Mot de l'auteur : Je vous souhaite à tous une bonne année 2025. Je suis tellement contente de vous retrouver pour cette histoire, que vous semblez avoir super bien accueillie. Merci à nouveau pour vos retours, ils sont très précieux pour moi.
Kiss Kiss la famille :)
Note pour les démarcheurs illustrateurs et autres :
Je n'accepte pas et je n'accepterai jamais de payer pour avoir des illustrations de mes histoires qu'elles soient sous forme de BD, de post instagram ou autre.
Je vous invite à démarcher sur d'autres plateformes pour trouver votre bonheur.
L'acceptation
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- Okay, bébé, je pense qu'on peut se le faire, chantonna Zabini en frottant ses mains d'anticipation.
Marcus tourna la tête lentement vers lui, stoppant sa mastication alors qu'il finissait son sandwich.
- Tu m'as appelé comment, là ?
- C'est une expression, se rattrapa Zabini. T'aime pas ?
- Non. M'appelles jamais comme ça.
Après avoir secoué la tête, Marcus se détourna vers la vitre passager, ses yeux sombres scannant le groupe d'ouvrier qu'ils avaient décidé d'observer dans la continuité de leur patrouille. C'était le quatrième chantier qu'ils apercevaient dans cette partie de la ville, la rénovation d'une chapelle.
- Pourquoi pas ? le taquina alors Zabini, un sourire dans la voix.
Le regard de Marcus tomba sur lui et il se composa un visage sérieux alors qu'il décidait de rendre la monnaie de sa pièce à Zabini.
- Parce qu'il n'y a que les mecs que je baise qui ont le droit de m'appeler « bébé ». Tu veux essayer ?
- Marcus, c'est bien, approuva Zabini après un court silence.
- Je trouve aussi.
Voyant qu'il semblait toujours mal à l'aise, Marcus lui adressa un mouvement de sourcil moqueur qui dérida finalement Zabini. C'était presque trop facile de se payer sa tête. Plus Marcus passait de temps avec lui, plus il l'appréciait. Ils avaient le même humour et Marcus aimait bien leur duo. Il regretterait presque de devoir le quitter en rentrant à Londres.
- J'ai eu peur de t'avoir vexé, avoua le métis.
- Il m'en faudra plus, quand même.
Devant eux, un ouvrier quitta le chantier d'un pas précipité avant d'enfoncer une casquette sur sa tête.
- Suis-le, ordonna Marcus après avoir roulé l'emballage de son repas en boule. C'est lui. Même allure et chaussures pourries. Ce que tu vas faire, c'est rouler normalement et le dépasser sans t'arrêter.
Zabini actionna son clignotant, une moue perplexe sur le visage.
- T'auras le temps de voir son visage ?
- J'ai une très bonne mémoire visuelle, fais-moi confiance. Il y a un feu plus loin, tu t'arrêteras à ce moment. Je veux surtout voir comment il va réagir en voyant une voiture de patrouille à proximité, ça nous en dira un peu plus sur son comportement.
- Tu es diabolique.
- Je sais. Allez, vas-y bébé.
- M'appelle pas comme ça, grimaça Zabini, contredit par ses yeux qui pétillaient d'amusement.
Avec lenteur, la voiture démarra et Zabini fit suivit les indications de Marcus. Le brun s'étira paresseusement, laissant son regard fouiller leur premier suspect du coin de l'œil. Il avait raison sur le portrait qu'il en avait dressé en consultant le dossier de Zabini, mais ça n'était pas vraiment une surprise. Assez élancé, cheveux châtains et un visage très marqué par des boutons d'acnés, Marcus saurait le reconnaître assez finalement. Il mâchait ostensiblement un chewing-gum, en attendant le signal pour traverser.
Mais le meilleur moment pour Marcus, ce fut lorsque la voiture marqua l'arrêt au feu rouge, et que l'homme blêmit en voyant le véhicule. Ses yeux se rivèrent alors au sol, et il se détourna, enfonçant ses mains dans les poches de sa veste. Marcus flanqua un coup de coude à Zabini en le désignant d'un mouvement de tête.
- C'est lui, j'en suis sûr, lança Marcus quand la voiture repartit après le passage du feu au vert. Ma main à couper. Ce qui va nous manquer, c'est une occasion de le choper pour avoir son identité. Un flagrant délit de vente serait même mieux. T'as déjà fait des surveillances officielles ?
- Pas pour de la drogue. On n'a pas trop ce genre d'affaire ici.
- La drogue, il y en partout, il faut juste savoir où chercher. Je vais te montrer comment monter un dossier stup irréprochable, et je te promets qu'on aura cette affaire.
- Je ne pensais pas que t'étais du genre à te la péter autant, commenta Zabini avec un sourire amusé.
- Attends de voir la suite, bébé, le provoqua Marcus en enfilant sa paire de lunette de soleil.
- Oh arrête avec ça ! J'ai des sales images en tête, là.
oOo
- Et donc c'est ça la seule boite dans le coin ? s'étonna Marcus quand ils passèrent devant une rue qui débouchait sur la nationale.
- Ouais, répondit Zabini. Ça me semble intéressant de se poser par ici.
Marcus approuva d'un hochement de tête. Un samedi soir passé vingt-trois heures, il y aurait forcément de l'agitation. Si les astres s'alignaient suffisamment, ils auraient peut-être même la chance d'alimenter ce que Zabini avait nommé « Le futur dossier stup ».
Enfin, c'était ce qui était prévu. Mais au bout d'une heure à attendre dans le froid, Marcus commençait à maudire cette saleté de ville trop calme. La plupart des gens qui quittaient la boîte de nuit étaient ivres mais ne représentaient aucune gêne, et Marcus n'en avait sincèrement rien à battre de leur degré d'alcoolémie tant qu'ils avaient l'air de se gérer. Zabini avait finit par s'éloigner pour fumer, et Marcus attendait patiemment qu'une âme passe, ruminant sur ce qu'il commençait à concevoir comme une des pires soirées depuis sa venue.
- Je me disais, fit Zabini après s'être glissé dans la voiture à ses côtés en frottant ses mains pour les réchauffer. Tu sais qu'il y a une zone qui s'appelle le Carré Rouge, dans la boite ?
Marcus se tourna vers lui après avoir prit une gorgée de son thermos de café.
- En quoi ça me concerne ?
- Je dis ça comme ça. C'est assez connu à Pré-au-lard pour les rencontres de tout type.
- De tout type ? répéta Marcus, commençant à comprendre là où son coéquipier voulait en venir. T'es sérieux, là ?
- Eh, se défendit Zabini en levant les mains. Tu fais ce que tu veux, je te donne un tips, c'est tout. Je me dis juste que le temps doit être long à la caserne.
- Sauf que c'est pas un tips, ça, répondit Marcus, les sourcils froncés. C'est du même niveau que si je te disais d'aller manger chez Mama Africa quand t'as faim.
Son coéquipier leva un index réprobateur, sans se départir de son habituel sourire narquois.
- Eh, ne dis pas de mal de Mama Africa. C'est un très bon restaurant et j'aime y manger assez régulièrement, approuva Zabini, un sourire moqueur aux lèvres. Mais je comprends ce que tu veux dire. Désolé.
C'était tellement rare qu'il ait le dernier mot avec Zabini que Marcus secoua la tête de dépit, cédant un sourire amusé malgré lui.
- Je ne t'en veux pas, mon amour.
- Oh t'es chiant, arrête ça.
- Mais enfin, bébé…
- Les sales images, Flint ! Les sales images ! menaça Zabini en plaquant les mains sur ses oreilles pendant que Marcus se payait sa tête un peu plus franchement.
L'heure suivant s'écoula sans nouvel appel radio, et Marcus termina son thermos de café tandis que Zabini roulait une nouvelle cigarette sur le siège passager.
- Cette soirée est merdique, lâcha-t-il finalement. Je pense qu'on devrait bouger.
- Bah, autant la rentabiliser un peu, répondit Zabini. On se fait quelques stationnements ? Ça ne manque pas, par ici.
Ravi d'avoir une occasion de bouger un peu, Marcus referma sa veste avant de quitter la voiture. Coller des PV pour stationnement lui rappelait le travail ingrat qu'il avait fait à ses débuts, et ce serait un énorme mensonge de dire que ça lui avait manqué. Pour autant, il avait besoin de se dégourdir les jambes, même si le froid était encore mordant au début de mois de mai. Cigarette aux lèvres, Zabini le suivit et ils remontèrent la rue en distribuant une bonne dizaine de PV avant de décider de revenir à la voiture de patrouille.
Ce fut à ce moment que Marcus s'immobilisa et se tourna vers Zabini, un air interrogateur sur le visage.
- Tu t'es roulé un joint ?
L'autre le regarda et secoua la tête en désignant sa cigarette.
- Je ne suis pas con, tu m'a vu rouler, quand même.
- Ça sent le shit par ici, reprit Marcus en fouillant la rue du regard.
Son œil avisé passa sur les petits groupes qui quittaient la boîte de nuit. Il fallait quand même être sacrément stupide pour allumer un joint alors qu'ils étaient visibles et en uniforme.
- Mais t'es un véritable chien policier, ma parole, commenta Zabini en le suivant.
- Pourquoi j'ai l'impression que chaque fois que tu ouvres la bouche ce soir c'est pour sortir une connerie ?
- La soirée me fait chier, avoua Zabini en haussant les épaules. Je veux rentrer vite, et retrouver Daphné.
- On jette un œil et après on bouge, promis. J'en ai ma claque aussi. On dirait qu'ils sont derrière nous, c'est pas possible d'être aussi con, quand même.
En effet, les odeurs venaient de la voiture stationnée pile devant la voiture de patrouille. Après un haussement d'épaule, Zabini s'approcha de la vitre conducteur et toqua en faisant signe de baisser la vitre pendant que Marcus faisait le tour du véhicule. Le conducteur sursauta et se dépêcha d'écraser son joint dans l'habitacle comme s'il pouvait encore échapper à une interpellation. Vraiment un jeune débile.
Le véhicule n'avait pas l'air de présenter un quelconque défaut, ce qui agaça Marcus car ils auraient eut une raison supplémentaire de l'interpeller.
- Punaise mais il pense vraiment que je vais croire qu'il ne m'a pas vu, en fait, s'agaça Zabini avant de coller sa plaque de policer à la vitre du conducteur. Contrôle de police, ouvrez la fenêtre. Ben merde alors, vient voir, Flint.
Marcus le rejoignit les mains dans les poches au niveau du conducteur qui sembla se ratatiner un peu plus sur son siège, la vitre toujours baissée. Il avait actionné le renouvellement d'air dans son véhicule comme si l'odeur du joint allait disparaître miraculeusement.
A la vue de son visage ravagé par l'acné, Marcus échangea un regard agréablement surpris avec Zabini. La probabilité qu'ils tombent sur leur premier suspect était assez folle, et la première chose qui vint en tête à Marcus était qu'il était vraiment, mais vraiment débile.
- On choppe son identité, murmura Marcus en se tournant de trois-quart pour éviter que le jeune comprenne ce qui lui arrivait. N'importe quel prétexte, et on le cueille plus tard. Si tu te montres indulgent avec le joint, il coopérera. Ça se voit qu'il est jeune et pas très futé.
Zabini hocha la tête et se pencha quand la vitre conducteur se baissa enfin sans que le passager de la voiture lève le visage vers eux.
- Je suppose que tu as carte de priorité vu là où tu es garé ? commença Zabini en désignant l'écriteau avec le logo du handicap. On peut la voir ?
- Je l'ai oublié, bafouilla le jeune en leur jetant un regard déconfit.
- Oh, tu l'as oublié, mince.
Marcus se détourna en mordant sa lèvre inférieure pour retenir un sourire. Il aurait agit exactement pareil, aussi il préféra Zabini continuer son interpellation pour se concentrer sur le reste du véhicule, son cerveau analysant les éléments à sa portée. Il semblait être seul, et il sentait la bière même s'il ne montrait pas de signe d'ébriété. Dans la précipitation il avait pensé à cacher son joint, mais pas autre chose, donc il ne devait probablement rien avoir sur lui. Dans tout les cas, ils n'avaient pas d'éléments pour justifier une fouille du véhicule.
- J'étais juste en arrêt, c'était pas long, continua d'argumenter le jeune.
Même s'il mourrait d'envie de lui balancer qu'être con n'était pas un handicap, Marcus prit sur lui et échangea un nouveau regard entendu avec Zabini. Ils avaient une occasion en or de l'identifier, aussi Marcus changea de stratégie. Il devait le verbaliser pour garder une trace de son délit, alors il s'appliqua à fouiller le véhicule du regard avec plus de rigueur.
- Si tu es à l'arrêt, tu aurais du allumer tes feux et surtout les feux de détresse, répliqua-t-il.
- Oui, mais j'allais repartir.
- Allume-les, tout de suite, ordonna Marcus d'un ton ferme.
La main tremblante, le véhicule fut mit en route et Marcus le vit actionner ses feux. Sans surprise, il en manquait un à l'arrière.
- Ce n'est pas ma voiture, tenta le conducteur.
Marcus fut presque certain que Zabini articula un silencieux « Mais il est con ou quoi ? » à son adresse avec un regard appuyé. Avec une patience à toute épreuve, Marcus lui demanda de présenter ses documents d'identités ainsi que ceux du véhicule pour le procès verbal.
Au final, leur soirée n'était pas si perdue que ça, et Marcus était certain que l'interpellation de Stan Rocade resterait gravée dans sa mémoire tant elle résultait d'une série de circonstances d'une bêtise affligeante. C'était certainement l'interpellation la plus débile de sa carrière, et il commençait même à douter qu'il soit réellement lié à une quelconque histoire de drogue. Est-ce qu'il avait pu se tromper à ce point dans l'analyse du dossier de Zabini ? Pourtant il était certain que c'était la même personne sur les photos.
Les pensées de Marcus s'arrêtèrent en repérant du mouvement à ses côtés et il fut incapable de contrôler son agacement en voyant un type s'approcher de lui d'un pas presque trop léger pour être naturel. Un rapide coup d'œil lui révéla un visage avec de grands yeux en amande dont il n'était pas trop sûr d'apprécier le regard brûlant. Malgré la finesse de son visage, il empestait la vodka et ses joues n'étaient certainement pas rosies uniquement à cause du froid. Marcus décida de l'ignorer en retournant à la rédaction du PV.
- Salut, lança le nouveau venu d'une voix mielleuse sans se cacher de fixer sa boucle d'oreille.
Pendant que Stan Rocade attendait toujours son PV, Zabini se frotta le bout du nez avec son gant mais Marcus vit clairement à son expression amusée que son coéquipier avait comprit ce qui était en train de se passer. C'était bien la première fois que Marcus se faisait accoster de la sorte, et ce n'était vraiment pas le moment.
Heureusement pour eux, ils furent rejoint par un brun aux lunettes vêtu d'un étrange costume blanc qui attrapa le bras de l'importun.
- Pardonnez-nous, messieurs, je crois qu'il vous a confondu avec quelqu'un d'autre. On y va, maintenant. On rentre.
Marcus s'en foutait royalement tant qu'ils s'en allaient et qu'il pouvait se concentrer sur son procès verbal. C'était sans compter sur l'étrange phénomène qu'il s'était attiré et qui n'avait pas l'air décidé à partir. Dans d'autres circonstances, Marcus lui aurait peut-être laissé une chance, mais décidément pas ce soir. Pas quand son humeur était en chute libre et que son agacement atteignait des sommets.
- Attends une minute, Harry, je fais connaissance et on y va.
- Circulez, cingla Marcus en espérant que son regard glacé les dissuade de continuer leur comédie.
- Tout de suite, acquiesça le dénommé Harry.
Il n'y avait assurément aucune chance que son camarade l'écoute, car il alla même jusqu'à s'accouder avec nonchalance sur la voiture de patrouille. Marcus n'avait tout simplement aucun mots pour décrire ce qui le traversa quand le châtain lui envoya un ultime regard taquin qu'il n'était pas trop sûr de savoir interpréter.
Puis il y eut la phrase de trop, celle qui bloqua totalement Marcus et fit s'étouffer Zabini.
- Je sais faire un truc super cool avec des menottes, tu veux voir ?
Il y eut un court moment de flottement avant que Marcus percute réellement l'ampleur de sa déclaration, et il devinait l'expression que son visage avait prit malgré lui à la manière dont Stan Rocade se ratatina sur son siège. Même le dénommé Harry resta immobile la bouche ouverte devant la déclaration de son ami et Marcus eut l'impression que ses connexions neuronales avaient grillées derrière ses lunettes rondes.
C'était bien la première fois qu'on lui faisait un tel rentre-dedans, et le timing n'aurait pas pu être plus mauvais. Bien qu'il devait reconnaître que son interlocuteur avait plutôt une belle gueule, il avait vraiment débarqué au pire moment, et il devenait plus que gênant.
Avec toute la maîtrise de lui dont il était capable, Marcus se tourna en levant un sourcil vers Zabini.
- Zab, fais-le souffler le temps que je finisse.
Vraiment, quand Marcus était de mauvaise humeur, il ne fallait pas le chercher, et certainement pas quand il avait laissé plusieurs porte de sorties passer.
oOo
- Et bien, je crois que c'est la soirée la plus lunaire que j'ai passée depuis un moment, lança finalement Zabini en se laissant tomber dans son fauteuil.
Marcus approuva d'un mouvement de menton distrait, perdu dans ses pensées. Avec lassitude, il regagna son bureau sur lequel il étendit ses jambes en baillant. L'open-space quand lequel ils se trouvaient était pratiquement désert durant la permanence de nuit, ce qui participait à prolonger la bulle calme dans laquelle ils se trouvaient. Dans le silence environnant, Marcus s'étira pour chasser des tensions dans son cou.
Zabini n'avait pas tort, « lunaire » était peut-être le mot qui qualifiait le mieux leur soirée, après tout. Stan Rocade était parti avec deux jolis PV pour s'être stationné sur une place handicapée et un autre pour la défaillance de son feu arrière.
Quand aux deux énergumènes, le premier était tellement ivre que Zabini avait du le faire souffler deux fois pour être sûr de son résultat et le binoclard s'était muré dans un silence boudeur après avoir informé qu'il ne parlerait qu'en présence de son avocat. C'était comme ça que Marcus avait décidé de les embarquer sur la fin de leur garde.
- Va falloir que tu me réexplique, reprit Zabini en croisant les mains sur son ventre, après avoir baillé bruyamment. On tenait Rocade. On avait son nom et on aurait pu le verbaliser pour son joint. C'était plus important qu'un outrage à agent.
Marcus lissa pensivement son menton. Il commençait à être fatigué et rêvait de retrouver son lit une fois la paperasse terminée.
- Parce que ça ne colle pas. T'as déjà vu un dealer aussi bête, toi ? Stationné sur une place pour personne handicapée, et devant une voiture de patrouille, il sentait la bière et le joint. En admettant qu'il soit réellement débile, tu l'aurais choisi comme dealer dans ton réseau, toi ? C'est une invitation ambulante à la contravention.
- Alors il n'a aucun lien avec l'affaire ? Ou tu penses que c'est un moyen de détourner notre attention alors ?
- Je ne sais pas, avoua Marcus. Je pense que ça vaut le coup de l'avoir à l'œil, par contre. On a laissé passer la prise de stupéfiant, donc il va baisser sa garde, mais s'il y a vraiment quelqu'un derrière ça, tu peux être sûr qu'il sera surveillé. Les mecs pas fiables, ils ne font pas long feu dans ce milieu.
Zabini accueillit ses paroles avec un hochement de tête pensif avant de bailler à nouveau à s'en décrocher la mâchoire. Marcus le regarda jouer distraitement avec son stylo avant qu'il se redresse et se penche vers lui.
- Dis, ça te dérange de remplir les contraventions ?
- Pourquoi tu ne veux pas les remplir ? répliqua Marcus.
- Parce que le brun à lunettes, c'est le mec de Malfoy.
Marcus haussa les épaules manière de dire qu'il s'en tamponnait royalement.
- Et alors ?
- Alors tu ne connais pas encore Maître Malfoy, mais je te jure qu'il vaut mieux ne pas l'avoir contre toi. Et tu es celui qui a voulu les embarquer. Je me demande bien pourquoi d'ailleurs.
Sa phrase resta un moment en suspens avant que Marcus reporte son attention sur lui et son sourire resplendissant. Marcus pouvait lire ce qu'il pensait sur son visage, et à vrai dire il n'avait peut-être pas totalement tort.
Au début, il s'était dit qu'embarquer les deux hommes leur serviraient de leçon, surtout au châtain pour son comportement totalement déplacé. Le trajet jusqu'au commissariat avait en revanche ouvert une nouvelle perspective, en particulier quand il avait demandé s'il pouvait fumer une dernière cigarette avant d'aller en cellule de dégrisement comme un condamné à qui on offrait une dernière volonté.
Marcus ne savait pas trop ce qui lui avait prit de lui accorder cette faveur, mais il avait été troublé par le changement d'attitude qui s'était manifesté chez l'autre. Cigarette aux lèvres, il semblait avoir plus de retenue. Son regard n'avait plus la même intensité brûlante mais une curiosité empreinte de respect qui avait rendu Marcus assez perplexe durant ce court moment.
- J'ai rédigé le PV de Rocade, reprit Marcus en s'appuyant plus confortablement dans son fauteuil.
- Va pour Potter, mais je te laisse l'autre, alors. Je ne me souviens pas de son nom, en plus.
- L'autre s'appelle Oliver Wood, répliqua Marcus en ignorant la manière dont le sourire moqueur de Zabini s'élargit encore.
- En effet, quelle mémoire, le taquina Zabini après lui avoir adressé un mouvement de sourcil équivoque.
- La ferme, cingla Marcus.
Suite à un bref coup d'œil à sa montre, il s'attela à la rédaction de la contravention, motivé par la promesse d'un bon lit chaud. C'était bien évidemment sans compter sur Zabini qui se pencha avec une mine narquoise.
- Il aurait le droit de t'appeler « bébé », lui ?
- Pourquoi pas, répliqua Marcus dans l'espoir de lui clouer le bec. Mais tu risquerais d'être jaloux, non ?
- Un blanc avec des yeux marrons ne pourra jamais me détrôner dans ton coeur, philosopha Zabini en s'étirant de tout son long.
- Ses yeux ne sont pas marrons, ils sont caramel, corrigea pensivement Marcus avant de se rendre compte qu'il avait parlé à voix haute.
Si Zabini semblait avoir tiqué à sa remarque, Marcus choisit de ne pas amener plus d'eau dans son moulin et s'appliqua plutôt à choisir le motif de la contravention de Wood. Au même tarif, il avait le choix entre l'outrage à agent, et l'ivresse publique manifeste. L'un disparaîtrait de son casier assez facilement sans récidive tandis que l'autre pourrait sévèrement impacter sa carrière s'il avait l'intention de travailler dans le social comme il l'avait mentionné.
Marcus se rappelait la manière dont il s'était comporté dans la voiture au retour au poste. Il n'y avait pas qu'un enjeu de plan drague foiré, il en était certain. Le visage de Wood s'était refermé, et l'éclat dans ses yeux avait été remplacé par autre chose, quelque chose de plus pensif comme si tout son numéro enjoué n'avait été qu'une façade. Et à être totalement honnête, Marcus n'aurait pas réagit de la même façon si la soirée s'était déroulé autrement. A la réflexion, il serait peut-être même rentré dans son jeu, rien que pour revoir ce sourire qu'il trouvait assez particulier avant qu'il ne se fane à leur arrivée au poste.
Comme toujours quand il était pensif, Marcus tapota de l'index sur la contravention. Par orgueil, il l'avait déjà embarqué afin de lui donner une leçon. Peut-être qu'il n'était pas nécessaire d'aller plus loin.
Durant un bref instant de réflexion, il garda son stylo relevé avant de signer le papier.
oOo
Mai 2005
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- Bébé, je crois qu'on est suivit, annonça Blaise après avoir jeté un nouveau coup d'œil dans le rétroviseur central.
- Oui, ça fait presque une demi-heure, répondit simplement Marcus sans lever les yeux du dossier sur ses genoux.
Mais qu'est-ce qu'il n'arrivait pas à comprendre dans ce putain de dossier ? Il sentait que c'était sous son nez, mais encore insaisissable. Ses yeux continuaient de scanner les photos de Stan Rocade sans trouver de lien direct avec leur affaire qui piétinait sévèrement.
- Comment ça ? Tu te moques de moi ? reprit Blaise après s'être arrêté à un feu rouge.
Marcus posa son coude contre la vitre, une copie de la contravention de Stan Rocade dans la main.
- Polo grise, série 1980 je dirais. Trois portes, les deux feux avant défaillants. Tu veux son immatriculation aussi ?
- Ok, je ne sais pas si je dois être impressionné ou terrifié. Es-tu seulement humain ?
Marcus lui adressa un clin d'œil amusé avant de reporter son attention sur le rétroviseur latéral. Vraiment, si Wood avait espéré être discret, il ne l'était absolument pas. Pour autant, Marcus devait reconnaître qu'il était sacrément persistant, même si ce genre de comportement pouvait aussi indiquer qu'il lui manquait une case.
- Laisse tomber, ce n'est que Wood. Il nous lâchera quand on passera près de la piscine.
Il sentit le regard lourd de question de Blaise mais s'appliqua à en faire abstraction pour se replonger dans l'étude du dossier.
oOo
- Tu attendais quoi pour me répondre enfin ? attaqua Cassius à l'instant-même où Marcus décrocha.
Les yeux encore ensommeillé, Marcus roula sur le dos dans son lit en s'étirant. Il prit une grande inspiration en tentant de garder son calme face à ce réveil indésirable. La vérité était que lorsque son téléphone avait sonné pour la troisième fois consécutive, il l'avait surtout attrapé à l'aveugle pour l'éteindre, et pas pour se tromper de touche comme un abruti.
Cassius était bien la dernière personne qu'il voulait entendre à son réveil.
- T'as intérêt à ce que ce soit important pour me réveiller si tôt quand je suis de repos.
- T'es pas sérieux, là ? menaça directement Cassius.
- Rappelle quand tu auras quelque chose de constructif à dire, répliqua Marcus avant de raccrocher sèchement.
Comme il l'avait prévu, la sonnerie retentit instantanément dans sa main, et cette fois, Marcus fit coulisser directement le cache pour retirer la batterie et enfin avoir la paix qu'il méritait. Une fois l'appareil hors service, il se fit une joie de rabattre la couette sur lui avant de rouler sur le ventre, la tête dans son coussin. Là, il apprécia simplement le silence pour prendre le temps d'émerger.
Le lit de son logement de fonction était à l'image du studio, basique et surtout fait pour être pratique à défaut d'être confortable. Dans l'ensemble, tout était blanc et sans aucune décoration, très à l'opposé du petit cocon qu'il s'était créé à Londres et qu'il rêvait de retrouver. Avec encore un peu de patience, il serait de retour dans cinq mois. En fonction de comment il voyait la chose, elle lui paraissait soit interminable, soit relativement proche.
Après vingt minutes à paresser, Marcus finit par s'étirer, motivé par la perspective de son café du matin. D'un geste habile, il enfila ses chaussettes noires puis glissa ses pieds dans sa paire de claquette. Son regard tomba alors sur le tas de vêtement qu'il avait abandonné la veille au pied de son lit. Il était tellement exténué après sa nuit de permanence avec Zabini qu'il avait à peine prit le soin de se déshabiller avant d'aller au lit où il s'était endormi instantanément.
Mais ce dont il se souvenait surtout de la veille, c'était du visage de Wood lorsqu'il l'avait arrêté pour un contrôle de routine à l'entrée de la ville.
- Je reviens d'un mariage, avait-il lancé alors que Marcus s'apprêtait à le laisser repartir. Une très belle cérémonie. Très gaie.
C'était tellement ridicule que Marcus n'avait pas cherché à retenir son amusement. Il aurait vraiment été stupide de ne pas comprendre toutes les intentions du châtain à son encontre. Le moins que Marcus pouvait dire, c'était qu'il n'était pas très commun comme gars, et sacrément persévérant. Malgré la faible lumière du plafonnier de la vielle Polo, ses yeux incroyables avaient retrouvé l'étincelle que Marcus avait remarqué lorsqu'il l'avait arrêté le premier soir.
Vraiment, Wood était beau, et il le savait car son visage était toujours orienté de la même manière quand il s'adressait à lui. De la ligne fine de sa mâchoire imberbe jusqu'à la courbe de ses cils, il savait exactement comment utiliser son charme et ça commençait à donner à Marcus envie de savoir jusqu'où il pouvait aller dans l'objectif clair qu'il s'était donné de le séduire.
Parce qu'après tout, pourquoi pas ? Les enjeux étaient différents cette fois. Wood était en règle si Marcus laissait de côté son satané pneu lisse. Blaise était éloigné, et le châtain avait une manière si franche de le regarder que Marcus s'était retrouvé à répondre malgré lui.
- Jolie chemise.
C'était ce qu'il aurait dit s'il avait voulu le draguer et c'était plutôt vrai. Contrairement à la fois où il l'avait arrêté le débardeur à la main et torse nu sous sa veste, la chemise qu'il portait le mettait en valeur en soulignant sa silhouette élancée.
- Joli uniforme, avait alors répondu Wood.
Marcus avait hoché simplement la tête, mais déjà Blaise avait reporté son attention sur lui, et il avait préféré couper court à leur échange. Wood était reparti avec un sourire resplendissant et Marcus avait la nette impression qu'ils allaient se croiser à nouveau. Quoique vu l'acharnement que semblait mettre Wood à le fliquer, c'était même une certitude.
Et au vu de son humeur matinale, Marcus commençait même à se dire que ce n'était peut-être pas une mauvaise chose. Après tout, il avait encore cinq mois à passer en ville.
oOo
- Bien sûr que je mange aussi des légumes, maman, répondit Marcus en se plantant devant son frigo.
Afin de confirmer ses paroles, il coinça son téléphone entre son cou et son épaule avant de choisir un plat à réchauffer qui comprenait des haricots verts. Avec application, il suivit les indications de l'emballage puis lança le micro-onde.
- Agatha, rappelle-lui que la pomme-de-terre n'est pas un légume, on ne sait jamais ! lança Thomas en fond, ce qui informa Marcus qu'il était bien évidemment sur haut-parleur.
- Je vous soupçonne de plus en plus de ne m'appeler que pour me vanner, répliqua Marcus en dressant ses couverts.
S'il n'allait pas commencer son service de nuit dans peu de temps, il aurait peut-être accompagné son repas d'une bière.
- Et bien, ce n'est pas totalement faux, répondit alors sa mère, un sourire dans la voix.
Rien qu'à la manière dont elle chantonnait, Marcus pouvait se la représenter debout près de la desserte où elle avait installé le téléphone fixe. Peut-être même qu'elle jouait distraitement avec le fil du combiné, ou avec une mèche de ses cheveux. Marcus savait qu'elle était préoccupée car même lors de sa mutation à Londres, elle ne l'appelait pas aussi régulièrement, alors il faisait toujours en sorte d'être disponible pour lui accorder le temps dont elle avait besoin.
- Chéri, nous envisageons de venir te voir d'ici quelques jours, reprit alors sa mère.
Malgré lui, Marcus fronça les sourcils après avoir sorti son repas qu'il posa à même la table. La miner perplexe, il poussa quelques poivrons sur le côté de la barquette avec le bout de sa fourchette.
- Je pense que ça n'en vaut pas la peine, il n'y a pas grand-chose à voir par ici.
- La Place de la Monnaie à l'air sympa, lança à nouveau Thomas. Et le site de l'office du tourisme indique des randonnées intéressantes près du lac.
- Vous avez déjà tout réservé, comprit alors Marcus en secouant la tête de dépit.
- Oui, nous venons la semaine prochaine pour le week-end, avoua sa mère presque en chantonnant. Thomas a trouvé un hôtel assez sympathique près du Foirail.
- Je risque de ne pas être très disponible mais je vais faire ce que je peux, d'accord ?
- Au pire on trouvera bien à s'occuper comme des grands, reprit Thomas. Bon bonhomme, on va te laisser car je crois que tu es en train de manger. Par contre fais-moi plaisir et arrête de manger de la merde toute faite. Prends des cours de cuisine, au moins.
- Tu es bien placé pour parler de ça, intervint sa mère d'un ton moqueur.
- Je te demande pardon ? J'ai fait un gratin la semaine dernière, s'offusqua Thomas et déjà Marcus levait les yeux au ciel d'anticipation.
- Tu ne fais que des gratins !
- Je vais vous laisser, lança Marcus, très certain qu'il avait déjà été oublié au profit de la joute verbale qui se déroulait chez lui. Je vous aime, à plus tard.
oOo
- Il y a quoi comme spécialité ici ? demanda finalement Marcus après avoir inséré une pièce dans la machine à café.
Blaise haussa les épaules de manière désinvolte pendant le distributeur se mettait en marche en ronronnant.
- Quel genre de spécialité ? Culinaire ?
- Quelque chose que tu voudrais partager avec quelqu'un de cher pour toi.
- Oh, bébé. Je suis terriblement flatté par cette attention, mais il y a une certaine partie de moi qui souhaite rester vierge à vie, si tu veux bien.
Le moins que pouvait dire Marcus était qu'il ne s'attendait pas à une telle réplique, et pourtant il commençait à bien connaître Blaise. Il secoua la tête sans pouvoir retenir un sourire moqueur tout en récupérant sa boisson. Blaise lui adressa un regard explicite avant de mordre dans une pomme pendant qu'ils regagnaient leur bureau.
- La ferme. Maintenant c'est moi qui ait de sales images en tête.
- C'est Wood, c'est ça, hein ? éluda Blaise avec un regard appuyé.
- Mes parents viennent me rendre visite ce week-end, répondit finalement Marcus. Ils aimeraient visiter la ville.
- Mais quel fils dévoué tu es.
Après avoir croqué une nouvelle portion de son fruit, Blaise se laissa tomber sur sa chaise, mastiquant avec nonchalance. Une fois sa bouché avalée, il pointa Marcus du doigt.
- Dans ce cas, tu pourrais les amener au marché samedi. Il n'est pas exceptionnel mais tu y trouveras des produits d'ici. Vers la place de la Monnaie il y a souvent le stand du neveu de Madame Rosmerta qui vend de la bière artisanale et Monsieur Ollivander a des créations pas mal avec de l'osier. Côté nourriture, ils pourront goûter le fromage et les yaourts. Après c'est dommage qu'ils viennent ce week-end, ils vont rater la fête de Pré-au-lard à la fin du mois.
Marcus hocha la tête en signe d'attention, notant précieusement les conseils de son coéquipier.
- Je pense que ma mère voudra pique-niquer au lac. C'est loin pour y aller ?
Le regard appuyé que Blaise lui adressa était légèrement vexant.
- Attends, ça va faire un mois que tu es ici, tu n'as jamais rien visité ?
- Le tourisme, c'est pas mon truc.
- Je constate, en effet. Pour aller au lac, tu prend vers le nord, direction l'établissement Poudlard. Tu en as pour vingt minutes à peu près. C'est très calme surtout à cette période.
- J'irai jeter un œil.
oOo
Effectivement, Marcus apprécia le lac dès qu'il y mit un pied à terre.
Le paysage était calme, plat à l'image de ce qu'il recherchait. Après avoir garé sa moto, il retira son casque qu'il garda sous le bras et fit quelques pas vers la petite jetée. Par moment, son regard repérait un coureur, ou un chien qui se promenait sans laisse malgré l'interdiction clairement indiquée à plusieurs endroits. Plus loin sur la jetée, un vieil homme était installé avec une canne à pêche bien que sa glacière semblait plus remplie de bouteilles de bières que de poissons.
Le temps était toujours frais, et l'après-midi commençait à céder sa place à la soirée. La course du soleil projetait des ombres magnifiques sur l'eau, et Marcus trouva les pinèdes entourant le lac tout simplement majestueuses.
Le chemin qui montait au lac était tellement ridicule qu'il était déjà passé devant plusieurs fois sans s'y attarder. Comme un secret connu uniquement des locaux, le lac de Pré-au-lard était caché par la forêt environnante et Marcus comprenait enfin pourquoi Blaise en parlait aussi bien.
C'était un pur paysage brut, tellement calme que Marcus s'imaginait déjà le regard émerveillé de sa mère quand il l'y emmènerait. Elle aurait d'abord un timide sourire, mais elle serait tellement belle avec ses cheveux noirs détachés dans le vent. Peut-être qu'elle finirait par les rabattre sur un côté de son épaule à cause de la brise, mais son regard chaud brillerait de ce que le paysage avait à lui proposer.
- Eh, les ligaments croisés c'est pas une excuse pour avoir un corps de lâche ! retentit une voix que Marcus n'aurait pas imaginé entendre dans un tel lieux.
Un rapide coup d'œil sur le côté confirma à Marcus qu'il s'agissait bien de Wood, qui faisait du surplace en tenue de coureur. Il ne semblait pas l'avoir remarqué, car il continuait de sautiller avec souplesse, attendant d'être rejoint par un groupe de coureur dont la plupart avaient des cheveux roux. A la manière dont ils se ressemblaient, les deux plus âgés semblaient être jumeaux.
- Mais regarde-le comme il prend son pied à nous narguer, lança un des aînés, le souffle haché.
- Petit merdeux asthmatique, répliqua l'autre, les joues rouges.
- Tu le choppe et je le balance dans le lac ?
- Tenu.
Le petit groupe sembla accélérer la cadence, faisant réagir Wood qui détala sur les graviers après avoir charrié à nouveau. Le moins que pouvait dire Marcus était qu'il avait plutôt un bon cardio pour le fumeur qu'il était. Ses foulés étaient régulières et rythmées et le short de coureur qu'il portait soulignait sa silhouette sèche et élancée.
Au moment où Wood fut rattrapé avant d'être chahuté dans un emmêlement de bras et de jambes, Marcus n'eut aucune gêne à regarder la manière dont son haut se releva, révélant un pâle ventre plat. Ses amis le saisirent par les bras et les jambes avant de le traîner vers la rive.
- Non, non, non ! Pas le lac il est dégueulasse et j'ai pas de rechange ! cria alors Wood en se démenant comme un diable. Fred, lâche-moi ! Non en fait lâche pas, lâche paaaaaas !
Son dernier cri fut noyé dans le vacarme qui suivit son plongeon forcé.
- Putain, vous faites chier ! s'écria Wood en émergeant, les habits dégoulinants. Elle est glacée je vais chopper la mort.
- C'est de la part de mes ligaments, répliqua un jumeaux avant de lui saisir le bras pour le hisser sur la rive.
Le tumulte que le petit groupe avait causé laissa vite la place à un nouveau chahut alors que Wood semblait décidé à se venger, faisait fi de tout son corps qui tremblait.
Marcus se rendit alors compte qu'il ne les avait pas lâché du regard, et il choisit le moment où Wood entraîna un jumeaux avec lui dans l'eau pour s'éclipser. Le plus naturellement possible, il rejoignit sa moto après avoir remis son casque.
Peut-être qu'il se permit de traîner un peu avant de démarrer.
Et peut-être que c'était parce que même trempé comme un chien, Wood avait une chute de rein à se damner.
oOo
- C'est un suçon dans ton cou ou je rêve ? s'exclama Blaise en tirant le col de Marcus sans aucune gêne.
D'un geste vif, Marcus remit son col en place, agacé. Un rapide coup d'œil dans le rétroviseur l'informa qu'effectivement, sa peau arborait la marque laissée par la bouche de sa conquête de la veille.
- T'es sérieux, là ?
Marcus le gratifia de son regard le plus sévère et Blaise leva les mains immédiatement en signe d'excuse.
- D'accord, limite corporelle, répondit Blaise. J'ai compris.
- T'as plutôt intérêt.
Avec application, il reporta son attention sur le parc qu'ils surveillaient depuis la place où ils s'étaient garés. Les mains dans les poches de sa veste, Stan Rocade secouait sa tête par moment au rythme de l'énorme casque qu'il avait sur les oreilles. Marcus et Blaise avaient fait un léger détour pour suivre son emploi du temps, persuadé qu'il avait bien autre chose à faire que nourrir les canards. Il avait quitté le chantier avec trente minutes d'avances, et c'était la première fois que Marcus le voyait rejoindre le parc.
- Sujet clos, insista Marcus en sentant le regard lourd de question de Blaise sur sa nuque.
C'était sans compter sur le véritable interrogatoire sur pattes qu'était son coéquipier.
- T'as un mec, toi ?
- J'ai levé un mec hier, ça te va ? corrigea Marcus. Je te demande ce que tu fais avec Daphné quand tes pauses chiottes prennent plus de vingt minutes ?
- C'est très flatteur de ta part de sous-entendre que je peux tenir plus de dix minutes.
- Les sales images, Blaise, menaça Marcus avant de se redresser vivement.
- Je trouve toujours intéressant la manière dont les images peuvent devenir sales d'un genre à l'autre.
- La ferme, et regarde-ça plutôt.
Avec un jeu d'acteur terrible, Stan Rocade se leva de son banc et eut l'air de laisser quelque chose lui échapper des mains. Quoi que ce fut, un promeneur eut l'air bien intéressé puisqu'il se pencha à sa hauteur sans toutefois croiser son regard. L'air de rien, Marcus les observa échanger un regard entendu avant que Stan Rocade se rasseye, les mains dans les poches. L'autre promeneur reparti en regardant son téléphone portable.
Déjà, Marcus sentait l'excitation battre dans ses veines en se comprenant qu'ils avaient une chance de lever Rocade.
- On le choppe maintenant, ordonna Marcus en ouvrant sa portière après avoir vérifié son matériel.
- Je le prends devant, annonça Blaise après avoir verrouillé le véhicule banalisé.
Malgré lui, Marcus lui adressa un regard amusé en ayant relevé son lapsus.
- Arrête de me tendre des perches, vraiment.
Ils eurent à peine le temps d'entrer dans le parc que Stan Rocade se ratatina sur le banc en les voyant. Même s'ils avaient une allure calme et n'avaient pas manifesté leur intention de l'interpeler, Marcus jubilait déjà en voyant le visage du jeune se décomposer. Sans demander son reste, il détala comme un lapin, signant de lui-même sa culpabilité évidente.
Après un signe de tête, Blaise s'élança à sa suite avant de le rattraper en une dizaine de pas. A l'image dont ils l'avaient interpelé la première fois, l'arrestation de Stan Rocade était terriblement navrante.
Pendant que Blaise commençait à lui réciter ses droits, Stan Rocade se défendait en clamant son innocence, mais Marcus avait un goût d'inachevé dans la bouche. Rocade n'avait presque rien sur lui, si ce n'était de l'argent liquide et une trop grande gueule qui commençait à attirer l'attention sur eux. Après une fouille réglementaire, Marcus n'avait rien trouvé dans les environs mais l'attitude de Rocade le déconcertait suffisamment pour qu'il persiste sur sa lancée. Il ne s'arrêta de crier qu'une fois les portes du parc franchies, ce qui fit s'arrêter nettement Marcus. Rocade eut alors un tic nerveux qui poussa Marcus à faire demi-tour. Sans pouvoir se l'expliquer, Marcus était persuadé qu'il s'en mordrait les doigts s'il n'insistait pas plus.
Avec plus de minutie que lors de l'interpellation, il revint sur ses pas et examina le banc à nouveau. L'endroit était propre et net, il n'y avait pas de défaut exploitable pour servir de stock mais à la manière dont Rocade commençait à serrer la mâchoire, il était proche de quelque chose. Nerveusement, Rocade tendait et détendait ses doigts aux ongles sales, ce qui amena Marcus à une nouvelle réflexion. De la terre ?
La solution sauta alors aux yeux de Marcus une fois qu'il fut assit à la place que Rocade avait occupée plus tôt. Exactement entre ses deux pieds se situait une rigole d'évacuation. Elle était ridicule, pas plus large que la taille d'une balle de tennis, mais la grille qui retenait les feuilles se défit sans aucune résistance et Marcus eut l'agréable surprise de tirer une ribambelle de pochons détaillés.
Tandis que Rocade se décomposait, Blaise eut un sifflement appréciateur. La voilà, la saisie dont ils avaient besoin pour justifier l'ouverture du dossier.
- Et maintenant, bébé ? interrogea Blaise une fois que Rocade fut assit de force à l'arrière de leur véhicule.
- Garde-à-vue stricte, répondit Marcus. On le fouille, on cherche la vidéo-surveillance du parc et on le fait parler. Il nous faut au moins son client.
- Putain, c'est bon ça.
- Prends pas la confiance, avertit Marcus. Il a une tête de guignole, mais on ne sait pas ce dont il est capable.
oOo
- Malcolm Baddock. Miles Bletchey. Lucian Bole. Roger Davies. Gemma Farley. Il n'en a reconnu aucun.
Comme s'il était maître des lieux, Blaise s'installa sur son siège après lui avoir tendu un café bienvenu.
D'un geste las, Marcus laissa tomber son calepin sur son bureau. La liste de suspect qu'avait proposé Blaise lors de la constitution de son dossier n'avançait en rien car Rocade avait décidé de se montrer intelligent au moins une fois depuis qu'ils l'avaient rencontré ; il avait choisit de garder le silence. La garde-à-vue l'empêcherait de contacter ses camarades mais elle n'était pas éternelle et ils piétinaient.
Pensivement, le regard de Marcus allait et venait d'un document à l'autre, alors qu'il les connaissait au point de pouvoir les réciter les yeux fermés. Qu'est-ce qui lui échappait encore ?
- C'était impressionnant, la manière dont tu as trouvé la came. Bien joué, Agent Flint.
- Il faut le secouer, répondit Marcus d'un ton sans appel. Qu'il crache un nom, parce que sinon on aura fait tout ça pour rien.
- C'est plus vraiment notre compétence, avança prudemment Blaise. Rogue doit valider le dossier d'abord.
C'était vrai, et Marcus était terriblement frustré de ne plus avoir la main sur ce genre de dossier. Ils avaient fait la part de travail qui était de leur de ressort, mais l'amertume dans sa bouche ne partait pas. D'agacement, il vida son gobelet d'un trait avant de le broyer et de le jeter dans la poubelle de son bureau.
oOo
Comme il s'y attendait, Thomas avait mit un point d'honneur à entraîner sa mère entre tout les étals du marché, si bien que Marcus les perdit de vue en un temps record. Par respect, il choisit de ne pas les chercher, du moins pas tout de suite. Sa mère serait facilement repérable à ses longs cheveux noirs et Thomas parce qu'il devait être le seul homme de cinquante ans à porter un short en jeans avec des chaussettes noires remontant à mi-mollet sous ses inséparables sandales en cuir. Oui, Marcus retrouverait bien assez vite ses touristes favoris, c'était une certitude. D'autant qu'ils s'étaient mis d'accord sur l'heure à laquelle ils déjeuneraient au restaurant, alors Marcus se dit qu'ils s'y retrouveraient à un moment ou à un autre.
A la place, il longea la Place de la Monnaie, flânant près de la librairie avant d'y entrer pour chercher un livre qui l'avait intéressé en vitrine. Il ressortit avec une pochette contenant son butin du jour avant que son regard soit attiré par la silhouette de Wood juste en face. Une main dans la poche, il semblait perdu dans ses pensées en fumant, les yeux dans le vague et totalement indifférent du monde autour de lui. Un cabas était posé à ses pieds sans aucune prudence. N'importe qui aurait pu partir avec, lui le premier. Pour une fois, il semblait seul et dans le joyeux mouvement de foule autour de lui lié à la présence du marché, Marcus en profita pour mieux le détailler. C'était la première fois qu'il le voyait dans des habits décontractés, mais toujours avec une élégance qui savait le mettre en valeur. Ses cheveux châtain attiraient le soleil et le col roulé noir qu'il portait sous sa veste soulignait sa mâchoire et sa peau pâle.
Un rapide coup d'œil à sa montre informa Marcus qu'il avait un peu de temps avant de retrouver sa mère et Thomas chez Mama Africa. Le temps qu'il se décide pour savoir s'il avait le temps d'aborder Wood, cet abruti commettait le geste stupide de laisser tomber son mégot à terre, le tout bien dans le viseur d'un officier en patrouille qui fonçait déjà sur lui d'un pas déterminé.
Agacé, Marcus bougea avant même de réfléchir à ce qu'il était en train de faire. Mais pourquoi est-ce que Wood semblait être un cas aussi désespéré ? Pourquoi est-ce qu'il semblait toujours être sur le point de gâcher leurs rencontres ? Déjà, la main gauche de Marcus se refermait sur son bras, et à la manière dont Wood tourna son visage vers lui, il se rendit compte qu'il ne savait même pas ce qu'il avait à lui dire.
- Monsieur l'agent, salua le châtain après s'être détendu dans son étreinte.
Maudit soit-il d'avoir des lèvres aussi tentantes même avec son sourire crispé.
- Le mégot par terre, siffla Marcus à voix basse.
Ce n'était définitivement pas comme ça qu'il aurait voulu l'aborder, et Marcus se rendit pleinement compte qu'il évoluait dans un terrain totalement inconnu. Hormis Cassius, il n'avait jamais partagé l'intimité de quelqu'un plus de quelques fois et il était plutôt habitué à aborder ses conquêtes dans des bars, pas vraiment en plein jour avec du monde autour. A en juger par la manière dont Wood inclina son visage pour le regarder sous ses cils, c'était en revanche quelque chose qu'il maîtrisait plutôt bien.
- Eh bien, je n'avais pas fait attention.
Le châtain tenta une ridicule manœuvre pour se dégager, mais Marcus avait l'impression qu'il s'échapperait totalement s'il desserrait son emprise, alors faute d'avoir quelque chose de plus intelligent à dire, il garda sa posture en désignant l'officier d'un mouvement de tête.
- Lui, il l'a vu.
Une fois de plus, ce fut lunaire. Le regard de Wood se modifia en le suivant et exactement comme il l'avait fait le soir de l'interpellation, quelque chose d'autre prit place sur son visage. Une expression joueuse, comme s'il entrait dans un rôle différent, ce qui fut confirmé quand il abattit sa main sur l'épaule de Marcus comme l'aurait fait Blaise avec la proximité qu'ils avaient tissé. Interdit, Marcus ne put contrôle la manière dont son sourcil se leva, pendant que Wood commençait son petit numéro en parlant exagérément fort.
Le coup de grâce fut certainement lorsqu'il poussa le vice à poser une main dans son dos pour l'entraîner avec lui, dans un geste qui lui rappelait la manière dont ses parents l'accompagnaient quand il était gosse. Mais Marcus était curieux de voir jusqu'où Wood pourrait aller, alors il se laissa entraîner après l'angle de la Poste. A ce moment-là, l'expression de Wood se modifia et la commissure de ses lèvres arbora un sourire timide avant qu'il se gratte la nuque. Vraiment, Marcus se fit à nouveau la réflexion qu'il avait une gestuelle très raffinée sans être dans l'excès ni la caricature. Est-ce qu'il était issu d'une famille riche ? Il semblait avoir un intérêt pour le sport alors peut-être qu'il pratiquait la danse, ou de la gymnastique ?
- Eh bien merci, je suppose.
Marcus se contenta de hausser les épaules.
- Je passais par là.
Avant qu'il ait pu se lancer à nouveau, Wood lui coupa l'herbe sous les pieds.
- Un café ? Je vous l'offre. Pour m'avoir fait économiser soixante-huit livres, ajouta-t-il.
Vraiment, Marcus était impressionné par sa ténacité. Mais derrière le sourire timide de Wood, il avait quelque chose de joueur, quelque chose de plus profond comme il avait déjà pu s'en rendre compte. Combien avaient été charmés bien lui ? Marcus n'était pas bête, Wood savait l'effet qu'il exerçait sur lui, et il avait compris que Marcus n'était pas totalement fermé. Et ça lui donnait encore plus envie de le pousser dans ses retranchements. Marcus voulait inverser la tendance, il le devait. Laissant tomber son attitude distante, il sourit.
- Je suis attendu, ce matin.
- Je bosse aux Trois Balais, débita Wood sans lui laisser l'occasion de parler. J'y suis toute la semaine en général, sauf entre midi et quatorze heures car je suis en service en salle. Après, j'ai une pause de quinze heures à seize heures trente. On sert du cabillaud cette semaine.
Rien qu'à la manière dont il sembla retenir son souffle à la fin de sa tirade, Marcus comprit l'immense perche qui lui était tendue. Wood aurait pu lui donner directement la clé de chez lui que c'était du pareil au même.
- Je ne suis pas un amateur de poisson, commença Marcus avant d'être à nouveau coupé.
- On fait aussi de bonnes bavettes.
Le brun secoua la tête, c'était peine perdue de dialoguer autrement. Wood attendait une réponse, mais Marcus avait envie de le laisser mariner encore un peu.
- Je passerai peut-être.
- Bien évidemment, lança alors Wood en le regardant en biais.
Il avait régulièrement cette expression taquine que Marcus commençait à apprécier de plus en plus.
- Bien évidemment, répondit-il en lui retournant un regard appuyé.
Mais l'heure tournait, et il devait se rendre au restaurant avant de se perdre encore dans ses réflexions sur les invitations plus ou moins subtiles de Wood. Voulant signifier qu'il devait partir, Marcus le salua d'un mouvement de la tête tandis que Wood ramassait à nouveau son sac.
Ils firent quelques pas dans la même direction, accompagné d'un silence déroutant. Ne sachant pas trop comment agir, Marcus lui tendit la main avant d'être frappé par la déception de Wood. Ce n'était pas visible au premier abord, mais l'étincelle joueuse de son regard s'évanouit, de même que sa fossette, et ça contraria Marcus. C'est pourquoi, lorsque Wood serra sa main automatiquement, Marcus se permit de la maintenir sans la relâcher, obligeant Wood à relever un regard surpris vers lui.
- Au fait, Wood. Jolies baskets.
Tandis que la paume de Wood glissait contre la sienne, Marcus alla même jusqu'à retenir ses doigts quelques secondes de plus, les pressant dans un message silencieux. Alors seulement, le regard de Wood s'adoucit sous ses cils. Il avait comprit.
- Jolie veste, répondit-il sur le même ton.
Sans ajouter un mot, Marcus le salua à nouveau et se détourna vers le chemin du restaurant. Son esprit était en ébullition pendant qu'il se rappelait les paroles de Wood, dont il pouvait presque sentir le regard brûlant sur sa nuque.
