Continuons encore les aventures Potteriennes à Perchelune. Dernier moment de tranquilité


- Pardon? Il est parti faire quoi?

A la Guilde des Héros, tout semblait bien se passer, tandis que l'heure était au bilan. Il n'y avait plus de balverine blanche à Witchwood grâce à Blade, Tonnerre semblait décidé à réparer son honneur bafoué et enchaînait quête sur quête et enfin le marchand de la Guilde achevait la rédaction de son «Etude sommaire et exhaustive de la confection des chopes en bois».

Whisper, quant à elle, revenait de son entraînement matinal du soir. Et, curieuse de ne pas voir le petit morveux avec les cheveux noirs et l'œil aussi vert qu'ahuri, s'était dirigée vers le Maître.

Lequel, d'un air affable, lui avait appris que leur jeune recrue courrait la route pour apparemment se trouver un but.

«Mais quel but?» Avait alors demandé la féroce guerrière en enfilant ses chaussons en forme de chaton qu'elle avait toujours dans son sac.

C'était parfaitement évident pour quiconque avait parlé avec le gosse qu'il avait envie de savater des bouches. Entre lui et Blade, elle était vraiment entourée de revanchards. Typique.

- Hélas, Héroïne. Avait soupiré le Maître en levant les yeux vers la lune inexistante. Si seulement cela pouvait être aussi facile.

Et Whisper retourna dans la petite chambre qu'elle occupait temporairement à la Guilde, tout en se demandant pourquoi un gamin doté d'une telle détermination et d'autant de revanches à prendre sur la vie aurait besoin de passer des mois en introspection.

Trop sentimental ce mioche.

OoOoO

Bien loin de cette conversation, le sentimental gamin aux yeux verts observait avec une curiosité de profane les nombreux meubles simples mais faits à la main présents dans la maison de Tovald, chacun ayant une histoire à raconter. De nouveaux détails semblaient apparaître à chaque visite.

Des sculptures en bois ornaient les étagères, probablement le travail de Runa, aux côtés de peintures aux couleurs vives qui détonnaient agréablement avec l'atmosphère rustique de l'endroit.

Installé à une table en bois solide, il écoutait le doux cliquetis des ustensiles de cuisine pendant que Runa préparait le repas. Le foyer émanait une chaleur réconfortante, et l'odeur de pain fraîchement cuit flottait dans l'air. Tovald, de son côté, s'était installé en face de lui, croisant les bras d'un air satisfait.

Plusieurs jours étaient passés. Chacun plus fatiguant, mais aussi plus satisfaisant, que le précédent.

« Tu as l'air de t'être fait à l'idée de travailler ici, » lança Tovald avec un sourire en coin, tout en croisant les bras. « Je t'avais dit que la forge te ferait du bien. Pas besoin d'aller trop vite, chaque chose en son temps. »

Harry hocha lentement la tête, un léger sourire jouant sur ses lèvres. Il y avait une vérité dans les paroles du forgeron. Ce lieu, et surtout cette famille, lui offraient une pause inattendue, une sorte de répit qu'il n'avait pas connu depuis des années. Ici, loin des batailles incessantes et des luttes morales qui le hantaient, il trouvait une forme de sérénité fragile, mais précieuse.

Un silence confortable s'installa, ponctué uniquement par le bruit des flammes dans la cheminée et les sons familiers de la cuisine où Runa s'affairait. L'odeur du repas commençait à emplir la pièce, douce et réconfortante. Puis, dans un tourbillon d'énergie caractéristique, Runa apparut avec un plat fumant entre les mains.

« Il est temps de se réchauffer le corps autant que l'esprit ! » déclara-t-elle avec un sourire radieux en posant le plat au centre de la table.

La petite famille s'installa autour de la table avec naturel, comme si ce rituel du soir était le cœur de leur quotidien. Harry s'y joignit avec grand plaisir. Il observa Runa verser généreusement des portions pour tout le monde, Sophie qui essayait de paraître plus mature en écoutant les discussions, et Fiston, déjà en train de dévorer son repas avec l'appétit insatiable de son âge.

Un sourire, sincère cette fois, étira les lèvres de Harry. Ce tableau d'une famille unie, simple mais vivante, éveillait en lui une nostalgie douloureuse, mais aussi un espoir timide. Peut-être qu'il y avait encore des choses qui valaient la peine d'être protégées. Peut-être même qu'il pourrait, ici, trouver quelques réponses à ses doutes.

La soirée avançait doucement. La lumière dorée du crépuscule s'estompait, remplacée par la lueur tamisée des bougies. Après le repas, Runa retourna à la cuisine pour ranger, tandis que Sophie s'assit un peu à l'écart, les yeux fixés sur Harry. Il sentait son regard curieux peser sur lui, comme si elle essayait de deviner ses secrets. Il aurait beaucoup voulu connaître le sien aussi.

Tovald, quant à lui, s'installa sur une chaise près de la table avec un soupir satisfait. Il prit une gorgée de son verre, puis tourna un regard attentif vers son invité.

« Tu as vraiment l'air d'avoir vu bien des choses, Harry, » dit-il d'une voix calme mais engageante. « On n'apprend pas à manier un marteau comme toi sans une certaine expérience. Et tes réflexes... » Il laissa sa phrase en suspens, son ton volontairement léger, comme s'il laissait à Harry le choix de répondre ou non.

Ce n'était pas la première fois qu'il y avait des allusions d'un côté comme de l'autre. Comment leur en vouloir lorsque l'invité arrivait armé d'une épée et d'un arc, et apparemment suffisamment en forme physiquement pour ne jamais rechigner à un travail ardu.

Harry leva les yeux vers le forgeron, un sourire prudent sur le visage. Il hésita. Ce monde semblait sûr, mais il savait mieux que quiconque que la sécurité pouvait être une illusion. Et puis, il ne voulait pas attirer l'attention sur lui. La Guilde des Héros avait une réputation ambiguë, et son propre passé était marqué par des dilemmes et des zones d'ombre qu'il préférait garder pour lui.

Pourtant, quelque chose dans l'atmosphère de cette maison, dans la simplicité honnête de Tovald, le poussait à relâcher un peu sa garde.

« Disons que j'ai eu quelques expériences ici et là, » répondit-il finalement, adoptant un ton détaché. « Rien de bien exceptionnel, juste… des chemins différents. »

Tovald hocha la tête, respectant son silence. Il semblait comprendre instinctivement que certaines histoires ne se racontaient pas facilement. Avec sa forge, il avait dû croiser des voyageurs, des guerriers et des mercenaires portant leurs propres cicatrices invisibles.

« Chaque chemin a ses leçons, » dit-il simplement. « Tant que tu en tires quelque chose, c'est ce qui compte. »

Le regard de Tovald se détourna vers la cheminée, où les flammes dansaient doucement. Harry, quant à lui, resta silencieux, son esprit s'égarant dans des souvenirs qu'il aurait préféré oublier. Mais pour la première fois depuis longtemps, il se sentit moins seul face à ce poids.

La scène apportait à Harry une forme de tranquillité. Il se sentait détendu, bien que toujours un peu en retrait. Un peu comme un spectateur dans un tableau, il observait la famille autour de lui, ressentant à la fois une douce nostalgie et un brin d'envie.

Sophie, elle, restait silencieuse mais attentive, ses yeux bruns scrutant Harry comme si elle essayait de déchiffrer un livre écrit dans une langue oubliée. Elle semblait hésiter, mordillant légèrement sa lèvre inférieure, avant de finalement se lancer :
« Tu sais, j'ai passé les derniers jours à t'observer. Beaucoup. Papa dit que tu as la force pour être un bon forgeron… mais moi, je pense que tu es plus que ça. »

Sa voix était claire, et son ton empli d'un étrange sérieux, signe qu'elle pesait chacun de ses mots. Une fois qu'elle eut parlé, elle jeta un coup d'œil discret vers son père, comme pour s'assurer qu'elle n'allait pas se faire encore reprendre pour poser des questions tout le temps.

Tovald, loin de la rabrouer, haussa un sourcil amusé tout en croisant les bras. « Elle est comme sa mère, toujours à creuser. »

Depuis la cuisine, Runa éclata de rire, le son cristallin venant alléger l'atmosphère. « Difficile de trouver plus curieuse ! »

Harry, pris de court par cette remarque inattendue, esquissa un sourire, à la fois touché et un peu déstabilisé. Il aurait du s'y attendre vu l'âge et la détermination de l'adolescente. Ce n'est pas comme si son lui de 13 ans avait manqué de curiosité non plus.

« Je pense que lorsqu'on voyage on s'imprègne un peu de tout ce qu'on découvre. Tout le monde porte son fardeau, » répondit-il finalement avec une neutralité qui n'était qu'apparente.

Sophie fronça légèrement les sourcils. Elle n'était pas convaincue, et son regard insistant en disait long. D'une voix douce elle insista :

« Mais toi, tu es différent, non ? Tu es plus que ça? Plus qu'un voyageur trouvé par le vieux pansu. »

Si Harry fut tenté de rigoler devant le surnom écopé par son compagnon de voyage la question, innocente en apparence, tomba comme une pierre dans l'eau calme de la pièce. Le silence s'étira, seulement troublé par le crépitement de la cheminée. Tovald ne dit rien, se contentant d'observer la scène avec l'intérêt tranquille de quelqu'un qui savait que certaines vérités devaient se révéler à leur rythme.

Harry détourna les yeux, cherchant dans les flammes vacillantes une échappatoire. Une partie de lui voulait rester dans l'ombre, préserver ce secret qui lui servait de bouclier. Mais une autre, celle qui commençait à s'attacher à cette famille, savait qu'il ne pourrait pas indéfiniment se cacher derrière des silences.

Il finit par répondre, sa voix basse, mais empreinte d'une gravité sincère :

« J'ai vu beaucoup de choses. J'ai rencontré beaucoup de gens. J'ai appris à me battre. » Il marqua une pause, cherchant ses mots. « J'ai traversé des épreuves, certaines plus difficiles que d'autres. Je ne porte pas seulement le poids de mon passé, mais aussi celui de mes choix. »

Sophie ne détourna pas les yeux des siens. Leurs regards s'affrontèrent un long moment, brûlant, sans antagonisme pour autant. Il y avait une étrange compréhension dans le regard de cette jeune fille, qui parfois lui rappelait Ginny, et une nouvelle fois Harry s'interrogea sur les ombres derrière la lumière de cette famille.

C'est alors que Fiston, les jambes repliées sur sa chaise, leva à son tour la tête et demanda d'un ton innocent :

« Si t'as une épée, ca veut dire que tu as des gens que tu veux protéger, comme un guerrier ? »

La question, simple et directe, frappa Harry comme un coup de marteau. Les visages de Ron, Hermione, Ginny, et tant d'autres qu'il avait laissés derrière lui surgissaient dans sa mémoire, comme des fantômes bienveillants mais douloureux.

Cette conversation lui coûtait de plus en plus. Il mit quelques secondes à répondre, la gorge serrée.

Mais que répondre à un enfant de huit ans croquant la vie de toutes ses jeunes dents?

« Oui, » murmura-t-il enfin, presque pour lui-même. « Il y a des gens que j'aimais… et qui comptaient pour moi. »

Tovald, toujours silencieux, posa une main lourde mais réconfortante sur l'épaule de Harry. Ce geste simple, empreint de respect, parlait plus que de longues paroles. Puis, d'un rire léger, il brisa la tension qui s'était installée.

« Hé, chacun a ses secrets, non ? » lança-t-il avec un sourire en coin. « J'ai entendu des récits d'aventures de toutes sortes, des histoires que je ne pourrais même pas imaginer. Mais peu importe d'où l'on vient, ce qui compte vraiment, c'est ce qu'on fait maintenant. Nous portons tous nos histoires, mon ami. Il n'y a pas de honte à ça. Mais si un jour, tu veux partager un bout de la tienne, sache que tu es en sécurité ici. »

Les paroles de Tovald touchèrent Harry plus qu'il ne voulait l'admettre. Ce n'était pas seulement une invitation, mais un véritable appel à la confiance. Pourtant, il savait qu'il ne pouvait pas tout dévoiler, pas encore. Sa magie, sa situation de Héros actif de la Guilde, et les batailles qu'il avait livrées n'étaient pas des secrets qu'il pouvait partager à la légère.

Plus encore, il craignait de mettre cette famille en danger. Le Maître avait beau dire, mais il n'en demeurait pas moins qu'il était un aimant à problèmes.

Par chance, Runa arriva tout aussi primesautière que d'habitude, portant un plateau garni de pain frais, de fromage et de viande, et s'exclama joyeusement :
« Bien dit, Tovald ! Maintenant, assez parlé de mystères et de secrets ! Venez manger avant que tout cela ne refroidisse. »

L'atmosphère se détendit immédiatement, les préoccupations mises de côté au profit des rires et du parfum alléchant du repas. Sophie semblait encore perdue dans ses pensées, mais l'odeur de la nourriture la ramena vite à la réalité, tandis que Fiston, fidèle à lui-même, attaquait déjà le plateau avec enthousiasme.

Harry se laissa gagner par cette chaleur simple et sincère. Il croqua dans un morceau de viande, savourant ce moment de répit. Mais Runa, malicieuse, l'observait avec un sourire espiègle.

« Je suis ravie que tu aimes ma panse de putois macérée et farcie ! » lança-t-elle joyeusement.

Harry s'arrêta net, pétrifié d'effroi et d'un dégoût marqué, à la grande hilarité de tous. Runa éclata de rire :

« Regarde, chéri, il est devenu encore plus vert que ton ami Frimousse quand on lui avait fait goûter notre spécialité. »

La soirée se termina dans une légèreté bienvenue, et cette nuit-là, Harry dormit encore mieux que la précédente.

Le lendemain matin, il fut réveillé par une légère odeur de charbon et le bruit rythmique d'un marteau frappant l'acier. Tovald était déjà à l'œuvre dans la forge, sa silhouette massive se dessinant dans la lumière tamisée du matin. En se levant, Harry entendit des éclats de rire provenant de la cuisine. Lorsqu'il rejoignit la table, il trouva Runa discutant joyeusement avec Sophie, tandis que Fiston, concentré, taillait une petite sculpture en bois avec une intensité impressionnante.

« Ah te voilà, petite marmotte-furet ! » lança Tovald en voyant Harry s'approcher de la forge. « Alors, prêt pour une vraie journée de travail ? Je te préviens, ça va chauffer un peu plus qu'hier. »

Il lui tendit un tablier en cuir usé, marqué par des années de labeur, mais encore solide. Harry enfila l'équipement sans hésiter, curieux et motivé.

« Aujourd'hui, tu vas m'aider à fabriquer une lame, » expliqua Tovald en plaçant une barre de métal sur l'enclume. « Pas une arme de guerre comme j'ai pu te montrer jusque là, mais un simple couteau de cuisine. Parce que, vois-tu, dans ce métier, tout commence par les bases. Et disons-le, c'est la majorité des commandes. »

Harry hocha la tête, concentré. Les mouvements de Tovald étaient précis, presque gracieux, malgré la puissance brute qu'ils impliquaient. Chaque coup de marteau résonnait dans l'air chargé de poussière métallique, des étincelles dansant à chaque impact comme des lucioles fugitives.

« Tu sais, Harry, » commença Tovald en s'essuyant le front, « chaque lame a une âme. Ce n'est pas juste un outil ou une arme. C'est une extension de celui qui la manie. Si tu veux qu'une épée te protège, il faut que tu l'aimes, que tu la respectes. Ce n'est pas juste une question d'aiguisage ou de force. C'est bien plus que ça. »

Ces mots résonnèrent en Harry comme un écho lointain. Une épée avec une âme… Son esprit vagabonda jusqu'à l'épée de Gryffondor, celle qu'il avait tirée du Choixpeau dans la Chambre des Secrets. Il se souvenait de son poids parfait, de l'éclat de ses rubis, et surtout, de la sensation de puissance qu'elle lui avait conférée. Elle était apparue quand il en avait eu besoin, comme une alliée fidèle.
Harry réalisa soudain qu'il y pensait souvent ces derniers jours.

Mais il garda ses pensées pour lui, hochant simplement la tête. Tandis que Tovald continuait de marteler le métal, Harry sentit quelque chose s'éveiller en lui. Pas seulement la fascination pour la forge, mais un respect grandissant pour l'art qu'elle représentait.

Il ne pouvait s'empêcher de se demander : son propre rôle dans le monde n'était-il pas semblable à celui d'une lame ? Façonné par des mains invisibles, marqué par les épreuves, mais toujours prêt à servir un but plus grand que lui-même.

Pour l'instant, il se contenta de s'appliquer, observant les gestes de Tovald avec soin. Une journée de plus dans ce foyer, une leçon de plus à apprendre.

«Dis, Harry ? Tu as déjà vu des objets magiques ?» Fit une voix derrière eux, brisant le silence.

L'apprentie-forgeronne, jamais très loin, s'amusait à tordre un clou avec une immense tenaille longue comme son avant-bras.

La question fit naître un sourire pensif sur le visage de Harry.

Voir des objets magiques? Lui? Une journée entière ne serait pas suffisante pour tous les lister.

Il hésita un instant, ses pensées vacillant entre Albion et les souvenirs lointains de Poudlard. Les portes démoniaques d'Albion, mystérieuses et presque vivantes, se superposèrent aux mystères de Poudlard, et surtout à cette épée si particulière qui l'avait sauvé. Ces mondes, bien que séparés, partageaient une étrange parenté dans leurs merveilles.

Mais comment parler de toutes les merveilles magiques sans pouvoir les montrer ou en attester la provenance sous peine de dévoiler trop?

La réponse était évidente. Autant montrer ce qu'il avait sur lui. Ce serait déjà suffisant. Il prit sa sacoche en peau de moke, offerte il y a une éternité semblait-il, par Hagrid.

«Eh bien oui. Et d'ailleurs en voici quelques petite pochette duveteuse permet de stocker toute sorte d'objets pour voyager sans s'encombrer. Et parmi ceux-ci...»

Il posa sur la table sa cape d'invisibilité soigneusement pliée ainsi que son éclair de feu – qui parut apparaître de nulle part compte tenu de la différence de taille avec la pochette. La carte du maraudeur, elle, resta prudemment dans les replis de la fourrure. Il ne l'avait plus utilisée depuis son arrivée en Albion.

Il attendit quelques instants pour voir leur première réaction. Le balais ne déclencha pas de réaction particulière. Ce genre d'ustensile était après tout commun. En dehors de sa coupe un peu alambiquée, il n'avait aucune utilisé particulière pour les moldus qu'étaient les membres de cette famille.

«Je vous montrerai après ce que je peux faire avec.» Fit il avec un amusement anticipé. «Mais je vais commencer par cette cape».

La cape d'invisibilité étincelait doucement, ses plis presque indiscernables. Harry la déplia avant de s'en draper et de purement et simplement disparaître.

Il sourit largement devant l'air stupéfait de ses hôtes et les cris de surprise qui s'élevèrent. Lorsqu'il l'enleva, quelques petites secondes plus tard, il s'interrompit net.

Merlin savait qu'il avait usé de cette cape un nombre incalculable de fois. Et pourtant, c'était la toute première fois qu'il ressentait cette sensation.

Cette cape, son héritage qu'il possédait et connaissait depuis des années, était imprégnée de magie comme il s'en doutait depuis la première seconde. Mais pas n'importe quelle magie, il le réalisait aujourd'hui.

La Volonté, la magie de l'Albion dans sa forme la plus pure.

La cape vient de l'Albion. Elle VIENT d'Albion!

Il rassembla ses pensées. Il aurait tout le temps de penser à cette surprenante découverte. Plus tard.

- C'est trop bien! S'écria Fiston en bondissant sur ses pieds. J'en veux une aussi.

- Quelle incroyable nuance de couleurs. Fit Runa à son tour en inspectant le tissu sous toutes ses coutures.

- Où as-tu obtenu une merveille pareille? S'enquit son forgeron de mari.

- Je la tiens de mon père. Répondit simplement Harry. Elle m'a énormément servi au fil des ans.

Sophie, plus silencieuse que d'habitude, n'avait pas eu de réaction particulière devant la cape. Tout au plus, coulait-elle sur l'objet un regard curieusement pensif.

- Et le balais? Demanda-t-elle finalement avec prudence.

Harry sourit derechef. Il avait tellement hâte de voir leur réaction devant ça.

Quelques instants plus tard, c'est avec un bonheur indicible qu'il s'élevait dans les airs. Pas trop haut néanmoins, afin de ne pas attirer la curiosité des voisins outre mesure.

Le regard profondément envieux des deux enfants du couple était savoureux et la parfaite récompense. Et l'envie se mua en joie lorsqu'il proposa à Sophie et Fiston de voler quelques secondes avec lui sous le regard amusé et impressionné de Tovald et Runa.

Après avoir rangé son balais, il reprit la parole.

« J'ai vu plein d'objets comme celui-ci. Pour rester dans le thème de la forge, il m'est même arrivé de voir une épée apparaître pour moi, à un moment où j'en avais le plus besoin. Comme si elle m'attendait.

Sophie le regarda avec fascination, imaginant déjà des récits dignes des contes de son enfance. Tovald, qui martelait avec rythme sur l'enclume, s'arrêta pour jeter à Harry un regard intrigué.

— Tu veux dire qu'une épée est venue à toi? s'étonna-t-il, fronçant les sourcils.

— Oui, quelque chose comme ça, répondit Harry, pensif. Une arme ancienne. Elle semblait… presque vivante. Et avec le recul, je réalise qu'elle me manque. Beaucoup.

Le silence s'installa un instant, chargé de sous-entendus. Harry repensa à l'épée de Gryffondor, vraisemblablement crée en Albion tout comme sa cape, bien avant que Godric ne devienne un Fondateur. Cette arme, qu'il avait maniée contre le basilic, portait un poids d'histoire et de pouvoir qu'il n'avait jamais pleinement compris à l'époque. Maintenant, cette absence lui paraissait presque tangible.

Sophie ouvrit la bouche pour poser une autre question, mais fut interrompue par Runa, qui fit irruption dans la forge. Vêtue d'une longue tunique maculée de taches de peinture et coiffée de ses boucles désordonnées, elle portait dans ses mains une petite sculpture d'argile encore fraîche. Des objets hétéroclites débordaient de ses poches, dont un haricot desséché et quelques outils minuscules.

— Ah, on parle d'objets qui ont une âme ? fit-elle en souriant malicieusement. Moi, je dis que tout ce qu'on crée porte une part de nous. Que ce soit un couteau, une épée ou une statuette. Regarde celle-ci! Je ne la façonne pas juste pour qu'elle existe. Je mets de moi dedans. Une fois terminée, elle portera une petite parcelle de mon âme. C'est peut-être moins spectaculaire qu'une épée magique, mais ça reste tout aussi important.

Harry sourit. La passion de Runa, si différente de celle de Tovald, illuminait la pièce d'une chaleur inattendue. Tandis qu'elle posait sa sculpture près de la fenêtre, Harry sentit une impulsion grandir en lui. Peut-être était-il temps de partager une autre facette de ses souvenirs.

— Quand j'étais plus jeune, dit-il doucement, j'ai aussi rencontré des portraits magiques. Les personnages dans les peintures étaient vivants. Ils pouvaient parler, interagir, et même se souvenir de leur vie passée.

Runa s'arrêta net, la bouche entrouverte, son visage illuminé par un émerveillement enfantin.

— C'est vrai? s'exclama-t-elle. Des portraits vivants ? Oh, Tovald, tu m'entends? Ce jeune homme est à moi pour la soirée ! Harry, tu as intérêt à tout m'expliquer! Et Tovald, pas question de me le fatiguer avec ton travail.

Tovald roula des yeux avec un sourire amusé.

— C'est malin, grommela-t-il, mi-exaspéré, mi-attendri.

OoOOoOOoO

Le reste de la journée s'écoula paisiblement. Runa n'en perdit pas une miette et harcela Harry de questions sur les portraits magiques, s'émerveillant à l'idée de créer un jour une œuvre capable d'abriter une mémoire vivante. Sophie, elle, écoutait en silence, se promettant de noter chaque mot dans son carnet secret.

Et Harry, bien qu'un peu assailli par cette effusion d'intérêt, ressentit une étrange légèreté. Partager un fragment de son passé dans cette maison chaleureuse n'était pas aussi terrifiant qu'il l'avait imaginé. Ce n'était pas dévoiler ses secrets, mais offrir une petite fenêtre sur ses souvenirs.

Le soleil déclinant baignait la forge d'une lumière dorée, et le crépitement du feu se mêlait au rythme régulier des marteaux. Runa, Sophie et Fiston étaient partis en ville, laissant Harry et Tovald seuls dans le silence rythmé de leur travail. La chaleur enveloppait la pièce, et l'odeur de charbon imprégnait l'air, familière et apaisante. Pourtant, une tension imperceptible semblait alourdir l'atmosphère.

Harry remarqua les traits pensifs de Tovald. Habituellement concentré, presque jovial, le forgeron semblait absorbé par des pensées plus sombres, chaque coup de marteau résonnant comme un écho de ses réflexions intérieures. Ce fut finalement lui qui brisa le silence, sa voix grave troublant l'équilibre fragile de la pièce.

— Tu sais, Harry, parfois je me demande si ce que je fais sert vraiment le bien, dit-il, les yeux fixés sur la lame rougeoyante qu'il travaillait.

Harry leva les yeux, sentant qu'une conversation importante se profilait. Tovald poursuivit, sa voix teintée d'une rare gravité:

— Il y a des jours où je me dis que les armes que je forge pourraient aussi bien être des outils de mort que de protection. Certaines finissent entre les mains de soldats, d'autres dans celles de bandits. Parfois, je me demande si je suis complice de ce qu'elles font. Est-ce que le sang qu'elles versent rejaillit sur moi? Est-ce que leur poids moral m'appartient?

Harry resta silencieux, frappé par la question. Ce n'est pas comme s'il n'était pas famillier avec le concept d'outils magiques. Des objets, neutres en eux-mêmes, mais terriblement puissants entre de mauvaises mains. Au premier rang desquels, le miroir du Rised. Et que dire de cette épée qui avait émergée du Choixpeau, un symbole de force et de justice, mais aussi un instrument de mort.

Il finit par répondre, mesurant ses mots:

— Est-ce que tu crois vraiment que tu es responsable de ce qu'on fait de tes épées? demanda-t-il, posant son marteau un instant.

Tovald réfléchit, les sourcils froncés, les yeux plongés dans la flamme du brasier. Lorsqu'il répondit, sa voix était empreinte de sagesse et de fatigue:

— J'ai longtemps cru que mes armes étaient une extension de moi. Que ce que j'y mettais – mon savoir, mon intention – définissait ce qu'elles deviendraient. Mais j'ai appris que ce n'est pas aussi simple. Une épée est un outil. Ni bonne ni mauvaise. Tout dépend de celui qui la tient. Je forge avec intégrité, en y mettant mon cœur. Mais une fois qu'elle quitte mes mains, son destin m'échappe.

Il déposa son marteau, essuya son front d'un revers de bras et fixa Harry d'un regard franc.

— Quand je forge, que ce soit une arme ou un simple clou, je mets en chaque pièce une part de moi. Mais je dois accepter que, parfois, ce que je crée peut être détourné. L'important, c'est de rester fidèle à mes valeurs. Si je devais arrêter de créer sous prétexte que mes œuvres pourraient causer du tort, je ne ferais plus rien du tout. Et ça… ce serait une défaite en soi.

Harry écoutait attentivement, les paroles de Tovald résonnant en lui d'une manière inattendue. Il baissa les yeux vers l'épée qu'il tenait, ses doigts effleurant la garde. Elle n'avait rien de la légendaire épée de Gryffondor, mais en cet instant, il sentit le poids symbolique de l'objet, bien au-delà de son utilité.

— Mais… reprit-il, hésitant. Si une arme, ou un objet, fait plus de mal que de bien, est-ce qu'on doit continuer à la fabriquer?

Tovald se redressa, croisant les bras, méditant sur cette question. Après un moment, il répondit doucement:

— Là, c'est à chacun de décider. Est-ce que tu crées par devoir? Par passion? Pour le profit? La gloire? Si tu veux que ce que tu fais serve le bien, tu dois aussi accepter le risque qu'il soit détourné. Mais le vrai pouvoir, Harry, ce n'est pas dans l'objet lui-même qu'il se trouve. C'est dans la manière dont tu l'utilises, et dans les histoires que tu choisis d'écrire avec.

La soirée s'installait doucement, le crépuscule teignant les fenêtres d'ombres pourpres et dorées. Tovald et Harry rangeaient les derniers outils dans la forge, leurs gestes automatiques mais empreints de la satisfaction d'une journée bien remplie. À l'intérieur, Runa, toujours souriante et affairée, préparait le repas, son énergie légère remplissant la maison. Sophie et Fiston, fidèles à eux-mêmes, se chamaillaient doucement dans un coin: elle, tentant de calmer l'enthousiasme débordant de son petit frère, qui brandissait fièrement une branche récemment trouvée, transformée dans son imagination en épée légendaire.

Une fois la forge fermée, ils rejoignirent tous la table familiale. L'ambiance était chaleureuse, les arômes du pain frais et des légumes mijotés créant une bulle de réconfort. Harry, installé à côté de Sophie, ressentit à nouveau cette étrange sensation: une normalité qu'il avait rarement connue, une famille unie autour d'un repas simple, sans masque ni attentes.

Runa, captivée, posa soudain ses coudes sur la table, oubliant un instant les conventions.

« Je repense à ce que tu m'as raconté sur les portraits magiques, Harry. C'est stupéfiant. Ça veut dire que l'artiste ne se contente pas de peindre une image. Il capture une partie de l'essence de la personne, non? Comme si… il insufflait une âme dans son œuvre.

Tovald, jusqu'alors silencieux, releva la tête à ces mots. Il écoutait attentivement, son regard se posant tour à tour sur sa femme et sur Harry.

- Une part de l'âme, oui, admit Harry. Mais ce n'est pas que l'artiste. La magie joue un rôle. C'est elle qui donne vie au portrait. Sans elle, ce ne serait qu'une toile comme les autres.

Runa hocha la tête, ses yeux brillants d'un mélange de fascination et de réflexion.

- Si j'avais ce genre de magie, je peindrais des paysages qui changent avec les saisons, ou peut-être un tableau qui jouerait une mélodie en fonction de l'heure, dit-elle avec un sourire rêveur.

Tovald posa une main affectueuse sur celle de sa femme.

- Tu fais déjà ça, Runa. Tes peintures dégagent une vie qu'aucune magie ne pourrait égaler. Pas besoin d'un sortilège pour y mettre une âme.

Sophie, émerveillée, détourna les yeux vers Harry.

- Tu te ferais faire un portrait magique, toi? Si tu avais le choix? demanda-t-elle timidement.

Harry réfléchit un instant. Il se remémora les tableaux à Poudlard, les directeurs et directrices passés qui continuaient de veiller sur l'école, leurs voix résonnant encore dans les couloirs. Un instant, l'idée lui sembla séduisante: laisser une trace, être utile même après sa mort. Mais ce sentiment fut rapidement éclipsé par une autre pensée: le poids de vivre à travers un cadre, d'être figé dans un souvenir, une copie imparfaite de lui-même.
Du reste, avoir sa mémoire inscrite sur un support quelconque n'était pas quelque chose qui le faisait particulièrement vibrer. Comment pourrait-il en être autrement lorsque sa vie avait fait l'objet de tellement de publications – majoritairement fausses - avant même son entrée à Poudlard

- Je ne sais pas, répondit-il honnêtement. Peut-être si quelqu'un voulait se souvenir de moi… Mais je n'aimerais pas être coincé dans un tableau. Je préfère vivre pleinement ma vie pendant que je le peux.

Ce fut Sophie qui réagit la première, hochant la tête avec un sérieux inattendu.

- Oui… ça doit être bizarre de rester coincé quelque part, même si c'est pour être utile, murmura-t-elle, comme si elle comprenait une part de la vérité derrière les mots d'Harry.

Fiston, jusque-là concentré sur son assiette, leva soudain la tête.

- Moi, je voudrais un tableau qui parle! Et qui combat! Comme une épée vivante!

Un éclat de rire général éclata, brisant la gravité naissante. Tovald ébouriffa affectueusement les cheveux de son fils.

- Tu as déjà une épée vivante, mon grand: toi. Tu es bien plus remuant que n'importe quel tableau magique!

Le repas continua dans cette ambiance légère, mais les paroles de chacun laissèrent une empreinte subtile. Harry sentit quelque chose changer dans son lien avec la famille: un mélange d'admiration mutuelle, de curiosité et d'acceptation. Le poids des révélations restait en suspens, mais pour cette soirée, il se permit de simplement apprécier l'instant.

Alors que la soirée touchait à sa fin, les enfants montraient les premiers signes de fatigue. Sophie, encore absorbée par les récits de Harry, étouffa un bâillement, tandis que Fiston, assis à moitié de travers sur sa chaise, se frottait les yeux d'un geste maladroit.

Runa et Tovald échangèrent un regard complice, leur langage silencieux traduisant une pensée partagée depuis longtemps : ces moments simples, entourés de leurs enfants et d'un invité devenu presque un ami, étaient précieux.

- Allez, les enfants, il est temps de monter, dit Runa avec douceur. Vous avez encore beaucoup d'énergie à dépenser demain.

- Bonne nuit, Harry, dit Sophie en s'étirant. Elle hésita un instant, puis ajouta avec un sourire timide: «Merci pour… tout.»

Harry, touché par ces mots bien qu'il n'en comprenne pas réellement le pourquoi, lui rendit un sourire sincère.

- Bonne nuit, Sophie. Bonne nuit, Fiston.

La maison retrouva un calme apaisant alors que les enfants quittaient la pièce. Harry, Runa, et Tovald restèrent autour de la table un moment encore, échangeant quelques paroles légères sur la journée écoulée. Le feu dans l'âtre se consumait lentement, projetant des ombres dansantes sur les murs de bois. Finalement, chacun se retira pour la nuit, laissant Harry seul avec ses pensées.

Allongé dans le lit confortable de sa chambre, il fixait le plafond, son esprit oscillant entre gratitude et appréhension. Il y avait une chaleur rassurante dans cette maison, dans les gestes et les mots de ses occupants, mais une part de lui ne pouvait ignorer cette tension qui grandissait. Une intuition, un murmure au fond de son être : cette famille, aussi apaisante soit-elle n'était ni dépourvue, ni à l'abri des secrets.

Qu'est-ce que ça faisait d'eux tous, si ce n'est des humains ?


Le prochain chapitre risque d'être plus mouvementé. A vos claviers chers lecteurs.