Disclaimer : L'œuvre originale appartient à JKR ; l'image a été réalisée avec l'aide de Canva.

Mot de l'auteur : Je vous avais promis un OS sur le POV de Marcus. Vous me connaissez depuis le temps, évidemment que ça a encore foiré et pour cause : l'OS est devenu plus long que l'histoire principale *tousse*.

Après discussions avec ma bêta, nous avons convenu qu'il valait mieux le scinder carrément en mini-fiction pour une meilleure expérience de lecture. Cette histoire balaye une plus large partie de l'intrigue globale, dans un ton très différent du début de l'histoire, c'est la raison pour laquelle il est trèèèès long et posté à part.

On repart du coup sur un chapitre posté dès que je peux. A l'heure actuelle, il y a quatre chapitres, mais je ne vous fait pas un dessin, vous avez compris '

Je l'avais écris bien avant la mini-fic principale et il apporte un regard et un ton assez différent d'une même histoire.

En fonction de vos sensibilités, je vous conseille de lire l'avertissement suivant.


Avertissement :

Le chapitre ci-dessous comporte des passages abordant les thèmes suivants :

Violences conjugales

Insultes misogynes et homophobes

Agressions à caractère homophobe

Si vous trouvez ces contenus sensibles, vous pouvez commencer l'histoire aux passages de la partie "Le Déni" - Août 1995.

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Si vous ou un de vos proches êtes victimes de violences conjugales, n'hésitez pas à contacter le 39 19.

Pour les enfants victimes de maltraitances, appelez le 119.

En cas d'urgence, contactez le 17 ou le 114 (numéro d'urgences pour les personnes sourdes et malentendantes, la particularité étant que l'écran ouvre une conversation SMS et puis affiche un écran noir afin de vous protéger tout en gardant le système d'écoute si vous êtes en danger).


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Donne-moi ton corps

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Le choc

Mars 1985

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- Maman, qu'est-ce que tu as ? s'étrangla Marcus en lâchant son sac à dos à peine arrivé dans l'entrée.

- Elle va bien, répondit son père d'une voix sèche. On s'est expliqué. Va faire tes devoirs.

Affolé, Marcus se précipita vers sa mère, pâle comme la mort dans son fauteuil près de la fenêtre. Elle tremblait encore et des larmes ruisselaient en silence sur ses joues qu'elle essuya vivement. Le côté gauche de son visage arborait encore la marque que les doigts de son père avaient laissé plus tôt.

Une sensation terrible prit naissance dans la poitrine du garçon de dix ans. Son père avait recommencé. Il avait juré qu'il ne ferait plus de mal à sa mère, et il avait recommencé.

- Ça va, Marcus, répondit sa mère avec un sourire forcé. Écoute ton père, mon chéri.

Dans la cuisine, son père tourna la page de son journal, le visage fermé. Il n'esquissa aucun geste pour les rejoindre, et Marcus se rendait compte d'à quel point il le détestait en cet instant. De les rendre tous aussi malheureux. De faire autant pleurer sa mère. De leur faire mal, tout le temps.

- Maman, gémit Marcus d'une voix cassée, alors qu'elle repoussait sa main en tremblant. Mais qu'est-ce qui s'est passé ?

- Dans ta chambre, chuchota sa mère après avoir reniflé. Tu sais ce qu'on avait dit ? Marcus, je te jure que ça va aller.

Le garçon hocha vivement la tête et sa mère embrassa ses doigts après les avoir serré fort. Marcus lui embrassa la joue, celle qui était intacte malgré son goût de sel, et s'exécuta en silence. Avec application, il travailla ses leçons jusqu'au repas du soir, la porte de sa chambre volontairement ouverte pour surveiller le salon du coin de l'œil.

Comme un fantôme, sa mère prépara le repas dans un silence total, et quand ils se mirent à table, son père avait un visage plus détendu. Une fois que Marcus eut terminé de mettre la table, sa mère les servit et lorsqu'elle se rassit, son père lui prit la main et déposa un baiser sur le dos, caressant les doigts délicats avec son pouce.

- Je suis désolé, Agatha. Tu sais que je ne te ferais jamais de mal. Je t'aime, tu le sais ?

Ce jour-là, Marcus comprit ce que signifiait l'expression de détester quelqu'un à en mourir.

oOo

Avril 1985

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- Je tiens d'abord à te dire que ta mère s'est réveillée, commença l'agent Shacklebolt après s'être assit. Son opération s'est très bien passée mais elle doit se reposer encore. Tu pourras très vite la voir.

Marcus hocha la tête, les yeux encore embués. Depuis son arrivée dans la petite salle d'audition du commissariat, il avait choisit de rester assit sur une chaise, le collier ensanglanté de sa mère dans les mains. Les jointures de ses doigts avaient blanchi à force de le serrer, mais personne n'avait pu le lui reprendre.

Les images ne faisaient que tourner dans sa tête. Celle de son père levant un point rageur, sa mère projetée au sol. Les hurlements, et le sang partout. Puis l'enchaînement d'évènements.

Marcus qui avait hurlé chez les voisins en tapant toutes les portes du pallier. D'abord Mrs Figg, l'infirmière à la retraite qui avait enfermé sa mère chez elle pour la sécuriser et lui procurer les premiers soins en attendant l'ambulance. Les Patil qui avaient fait tout leur possible pour retenir son père le temps que les forces de polices arrivent. Et Marcus qui tenait la main de sa mère dont il ne reconnaissait presque plus le visage. Mrs Figg avait dit aux ambulanciers qu'elle soupçonnait que la pommette ait été fracturée.

- C'était cassé, n'est-ce pas ? demanda Marcus après un long moment de silence. J'ai entendu le bruit, et j'ai vu le sang.

Le policier hocha doucement la tête et Marcus déglutit péniblement en ravalant le sanglot qui montait dans sa gorge.

- Le chirurgien qui l'a prit en charge nous a dit qu'elle avait bien réagit à l'opération, reprit l'agent Shacklebolt d'une voix douce. Nous avons contacté ta tante, c'est elle qui va s'occuper de toi le temps que ta mère soit à nouveau en capacité, d'accord ? Elle va venir te chercher bientôt. Je pense quand même que tu devrais manger quelque chose. Qu'est-ce qui te donnerait envie ?

- Elle avait mit du maquillage, répondit Marcus, les yeux brillants. Elle devait passer un entretient d'embauche, et elle avait mit du maquillage pour cacher ses cernes. Elle était belle. Il l'a frappé parce qu'elle était belle. Il l'a traité de pute et il a dit qu'il allait la tuer. Il a faillit la tuer, pas vrai ?

L'agent Shacklebolt pinça les lèvres et le regarda avec compassion. Pendant un temps il sembla chercher ses mots, et Marcus soutint son regard, le défiant de mentir. Il savait qu'il pouvait facilement mettre mal à l'aise avec ses yeux sombres qu'il avait hérité de son père.

- Marcus, je vais avoir besoin de toi pour que ça n'arrive pas, répondit le policier. Mais il faut que tu m'aides et que tu réponde à mes questions.

- Je veux que ce soit lui qui meure, cracha Marcus, les poings fermement serrés autour du fragile collier de perle.

- Je te promets de faire tout mon possible pour qu'il ne puisse plus jamais faire de mal à personne. Fais-moi confiance.


Le déni

Août 1995

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- Tu ressemble à ta mère, commenta son père après avoir été assit derrière la vitre blindée du parloir.

- Comme quoi, la nature fait bien les choses, répondit sèchement Marcus en tirant la chaise pour s'installer.

Les dix années avaient été sévères avec son père. Il était totalement négligé, dégarni sur le devant et Marcus vit qu'il lui manquait une dent sur le côté. La génétique n'avait jamais été favorable avec la dentition des Andersen, Marcus lui-même en avait hérité des incisives de travers. Au moins, leurs ressemblances s'arrêtaient là.

L'appréhension qu'il avait dans ses tripes en arrivant au pénitencier se modifia perceptiblement en lui. Là où son père inspirait au petit garçon de dix ans une terreur sourde aussi forte que sa haine, le jeune homme qu'il était éprouvait un dégoût infini envers l'homme qu'il avait en face, comme s'il le voyait enfin tel le déchet qu'il avait toujours été.

Face à lui, les yeux polaires de son père le fixaient comme s'il détaillait un inconnu. Marcus savait qu'il était devenu impressionnant. Il était grand de taille, ses épaules s'étaient considérablement développées, et les entraînements qu'il avait réalisé pour entrer en école de police avaient finit de déterminer sa silhouette, effaçant ses derniers traits d'enfance.

Alors qu'il avait refusé toutes les demandes de visites auparavant, Marcus avait choisi un jour spécial pour honorer ce qu'il considérait comme son dernier devoir envers son géniteur.

Son jour d'entrée en service en tant que gardien de la paix, comme il s'était juré de l'être après que Shacklebolt ait passé les menottes à son père pour la dernière fois avant de l'amener au pénitencier.

- T'as vraiment une barbe de pédé, commenta alors son père en secouant la tête d'un mouvement désapprobateur.

Marcus se contenta de le fixer sans répondre, ce qui obligea son père à changer de tactique pour le provoquer. Un rictus étira sa bouche, dévoilant ses dents pourries.

- Comment va ta mère ?

Ses yeux brillaient d'une lueur perverse, celle de savoir qu'il faisait mal. Il était tellement prévisible que Marcus se rendait compte d'à point il le méprisait.

- Elle s'est remariée, répondit Marcus en appuyant délibérément sur chaque syllabe, se délectant de l'effet sur le visage de son père. Elle se maquille, elle travaille et elle porte des jupes.

- Comme la traînée qu'elle était déjà, cracha l'autre, les joues rouges.

Marcus secoua la tête en se renfonçant contre le dossier de sa chaise, les jambes écartées. Un rictus similaire étira ses lèvres, il savait tellement bien le copier à force de l'avoir vu encore et encore.

- Ça te fais chier, pas vrai. Qu'elle ait refait sa vie et qu'elle soit heureuse, alors que tu moisis comme le crevard tu es.

- Tu n'as pas le droit de me parler comme ça, je suis ton père !

- Et tu vas me faire quoi ? T'as une ceinture sous la mains, peut-être ? Non, tu n'es rien de plus qu'une sale merde dans le trou que tu as mérité.

De l'autre côté de la vitre, l'homme avait les joues rouges et Marcus se rendit compte d'à quel point il était bouffit, ignoble et ridicule maintenant que leurs positions étaient inversées.

- Pourquoi tu es venu alors ?

Jamais Marcus n'avait sentit autant de jubilation qu'en se penchant vers la vitre. Son regard se planta dans les yeux sombres de son père alors que ses lèvres prononçaient les mots qu'il rêvait de dire à voix haute depuis qu'il avait vu l'agent Shacklebolt pour la première fois, à ses dix ans.

- Je suis venu te voir en face pour te dire que je suis devenu gardien de la paix et que je vais te ramener des petits copains pour jouer. Tous les fils de pute comme toi, je le vais les traquer et les enfermer dans ton trou.

Son père eut un rire sec avant de renifler.

- Tu te prends pour un justicier, mais tu n'es qu'un gamin ridicule. Tu comprendras tes responsabilités quand tu seras chef de famille. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour vous.

Pensivement, Marcus lissa sa barbe du bout des doigts. Il sentait l'excitation envahir ses veines, et le sang battre contre ses tempes. Jamais il n'avait pensait savourer autant son dernier cadeau d'adieu.

- Oui, la famille. C'est important pour toi. Alors ouvre bien en grand tes oreilles, papa.

Il se pencha en avant, comme sur le ton de la confidence, le regard droit.

- Je ne porte plus ton nom depuis que tu as perdu ton autorité parentale. Je ne me marierais pas, et je n'aurais pas d'enfant. Il n'y aura plus de Andersen après moi. Parce que ouais, papa, t'avais bien raison. Je suis pédé, comme tu le dis si bien.

La réaction ne se fit pas attendre, et Marcus prit le temps de graver le visage face à lui dans sa mémoire. Le regard horrifié, l'autre homme bondit de sa chaise avant de cracher sur la vitre.

oOo

Janvier 1999

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- Maman, ne pleure pas, intima Marcus en lui serrant les doigts. Londres, c'est pas si loin. Je reviendrais de temps en temps.

- Je sais, murmura sa mère avec un sourire timide. Mais tu vas me manquer.

Un sourire gêné aux lèvres, Marcus lâcha la main délicate de sa mère. Il n'avait jamais supporté de la voir pleurer, même s'il savait qu'elle débordait d'émotion, comme le jour de son remariage, ou quand Marcus avait obtenu son poste d'officier de police. Seulement cette fois, si elle était réellement heureuse de sa promotion en brigade à Londres, c'était la première fois qu'il partait aussi loin, et son émotion qu'elle peinait à contenir le touchait énormément.

Avec tendresse, Marcus lui caressa la joue avant de replacer une mèche de cheveux noire derrière son oreille, révélant la cicatrice délicate qui longeait l'arcade et la pommette du visage de sa mère. Les lèvres pincées, Agatha Flint appuya son visage dans la paume de sa main, un sanglot muet secouant sa poitrine.

- Je t'appellerai dès que j'arriverais, promit Marcus en passant son sac à dos sur ses épaules.

- Il faut que tu penses aussi à bien manger, continua-t-elle en ajustant la veste de son fils, lissant les plis avec un grand soin. Et des légumes, surtout.

- Je pense qu'il a compris, Agatha, intervint le beau-père de Marcus en passant un bras affectueux autour des épaules de sa femme. Tout ce dont il a besoin c'est de savoir lancer une machine à laver et faire cuire des pâtes. Tu vas t'en sortir, pas vrai ?

Thomas Flint le regarda l'air faussement préoccupé, les yeux pétillant de malice.

- Oui, les pâtes dans la casserole et au bout de dix minutes à feu vif je mets l'eau, répondit Marcus sur le même ton.

- Et pour la machine, mets tout en boule, et quand c'est plein, tu lances à 90 degrés. Achète peut-être du triple XL au début, ça risque de rétrécir un peu.

Sa mère les fixa tour à tour d'une mine perplexe avant de comprendre qu'ils se payaient sa tête.

- Oh, allez en enfer tout les deux ! s'exclama-t-elle alors, les yeux à nouveau embués.

Marcus l'attira à nouveau dans ses bras et se pencha pour embrasser sa joue au goût salé. Sa mère se hissa sur la pointe des pieds, le serrant aussi fort que ses bras le lui permettaient.

- Je t'aime, mon chéri, murmura sa mère une dernière fois après avoir frotté le bout de son nez contre le sien. Ne l'oublie jamais.

Elle fourra les mains dans son sac et lui tendit un paquet emballé soigneusement, sans attendre de réponse de sa part. Après un dernier signe de la main, elle s'éloigna pour essuyer ses yeux, laissant les deux hommes sur le quai du train.

Thomas lui tendit une main ferme accompagné d'un sourire poli, celui qui ne quittait jamais longtemps son visage. Celui qui avait changé la vie de Marcus et de sa mère après le cauchemars qu'ils avaient vécu.

- Bon voyage, Sous-Brigadier Flint, le salua-t-il.

Quand Marcus lui serra la main avec reconnaissance, son beau-père approcha son visage du sien en désignant le paquet cadeau dans ses mains.

- Ne l'ouvre pas dans le train.

Marcus laissa échapper un rire défait.

- C'est encore des capotes, c'est ça ?

Thomas lui fit un clin d'œil entendu.

- C'est ta mère. Avec toutes cette médiatisation autour du SIDA, c'est sa manière de prendre soin de toi. Maladroit, comme toujours, mais sincère. Allez, prends bien soin de toi, bonhomme. Et appelle-nous ce soir.

- J'y penserais, promit Marcus avant de finalement monter dans son train, son précieux cadeau toujours à la main.

oOo

Mars 2001

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- Je m'appelle Cassius Warrington, se présenta un jeune blond aux cheveux peignés avec soin. En temps que président du bureau des réclamations des vieux prénoms pourris, je te souhaite la bienvenue dans la brigade des stupéfiants.

Marcus avisa la main tendue devant avant de la serrer avec politesse. Son nouveau coéquipier le salua d'un immense sourire qui le mit presque mal à l'aise tant il était franc. D'un rapide coup d'œil, il repéra l'anneau discret sur son lobe d'oreille et se fit la réflexion qu'il était plutôt stupide d'oser s'afficher ainsi dans un corps de métier aussi strict.

Deux mois après, ils couchaient ensemble pour la première fois après avoir fêté le succès de leur première saisie. Le lendemain, Cassius lui tira la gueule au bureau, car Marcus était parti avant son réveil. Parce que Marcus était comme ça, il préférait sa vie tranquille chez lui, et sans personne pour envahir son espace.

oOo

Juillet 2003

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- Dis, Marcus. Si c'était possible, tu m'épouserais ? demanda Cassius, relevé paresseusement sur un coude.

- Je ne te supporterai pas, répondit Marcus en remontant son pantalon d'un mouvement vif.

Le regard encore groggy de Cassius coula sans gêne sur son corps avant qu'il s'étire à la manière d'un chat, froissant les draps sous lui. Un long bâillement lui échappa quand il se redressa, secouant sa tignasse cendrée.

- Dommage, tu ferais un bon mari si tu n'étais pas aussi – comment on dit ? Infidèle ? Volage ? reprit Cassius. Infidèle c'est pour les couples, non ?

- Donc ça ne nous concerne pas. Arrête de dire des conneries et habille-toi. Maugrey a insisté pour qu'on soit à l'heure au briefing.

- A vos ordres, Agent Flint, répondit Cassius en parodiant le salut officiel.

Avec autant de souplesse que lui permettait son corps – pas grand-chose, donc - , il sautilla sur un pied pour enfiler un boxer, baillant à nouveau à s'en faire décrocher la mâchoire.

Marcus le laissa faire quand il l'attira à lui dans un tendre baiser, taquinant son oreille. Cassius avait encore la marque du draps sur la joue, et son corps chaud était une véritable tentation à retourner sous la couette. Marcus lui céda un rapide baiser sur le front avant de le repousser gentiment. Il n'était pas à l'aise avec la proximité de Cassius en dehors du lit.

- Tu es sûr de ne pas vouloir te faire percer ? reprit Cassius en désignant sa propre boucle d'oreille. Ça t'irait trop bien.

- Je t'ai déjà dit non. Pour la moto c'est un enfer, et si je fais quelque chose sur mon corps, ce sera pour moi. Pas pour quelqu'un d'autre parce que...

- Blablabla, « mon corps est un sanctuaire ». Et tu as raison, je pense. Mais je suis persuadé que ça t'irait bien. Genre, comme justement un poteaux indicateur vers ce merveilleux sanctuaire, appuya Cassius en l'enlaçant par derrière cette fois.

Son attitude finit par faire rire Marcus qui lui attrapa les poignets avant d'exécuter une des prises d'autodéfenses qu'il maîtrisait le mieux, la clé de bras. Habitué à leur jeu, Cassius suivit le mouvement, un sourire défait sur le visage, baissant les armes. Marcus le relâcha avant de le talocher affectueusement derrière la tête.

- Eh, Marc ? fit Cassius en se recoiffant avec les doigts. Tu sais, même si j'aime bien ton côté ours mal léché, tu pourrais être un peu gentil avec moi. Genre, pas qu'au lit.

Un sourire narquois au coin des lèvres, Marcus annonça qu'il allait préparer le café. Cassius le suivit en trottinant, un sourire niais sur le visage.


La colère

Novembre 2004

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- Tu fais chier ! explosa Cassius après avoir débarqué dans la salle de réunion sans frapper.

Il était entré comme si de rien n'était et Marcus leva un regard sévère sur lui. A ses côtés, le comptable se ratatina sur son siège.

- Sous-brigadier Warrington, salua Marcus d'un ton glacé. Je suis en rendez-vous.

Il savait que son regard pouvait être terrifiant, mais Cassius le connaissait juste trop bien pour être impressionné. A la place, il le toisa, la mâchoire contractée.

- Monsieur Flitwick, salua Cassius d'un hochement de tête sec. Brigadier Flint, quand serez-vous disponible ?

Bien malgré lui, Marcus tapota de l'index le bureau qu'il s'était approprié le temps de son rendez-vous. Cassius pouvait être une vraie plaie quand il était décidé à aller jusqu'à ce qu'il voulait. Et s'il était dans cet état, Marcus savait qu'il en était l'origine-même.

- Nous avions terminé, bafouilla Flitwick en rassemblant ses documents.

Le petit comptable devait avoir sentit l'électricité dans la pièce car il remballa ses affaires avec précipitation. Marcus se leva pour l'accompagner à la porte après lui avoir serré la main, et promit une prochaine entrevue.

Son sourire s'effaça dès qu'il referma la porte pour faire face à Cassius dont le visage fermé montrait tout son ressentiment.

- Tu m'as dégagé du dossier Greyback ! accusa Cassius, les poings fermés.

- Je t'avais dis dès le départ que je n'y était pas favorable, répondit Marcus en reprenant place dans un fauteuil libre. Ne me regarde pas comme ça, tu sais que ce n'est pas moi qui prend les décisions finales.

- Sauf que ta parole a du poids, et tu as demandé à ce que je sois écarté de l'intervention.

- Qu'est-ce que tu attends de moi ? Tu viens pleurnicher, soit. Mais dis-moi ce que tu veux.

- C'était mon dossier, rougit Cassius, les yeux brillants de colère contenue. Je le connais par coeur, j'y ai passé mes jours et mes nuits. J'ai fait les filatures, j'ai fait les planques, j'ai travaillé avec les autres brigades pour réunir les preuves, c'est mon travail ! Tu n'as pas le droit de me le retirer comme ça ! Pas le jour de l'intervention !

- Mon travail, c'est de connaître mes équipes, leurs points forts mais aussi leurs points faibles. Cassius, si on enlève la drogue, je dois te rappeler les derniers signalements contre les comportements de Greyback ?

- Qu'est-ce que tu insinues ?

D'un mouvement sec, Marcus fouilla la pile de dossier devant lui et désigna un énorme porte-document de signalements qu'il laissa tomber dans un bruit sourd.

- Je commence par quoi ?

Sans attendre de réponse, il l'ouvrit et saisit les témoignages les plus récent, classés pas catégories.

- Agression homophobe. Menace homophobe. Incitation à la violence. Agression homophobe, encore. Agression homophobe. T'as besoin que je continues, ou tu veux un dessin plus explicite ?

Les poings serrés, Cassius soutint son regard fermement. La mâchoire contractée, il tira rageusement la chaise face à Marcus et se laissa tomber dessus.

- Ce que tu fais s'appelle de la discrimination. Pour tout le monde ici, je ne suis pas plus gay qu'un autre. C'est pareil pour toi.

- Ça veut dire que tu vas enlever ça le jour de l'intervention ? interrogea Marcus en désignant la boucle d'oreille. Pour tout le monde ici, c'est peut-être anodin. Mais pas pour la plupart des homosexuels et encore moins pour des homophobes comme lui. On connaît sa dangerosité, et c'est ma responsabilité qui est en jeu envers toi.

- Je suis fier de ce que je suis, et ça ne m'empêchera pas de faire mon putain de job, siffla Cassius en se redressant. C'est pas parce que tu n'as pas les couilles de l'assumer non plus que tu dois planter les autres.

Marcus passa outre l'insulte et se renfonça dans son fauteuil, secouant la tête de dépit. C'était peine perdue de tenter de raisonner Cassius quand il avait une idée en tête, et encore plus depuis que Marcus était devenu son supérieur et qu'ils avaient arrêté de coucher ensemble. Même si Marcus ne lui avait jamais accordé le moindre privilège – hormis des parties de jambes en l'air occasionnelles -, Cassius avait prit la mouche dès qu'il avait annoncé vouloir arrêter de le fréquenter.

- Tu n'as toujours pas compris dans quel monde on vit, répondit simplement Marcus.

- Bien sûr que si. Désolé de ne juste pas être aussi pessimiste que toi.

Ils se fixèrent un long moment avant que Cassius se reprenne finalement et finisse par se prendre la tête entre les mains après un long soupir agacé.

- Même si tu ne fais pas partie de l'intervention, tu es toujours sur le dossier, reprit Marcus. Tu pourras les planter au tribunal. Je sais que tu vas négocier avec Maugrey, mais je resterais défavorable à ta présence sur le terrain.

- Tu fais chier, Marcus.

- Je sais.

oOo

- Montrez-moi les photos ! exigea Marcus à peine arrivé dans l'espace de travail qu'occupait son équipe.

Les deux autres agents présents se regardèrent en silence, et leur attitude incertaine ne fit qu'augmenter le brasier de colère présent dans les tripes de Marcus. Ils avaient tous des têtes d'enterrements de circonstances, mais Marcus n'était clairement pas dans le même état.

- Maugrey nous a défendu de te les montrer, répondit l'agent Diggory après avoir enlevé ses pieds de son bureau et s'être redressé comme un gosse prit en faute.

Le sang battant fort dans ses tempes, Marcus retira rageusement son casque de moto et le posa sur son bureau, faisant sursauter Diggory et Bulstrode qui se dépêcha de saisir un dossier pour le mettre hors de sa portée. La mâchoire de Marcus se contracta.

- Montrez-moi les photos, répéta Marcus d'un ton glacé. C'est un ordre.

- Et Maugrey a donné l'ordre de ne pas te les montrer, répondit Diggory.

- Et moi je dis que tu me montres les photos sinon je vais moi-même à l'hôpital voir Warrington, c'est assez clair ?

D'un mouvement de regard, les agents se fixèrent gravement avant que Bulstrode lui fasse un signe de tête discret. Toujours dans ses habits de civil, Marcus la rejoignit d'un pas lourd avant de lui arracher le dossier d'un mouvement sec.

- Je suis désolé, murmura-t-elle en baissant la tête. On les a reçues tout à l'heure avant que Maugrey nous retire tous de l'affaire.

Quand Marcus avait reçu l'appel lui indiquant que Cassius avait été hospitalisé en urgence suite à l'interpellation de Greyback, Marcus avait sentit quelque chose de glacé serrer sa poitrine. Déjà, parce que ça signifiait que Cassius avait réussi à convaincre leurs supérieurs d'aller sur le terrain, et aussi parce que Marcus n'était pas quelqu'un de prétentieux, mais il savait qu'il n'avait jamais échoué en raisonnement déductible. Marcus savait qu'un incident arriverait avec le comportement de Greyback, et il avait fallut que ce soit le jour où il était d'astreinte.

Le monde tourna autour de lui quand Marcus ouvrit à peine le dossier, révélant les photos prises par les équipes médicales. Il se sentit blêmir et un frisson glacé parcourut son échine en reconnaissant le visage de Cassius totalement défiguré. Sans avoir le courage d'en regarder plus, il détourna le regard et referma le dossier qu'il rendit à Bulstrode.

- Il l'a latté avec une barre, pas vrai ? interrogea-t-il.

- Avec une planche. C'est ce qu'il avait sous la main lors de l'interpellation.

Sans plus pouvoir se retenir, Marcus jura bruyamment avant de flanquer un coup de pied rageur dans le bureau de Diggory.

oOo

- Brigadier Flint, ça faisait longtemps, salua Greyback avec un sourire pervers sur le visage.

- Je vois que la garde à vue se passe plutôt bien, cingla Marcus sans cacher son animosité. Sympa ton sandwich, il est à quoi ?

Le dealer lui adressa un mouvement de sourcil provocateur en écartant les jambes ostensiblement, mâchant sans la moindre délicatesse. Il était immense, baraqué, et toujours aussi impressionnant avec son nez crochu et ses yeux perçants.

- Poulet. J'aime bien ça.

Marcus laissa son regard scanner la petite pièce. La caméra était allumée, mais elle comprenait un angle mort, dix degrés plus à droite. Avec nonchalance, il prit appui contre le mur, où il savait que le son serait étouffé, et que l'angle mort ne permettrait pas qu'on lise sur ses lèvres. Un rapide coup d'œil à sa montre l'informa qu'il avait environ cinq minutes avant qu'on remarque sa présence, alors qu'elle lui avait été strictement défendue.

- Savoure-le bien tant qu'il te reste encore des dents.

Greyback stoppa sa mastication et coula un regard perplexe sur lui. D'un ton posé, Marcus lui adressa un sourire glacé.

- Je t'avais dit que je t'aurais pour de bon, et crois-moi, je vais bien prendre mon pied quand tu purgeras ta peine. J'ai cru entendre qu'ils aiment bien les belles baraques, à Azkaban. Sois prudent dans tes fréquentations.

- Qu'est-ce que tu insinues ?

- Que t'as pas été malin de t'en prendre à Cassius.

- Ah, le blondinet, soupira pensivement Greyback en dévoilant sa dentition. Il a pas trop aimé que la planche lui roule une pelle.

- C'est de mon mec que tu parles, alors sois polis.

L'effet de ses mots fut au-delà de ses attentes car Greyback se releva lentement en faisant racler sa chaise au sol, l'évaluant de son regard sans âme. Marcus frémit d'anticipation, les bras toujours croisés sur son torse. La scène avait presque une allure de déjà-vu, comme la dernière fois qu'il avait vu son géniteur au pénitencier.

Une colère sourde gronda en lui, celle qu'il avait toujours quand il était face à des ordures pareilles. C'était pour ça qu'il avait finalement choisi la brigade des stupéfiants, pour s'éloigner des violences qui remontaient trop de choses en lui. S'éloigner du terrain et superviser les dossiers, mais l'attaque contre Cassius avait ravivé quelque chose de trop brutal en lui, et il était incapable de penser à autre chose. Même si Cassius et lui ne partageaient plus rien, Greyback ne devait pas s'en sortir indemne. Pas alors que Cassius ne mangeait encore qu'avec une paille.

Ce n'était pas juste.

- Oh, ça te démange, hein ? continua Marcus en relevant un sourcil de la même façon dont l'avait fait Greyback un peu plus tôt. Mais t'oseras, ou pas ? Parce que c'est ta dernière chance. Je vais tellement te charger avec qu'on a saisit comme came que tu prendras perpétuité. Tu crois que tu pourras apprécier ce qu'ils te feront là-bas quand tu arriveras ?

- Fils de pute ! hurla Greyback en débarrassant la table pour se jeter sur lui.

Marcus fut plus rapide en se décalant sur le côté. D'un geste assuré, il l'attrapa par le bras avant de le recoller à la table, usant de son poids pour le maîtriser d'une clé de bras parfaitement exécutée. Il savait qu'il ne restait plus de temps avant que ses collègues interviennent, alors il tira un peu plus sur l'articulation, arrachant un geignement sourd au dealer. Avec une fascination presque malsaine, Marcus se rendit compte qu'il s'était toujours demandé ce que pouvait provoquer une épaule démise.

- Une dernière chose à savoir, murmura-t-il à son oreille. N'insulte jamais ma mère.

Dans une tentative désespérée, Greyback rejeta sa tête en arrière pour lui flanquer un coup de boule, donnant à Marcus le dernier élément dont il avait besoin.

- Et ça, c'est de la part de Cassius, acheva-t-il en tirant l'articulation d'un coup sec.

Le craquement sinistre qui emplit la pièce fut suivit d'un hurlement épouvantable avant que la porte ne s'ouvre à la volée. Avec un calme olympien, Marcus recula et se plaça de lui-même face au mur, les mains en évidences pendant que ses collègues les entouraient avec précipitation.

Les yeux fermés, il se força à respirer profondément pour calmer le sang qui battait dans ses tempes et ses doigts qui tremblaient encore. Lorsque ses poignets furent menottés, et que les officiers assermentés lui récitaient ses droit, il eut la satisfaction d'apercevoir l'épaule de Greyback pendre lamentablement, et son visage ravagé par la douleur.

oOo

- Explique-toi, tout de suite, ordonna Maugrey en prenant place en face de Marcus après l'avoir informé de ses chefs d'inculpation.

Son superviseur darda sur lui un regard tellement perçant que Marcus avait l'impression qu'il sondait son âme. Pensivement, ses yeux sombres tombèrent sur ses mains menottées et son index tapota la table. La sensation de se trouver de ce côté de la table était assez particulière, et Marcus commençait à réaliser enfin la portée que son acte avait eut.

Sa perte de contrôle allait lui coûter cher, il le savait bien avant d'entrer voir le dealer.

- Greyback plaide la violence policière, reprit Maugrey. Les images de surveillances ne sont pas claires et la bande-son est pourrie, étrangement. Alors explique-toi. Tu plaides la légitime défense, mais pourquoi tu es allé le voir, alors que tu n'en avais pas l'habilitation ?

- J'avais prévenu que Warrington ne devait pas aller sur le terrain, et vous l'avez envoyé quand même, répondit alors Marcus en soutenant le regard de son supérieur. Pourquoi l'avoir finalement autorisé à y aller ? Vous saviez ce qu'il risquait là-bas.

Après un instant de silence, Maugrey se renfonça dans son siège, les mains croisées devant lui.

- Tu as une carrière remarquable, à même pas encore trente ans. C'est moi qui ait accepté ta mutation ici après étude de ton dossier. Prouve-moi que je peux te faire confiance pour faire ton travail dans les limites de la loi, et pas d'une quête de vengeance personnelle. Tu ne peux pas laisser ta vie privée interférer dans ton travail.

- Je n'ai jamais parlé de vengeance personnelle. Je voulais savoir s'il avait des remords de l'avoir tabassé.

- Ton acte aurait pu compromettre tout la procédure d'arrestation de Greyback, et déshonore ton uniforme par la même occasion. Ce n'est pas comme ça que tu protégeras les civils. Une enquête a été ouverte aux Affaires Internes. J'espère pour toi que tu n'as rien à te reprocher, car je ne serais pas de ton côté, mais de celui de la justice une fois les preuves rassemblées.


La dépression

Décembre 2004

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- T'as raté ton collier, commenta Thomas en s'appuyant dans l'encadrement de la porte de la salle de bain, les bras croisés sur sa poitrine.

Agacé, Marcus reposa le rasoir sur le bord du lavabo avant de soupirer bruyamment. Depuis qu'il était môme, son beau-père avait toujours eut le don de le retrouver dans les moments où il était le plus tendu, comme s'il avait un radar. C'était peut-être lié à sa profession d'infirmier, comme les intuitions que Marcus avait développées dans son propre milieu.

- Montre, pour voir ?

Après que Marcus se soit tourné vers lui, Thomas s'approcha et saisit son menton entre ses doigts, tournant son visage pour l'examiner sous tout les angles. Son doux regard le scruta par-dessus ses lunettes de repos.

- Mouais. Tu ne le rattraperas pas, c'est mort.

- Si, je vais y arriver.

L'autre secoua la tête lentement, un air amusé sur le visage, et rien qu'à la manière dont il le regardait, Marcus savait qu'il était parti pour une leçon de vie.

- Je te dis que non, reprit Thomas d'une voix posée. Passes encore un coup sur ta joue et tu vas te couper. C'est trop irrité.

Avec application, Marcus se regarda à nouveau dans le miroir en étirant son cou. Thomas avait raison, il le savait. Un nouveau soupir agacé s'échappa de ses lèvres.

- Je fais quoi, alors ?

- Écoute bien, bonhomme. La persévérance est une qualité, mais l'acharnement est un gros défaut. Tout au long de ta vie, tu y seras confronté. Le plus dur, c'est de savoir reconnaître quand tu passeras de l'un à l'autre, et de t'arrêter à temps.

Il ne parlait pas que de sa barbe, Marcus le savait. Thomas avait toujours fonctionné ainsi avec lui, tissant dès le début une relation de confiance entre eux. Une relation qui disait qu'il serait toujours de son côté. Paradoxalement, l'effet amplifia le malaise de Marcus au même point qu'il le rassurait.

- Et s'il n'y a pas de solution ? questionna Marcus.

- Tu lâches l'affaire.

Avec sa claquette, Thomas actionna la poubelle de la salle de bain et jeta le rasoir de Marcus, puis il ouvrit le tiroir sous le lavabo pour en sortir un coffret parfaitement organisé qu'il ouvrit, dévoilant son matériel de barbier qu'il n'utilisait que pour les grandes occasions.

- Tu effaces tout, reprit simplement Thomas en lui tendant sa tondeuse à barbe. Et quand le temps a fait son travail, tu recommences, avec plus de rigueur.

Son beau-père déposa une petite tape affectueuse sur l'épaule de Marcus, et il quitta la salle de bain en traînant les claquettes sur le carrelage, les mains dans les poches de son jogging.

oOo

- Cassius Warrington essaye de te joindre depuis hier, informa Thomas quand Marcus passa devant lui dans le salon. Il est plutôt tenace, mais s'il rappelle encore une fois après vingt-deux heures je ne serais pas aussi sympa avec lui.

Les cheveux encore humides de sa douche précédente, Marcus hocha la tête pour signifier qu'il avait comprit le message. Il ne savait toujours pas quel comportement adopter vis-à-vis de Cassius, alors il avait choisi volontairement de s'éloigner de lui, en particulier depuis qu'il avait démonté l'épaule de Greyback sous le coup d'une impulsion. Greyback avait attaqué Cassius, mais ce n'était pas que ça, Marcus le savait. L'agression de Cassius avait déclenché quelque chose que Marcus ne connaissait pas en lui. Quelque chose d'impitoyable, qui lui avait fait perdre le contrôle et qui lui coûtait terriblement cher.

Cassius méritait mieux, Marcus le lui avait déjà dit. Il avait toujours été très clair quant à la relation qu'il souhaitait avoir avec lui, et la nouvelle de sa promotion l'année passée lui avait apporté l'élément dont il avait besoin pour mettre un terme à leurs coucheries. Cassius l'avait mal prit, mais Marcus n'était pas revenu sur sa décision. Ils n'avaient pas les mêmes attentes, alors autant tout arrêter avant de bousiller le reste de leur relation. C'était lâche, mais Marcus avait besoin de recul, et Cassius finirait par aller de l'avant. Ce serait mieux pour tout le monde.

Avec une patience à toute épreuve, Thomas replia son journal minutieusement avant de le poser sur ses genoux. Son beau-père désigna le fauteuil libre face au sien. Son visage avait une expression grave que Marcus ne souvenait pas avoir déjà vue chez lui.

- Allez, bonhomme. Pose tes fesses.

- Je ne veux pas parler, refusa Marcus.

- Marcus Flint, assit.

Marcus le toisa un instant, mais le calme émanant de Thomas le fit obtempérer sagement, et il s'installa dans le fauteuil, dans l'attente.

- Pré-au-Lard, donc. On a regardé sur internet, c'est assez loin au nord et très différent de l'agitation de Londres. Mais ce n'est pas ce qui préoccupe Agatha et j'avoue que je la rejoint à ce propos. Dis, bonhomme, qu'est-ce que tu as fait pour mériter une mutation pareille ? Dans un bled si perdu ? Ne me fais pas croire que c'est ton choix. Ça ressemble plus à une punition qu'autre chose. Autant je suis assez flatté que tu sois venu passer quelques jours à la maison, mais je commence à trouver ça très long pour des congés. Bonhomme, qu'est-ce que tu as fait ?

Ne sachant pas quoi répondre, Marcus lissa son menton imberbe, peu habitué à la sensation sous ses doigts. C'était comme s'il avait perdu une part de son identité, et il se rendait compte qu'il n'aimait pas ça.

Sans rien ajouter, Thomas attendait, les bras posés sur les accoudoir de son fauteuil. Marcus savait qu'il avait attendu un moment où ils seraient seuls une fois sa mère partie à la messe, et c'était une des raisons pour lesquelles il respectait autant son beau-père. De préserver sa mère, tout le temps. De prendre soin d'elle, comme quand il l'avait soignée après sa convalescence, et comme il le faisait toujours, chaque jour.

Après avoir choisi ses mots avec soin, Marcus se renfonça confortablement dans son fauteuil, et il parla. D'un ton posé, il raconta l'agression de Cassius, et la manière dont il avait défoncé l'épaule de Greyback. A la seule différence que contrairement aux interrogatoires de l'enquête interne où il avait gardé la tête haute, il termina penché en avant, les coudes sur les genoux et le regard dans le vide, dans l'attente de la réaction de l'autre.

Avec Thomas, il pouvait montrer la honte qui l'envahissait. Cet énervement constant qu'il avait envers lui-même, d'avoir brisé tout ce en quoi il croyait, sous le coup d'une impulsion terrible. Le geste qu'il avait eut envers Greyback, il ne le regrettait absolument pas, parce qu'il l'avait réfléchit. Mais la honte de la perte de contrôle le suivait, et les conséquences de sa rétrogradation et de sa mise à pied d'office aussi, alors qu'il s'était tant battu pour être meilleur que son géniteur. Ça le bouffait de l'intérieur.

Un court silence flotta entre les deux hommes avant que Thomas croise ses jambes, posant son menton dans sa main.

- Il y a toujours eu beaucoup de colère en toi, Marcus. Tu as vécu des choses difficiles pour un enfant, et j'ai toujours pensé que ta motivation à devenir policier était à la fois ta plus grande force, mais aussi ta plus grande faiblesse.

Sans cacher sa surprise, Marcus releva le menton vers lui, un air pensif sur le visage. Il ne s'était pas vraiment attendu à cette réaction de la part de Thomas.

- Cette pulsion que tu as ressenti, elle reviendra, reprit son beau-père. Maintenant, il est de ton devoir de la reconnaître, et de ne plus la laisser te contrôler.

- Et si c'est ce que je suis ? osa prononcer Marcus.

Le visage grave, Thomas se pencha vers lui.

- Ce n'est pas ce que tu es, enlève-le de ta tête. Je pense avoir une idée de ce qu'il se passe, alors ouvre en grand tes oreilles, bonhomme. Quand Agatha a accepté de m'épouser, c'est moi qui lui ait proposé de te reconnaître comme mon fils. Ça n'a rien à voir avec le fait que nous ne pouvions pas avoir d'enfant. Je t'ai élevé comme mon fils, je t'ai donné mon nom, et c'est ce que tu es devenu, Marcus Flint.

Thomas marqua une pause avant de le pointer d'un index ferme, et il reprit d'un ton ferme :

- Par contre, la violence policière dont tu as fait preuve n'est pas à prendre à la légère dans le métier que tu as choisi. Tu as un pouvoir en tant que policier, et c'est de garantir la justice, et préserver ce genre de comportement. Je sais que tu retiendra la leçon. Dis-toi que ce ne sont pas nos échecs qui nous définissent, mais notre volonté de toujours vouloir nous améliorer. Tu as accomplis de très belles choses, et tu vas continuer parce que c'est la voie que tu as choisie. Alors crois en toi, bonhomme, et porte ton uniforme avec honneur et fierté.


La résignation

Avril 2005

.

Marcus détesta Pré-au-Lard à l'instant-même où il descendit du train, son sac de voyage encore sur l'épaule. La ridicule gare de campagne était tellement minuscule qu'il n'y avait que deux quais, de chaque côtés de la structure. Il traversa le hall d'entrée avec quelques pas seulement, et son humeur continua de chuter une fois dehors.

La ville de campagne n'avait presque rien de moderne, à part quelques bâtiments qui juraient avec les façades anciennes du centre-ville.

Jamais son passage en commission ne lui avait autant tardé. Sans trop s'avancer, Marcus était plus que confiant quant au résultat qui en ressortirait. Au moins, il aurait une chance de revenir à Londres, peut-être dans sa brigade même s'il ne retrouvait pas son grade tout de suite.

C'était la raison pour laquelle il avait choisit un logement de fonction en caserne, pour ne rien avoir comme attache dans ce ridicule bled. Tout ce qu'il avait à faire, c'était tirer ses six mois sans faux pas, et se reprendre solidement en main. Peut-être même qu'il reprendrait ses entraînements un peu plus régulièrement pour passer le temps.

D'un pas déterminé, il se mit en quête de la caserne dont il avait repéré l'itinéraire bien en amont. La manque de diversification de transports en commun le fit grincer et il se fit finalement la promesse de se procurer une moto le plus rapidement possible.

oOo

- Allez, bienvenue Agent Flint, trinqua Zabini en cognant son verre de demi contre celui de Marcus.

Un sourire poli aux lèvres, Marcus hocha la tête avec retenue avant de tremper ses lèvres dans son verre. La bière était fraîche et apparemment brassée dans le coin. Marcus devait reconnaître qu'elle était excellente, et qu'elle passait bien pour chasser l'amertume qui ne l'avait pas quitté depuis son arrivée.

Sa visite au commissariat central s'était plutôt bien déroulée, et il avait été accueillit assez chaleureusement par sa nouvelle équipe. Son nouveau coéquipier s'était présenté sous le nom de Blaise Zabini, et Marcus l'avait tout de suite apprécié. Le grand homme à la peau sombre avait tout de suite su le mettre à l'aise. Il parlait beaucoup et respectait la réserve de Marcus, ce qui l'arrangeait assez. Il était déterminé à n'être que de passage à Pré-au-lard, alors il ne voyait pas l'intérêt de tisser des liens plus forts avec son entourage immédiat.

De nouveaux arrivants les rejoignirent à la table du bar, et Marcus échangea quelques poignées de main polies, retenant à peine les noms qui défilaient. Ça lui semblait tellement cliché que tant d'officiers se retrouvent dans un bar à la fin du service qu'il n'osa pas le faire remarquer, et il s'appliqua à être le plus courtois possible.

Passé vingt-et-une heures, Marcus se saisit presque lâchement de la première occasion pour s'en aller. Sa bière terminée, il paya au comptoir avant de partir en direction des toilettes dans le but de laver ses mains qu'il ne supportait pas être collantes. Une des choses qui ne l'avait jamais quitté depuis son enfance était d'être toujours impeccable sur lui. Avec un regard attentif, il recoiffa ses cheveux dans le miroir avant que son regard ne tombe sur le reflet d'un visage qui le fixait avec attention.

Plutôt belle gueule, le gars lui adressa un discret sourire en coin et Marcus se tourna vers lui avec une curiosité non dissimulée.

- Sympa, la boucle d'oreille, salua le type.

Si on lui avait un jour dit que Cassius pouvait avoir raison en lui parlant de se faire percer, Marcus aurait rit au nez de la personne. Même s'il le respectait chez les autres, l'idée d'afficher discrètement son homosexualité lui avait toujours semblé ridicule et il s'était même plusieurs fois énervé de remettre des intéressés à leur place sous prétexte qu'il portait sa montre au poignet droit. Dans son cas, même s'il était effectivement homosexuel, il était surtout gaucher et n'avait pas à justifier ses choix.

Très sincèrement, il ne savait toujours pas vraiment ce qui lui avait prit de se faire percer l'oreille avant de prendre le train mais s'il en croyait la manière dont l'inconnu à belle gueule lui désigna discrètement le foulard glissé dans la poche arrière de son pantalon, Cassius avait plutôt raison en parlant de « poteaux indicateur ».

Comme toujours quand Marcus pensait à Cassius, des pensées mitigées sous fond de désagrément l'envahirent, et il s'empressa de les chasser au loin avant d'ouvrir sa veste en cuir.

Les chiottes, c'était pas très classe, mais après tout, autant ne pas s'interdire de passer le temps comme il l'avait toujours fait.

oOo

- J'ai un service à te demander.

Sans pouvoir retenir un haussement de sourcil surpris, Marcus leva les yeux vers Zabini qui le fixait, un énorme dossier dans les mains. Ravi d'avoir une pause dans une paperasse inintéressante qu'il n'avait plus l'habitude de faire depuis longtemps, Marcus posa son stylo et l'engagea à parler d'un mouvement du menton. Parmi les choses que Marcus appréciait chez Zabini, il y avait sa tendance à toujours aller droit au but.

- Dis-moi tout.

- Suis-moi, d'abord.

Intrigué, Marcus remit ses affaires en places avant de suivre son coéquipier dans un petit bureau annexe qui avait l'air d'être libre. Zabini ferma la porte derrière lui et ouvrit son dossier sur un coin de la table de réunion. Sans que Marcus lui ait demandé quoi que ce soit, il aligna différentes photos et documents, ainsi que de plus petits dossiers annexes. Une fois la table recouverte, il se recula d'un pas, et se tourna les mains levées vers Marcus.

- Bon, je n'irai pas par quatre chemins, commença Zabini. J'ai pas pu m'empêcher de fouiner un peu donc je sais que tu viens des stups. Je m'en tamponne de savoir comment t'es arrivé là, mais j'aime bien la manière dont tu bosses. Ça, c'est fait. Maintenant, si tu es d'accord, j'aimerai que tu jettes un œil à ça, et que tu me dises ce que tu en penses.

Interdit, Marcus le scruta un instant, prenant minutieusement note de ce qu'il avait dit. Après deux semaines à avoir travaillé avec lui, il avait appris que Zabini était très rigoureux et appliqué, des qualités qu'il saluait, et qu'il appréciait avoir dans ses équipes. Pour autant, avec l'épée de Damoclès qu'il savait dessus de sa tête, Marcus se permettait d'être méfiant. Il avait choisit de faire profil bas jusqu'à son passage en commission, et le caractère confidentiel de l'affaire n'était pas rassurant.

- C'est quoi, ça ? demanda-t-il en désignant le bureau.

- Un dossier que je veux absolument monter.

- Donc il n'existe pas.

- Pas encore. Juste, regarde l'ensemble et dis-moi ce que tu en penses.

Aussi perplexe que curieux, Marcus s'approcha pour avoir une vue d'ensemble. Avec application, il étudia les photos dont certaines avaient été prises en mouvement, sûrement depuis une voiture de patrouille.

C'était souvent les mêmes personnes, de dos, le visage dissimulé en partie par une capuche ou une casquette. D'autres clichés pris de manière plus stables montraient des ventes discrètes, mais Marcus retrouvait le même angle de mâchoire sur certaines images. Le reste des documents regroupait des signalements autour de distributions de cannabis près de la gare, et des tests THC positifs suite à des contrôles de routine.

Il était très tôt pour affirmer qu'il s'agissait d'un trafic de drogue, mais Marcus commençait à cerner les liens entre les signalements qui paraissaient pourtant distincts au premier abord. Zabini avait déjà montré qu'il était perspicaces sur quelques affaires qu'ils avaient traitées ensemble, mais Marcus reconnaissait une fois de plus qu'il était impressionné par ses compétences.

Avec intérêt, son regard continua de fouiller les pièces sous ses yeux.

- Tu veux savoir ce que j'en pense, murmura pensivement Marcus. Alors je dirais que ça…

Un tic nerveux passa sur le visage de Zabini pendant que Marcus réorganisait la table, superposant plusieurs photos qu'il ajouta à une partie des signalements, suivant le raisonnement qu'il appliquait toujours dans ses enquêtes.

- Ça, c'est la même personne. La taille correspond, l'angle de la mâchoire aussi. Ici, c'est lui aussi mais avec une casquette. Homme plutôt blanc, je dirais. Cheveux courts, plutôt châtain. Pas d'habits de marque, pas de bijoux et il prend soin de cacher son visage. C'est un temporaire ou un guetteur.

Pensivement, il tapota sur une feuille gribouillée indiquant un relevé d'heures.

- C'est les dates et jours où tu as pris les photos ?

Assez impressionné, Zabini hocha la tête en se rapprochant, regardant l'organisation de Marcus d'un œil nouveau.

- T'as déjà vu un dealer avec des baskets aussi pourries ? interrogea Marcus en posant son index sur un cliché qui le montrait en entier, toujours de dos.

- C'est peut-être plus confortable pour courir ?

- Ou pour bosser debout toute la journée. On dirait des chaussures de sécurité. On revoit les mêmes là, et là. Il y a des chantiers dans des établissements de type bureau en ce moment ? École, banque, par exemple ?

- Je peux me renseigner. Mais t'as vu tout ça en moins de cinq minutes ?

- L'habitude de savoir où chercher, répondit simplement Marcus en haussant les épaules. Je pense que tu as une piste pour justifier l'ouverture de ce dossier mais il te manque des preuves concrètes. Comme une vente en flagrant délit, et son identité pour commencer. Et ça, c'est quoi ?

- Un dossier qui a été classé, expliqua Zabini. Mais il y a une zone d'ombre qui me dit qu'il pourrait être lié à tout ça.

Marcus le saisit en le feuilletant rapidement. Le nom de Mondingus Fletcher revenait à plusieurs reprises, associé à différentes escroqueries et condamnations. Pas vraiment le genre de profil pour un lien direct avec la drogue, mais Marcus avait appris à ne jamais négliger les détails les plus insignifiants. L'intuition de Zabini l'avait mené à quelque chose de cohérent, alors ça suffisait à Marcus pour explorer la piste. Il faudrait qu'il prenne le temps de le lire de manière plus approfondie pour voir s'il en tirait quelque chose.

Une fois sa nouvelle carte mentale organisée, Marcus désigna le bureau d'un mouvement de menton.

- Je pense qu'il y a deux charbonneurs, mais les photos sont trop mauvaises. En résumé, tu as un guetteur qui peut être identifié. Ce que je pense c'est qu'il est jeune. Il n'a pas d'argent car il fait ça en dehors de son boulot et il se cache pour ne pas qu'on le reconnaisse. Ça nous dit que soit ton trafic est tout récent, soit c'est lui qui vient à peine d'être recruté. Mais pour prouver un trafic, il te manque un charbonneur identifié, et c'est encore mieux si tu trouves la nourrice. Tu as déjà saisit quelque chose ?

- Des boulettes de résines mais en très petite quantité, répondit Zabini. J'ai aussi une liste de suspect en ayant regroupé les signalements. Si le dossier est ouvert, ça t'intéresse d'être dessus avec moi ?

- J'avoue que la paperasse et les contrôles commençaient à me taper le système, donc avec plaisir, accepta Marcus sans y réfléchir à deux fois. T'as le dossier complet de ce Fletcher, que je jette un œil ?