qui avait regardé sans agir, lorsque son jeune fils se faisait "éduquer" par un père indigne.

"Riku, c'est bien toi?" tenta à nouveau la voix féminine, incertaine, de Sanada Saori, épouse du maire de l'Ile de la Destinée et mère adoptive de Kairi.

Comme pour confirmer qu'il ne souffrait pas d'hallucinations auditives, le jeune Maître de la Keyblade se retourna enfin et ses yeux turquoise, brillants au clair de lune, se posèrent sur la silhouette élancée d'une grande femme aux cheveux argentés, cascadant en une longue tresse dans son dos.

"Mère…?" murmura le jeune homme, dubitatif, en haussant un sourcil surpris.

"Riku!" s'écria alors la femme d'un ton agité, avant de s'élancer en direction de son fils, les mains tendues vers celui-ci dans un geste empressé.

Avant de l'atteindre toutefois, Saori s'encoubla dans une dune de sable, vraisemblablement peu habituée à courir sur ce type de surface, et laissa échapper un petit cri de surprise avant de tomber. Atterrissant dans les bras de Riku qui, par reflexe, s'était précipité pour la rattrapper, la femme releva des grands yeux violacés étonnés en direction du visage, inexpressif, de son fils désormais adulte. Un instant de silence s'installa entre les deux individus, figés dans leurs positions inconfortables et se dévisageant mutuellement sous la lumière des étoiles.

"Qu'est-ce que tu fais ici?" demanda finalement Riku, rompant ainsi le silence, tout en reculant d'un pas afin de rétablir une distance plus confortable d'avec sa mère.

"Je… balbutia Saori en cherchant à croiser le regard de son fils, qui détourna cependant la tête. Kairi m'a dit que je te trouverai ici."

"Et bien, rétorqua Riku en continuant à épousseter ses manches, le visage ostensiblement baissé. Tu m'as trouvé. Félicitations et à la prochaine."

Sans attendre une réponse de la part de sa génitrice, le jeune homme se détourna et s'empressa de rejoindre le bord de l'eau, où étaient amarrées deux petites barques faites de vieux bois.

"J'ai divorcé de ton père", retentit alors la voix calme de sa mère biologique, suivie d'un silence patient.

Se figeant dans son geste, alors qu'il s'était emparé de la corde rattachant une des embarcations au ponton, Riku déplaça son poids du pied gauche au pied droit, répétant le mouvement en sens inverse de manière machinale, tentant de maîtriser son étonnement.

"Qu…qu'est-ce qui t'as enfin décidé à le faire? s'enquit-t-il après un discret raclement de gorge. Je pensais que tu le soutiendrais jusqu'au bout dans ses… agissements."

"Je n'ai jamais…tenta de se défendre Saori, avant de baisser les yeux et de chercher ses mots dans le sable. Soutenu… Soren dans ses…machinations. Je..."

Agacé, Riku roula des yeux dans un mouvement volontairement exagéré, fondant son expression usuellement immuable de manière ostensiblement rancunière et ne laissa pas sa mère terminer sa phrase, choisissant de qualifier une fois pour toute la thématiques autour de laquelle elle avait décider de danser une fois de plus:

"Ses violences? Humiliations? Manipulations?"

L'expression sur le visage de la femme se glaça, ses yeux pâles et exhorbités semblant brièvement se vider de leur éclat alors qu'elle réalisait un pas hésitant en arrière.

"..."

L'énervement du jeune Maître face au soudain mutisme de sa mère et son mouvement de recul ne parvinrent qu'a exaspérer davantage Riku, qui se passa une main nerveuse dans ses cheveux argentés, avant de reprendre d'une voix qu'il essayait de ne pas faire trembler.

"Non mais je me pose sincèrement la question. Après tout ce que j'ai traversé étant enfant, à la merci de mes parents - dont toi, par ton inaction - qu'est-ce qui t'as finalement motivée à le quitter? Tu as attendu que je ne sois plus là pour enfin mettre un terme à ses… comment tu les a appelées? "Machinations"?"

Saori demeura un instant immobile, les deux mains posées sur son bustier dans un mouvement de défense - sans doute inconscient - qui provoqua un involontaire pincement au cœur chez le Maître de la Keyblade. Toutefois, il n'avait pour l'heure aucune intention de rassurer sa mère, comme il l'aurait fait enfant, car la tempête en son sein était encore trop destructrice pour faire place à de la douceur. Il ne savait que faire de ses émotions et voulait fuir cette plage, loin de l'ombre de son passé, qui s'approchait désormais de lui d'un pas hésitant, surmontant sa crainte évidente face à cet "inconnu" de dix-neuf ans, au visage reflétant tragiquement celui d'un père abusif. Inspirant profondément, Saori leva ses yeux lila, humidifiés par des larmes retenues, vers les iris vibrants de son fils.

"J'ai attendu le moment où il n'était plus en mesure de passer sa colère contre moi, en se vengeant sur toi. J'ai attendu parce que, depuis l'adoption de Kairi, il avait cessé de…"

"Me battre? Me séquestrer? insista Riku, tel un adolecent impertinent, ne parvenant pas à maîtriser sa langue.

"Oui… admit la femme d'une voix tremblante, avant de confirmer la souffrance de son fils avec ses propres mots. Te torturer au nom d'une "éducation" qui l'a lui-même forgé en monstre. Mais quand Kairi est arrivée dans nos vies, quelque chose a changé en lui et… j'avais une lueur d'espoir…"

Une longue expiration s'échappa brièvement des poumons de Saori, qui déglutit avec difficultés, tentant de contenir son expression emplie de honte et de tristesse, avant de continuer fermement.

"Mais qu'est-ce que j'ai été bête. J'avais surtout peur. J'ai toujours eu peur… j'étais terrifiée de penser à ce qu'il me ferait… ce qu'il te ferait à toi, si je le quittais. Tu es son unique héritier; il ne m'aurait jamais laissé partir avec toi… ou Kairi…"

Ses paroles se perdirent un instant, son regard caressant les vagues de l'océan drapé d'étoiles, uniques autres témoins de sa confession.

"Puis vous avez disparu tous les deux, reprit- elle en fermant les yeux de douleur, se tournant à nouveau vers lui pour affronter sa réaction. Et j'étais seule. Sans mes enfants… Avec ses démons, qui sont revenus de plus belle… et les miens."

Ne supportant plus l'intense regard de sa mère, Riku détourna la tête et se concentra sur les barques situées derrière elle. Les pensées et les émotions se bousculaient dans sa tête et il s'accrocha derechef à une soudaine idée, germant dans son esprit analytique. Et si la présence de Kairi, et de ses pouvoirs de Princesse de Coeur, étaient parvenus à influencer le tempérament de son père? Et si leurs quelques années de paix étaient encore plus factices que Riku ne l'avait d'origine pensé? Dans ce cas…

"Il t'a touchée? lâcha-t-il soudain, en serrant les poings, son attention à nouveau portée sur le visage de la femme lui faisant face telle une pêcheresse demandant le pardon. Après ma disparition?"

"..."

L'incapacité de sa mère à répondre à sa question en disait plus long que toutes les cantates de l'univers et la glace autour du cœur du jeune homme sembla soudainement fondre, la tendresse de son enfance pour sa mère frémissant fragilement dans son poitrail pour la première fois en une décennie.

"...Et tu n'as plus peur de lui maintenant?" s'enquit le Maître de la Keyblade, son visage demeurant inexpressif.

"J'ai déjà tout perdu de ce qu'il pouvait me prendre."

Ne sachant pas comment réagir face à l'ensemble de cette situation, Riku décida de poser directement la question qui le tracassait:

"Tu…veux ma pitié?"

"Non… trancha sans hésitation Saori. Je mérite ta rancœur. Je n'ai pas été une bonne mère mais… je devais te parler et je devais te présenter mes excuses pour tenter d'alléger un peu ma conscience… et mon coeur."

La femme à l'apparence étrangement transluscide leva le menton, son expression semblant émuler une forme de fierté acquise durant des années d'existence inutilement bourgeoise pour maintenir enfermées ses larmes, qui tentaient de s'échapper de derrière les barreaux de ses cils.

"Tu peux le prendre comme tu le souhaites, concéda l'ex-épouse du maire en acceptant son triste sort. Je ne m'attends pas à ce que tu me pardonnes…. Je voulais juste que tu saches que… je suis désolé et que…."

Fermant les poings comme une générale face à la bataille, un sanglot s'échappa soudainement de la gorge serrée de Saori, qui laissa enfin ses larmes s'écouler abondamment sur ses pommettes.

"Je t'aime, Riku."

Comme une réflexion en miroir de sa mère, le fils perdit tout contrôle de ses glandes lacrymales et de ses influx nerveux, essayant néanmoins de conserver une expression honorable sur son visage paralysé. Ces mots n'étaient pas du tout ce qu'il était venu chercher sur cette île et pourtant… pourtant il sentit quelque chose en lui remuer. Quand bien même il aurait voulu s'accrocher à sa rancoeur, un infime espoir de se voir guérir de certaines blessures naquit en son sein. Les traces des fêlures sur son cœur seraient certainement visibles pour le restant de sa vie, mais au moins Riku réalisa pour la première fois que sa mère biologique n'était pas indifférente à leur existence et pour la première fois, une part de lui voulait lui laisser une chance…

"Je…hésita-t-il, ne voulant pas faire une promesse qu'il n'était pas certain de pouvoir tenir. Je ne sais pas si j'arriverais à réellement te pardonner un jour mais…"

Dans un geste qui lui parut puéril, le Maître de la Keyblade se passa un bras sur le visage pour essuyer les larmes qui s'y étaient installées, tentant dans un premier temps de se reprendre mais réalisant soudain qu'il était en train de se dissoudre. Une vague de diverses émotions contradictoires le heurta de plein fouet, mélangeant une forme de colère, à un ressentiment pas encore éteint, une tendresse ravivée pour sa mère, la joie de pouvoir récupérer une famille crue perdue à jamais et le regret d'avoir perdu celle qu'il avait choisie en lieu et place. Confus et ne sachant pas comment exprimer la tornade de tourments qui le submergeait sans barrières protectrices, il lâcha un souhait purement instinctif.

"Maman… j'ai…commença-t-il avant que sa voix ne se brise et qu'il ne doive reprendre sa phrase. Est-ce que je peux te prendre dans mes bras?"

Contre toute attente, un son étrange s'échappa de la bouche de Saori, qui s'élança en direction de son fils, comme si elle voulait le rattraper dans une chute allégorique. Malheureusement, sa chute à elle fut bien physique et elle manqua de s'éborgner contre les jambes de Riku qui, par chance, était tombé à genoux avant la collision et la rattrapa de ses bras grands ouverts.

"Tu ne m'a pas appelée maman depuis que tu avais 5 ans…finit par commenter Saori en pleurant misérablement aux côtés de son fils. Kairi m'a dit que tu allais mal… je constate qu'elle n'a pas exagéré…"

"C'est un euphémisme, lâcha cyniquement Riku entre deux reniflements, peinant à tisser une phrase suffisamment forte pour exprimer son récent deuil. J'ai perdu mon monde, celui que j'avais enfin réussi à construire et…"

Le jeune homme ne parvint pas à terminer son explication, une douleur intense s'installant dans son torse et lui coupant la parole alors qu'un son déchirant semblait s'étouffer dans sa gorge au simple souvenir du visage mourant d'Iwako.

"Comment s'appelait-elle?" s'enquit sans hésitation la mère de Riku, la voix pleine de douce compassion.

"...Iwako…"murmura-t-il comme une prière, presque effrayé que l'évocation de son nom ne décime inéluctablement le cimetière de ses sentiments.

"Elle était…Que dire… Je ne sais pas comment la qualifier."

"Alors ne la qualifie pas, le rassura Saori en caressant l'arrière de la tête du jeune homme. Elle était "Iwako" pour toi."

"Il y avait aussi une sorte de sœur insupportable…ricana Riku, plein de désespoir. Hayate. Elle s'appelait Hayate."

"Les deux sont parties?"
"Les deux sont parties."

Resserrant son étreinte autour des larges épaules de son fils, Saori posa ses yeux larmoyant contre les clavicules tremblantes de Riku, et souffla, une douleur aiguë discernable dans sa voix:

"Je suis désolée Riku… est-ce que tu veux m'en parler?"

"Non… je préfère rester comme ça… un moment."

Le soleil commençait à percer la nuit au-dessus de la mer quand les deux Sanada cessèrent enfin de pleurer abondamment dans leur dune de sable. Les rayons lumineux de l'aube carressèrent les mèches argentées du duo mère-fils, allongé sur le sol côte à côte en position d'étoiles de mers oubliés alors qu'ils sourcillaient sans interruption, tentant de chasser la douleur de leurs yeux bouffis. Semblables à des lapins albinos, les deux figures pâles étaient recouvertes de sable mais semblaient trop épuisées pour s'en soucier. La voix rauque de Riku résonnait dans l'air matinal, alors qu'il décrivait lentement et posément tout ce qui lui était arrivé durant les quatre dernières années - ou du moins ce qu'il acceptait de révéler en l'état. Durant ses récits, le jeune homme joua incessamment avec le sable qui coulait entre ses doigts, se faisant la réflexion que ces minuscules particules de minéraux étaient comparables à sa perception de sa mère, qu'il n'avait jamais réellement saisie jusqu'à ce jour, où tous les grains s'étaient enfin assemblés pour créer le portrait de Saori, de l'humaine qu'elle était et non de la figure idéalisée d'un parent qui, dans son jeune esprit, aurait dû être parfaite.

"Riku, finit par ricaner Saori en roulant en direction de son fils. Depuis quand sais-tu tenir une conversation pendant plusieurs heures?"

"Iwako était bavarde…je devais l'accompagner."

"Je crois que je l'aime bien, cette fille…"commenta sa mère.

"Si tu savais… fit le jeune homme en se permettant un discret sourire plein d'amour. Elle était un peu terrifiante aussi."

"Envers toi?"

"Non… pour nous…"

"C'est bien."

Dans un moment de triste nostalgie, pour une rencontre qui n'aurait sans doute jamais lieu, Riku réalisa qu'Iwako se serait sans doute entendu avec sa mère… après une possible altercation vengeresse émanant de la magicienne. Perdu dans ses pensées, une interrogation lui revint en priorité et il profita de l'aubaine de leur réunion familiale inespérée pour l'interroger:

"Maintenant qu'on communique relativement normalement, s'avança-t-il prudemment en baissant les yeux vers le visage de sa mère allongée sur le sable. Est-ce que je peux te poser une question?"
"Bien entendu, répondit la mère de Riku en époussetant la chevelure argentée de son fils pour en chasser les traces de leur nuit larmoyante sur la plage. Profite de cette logorrhée bilatérale inespérée."

"Est-ce que je suis mort-né?" lâcha Riku sans aucun préambule.

Saori se redressa soudainement, comme piquée par un insecte particulièrement véloce, s'écriant en se relevant de tout son buste:

"Pardon?"

"Mort-né?" répéta placidement Riku, comme s'il parlait de la pluie et du beau temps, en restant couché, l'expression nonchalante.

"Mais pas du tout enfin! le corrigea avec véhémence la femme, qui semblait retrouver son énergie face à l'outrage qu'évoquait l'idée même que son fils soit associé à la mort. Tu es né en pleine santé, résistant comme un roc! Un vrai tyran miniature."

"Mais…? insista le jeune Maître de la Keyblade en s'asseyant enfin en tailleur, ne relevant pas le misérable titre qu'elle venait de lui donner. Je me souviens vaguement d'une conversation que tu avais eue…. je ne sais plus avec qui, une autre femme. Et tu mentionnes un enfant mort-né…"

"Ah mais bien sûr! se souvint Saori en se laissant retomber sur la dune de sable qui lui servait de lit. Je me référais à Sora! Tu sais que j'ai vu qu'il ne respirait pas quand il est né? Il n'a commencé à pleurer que plusieurs minutes après l'accouchement. Je me souviens que Yoko et Minato étaient dévastés… il était tout bleu, et froid… "

"Que s'est-il passé après?" la questionna encore Riku, tombant des nues.

"Un miracle! expliqua sa mère en levant une main au ciel, comme pour saisir la lumière diaphane du matin. C'était la première fois que je voyais ça… Oh, pas un enfant mort né. On a tellement l'habitude de fausses couches, de bébés morts à la naissance…"

"Comment ça? s'inquiéta le jeune homme, sentant qu'il perdait quelques couleurs faciales. Je suis bien né normalement, moi?"

"Riku… murmura Saori en tournant la tête vers lui, l'air attendri. Tu étais notre quatrième tentative… "

Le jeune homme prit quelques instants pour digérer le fait qu'il avait trois frères ou sœurs aînés dont il n'avait jamais entendu parler. Information que sa mère venait de lui livrer avec une terrifiante légèreté…

"Ce qui est plutôt rapide, sur l'Ile! s'empressa d'ajouter Saori face au regard horrifié de son fils. Heureusement tu étais un garçon, donc ton père n'a pas insisté par la suite... Le taux de mortalité infantile est malheureusement un phénomène qui ne cesse d'augmenter exponentiellement depuis plusieurs générations… Mais, dans le cas de Sora, il s'est soudainement mis à respirer, à pleurer! Il a retrouvé toutes ses couleurs et ses grands yeux bleus ont commencé à pétiller… "

Demeurant sans voix alors que sa mère continuait à décrire à quel point Sora nouveau-né miraculeusement vivant était adorable, Riku se fit la réflexion angoissée qu'il devait profiter de leur présence sur l'Île de la Destinée pour avoir une conversation sérieuse avec Sora et la mère de celui-ci à ce sujet, afin d'éventuellement confirmer une théorie qui trottait depuis un moment dans sa tête et ne semblait à présent que se solidifier.

A quelle théorie pense Riku?

L'avez-vous deviné? En avez-vous aussi une?