Le dimanche matin, Poudlard était un véritable havre de paix. La plupart des étudiants profitaient de leur dernière grasse matinée avant une nouvelle semaine de cours bien au chaud au fond de leur lit, ou alors étaient déjà debout en train de gratter leurs parchemins à une vitesse relative à l'amont de devoirs qui leur restaient. Quoi qu'il en soit, Remus ne se trouvait dans aucun de ces deux cas:

«Sirius… hm… Ah…»

Ses jambes tremblaient, il aurait bientôt du mal à soutenir son propre poids, son pantalon en bas de ses chevilles entravant encore plus ses mouvements. C'était divin, cette sensation de plaisir mêlée au risque que lui rappelait sans cesse l'écho de ses propres gémissements dans le couloir désert du sixième étage. Sirius était à genoux devant lui, les yeux clos et la bouche serrée autour de son membre gorgé de sang. Ce n'était pas la première fois qu'il lui faisait ça, mais jamais les sensations qu'il lui procurait ne s'affadissaient: tout était comme au premier jour où cela s'était produit, il y a de cela trois mois, pendant l'été chez James. Sirius résidait de façon permanente chez les Potter, alors Remus avait fait d'une pierre deux coups en s'y rendant, voire un peu plus puisqu'il avait vu son petit ami, un de ses meilleurs amis et une jeune fille dont il était devenu très proche au fil du temps. En effet et à sa grande surprise, lorsqu'il sonna au manoir Potter, c'est Lily Evans qui lui avait ouvert la porte. Un moment plus tard, elle lui apprenait qu'en réalité elle sortait avec James depuis le printemps mais qu'ils avaient tous les deux décidés de ne pas partager l'information tout de suite. Remus avait été confus, se demandant un instant si Sirius était au courant et ce depuis combien de temps, mais ça ne lui sembla pas correcte étant donné que lui-même cachait sa propre relation depuis plus d'un an. Il n'avait passé qu'une semaine au manoir Potter, réticent à l'idée de laisser sa mère seule pour plus longtemps, mais ça avait été les meilleurs jours de sa vie. C'avait été sept jours rythmés par les après-midis au lac avoisinant la propriété et les boissons fraiches au crépuscule, mais l'invariable meilleur moment de la journée demeurait le soir lorsque Remus s'allongeait dans ses draps frais et que deux grands bras chauds venaient l'étreindre. L'organisation initiale de M. et Mrs. Potter prévoyait que Lily dorme dans la chambre d'ami, par courtoisie, et que les trois garçons se retrouvent ensemble dans la chambre de James. Pourtant, au cours de la toute première nuit, un réarrangement drastique eu lieu sans que les parents n'y disent rien, bien qu'ils aient deviné ce qui se tramait au premier étage de leur maison. Comme ils s'y étaient attendus, James avait tout de suite filé dans la chambre de sa petite-amie. De façon moins prévisible en revanche, Remus et Sirius s'étaient isolés aussi dans la chambre de ce dernier qui se trouvait encore un étage au-dessus. Heureusement pour eux ça n'avait paru louche à personne, et c'est ainsi que dès la troisième nuit, leurs baisers s'étaient allongés si bien qu'ils s'étaient retrouvés dans un état d'émoi avancé. Bien sûr, ils avaient décidé d'y remédier. Mais ce n'était que la première fois qu'ils avaient osé se toucher, alors même si les deux garçons avaient rapidement délaissé leurs mains pour leur bouche au cours des nuits suivantes, jamais ils n'étaient allés plus loin. Au fond de lui, Remus pensait qu'ils l'auraient déjà fait si seulement ils en avaient eu l'occasion. La preuve était là: une semaine à dormir ensemble et les étapes avaient été brulées comme autant d'allumettes dans un feu de cambrousse.

C'est ainsi qu'il se retrouvait debout dans un couloir vide, adossé à la tapisserie du Comte de Winden et Sirius Black littéralement à ses pieds sur le point de lui donner un orgasme. Lorsque Remus en arrivait à ce point, il savait que même si quelqu'un se pointait à l'angle du corridor, il ne rouvrait pas les yeux, n'enlèverait pas sa main des cheveux soyeux de Sirius, et ne se retiendrait pas. C'était le point de non-retour pour lui. Ses gémissements avaient de plus en plus de mal à ne pas s'échapper d'entre ses dents serrées alors, comme si Sirius pouvait sentir l'état de son partenaire, il redoubla de ferveur dans ses mouvements. Remus sentait des vagues de plaisir l'inonder l'une après l'autre, la suivante toujours plus importante que la précédente, jusqu'à ce que la dernière d'entre elles le submerge complètement, sans se retirer. Il jouit, sans se rendre compte immédiatement que c'était dans la bouche de son petit ami qu'il était en train de se répandre, et rouvrit les yeux lorsqu'il ne sentit plus cette agréable chaleur l'entourer.

La beauté était une notion subjective, Remus le savait, mais il était convaincu que le commun des mortels serait béat devant Sirius à ce moment précis. Il était en train d'essuyer le coin de ses lèvres avec la manche de son pull, les yeux à peine ouverts et regardant sa main blanche, fine et pourtant extraordinairement large. Plusieurs mèches de ses cheveux presque noirs lui retombaient sur le visage, retenus par la courte barbe qu'il n'avait pas pris la peine de raser ce matin. Cela lui donnait un air négligé encore plus fort que d'habitude qui, bien qu'il refuse de l'avouer, plaisait beaucoup à Remus. Il se fit donc un plaisir de passer sa main dessus, d'en ressentir le piquant sur sa peau délicate, tandis que Sirius relevait les yeux vers lui. Ces yeux ci feraient chavirer n'importe qui, c'était une évidence. Comme il se gratta un peu la gorge, cela attira l'attention du garçon, qui descendit sa main dans son long cou afin de pouvoir caresser sa pomme d'Adam du bout du pouce.

-«Tout va bien?

- Ca va, me pose pas cette question à chaque fois.

- Tu es magnifique.»

Remus se sentait presque ridicule d'utiliser ce mot lambda et suremployé pour décrire tout ce qu'il voyait en son petit-ami, mais c'était tout ce qu'il était capable de produire. Cependant, la réaction de Sirius lui provoqua un électrochoc de bonheur. Celui-ci fit un petit sourire en coin pour en cacher un bien plus grand, Remus le voyait très distinctement, puis s'attela à refermer le pantalon de son petit-ami avant de se redresser pour être enfin face à lui.

-«Arrête de trainer. Tu ne veux pas qu'on nous demande où on était passé.

Remus ne put s'empêcher de rire face aux remarques plus que terre-à-terre de Sirius, et posa ses mains sur ses hanches étroites comme un réflexe. Après une courte pause, il reprit de lui-même:

- Allons-y Mumus. Je t'aime.»

Sa réponse fut un infime murmure, mais il était certain que Sirius ne l'avait pas raté. Après un énième baiser, ils se rendirent au septième étage en coupant par les toilettes, et débarquèrent dans le couloir qui menait à la salle commune. Alors que Remus se plaignait de la qualité médiocre du temps de ce mois de novembre à l'occasion d'une grande fenêtre qu'ils croisaient, il vu Lily arriver en sens inverse juste en face d'eux, avant qu'elle ne s'arrête devant le tableau de la grosse dame qui n'était qu'à quelques pas. Elle croisa immédiatement ses bras contre sa poitrine en les dévisageant d'un air suspicieux: il trouvait que ses cheveux roux ajoutaient un quelque chose qui lui donnait un air tout à fait inoffensif et pas totalement rassurant à la fois.

-«T'as quoi, Miss Préfète-en-chef? T'as perdu ton insigne de police? La railla tout de suite Sirius en enfonçant ses mains au fond de ses poches.

Remus ne put s'empêcher de pouffer d'un air bienveillant, ne se rendant pas compte de la lueur si spéciale qui émanait de son regard, tandis que Lily roulait des yeux sans pour autant s'empêcher de sourire.

- Mon badge a sifflé, ça doit être le bazar à l'intérieur, dit-elle en pointant du doigt le portrait vide de la grosse dame alors que les deux garçons arrivaient maintenant à sa hauteur.

- James n'est pas à l'intérieur? fit remarquer Remus.

- Si, justement. Ça aurait été plus simple si c'était toi qu'ils avaient gardé.»

Cette fois-ci Lily se frappa le front, réellement exaspérée. Il était vrai que jusqu'ici son homologue male avait été Remus, alors lorsqu'il ne reçut pas son insigne par hibou pendant l'été, il avait simplement conclu qu'il avait été d'une inefficacité flagrante: la tâche de préfet s'avérait difficile lorsque la principale cause des problèmes de votre maison était vos meilleurs amis. En revanche, la surprise avait été de mise lorsque son successeur auprès de Lily, nommée préfète-en-chef entre temps, s'était révélé être James également en tant que préfet-en-chef. D'abord, Remus remit en cause la perspicacité mentale de celui qui l'avait nommé: ce n'était pas mentir de dire que le professeur Dumbledore n'était plus dans sa prime jeunesse, et James était un élève malin mais désintéressé de tout ce qui ne représentait pas un challenge. Là fut l'erreur de Remus, qui s'en rendit compte aussitôt qu'il aperçut son ami emmené les premières années dans les dortoirs lors de la rentrée. Il incarnait l'autorité même du haut de son mètre quatre-vingts, derrière ses petites lunettes rondes alors qu'il expliquait clairement et sans détours ce que les élèves devaient et ne devaient pas faire grâce à son charisme inné. Si Remus avait eu onze ans à ce moment-là, il était sûr qu'il l'aurait traité dans le respect le plus complet.

«Ne dis pas ça, je suis sûr que tu ne le troquerais pas contre moi si on te le proposait.»

C'était d'une voix sereine que Remus avait parlé, mettant ses mains dans ses poches à l'image de son petit-ami qui se tenait à quelques centimètres de lui. Lily n'eut certes pas le temps de répondre comme la grosse dame réapparaissait dans son portrait pour leur réclamer le mot de passe, mais Remus avait tout de même eu le temps de remarquer le rouge qui lui avait picoté les joues et le rire qu'elle avait manqué de laisser échapper.

Une fois le trou que cachait le tableau passé, ils découvrirent tous les trois une trentaine d'élèves de tous les âges amassés autour du sofa qui faisait face à la cheminée sculptée, certains encore en pyjama. Remus haussa un sourcil en se tournant quelques secondes vers Sirius dans un réflexe, qui secoua négativement la tête pour toute réponse. Même Lily n'ordonna pas tout de suite le démantèlement du rassemblement, bien trop intéressée par l'étrange silence qui régnait dans la pièce alors même qu'elle était pleine. En s'approchant un peu plus, ils réalisèrent que sur le canapé se tenait assis Frank Londubat avec la gazette du sorcier entre les mains et que tout le monde était en train de la lire par-dessus son épaule, y compris James. Remus comprit immédiatement quel article attirait autant l'attention: celui illustré par une photo de la marque des ténèbres flottant au-dessus de ce qui ressemblait à un village et dont le titre disait «Une famille moldue assassinée». Même si la lecture du texte était inutile pour comprendre de quoi il résultait, elle lui apprit tout de même qu'un des enfants de la famille semblait présenter des prédispositions magiques, sans pour autant savoir si c'était la cause du massacre ou si c'avait été un heureux hasard pour Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Quelques secondes plus tard, un bon nombre d'étudiants se mirent à quitter les uns âpres les autres la salle commune pour leur dortoir d'un pas pressé, la tête baissée, et Remus savait exactement ce qu'ils allaient faire puisqu'il en ressentait lui-même l'urgence: ils allaient tous écrire une lettre à leur parents moldus afin de s'assurer de leur bonne santé. Depuis quelques temps déjà, plus personne n'était en sécurité nul part.

X

Le cours de Botanique était, sans qu'il y excelle pour autant, un des moments préférés de la semaine de Remus. Cela avait quelque chose d'étrangement relaxant de plonger les mains dans la terre une fois de temps en temps, en particulier lorsque l'opération s'accompagnait des cache-oreilles destinés à se protéger des cris de mandragores. Alors il n'y avait plus que lui, et l'affreuse petite créature hurlante qu'il était en train de sortir de son nid douillet, dans un monde de silence. Seulement, au programme du cours d'aujourd'hui était le soin des bubobulbs, particulièrement dégoutants avec leurs allures de grosses limaces tortillantes. En son for intérieur, Remus maudissait les quatrièmes années qui auraient dû s'occuper de recueillir le pus de bubobulb un peu plus tôt dans la semaine si le professeur n'avait pas été absent, car à présent c'est lui et le reste de sa classe qui devait percer une à une leurs affreuses pustules nauséabondes et récupérer la substance jaunâtre qui s'en écoulait. Même si ça lui avait d'abord donné des haut-le-cœur, il s'affairait scrupuleusement à sa tâche, la seule chose le déconcentrant étant le rire discret de Peter qui mesurait et fermait les fioles à ses côtés. Il remonta donc les yeux vers son visage tout rond, en l'interrogeant du regard.

«Regarde Sally, elle s'est mise du pus partout sur la main.»

En jetant un coup d'œil de l'autre côté de l'établi, il apercevait en effet la jeune femme se dandiner au moins autant que le bubobulb devant lui, tout en se tenant le poignet avec des yeux larmoyant. Lily lui tapotait l'épaule d'un air compatissant comme toutes ses autres copines alors que James et Sirius s'esclaffaient en voyant les premières cloques pustuleuses apparaitre sur sa peau: c'était les effets du jus de bubobulb pur comme l'apprenait à ses dépens Sally Midgen. Sans pouvoir s'en empêcher, Remus se mit à doucement rire à son tour. Cependant, malgré le comique de la situation tout le monde s'arrêta soudainement, que ce soit de pouffer ou de se plaindre. Il ne comprit pourquoi que lorsque résonna dans son dos une voix claire et calme, mais stricte:

«Mr. Lupin, je vous prie?»

Il se retourna pour découvrir le professeur McGonagall au seuil de la serre, ses mains croisées reposant sur le bas de son corset. Lorsqu'on y regardait de plus près, elle semblait s'être fait beaucoup de cheveux blancs au cours des derniers mois. Lorsque sa professeure de métamorphose lui demanda de l'accompagner hors de la classe, Remus fronça ses fins sourcils châtain clair et profita du moment où il retirait ses gants pour adresser un regard perplexe à Sirius, qui semblait l'être au moins autant que lui. Il la suivit ensuite jusque dans les couloirs du château, en marchant ce qui lui semblait un moment interminable avant qu'il n'ose prendre la parole.

-«Excusez-moi madame, nous allons dans votre bureau? J'ai fait quelque chose?

- Oh non, Mr. Lupin, vous pouvez vous détendre. Le directeur voudrait simplement vous voir.»

Remus ne savait pas vraiment comment il pouvait se détendre lorsque le directeur voulait «simplement» le voir, pensa-t-il ironiquement en se retenant le plus fort possible de se recroqueviller sur lui-même. Des pensées les plus irrationnelles les unes que les autres lui vint à l'esprit: et s'il devait partir, parce qu'être un loup-garou n'était plus toléré? Et s'il était arrivé quelque chose à sa mère? Et s'ils avaient été surpris avec Sirius ? A mesure que son pouls s'accélérait, les hypothèses s'entremêlaient dans sa tête à tel point qu'il ne savait plus laquelle était la plus grave. Le temps passa beaucoup plus vite maintenant qu'il connaissait sa destination finale, et en un rien de temps il se retrouva dans l'étrange escalier pivotant déclenché par le mot de passe qu'avait elle-même prit la peine de dire le professeur McGonagall. En une poignée de secondes, il était devant la grande porte en chêne, en pleine lutte intérieure pour ne pas perdre ses moyens et complètement s'abandonner à l'angoisse. Il était sur le point de toquer, juste après avoir pris une profonde inspiration, mais le panneau de bois s'ouvrit de lui-même.

«Mr. Lupin? Entrez, s'il vous plait.»

La voix caverneuse et paisible du directeur réussit à agir comme un sédatif sur lui, et c'est un peu moins fébrilement qu'auparavant qu'il poussa complètement la porte pour entrer dans la pièce. Ce n'était pas la première fois que Remus se rendait dans le bureau du directeur, maisles machins qui cliquetaient, fumaient et tremblotaient dans tous les coins de la pièce suscitaient toujours autant sa curiosité.

-«Bonjour, professeur, réussit à dire Remus en reprenant complètement ses esprits devant le sourire serein que lui offrait le directeur de derrière son bureau, alors que lui-même grimpait les quelques marches qui menaient à l'estrade où il se trouvait.

- Bonjour, Remus. Prenez un siège.

Il s'exécuta, sous le regard bienveillant de ce qui semblait être le plus vieux sorcier sur terre juste après Nicolas Flamel, avant que celui-ci ne reprenne.

- Cela fait bien longtemps que nous ne nous sommes pas entretenus seul à seul, n'est-ce pas? Depuis le soir où je vous ai emmené moi-même votre lettre d'admission à Poudlard, lorsque vous n'étiez qu'un jeune garçon. Nous avions même joué aux bavboules, il me semble.

- C'est exact, professeur, lui répondit-il avec un sourire poli, ses mains posées sur ses genoux.

- A présent, vous êtes au crépuscule de votre adolescence, vous et vos camarades. Je jurerai, quelques fois, que le monde a perdu sa propre innocence en même temps que vous la vôtre. Vous avez tous grandi dans des temps heureux qui sont maintenant révolus.

La mine soudainement grave du directeur fit froid dans le dos de Remus. Les exactions de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom se multipliaient ces derniers temps, c'était vrai, mais il était facile de minimiser le sérieux de la situation lorsqu'on passait l'essentiel de son temps dans la forteresse magique qu'était Poudlard, en sécurité. Voir un sorcier de l'envergure du Professeur Dumbledore si préoccupé remettait en perspective l'ère de chaos dans laquelle le monde magique pénétrait.

- Mais je m'égare ici, reprit le vieil homme. Dites moi Remus, quels sont vos projets une fois vos ASPICs en poche?

- Je crois que j'aimerais beaucoup être médicomage, professeur.»

Le directeur parut assez étonné, au moins autant que Remus doutait de la réalisabilité de son ambition. Il n'y avait pas de place pour les loup-garous dans la société sorcières, le jeune homme en était conscient, et s'en approprier une tout de même n'allait pas être un long fleuve tranquille. Cependant, il y a plusieurs années de cela, le seul rêve de l'enfant qu'il était était de rentrer à Poudlard, et voilà qu'il en était presque diplômé: espérer était permis.

-«C'est une discipline très honorable que la médicomagie, Remus, et un choix assez logique de votre part. Pourtant, je me dois d'émettre un avis… Vous disposez de qualités non négligeables en pratique de défense contre les forces du mal, ainsi qu'en sortilège…

Dumbledore abaissa légèrement le visage pour pouvoir le regarder par-dessus ses lunettes en demi-lune et lui lancer un regard entendu, sans pour autant que les connexions ne se fassent dans le cerveau de Remus.

- Peut-être que dans les circonstances actuelles, des études d'aurors seraient judicieuses…? Il me semble que c'est ce que vos amis, James Potter et Sirius Black, envisagent?

- Oui, oui c'est vrai, mais… commença Remus dans la précipitation, ne s'attendant pas un cours sur son orientation. C'est vrai mais ils sont bien plus courageux que moi, monsieur.

- Vraiment? demanda le directeur, avec un sourire qui donnait franchement l'impression d'être moqueur sous son épaisse barbe. Si je puis me permettre, comment se porte Mr. Black?

Remus en était arrivé au point où il se questionnait sur la rationalité du directeur de l'école, encore. Il ne comprenait rien à rien à l'attitude décousue de son interlocuteur, qui jonglait avec beaucoup trop de sujets différents à la fois pour qu'il ne puisse s'y retrouver.

-… Pour le mieux, professeur, répondit-il prudemment avec les yeux légèrement plissés, en train d'essayer de comprendre où le vieux sorcier voulait en venir.

- Pour notre bien à tous, et en particulier le vôtre, je vous rappellerai seulement de faire en sorte que vos affaires demeurent privées. Nous avons terminé.»

Les synapses du jeune garçon étaient dans une activité si intense qu'ils menaçaient tous d'exploser en même temps. Que venait-il de dire? Qu'il devait faire en sorte que ses affaires restent privées? Ses affaires avec Sirius? En sentant ses yeux écarquillés s'humidifier, Remus se propulsa hors de sa chaise et quitta le bureau le plus rapidement qu'il le pouvait, en oubliant jusqu'à saluer Dumbledore. Par conséquent, il ne vit pas celui-ci calmement se lever de son siège monumental pour se rendre dans ses appartements privés et méditer sur la mise en garde qu'il venait de faire à son élève.

Aussitôt fut-il derrière les grands panneaux en bois de chêne que Remus enfouit sa tête dans ses mains pour s'isoler un tant soit peu et tenter de reprendre ses esprits. Le directeur savait, il en était aussi sûr qu'il avait dix doigts, alors qui d'autre? Il était complètement inconcevable pour lui de mettre qui que ce soit au courant de sa liaison avec son petit-ami, pas tant qu'ils étaient à Poudlard, et ce aux dépends de ses meilleurs amis s'il le fallait. Loup-garou passait encore, mais loup-garou et homo? C'était une foutue malédiction dont il était victime, et il en faisait gratuitement bénéficier Sirius. Lors de ces moments-là, qu'il connaissait bien plus souvent que ce qu'il n'aurait voulu, le seul moyen qu'il avait d'éradiquer le doute auquel il était en proie était de se remémorer tous les souvenirs heureux qu'il avait avec et grâce à Sirius. Cette méthode avait été prescrite par celui-ci même après qu'il ait retrouvé un Remus victime de ses propres introspections et incapable de se débarrasser d'une culpabilité qu'il jugeait injustifiée.

Après plus d'un quart d'heure de visionnage mental de son été, mais aussi de ses premiers baisers avec le brun, Remus se sentit capable de quitter l'antichambre du bureau du directeur où il se trouvait toujours, avec la certitude qu'il faisait le bon choix en restant aux cotés de Sirius. Il reprit donc les escaliers pivotant avec une toute relative sérénité, pour ensuite remonter l'allée à colonnade qui encerclait la cour centrale, attenante au bureau de Dumbledore. Il s'apprêtait à rejoindre la salle commune, espérant qu'un de ses amis aurait pris soin de ramener ses affaires de la serre, sans savoir qu'il tomberait directement sur eux après avoir poussé la porte qui permettaient de se mettre au chaud, à l'intérieur. En effet, assis sur le sol du couloir se trouvait James tout occupé à faire rebondir une balle sur le mur en face de lui, s'attirant les foudres des élèves désireux de passer sans prendre le projectile en pleine tête, et Peter qui expliquait quelque chose à Sirius en se tapotant la tempe. Ils ne remarquèrent pas immédiatement la présence de leur ami, qui intercepta au vol la petite balle rouge et or de James pour attirer leur attention.

-«Rem'! Qu'est-ce qui s'est passé?! commença le garçon à lunettes, en se relevant immédiatement.

- Je ne sais pas vraiment, c'était bizarre… avoua-t-il, assez incertain du réel sujet de son entrevue. Je crois que Dumbledore a essayé de me convaincre de devenir auror.

Ses amis se regardèrent les uns les autres, avec la même pensée en tête sans qu'aucun d'entre eux n'osent la formuler: Si le principal lui-même encourageait des élèves à prendre ce genre de dispositions, c'est que le problème qui grossissait de jour en jour là-dehors était encore plus grave que ce que tout le monde pouvait bien s'imaginer.

- Eh bien… Il n'a pas tout à fait tort, dit Peter d'une voix hésitante et dont la participation surprit tout le monde.

- Par Merlin, t'es devenu fou Queudver! C'est de Remus qu'on parle là!

- James a raison. Il ne pourrait pas faire de mal à une mouche, même avec toute la volonté du monde.» Sirius prononçait ces mots avec une certaine résignation, son ton confirmé par le soupir qui s'ensuivit immédiatement.

La vision qu'avait James et Sirius de lui troubla grandement Remus: lorsqu'il s'apercevait dans un miroir, le jeune homme voyait inconditionnellement l'ombre d'une bête féroce et mangeuse d'homme flotter au-dessus de sa tête à la manière d'une épée de Damoclès perpétuelle. C'était déroutant pour lui, réel danger de mort qu'il avait toujours été, d'être maintenant aussi inoffensif qu'un chiot aux yeux de tout le monde, ou presque. Ce presque se mit en avant en se dressant sur ses courtes jambes, dans une envie de donner plus d'importance à son propos.

- Ce n'est pas bête du tout! Être gentil ne veut pas forcément dire être faible! Il a les mêmes notes que vous en défense contre les forces du mal, et des meilleures en potions et en sortilège: pour l'instant, il est plus un auror que vous deux réunis.»

Peter venait de donner une démonstration plus mathématique et plus épatante que n'importe quelle autre dans sa vie, à tel point que James eut besoin de longues secondes pour retomber sur ses pieds et fermer sa bouche, jusqu'ici ouverte en grand. Même Sirius, toujours assis sur le sol dallé du couloir, n'avait pas l'air d'avoir bien saisi ce qui venait de se dérouler. C'était compréhensible compte-tenu du fait que Peter avait toujours été un ami respectable, présent pour aider et toujours prêt à faire la bonne blague de l'après-midi, mais ça aurait été mentir de dire qu'il avait une âme de leader. En revanche, le garçon aux cheveux longs se leva remarquablement vite lorsqu'un groupe d'élèves au blason vert et argent sur la poitrine s'approchèrent d'eux, depuis l'autre bout du couloir: on était en pleine saison de quidditch, et toutes les maisons sauf Serdaigle était encore en lice pour la coupe, provoquant ainsi des tensions exacerbées de coutume à cette époque de l'année. C'était encore plus vrai pour Sirius, tout batteur qu'il était, et James en tant que poursuiveur.

«Oh, mais qui voilà?! lança du bout du couloir d'une voix sifflante un garçon de serpentard extraordinairement grand mais aussi épais qu'une carpette, immédiatement après avoir remarqué le petit groupe prêt de la porte. Ce ne serait pas Sire James et toutes ses princesses?»

Remus n'avait pas besoin d'être dans la tête de ses amis pour comprendre ce qui s'y passait: le sire en question avait déjà les poings serrés alors que Sirius affichait son air provocateur qui mêlait dégout et défi, les bras croisés sur sa poitrine dans une position majestueuse. Montrer l'intime conviction qu'il avait d'être supérieur en tout point aux personnes qui le provoquaient était l'attitude par défaut de Sirius en cas de conflits, cependant cette attitude somme toute maitrisée laissa bien vite place à une forte émotion qu'il eut du mal à réprimer:

«Toutes, tu dis? Je pensais que seulement ces deux-là passaient leur temps à s'enfiler!»

Les élèves riaient de plus en plus grassement à mesure que les génies démagogues de Serpentard répandaient leur venin. Remus devenait blanc alors que James était déjà rouge de colère, ce dernier partant à la rencontre du petit groupe d'élève en compagnie de Sirius et de ses insultes les plus sordides. Même si ces joutes verbales étaient, en fin de compte, monnaie courante au sein de l'école, l'estomac de Remus lui était beaucoup plus noué qu'à l'accoutumée: Mais enfin, d'où est-ce que ces crétins sortaient ça? Y avait-il des rumeurs sur eux qu'il ne connaissait pas, quelqu'un qui aurait vu quelque chose? Il ne l'avait dit à personne, pas un seul être vivant sur cette terre n'avait été mis au courant de sa relation avec son petit-ami, et il savait que celui-ci ne serait jamais capable de le trahir. Cette rumeur ne pouvait venir que d'une personne malfaisante qui savait des choses qu'elle n'aurait jamais dû soupçonner… Ou peut-être… Étaient-ils si peu discrets? Remus portait toujours un soin particulier à ne pas paraitre trop proche de Sirius, mais jamais trop distant non plus, alors comment…? Il ne fut sorti de ses pensées que par son prénom, ou une vague forme de celui-ci, sortit de la bouche d'un des Serpentard un peu plus loin.

«Ça vous plait d'être les chiens de garde de votre pote Remsuce ?!»

Pour être honnête, Remus n'eut même pas le temps de se sentir blessé par l'insulte que le poing de Sirius s'enfonçait dans la mâchoire du jeune homme qui venait visiblement de dire le mot de trop pour lui. Un moment de flottement suivi l'impact sec et net, pendant lequel tout le monde semblait se demander de quelle manière la situation allait tourner, jusqu'à ce qu'une voix s'élève du camp d'en face:

«Laisse tomber Aldwyn, ça vaut pas le coup, on va être exclu du tournoi de quidditch.»

Et sur ces simples mots, la petite bande bagarreuse reprit son chemin dans une ambiance lourde, sans manquer de bousculer les quatre garçons au passage dont Remus qui porta instinctivement sa main à son épaule pour la protéger, même si elle n'était plus sensible depuis longtemps. Une fois que la porte par laquelle il venait de passer eut claqué à la sortie des Serpentards, il poussa un léger soupir de soulagement en passant ses mains sur son visage: c'était vraiment aller très loin cette fois, mais il était surtout rassuré que ça se soit arrêté là.

«Putain, mais qu'est-ce que c'était, ça

Demanda alors James en revenant vers Peter et lui, en train de se gratter le crâne, plus pour souligner le fait que quelque chose avait été différent de d'habitude que pour poser la question. Pourtant, Remus sentit l'irrémédiable besoin de se justifier auprès de son ami alors qu'un simple silence aurait pu enterrer l'affaire.

-«C'est juste des rumeurs.

- Des rumeurs de quoi? soudain, James parut intéressé et complétement sérieux, l'exact opposé de l'effet attendu.

- Laisse tomber, James. C'est des cons qui ne réfléchissent pas deux secondes à ce qu'ils disent. Fais pas attention à eux Rem'.»

Conclut habilement Sirius en haussant les épaules, avec toujours une ride de profond agacement entre les sourcils. Il mentait si bien que s'en était effrayant, quelques fois. Remus mentait tout autant que lui bien-sûr, d'une façon aussi coupable qu'il le faisait, mais la personne dont il était le plus proche était incontestablement Sirius alors que celui-ci s'était considérablement rapproché de James depuis qu'ils vivaient sous le même toit: cela devait être encore plus compliqué de lui mentir à lui, et Remus n'était pas franchement convaincu de mériter tous ces efforts. Au moins, le garçon à lunettes ne chercha pas à en savoir plus et ils partirent tous les quatre pour le réfectoire, comme si rien ne s'était passé, car c'était le cas: rien ne s'était passé.

X

Noël arriva à grand pas cette année-là, le temps passant beaucoup trop vite entre le championnat de quidditch et les révisions constantes pour les ASPICs blancs qui avaient été organisés cette année-là juste avant le départ en vacances. Malgré toute cette agitation, Remus avait réussi à mener à bien un plan qu'il couvait depuis déjà un bout de temps, mais dont il n'avait parlé à personne jusqu'au dernier moment afin de ne compromettre en aucun cas son exécution. Une fois de retour de chez James à l'été passé, la perte de la proximité constante avec Sirius avait été un vide qu'il avait fallu combler, et la mise au point de leurs prochaines retrouvailles avait bien aidé Remus dans ce sens. Pendant ces longs mois, il avait réussi à mener sa barque afin de faire en sorte que Sirius passe les vacances de Noël chez lui plutôt que chez les Potter, comme la logique l'aurait voulu, et tout ceci sans trahir son plus précieux secret: son grand secret d'un mètre soixante-quinze et brun comme du charbon ardent. Lorsque la manœuvre fut bien entamée et que la collaboration de Sirius devint indispensable, Remus aurait pu jurer voir une lueur de fierté dans ses yeux gris. Bien entendu, celui-ci se fit un plaisir de rendre les désirs de son petit-ami réalité, ayant déjà manifesté à plus d'un égard son mécontentement quant à leurs étreintes à la dérobée qui commençaient à ne simplement plus être assez.

Assez étonnement, voir la maison pleine de vie de nouveau fit énormément de bien à la mère de Remus. Depuis la mort de son époux, il y avait un an et demi de cela, son mental avait été considérablement affaibli, si bien que la grand-tante paternelle de Remus demeurait de façon permanente avec elle pour lui tenir compagnie et apporter un peu de joie à sa petite nièce par alliance. C'est-à-dire qu'avec son fils à l'école et son mari six pieds sous terre, toute moldue qu'elle était, Mrs. Lupin s'était retrouvé seule dans une grande maison de campagne complétement dépourvue de magie, laquelle elle avait appris à aimer dès le premier jour puisqu'elle était la raison de sa rencontre avec l'amour de sa vie, qui l'avait sauvé d'un épouvantard particulièrement féroce. La tante Hildegarde était d'une grande aide sur ce dernier point, en particulier lorsque la petite femme rondelette faisait danser les louches et les cuillères dans l'évier de la cuisine d'un coup de baguette magique. Elles accueillirent toutes deux Sirius à bras ouverts et sans apriori, la mère de Remus ayant été mis au courant de comment le jeune homme s'était vu contraint de quitter la demeure familiale, et sa grand-tante étant détaché du monde sorcier depuis qu'elle avait donné sa bénédiction au mariage de son petit-neveu de sang-pur et d'une moldue.

Ces vacances furent les plus belles que Remus n'ait jamais connu, meilleures encore que son été chez les Potter en compagnie de Sirius et Lily. Pas une ombre ne s'était dressée à l'idyllique tableau qu'ils avaient formé, frigorifiés par les rudes tempêtes de neiges et libre de se comporter juste comme ils le voulaient sans avoir à constamment vérifier qu'ils étaient bel et bien seuls. Après avoir passés toutes leurs journées à parler d'avenir, construire des choses en neige, lire au coin du feu et jouer aux échecs version sorcier avec la tante Hildegarde, ils se retrouvaient toutes les nuits dans le même lit en fer de la chambre de Remus pour s'embrasser et s'appartenir: la veille de Noël, ils se firent le plus beau cadeau qu'on puisse faire à un premier grand amour.

X

Depuis leur retour du fin fond de la campagne anglaise enneigée, tout semblait aller incroyablement bien aux yeux de Remus. Les ASPICs n'étaient plus aussi effrayants, les cours du professeur Binns n'étaient plus aussi ennuyants, le froid de l'hiver n'était plus aussi mordant… la vie lui souriait comme jamais auparavant. Même si la saison retenait tout le château à l'intérieur et qu'il était un peu plus compliqué pour lui et Sirius de trouver un endroit tranquille où se retrouver, rien que le fait d'avoir franchi le grand pas suffisait à le satisfaire, comme le grand sourire qui apparaissait sur son visage chaque fois que son petit-ami se retrouvait dans son champ de vision le montrait. Une fois, Remus avait surpris son reflet avec cette expression béate dans un des vitraux de la salle commune, et le jeune homme essayait donc d'être plus sur ses gardes quant à son attitude, mais comment résister? Si encore Sirius y mettait du sien, il aurait réussi à se faire violence et à ravaler sa tendresse, mais c'était loin d'être le cas. Les cours avaient repris depuis plus de trois semaines à présent, et cela faisait trois semaines que le brun offrait chaque fois un sourire en coin certes discret mais révélateur à Remus lorsque leurs yeux entraient en contact pendant plus de cinq secondes dans une pièce pleine de monde. En réalité, c'était peu à peu le goût du risque qui s'insinuait en eux, malgré l'extrême prudence dont ils avaient toujours fait preuve. Leur premier rendez-vous risqué avait été la volière en pleine après-midi, où n'importe qui pouvaient les importuner mais surtout les débusquer, puis avait suivi la salle commune à une heure particulièrement tardive, les toilettes du deuxième étage quand Mimi Geignarde avait daigné aller gémir ailleurs, les couloirs vides en fin de soirée et enfin, les rayons du fond de la bibliothèque, juste avant la réserve. La pensée de se faire découvrir les avait bien effleurés une fois ou deux fois, mais c'était toujours vite oublié quand ils pouvaient enfin se retrouver dans les bras l'un de l'autre. C'était justement cette envie, une simple envie de proximité physique, qui s'acquittait de Remus depuis une dizaine de minutes alors qu'il était installé dans la salle commune, tout au fond du fauteuil le plus confortable avec un manuel de défense contre les forces du mal sur les genoux. Il était supposé réviser, sauf que les bases de l'Occlumancie étaient au moins mille fois moins attrayantes que Sirius qui riait à gorge déployée avec Lily et Peter, assit à califourchon sur une chaise à l'envers. N'importe quel legilimens dirait que les pensées de Remus tournaient en boucle dans sa tête comme un disque rayé, mais c'était plus fort que lui, il ne pouvait s'empêcher de se répéter qu'il trouvait Sirius sublime. Les reflets dorés du feu de cheminée qui dansait dans ses cheveux, sa peau ambrée qui émergeait du col de sa chemise mal fermée, ses larges épaules qui se soulevaient au rythme de ses rires et simplement son sourire entouré d'une barbe de quelques jours, grand et joyeux. Sous cette contemplation appuyée, celui-ci sembla enfin remarquer qu'on l'observait et tourna le regard, trouvant celui de Remus en réponse. Après quelques secondes de complicité partagée à distance, la main du brun se leva pour faire signe à son ami d'approcher, ce qu'il ne fit pas tout de suite, prenant le temps de lui faire comprendre par des gestes et des roulements d'yeux à peine feints qu'il voulait réviser et que se déplacer l'embêtait vraiment beaucoup. Énormément.

-«Alors Rem', ça se passe ces révisions? demanda en premier Lily d'un ton taquin alors que le jeune homme approchait avec son manuel à la main. J'ai l'impression que tu stagnes sur la première page du chapitre depuis deux mois.

Bon joueur, Remus rigola en même temps que tout le monde alors qu'il prenait une chaise vide pour s'assoir avec le petit groupe, Sirius étant le seul se contentant d'un sourire pour réagir à la plaisanterie.

- Que veux-tu que je te dise? Je n'ai pas la moitié de ton talent, et en plus tu m'enfonces au lieu d'aider un camarade en difficulté. Comment je peux rivaliser face à ça?»

Faussement vexée, la jeune femme s'empara du livre en prenant soin de le conserver ouvert à la même page et consulta d'elle-même le cours qu'il tentait d'étudier en vain, afin de vérifier son niveau. Peter penché par-dessus l'épaule de Lily pour zyeuter la même page qu'elle, Remus en profita pour indiquer la sortie de la salle à son petit-ami d'un léger mouvement de la tête accompagné d'un sourire on ne peut plus clair: celui-ci s'empressa d'acquiescer à la proposition silencieuse avant d'enfiler son plus bel air vaguement embêté en poussant un long soupir.

«Je vous laisse, il faut que je décrasse mon balai avant l'entrainement de ce soir. Avec le froid ça finit par geler, une vraie galère.»

Alors qu'il se levait déjà et que Remus suivait le mouvement, rebondissant sur son mensonge en prétextant l'accompagner puisque le terrain était sur le chemin de l'infirmerie et qu'il y avait rendez-vous avec Madame Pomfresh, ils n'eurent pas le temps d'esquisser un pas vers la porte que James sortait de nulle part pour les attraper chacun par une épaule, des yeux soupçonneux posés sur eux.

-«Peut-être que c'est une mauvaise idée que vous ne partiez que tous les deux, fit remarquer leur ami avec un ton étrangement sérieux qui inquiéta Remus.

- Et pourquoi ça? interrogea en retour Sirius avec sa superbe habituelle après s'être dégagé dédaigneusement de la prise de James pour se planter en face de lui.

- Tout ce que je dis, c'est que c'est normal que les gens se fassent des idées. Sur vous.»

Un silence pesant s'ensuivit pendant de longues seconde, comme si l'ensemble du petit groupe attendait le reste de la phrase du garçon à lunettes, lui qui d'usuel développait et exagérait son propos à outrance et avec intensité. Remus, qui s'était discrètement glissé aux cotés de Sirius, ne reconnaissait qu'à peine l'homme qui se tenait debout en face de lui. Bien sûr, l'idée que son meilleur ami découvre finalement le pot aux roses était affolante, mais savoir que sa réaction serait quelque chose proche de la scène qu'il était en train de faire tuait doucement Remus de l'intérieur. Était-ce la faute du secret pendant trop longtemps caché? Peut-être que la nature même de leur relation le dégoutait simplement? Remus ne savait pas, ne voulait pas savoir, et ne voulait surtout plus se sentir jugé par des regards accusateurs alors que tout ce qu'il avait voulu était serré dans ses bras la personne qu'il aimait au détour d'un couloir. Si la remarque de James sut rester mesurée, ce ne fut pas le cas de celle de Sirius, celui-ci s'étant approché à quelques centimètres du visage de son meilleur ami afin de pouvoir lui souffler sa réponse dans la figure.

«Sérieusement? Tu penses que je vais sortir et sucer la bite de Rem' dans les chiottes, là?Tss.»

Cette onomatopée sifflante suffit à montrer tout le mépris qu'il avait pour les dires du jeune homme, celui-ci restant pantois devant des mots aussi crus de la part de et envers un de ses amis. Un rapide regard alentours suffit à Remus pour voir que tout le petit groupe était à peu près dans le même état, les bras ballants, ne sachant que dire. Lily spécialement semblait profondément mal à l'aise par la scène qui venait de se jouer devant elle, et ce n'était pas dur de deviner pourquoi: les propos tenus étaient affreusement embarrassants, de plus tenu par son propre petit-ami. Au bout de quelques secondes, son regard vert empli de pitié rencontra les grands yeux écarquillés de Remus et suffit à lui faire fuir la pièce en un claquement de doigt.

X

Lorsque James Potter regardait son vague reflet dans les gigantesques fenêtres de la Grande Salle alors qu'il en remontait la nef, c'était un homme qu'il voyait. Non plus un garçon ou un adolescent, mais bel et bien un homme qui serait bientôt diplômé, embauché, et peut-être même marié. Après tout, dans 3 mois seulement il aurait 18 ans. Malgré l'image désinvolte qu'il avait cultivée jusqu'ici, James Potter était un homme, un homme qui savait ce qu'il voulait, et surtout avec qui il le voulait. Cette personne se tenait juste à côté de lui à présent, déjà assise à la table où un grand nombre d'élèves étaient plongés dans leurs devoirs, les heures d'études libres quotidiennes ayant commencé il y a déjà plusieurs dizaines de minutes. Lily Evans se retrouva ainsi gratifiée d'un baiser sur le haut du crâne, accueillit par un grand sourire, puis James prit place entre elle et son meilleur ami Sirius auquel il offrit un simple regard de salutation.

En effet, depuis une poignée de jour le jeune garçon entretenait des relations tendues avec deux des personnes dont il était le plus proche: Sirius et Remus. Depuis un long moment déjà, il avait l'impression qu'on lui cachait délibérément des choses à grands recours de messes basses et de rendez-vous secrets. Petit à petit et à force d'observation, James s'était aperçu que les seuls à faire des cachotteries étaient ces deux-là, et il avait bien l'intention d'en découvrir la raison: le manège avait trop duré. Ils passaient leur temps isolé, à s'éclipser presque au même moment pour revenir en même temps. Évidemment, les gens parlaient, et à présent ses amis se retrouvaient avec une méchante rumeur sur le dos. Qu'est-ce qui pouvait être si important que Sirius et Remus préféraient avoir toute l'école les croire gays plutôt que de partager ce qui leur pesait sur les épaules?

James était plongé dans son manuel de défense contre les forces du mal depuis une trentaine de minutes à peine qu'un sursaut à sa droite lui fit remonter les yeux: juste à côté de Sirius se trouvait Remus – forcément –, celui-ci venant de renverser son encrier sur son propre parchemin et celui du brun. La gêne se lu dans son regard à la seconde où il rencontra celui du garçon à lunettes, le lycan lui offrant un sourire penaud un instant avant de s'atteler à réparer les dégâts de sa bêtise. Une minute plus tard, les deux jeunes hommes marchaient vers la sortie avec leurs parchemins fichus dans les mains et leurs sacs sur le dos.

Leurs sacs sur le dos.

L'épiphanie vint à James tandis qu'il les voyait passer la monumentale porte de la Grande Salle: à ce moment, il sut que les garçons ne reviendraient pas travailler, que c'était un autre de leur subterfuge pour disparaitre ensemble en toute discrétion. Ni une ni deux, il sauta sur ses jambes, attrapa son sac et sortit de la salle en marchant aussi vite que possible sans attirer trop l'attention. Il n'échappa pourtant pas au regard inquiet de Lily, laquelle pensait savoir ce qui se tramait dans sa tête et regrettait déjà de ne pas l'avoir retenu.

Arrivé dans le hall, le jeune homme se faufila derrière une large colonne et sortit de son sac la cape d'invisibilité dont son père lui avait fait cadeau à noël, il y a quelques années. Puisque Remus et Sirius ne comptaient pas se confier, il allait découvrir le pot aux roses de lui-même, et tant pis si pour ce faire les moyens utilisés n'étaient que peu recommandables. Bien sûr, il voulait satisfaire sa curiosité naturelle mais au-delà de ça, bien au-delà, James ressentait le réel besoin d'aider ses amis. Sa plus grande crainte était que pendant tout ce temps, Sirius et Remus aient été en train de se noyer et qu'il n'ait pas su le à présent, il voyait, et ne se permettait plus de les laisser couler. Alors, il enfila la cape et monta les escaliers trois à trois jusqu'à arriver sur leurs talons; c'est là que l'atmosphère le frappa. Épaules contre épaules, les deux garçons devant lui montaient sans rajouter un bruit au brouhaha ambiant dans la cage d'escaliers magiques à une telle heure de la journée, Sirius regardant droit devant pour eux deux puisque que Remus fixait ses pieds avec opiniâtreté. Autant qu'il l'aurait voulu, James ne pouvait pas ignorer les regards parfois trop insistants qui flottaient sur ses amis, et il connaissait bien assez Remus pour savoir que c'était précisément ce qu'il cherchait à ne pas voir.

Cet horrible spectacle dura encore quelques minutes jusqu'à atteindre leur dortoir désert, dans lequel James eut à peine le temps de se faufiler dans le sillage de Remus, avant que celui-ci ne verrouille la porte d'un coup de baguette magique. Ils ne voulaient visiblement pas être dérangés. A pas de loups, par pur reflexe, James se glissa du côté de son lit tandis que Remus se laissait tomber sur celui juste à côté, dont il était propriétaire, avec un soupir bruyant. Ses mains sur son visage indiquaient l'anxiété, mais aussi la fatigue à laquelle il était en proie.

-«Ahh… Sirius, qu'est-ce qu'on va faire?commença-t-il par demander en glissant ses mains jusque sur son ventre, seulement pour tourner son regard tourmenté vers Sirius. Tout ce que James voyait était le dos de son crâne et l'expression vaguement confuse du brun, assis sur le lit d'à côté, face à son ami.

- A propos de…?

- Sois pas aveugle, Sirius!» explosa soudainement Remus, ce qui lui ressemblait si peu.

Subissait-il une pression si forte qu'il pouvait sortir de ses gonds à tout moment? Dans tous les cas, lui-même semblait en être conscient puisqu'il prit une seconde pour prendre une profonde respiration et se redresser sur le lit, afin d'être assis face à son interlocuteur.

«Les gens nous dévisagent quand on passe tous les deux. Et James…»

Ce fut un autre grand soupir qui traversa ses lèvres, mais cette fois-ci emplit de déception alors que ses yeux allaient une fois de plus s'échouer sur le sol. Pourtant, même de sous sa cape le jeune homme pouvait dire que dans tout le désappointement qu'il avait senti chez Remus, aucun ne lui était directement destiné ni à lui ni à personne d'autre: la façon dont il prenait la complète responsabilité pour tous les malheurs du monde serra la poitrine de James. Il trouva tout de même un peu de consolation à travers Sirius lorsque celui-ci changea de lit pour aller s'assoir à coté de Remus et qu'il glissa sa main sur sa joue, lui faisant relever le visage.

-«Tout ça, c'est que des rumeurs Mumus. Les gens finiront par se lasser et ça passera, assura-t-il du mieux qu'il put avec une voix incroyablement douce, surement plus douce que ce que James n'avait jamais entendu sortir de sa bouche.

- Je suis sûr que les tableaux ont parlé, avoua Remus d'une voix certes faible, peut-être un peu brisée, mais déjà bien moins tendue qu'il y a une minute. Ils nous voient tout le temps, et ils sont bavards.»

James n'avait rien dit quand il a vu son meilleur ami caresser la joue de son autre meilleur ami, car ça avait eu l'air d'avoir réussi à faire baisser son niveau de stress et après tout, si ça fonctionnait pour lui, alors pourquoi pas. Mais à présent que cette même main avait bougé dans le bas du dos de Remus et flattait lentement ses reins, il ne savait plus vraiment quoi penser. Son attention fut si bien happée par la simple vue de ce geste… tendre? que seule la voix de Sirius réussit à le tirer de ses songeries.

«Même si c'est le cas, on les fera taire. On fait ça depuis des mois, Mumus.» C'était quoi ce surnom, au juste, pour commencer? Jamais le garçon caché ne l'avait entendu et pourtant il sortait tellement naturellement de la bouche de Sirius. «Je te promet que tout ira bien.»

Et juste comme ça, James vit sous ses yeux ébahis le brun se pencher et déposer ses lèvres sur celles de son ami, qui ne parut ni étonné, ni dégouté, ni même légèrement raidi. Au contraire à vrai dire, Remus parut respirer de nouveau dans les bras de Sirius, ses longs doigts s'accrochant avec une délicate urgence à sa poitrine. Incapable de détourner le regard, bête et béat, James vu le baiser s'approfondir encore et encore. Pour avoir été dans cette situation avec sa propre copine, il savait pertinemment ce qui suivait ce genre de moment et en aucun cas il n'avait envie d'être là pour le voir, quand bien même il avait encore du mal à le croire. Alors comme ça… la rumeur n'en était pas une. Remus et Sirius. Sirius et Remus. Depuis des mois comme il venait de l'entendre. Doucement, les pièces du puzzle tombaient à leur place dans la tête de James: les heures entières passées à les chercher, les regards en coins qu'ils échangeaient, la surprotection de Sirius, le noël passé chez les Lupin… Même chez lui, l'été, c'est ensemble que dormaient les deux garçons. Tout était simplement… Logique. Cependant, James se rappela rapidement que ce n'était pas le moment d'avoir une révélation lorsqu'il vit Remus s'allonger sur son lit en attirant à lui un Sirius qui commençait à défaire sa chemise.

Les informations allaient trop vite dans la tête de James, et sous ses yeux un compte-à-rebours avait commencé: il fallait qu'il s'échappe de là avant de voir ses deux meilleurs amis… faire l'amour? C'était un spectacle tellement bizarre qui commençaient sous ses yeux, mais un spectacle auquel il ne voulait définitivement pas assister. Comme un animal piégé, James chercha une issu à cette souricière et, les yeux écarquillés, tomba sur les fesses après avoir trébuché sur son propre linge sale. Le son de l'impact stoppa net les deux amoureux qui se croyaient encore seuls.

-« T'as fermé à clé Mumus?»

- Oui, je suis sûr que oui. Je... Attend je vais vérifier.»

Muet comme une carpe devant la scène et toujours sous sa cape, James observa les deux garçons se redresser, l'un pour aller vers la porte et l'autre scrutant la pièce d'un œil méfiant. La cravate de Remus lui tenait à peine au cou, quant à Sirius sa chemise était completement ouverte. Bien sûr, James avait déjà vu son ami torse nu plus d'une fois, mais dans ce contexte… intime, c'était différent et il ne pouvait s'empêcher de se sentir gêné. Il assistait à une scène à laquelle il n'avait aucun droit, et s'en voulait d'avoir suivis ainsi ses amis. S'il avait su… Il ne savait pas ce qu'il ferait s'il avait su mais il ne savait pas et maintenant il se retrouvait dans de beaux draps.

-« La porte est bien verrouillée… Peut-être que quelqu'un a essayé d'entrer?

- Non, ça aurait pas fait ce bruit. J'ai ma petite idée…» répondit le brun, se levant à présent pour marcher en direction du lit de James.

Sirius avait l'air résolu, les sourcils froncés dans un air de colère prête à éclater. Il s'arrêta au pied du lit de son meilleur ami, à quelques centimètres de lui sans le savoir, et ouvrit d'un mouvement violent sa malle. Puis il y enfouit les bras et en vida la quasi-totalité parterre, de plus en plus furieux. Plus il fouillait et plus il marmonnait des insultes, jusqu'à s'exclamer:

«L'enfoiré! Aller James, sort de ta cachette! Sort de ta putain de cape, espèce de voyeur de merde!»

Et comme Sirius balançait un coup de pied dans le vide qui s'approcha dangereusement du nez de James, celui-ci se recula d'un mouvement vif qui trahit sa présence. Fichu pour fichu, autant être honnête, ce que ses deux amis avaient visiblement du mal à faire. Alors, il se mit sur ses pieds en tirant la cape de sa main gauche, remettant en place ses lunettes de la droite. A cette seconde, Remus poussa un cri qui se brisa dans sa gorge, et refit son nœud de cravate plus vite qu'il n'en faut pour le dire. Sirius quant à lui semblait fou de rage et jeta son poing en direction de James. Mais c'était quoi ce délire?! Le brun rata son coup de justesse, mais à la vue de son attitude ne comptait pas s'arrêter là. C'était la guerre qu'il voulait? En plus de tous les mensonges, maintenant il voulait lui faire la peau? Les hormones de James prirent le dessus et il jeta sa cape parterre, prêt à rendre la pareille.

X

Remus était comme paralysé par les évènements. Est-ce que Sirius et James étaient vraiment en train de se battre? Dans le dortoir? A cause de lui? Paniqué, le jeune homme se jeta entre les deux amis pour faire cesser les coups en leur hurlant de s'arrêter. Des secondes interminables s'écoulèrent, les bras tendus dans les deux directions pour mettre autant de distance que possible entre James et Sirius, avant que ces derniers ne mettent fin aux hostilités. Physique, du moins.

-«Tu te crois malin sous ta capeà mettre ton nez dans les affaires des autres?! cria le brun, la chemise toujours ouverte sur son torse.

- Les affaires des autres?! Je vous ai toujours défendu et t'as pas pensé à me mettre au courant?! cria-t-il, la trahison qu'il ressentait palpable dans sa voix.

- Mais ca te regarde pas, putain! Est-ce que je viens te suivre moi quand tu te tires avec Lily dans le parc? Ça va pas bien!

- Tu te fous de moi?!»

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Les braillements entre les deux amis ne s'arrêtaient plus et Remus ne savait plus s'il avait plus honte de s'être fait surprendre dans une position aussi délicate ou des idées que devaient se faire les autres. Étant donné du niveau vocal de ce qu'on pouvait difficilement appeler une discussion, il y avait toutes les chances pour qu'on entende ces deux-là jusque dans la salle commune. Son cœur battait la chamade à lui percer la poitrine, les oreilles déjà percées par les cris entre lesquels il se trouvait. A ce rythme Remus allait devenir fou et se mettre à hurler aussi, de peur, de panique, d'angoisse, d'amour et de haine à la fois, mais avant qu'il n'en ait eu l'occasion, une parole lui arracha la voix de la gorge.

«Mais Lily est une fille! C'est naturel!»

Sa tête se tourna lentement vers le visage de James, qui était rouge et essoufflé de sa joute avec Sirius. La crainte qu'il nourrissait depuis cette toute première fois où il s'était touché dans la douche en pensant à un homme venait de se concrétiser. Ca y est, il était officiellement et publiquement différent. Puisque c'était naturel, il aurait dû rester avec Erin même si elle n'avait d'yeux que pour Sirius? Il aurait dû se mettre en couple avec cette Nora Phillipson qui lui courait après? Il aurait dû regarder son petit-ami être le tombeur de ces dames de Poudlard? Parce que c'était naturel? Les pensées se bousculaient dans le cerveau de Remus, et les larmes ne tardèrent pas à lui monter aux yeux. Et l'amour dans tout ça? Si James était amoureux de Lily, il devait savoir ce que c'était. A quel point on ne pense qu'à l'être chéri, ses bras, sa chaleur, son odeur, ses baisers et ses tendresses. Son cœur venait d'être réduit en miette. Encore une fois, il était une bête de foire, anormal,décalé, et en plus de ça il avait emmené Sirius avec lui dans sa tourmente. Ca y est, Remus venait d'atteindre son point de rupture, alors son premier réflexe fut de s'enfuir de cette pièce qui respirait encore les preuves de sa faute. En courant, sans regarder ni sur les côtés ni derrière lui, un sifflement constant dans les oreilles et la vision troublée par les larmes, il laissa ses jambes tremblantes le guider aussi loin qu'il le pouvait de tout et de tout le monde.

Lorsqu'il s'arrêta pour reprendre sa respiration et ouvrir les yeux en grand, Remus était en haut de la tour d'astronomie, déserte. Le dos vouté qui se soulevait au rythme de son souffle rapide, il s'accouda aux barrières aux motifs intriqués, et respira à en faire de la buée. La journée touchait à sa fin et les rayons du soleil était dorés sur ses mèches en bataille et son visage strié par les pleurs. Malgré la vue sur l'immensité du parc, du lac et des Highlands écossais, les yeux de Remus eux étaient rivés sur le vide à quelques centimètres de ses pieds. Tout ce qu'il avait à faire était enjamber la balustrade de bronze, faire un pas, et tout serait terminé. Une de ses mains quitta le métal pour essuyer son visage trempé alors qu'il contemplait toujours le vide, incapable de penser à autre chose qu'à ce qui l'attendait là, en bas. Puis, de loin d'abord, une voix l'appelait, se rapprochant progressivement de lui et résonnant dans l'escalier étroit de la tour. Plus elle l'appelait, et plus il reconnut Sirius, qui sonnait plus paniqué qu'il ne l'avait jamais été. Sirius. Mais par Merlin, que lui avait-t-il fait faire, toutes ces années? C'était lui la bête, pas le brun qui courait dans les escaliers après lui. Rien qu'à l'idée de tout le préjudice que Remus lui avait causé, il fixait le vide un peu plus fort. Finie la lycanthropie, finie l'homosexualité, finie la différence et le mal qu'il avait fait. Le mal qu'il aurait pu faire. Le mal qu'il finirait par faire.

« Remus! Remus, je suis désolé!»

Soudainement, il se retrouva les bras agrippés par deux grandes mains qui le détournèrent du panorama pour le plaquer contre un torse nu et chaud. Il n'entendait que le cœur de Sirius battre contre son oreille et sa propre voix se confondre en excuse à son tour, tellement et si bien qu'il arrivait à peine à les prononcer à travers ses pleurs qui reprenaient de plus belle. Le grand brun le serrait contre lui, à lui broyer les os, et Remus ne résista pas longtemps à l'étreindre en retour pour enfouir ses larmes dans son cou. Il l'aimait. Il l'aimait tellement. Comment pouvait-il l'entrainer avec lui dans la débâcle au point qu'il se batte avec son meilleur ami?

-« Je suis désolé Sirius… Je suis désolé, désolé, désolé… Si j'avais su… Désolé… Je m'en veux tellement.

- Pourquoi, mon amour? Pourquoi? C'est moi, j'ai déconné.

- C'est ma faute si tu es… Si tu es-

- Tais-toi Remus. Tais-toi. Je t'aime et tu ne peux rien y changer.» chuchota le plus doucement du monde Sirius, qui avait le nez plongé dans les cheveux de son petit-ami.

Les mains de Remus étaient serrées autour du tissu de la chemise de Sirius, ses ongles presque plantés dans son dos, comme s'il était le phare qui l'empêchait de sombrer dans l'obscurité de son esprit. Il pleurait toujours, se sentant impuissant à son sort et au sort qu'il réservait à Sirius. Ils restèrent comme ça pendant de longues minutes, au soleil couchant, les sanglots de Remus étant la seule chose qui déchirait le silence. Puis, inlassablement réconforté par son petit-ami, il arrêta de pleurer mais resta encore dans ses bras. C'était le seul endroit où l'air était respirable et le monde supportable pour Remus, en cet instant. Enfin, un début de calme commença à s'allonger sur son esprit comme un voile tamise une lumière trop forte, et ils s'assirent tous les deux pour regarder le soleil mourir et la lune monter dans le ciel étoilé.

Au bout d'un long moment, toujours dans le silence, Sirius prit la main de Remus et celui-ci le guida dans l'escalier de la haute tour pour en redescendre. Mais il ne se dirigea pas vers la Grande Salle -de toutes façons ils avaient ratés le diner-, ni vers les dortoirs, mais vers un certain couloir du septième étage. Devant eux, les mains entrelacées, se format une porte en bois massif ornée: c'était la salle sur demande. Quand ils pénétrèrent dans la pièce, ils y trouvèrent une suite modeste garnit d'un simple lit double et d'une étagère avec des uniformes de rechange pendus sur une tringle, en bref, juste ce dont ils avaient besoin. Tant pis si les préfets les cherchaient toute la nuit dans le parc, tant pis si on arpentait tout Poudlard à la chandelle pour les trouver, Remus et Sirius avait besoin de ce temps singulier qui leur appartenaient à eux et personne d'autre.

Cette soirée-là, Sirius entraina Remus sous la douche pour enfin faire disparaitre ses larmes de ses joues rougies et ses yeux gonflés par les flots qu'ils ont déversé. Puis ils se mirent au lit, face à face, front contre front, et trouvèrent enfin la paix dans la présence de l'autre et la douceur du sommeil auprès de l'être aimé.

X

Une semaine avait passé depuis l'incident du dortoir, et depuis, ni Remus ni Sirius n'avait adressé la parole à James. Cependant, celui-ci semblait avoir gardé ses découvertes pour lui car personne ne les dévisageait plus que d'habitude, personne ne semblait même s'être aperçu de leur absence pour une nuit. Il restait seulement Peter, déchiré entre ses meilleurs amis sans savoir pourquoi ces derniers refusaient de se parler. Il s'asseyait un coup avec eux, un coup avec James et Lily, et malgré ses nombreuses tentatives pour comprendre le malentendu qui les séparait tous, tous se refusait à lui avouer. A vrai dire, ce n'est pas que Remus ne voulait pas parler à James, c'était plutôt Sirius qui était resté amer de l'échange de ce jour-là. D'un côté, cette rancune l'arrangeait bien car le jeune homme ne savait franchement pas quoi dire à James, qu'il avait quelques fois surpris à regarder dans leur direction avant qu'il n'ait le temps de tourner la tête. D'ailleurs, il venait juste de croiser son regard en cours de défense contre les forces du mal, avant que celui-ci ne se détourne, une fois encore. Mais à la place ses yeux trouvèrent ceux de Lily, qui avait l'air profondément désolée et était définitivement mal à l'aise dans la petite classe emplie de tension. Remus se doutait qu'elle était au courant de son statut amoureux pour le regarder ainsi, mais elle ne semblait ni en colère ni dégoutée. Ses doutes furent levés lorsque, pendant le moment pratique du cours et que la plupart des élèves s'entrainaient à lancer leur patronus, elle se rapprocha et lui demanda de la retrouver dans les gradins du stade de Quidditch à dix-sept heure. C'était curieux, certes, mais elle ne lui avait rien fait et pour être honnête elle lui manquait même un peu. C'était douloureux de ne plus pouvoir partager ses lectures ou ses révisions avec elle alors même qu'ils ne s'étaient jamais disputés. Alors, quand dix-sept heure approcha, Remus expliqua à Sirius la demande presque secrète que lui avait fait son amie. A en juger par son visage, pour une fois le grand brun aux cheveux longs n'avait pas d'avis: il semblait aussi confus que lui quant à la raison de ce rendez-vous.

Après des volées de marches en bois grinçant sous chaque pas, Remus aperçut la jeune femme assise seule sur un banc, près d'une tour, sa chevelure rousse au vent. Il s'avança avec un piètre sourire et Sirius sur ses talons mais lorsqu'il arriva à sa hauteur, mouvement encore inédit malgré leur relation, elle le prit dans ses bras.

«Remus! C'était si bizarre cette semaine sans te parler. Toi aussi, Sirius.»

La brise faisait aussi remuer les boucles du garçon, mais celui-ci gardait une mine renfrognée et les mains au fond des poches de sa cape, comme s'il s'attendait à un mauvais coup. Il jetait des coups d'œil de part et d'autre, s'assurant surement que personne n'était trop près pour les entendre. Après tout, ce petit meeting avait un gout d'entourloupe, et c'est d'ailleurs pourquoi il avait tant insisté pour accompagner Remus. Même s'il lui avait assuré ne rien avoir à craindre de Lily, Sirius s'avérait être un petit-ami protecteur. Elle avait d'abord eu un sourire radieux pour eux, avec une pointe de tristesse, mais maintenant que le moment des retrouvailles était passé, seulement la dernière survivait sur son visage.

«Les garçons… J'ai parlé à James et- Il m'a dit pour vous deux. Enfin, je le savais. Il m'a confirmé, plutôt.»

En voyant la mine déconfite de Remus, les lèvres entrouvertes et les yeux écarquillés, elle se reprit tout de suite en secouant ses deux mains devant elle pour leur indiquer de ne pas s'inquiéter.

-«Non, non, ce n'est pas ce que vous croyez! Ce que je voulais dire, c'est que j'avais deviné.

- Deviné? reprit Sirius, a priori peu convaincu par cette explication. Elle lui répondit avec un sourire qui n'avait rien de malsain

- Vous n'étiez pas si subtiles… En faisant un peu attention, c'est plutôt évident même. Je ne comprends pas que James ait été aussi surpris.»

Plus elle parlait, et plus le flou s'étendait pour Remus. Oui elle savait pour eux deux, mais… depuis plus longtemps? Peut-être les avait-elle surpris en train de se bécoter, de se tenir la main- ou pire. Il tourna un regard interrogateur vers Sirius, mais il ne semblait pas comprendre beaucoup plus que lui. Lily les fixa quelques secondes puis s'esclaffa en portant une main à son front.

-«Par Merlin, les garçons, tous les mêmes! Vous êtes tout le temps collé l'un à l'autre, ou alors vous n'arrêtez pas de vous dévorer du regard. Vous disparaissez et réapparaissez de nulle part ensemble sans arrêts, et vous vous étonnez que j'aie deviné? Je ne crois pas être la seule, d'ailleurs… Mais, ce qui compte vraiment, c'est que James-

- Je suis désolé.»

C'était James qui était apparu de derrière la tour devant laquelle Lily s'était assise, une bretelle de sac à dos sur l'épaule et un air plus que penaud sur la figure. Remus vit tout de suite que sa simple présence avait contracté tous les muscles du corps de Sirius, alors il lui mit une main dans le dos ce qui, il le sentit, le détendit un peu. Il voulait entendre ce que le garçon à lunettes avait à dire après les affreux mots qu'il avait prononcé dans le dortoir.

-«Je suis trop con. Je sais pas, j'ai paniqué et… ça m'a blessé. s'expliqua-t-il en s'avançant vers le petit groupe, la tête baissée. Je pensais qu'on se connaissait par cœur, je vous ai jamais rien caché, vous savez tous mes secrets. Vous, vous en aviez un énorme-

- Et on a eu raison de rien te dire! T'es vraiment un-

- Chut! l'interrompit Remus en lui collant sa main sur la bouche, comme il le faisait rarement. Laisse-le parler, au moins.

- Merci, Rem'. Pour la première fois depuis une semaine, il leur adressa un sourire. En fait, j'ai bien réfléchi et… je m'en fous que vous soyez gay ensemble. Ou séparément. Ou- Hum- Ce que je veux dire c'est que je suis content pour vous si vous êtes amoureux et que vous êtes heureux comme je le suis avec Lily. Je m'attendais pas à ce que ce soit vous deux ensemble, mais je suis content. J'ai réagi comme un connard.

- Et…? l'encouragea Lily à continuer son propos. James la dévisagea un instant, fixa le sol puis reposa finalement son regard sur les deux amoureux.

- Et j'aurai pas dû vous suivre. C'était lâche et mesquin.

- Et nous, reprit Remus, on aurait dû te le dire. A Peter aussi. On n'en serait jamais arrivé là si on avait été honnête avec vous. C'est que… on avait peur que les gens sachent.»

Les quatre se regardèrent pendant quelques secondes silencieuses, comme en attente de la délibération d'un jury, jusqu'à ce qu'un sourire monte lentement sur les lèvres de Remus. Une chape de plomb venait de s'envoler de ses épaules après cette discussion riche en émotion. Il retrouvait enfin ses meilleurs amis après la peur de les avoir perdu pour toujours, et il s'empresserait d'annoncer sa relation avec Sirius à Peter dès qu'il le verrait. Alors que de petits rires gênés commençaient à émaner du groupe, le brun lui gardait l'air grave et reprit la parole sur un ton sérieux.

«James, je suis désolé de t'avoir menti. Je te promets que ça ne se produira plus jamais. puis il se tourna vers Remus. Mumus, j'veux plus mentir sur nous deux non plus. Tant pis si ça gêne les autres que je t'aime. Mais est-ce que toi, ça te gêne?»

Remus sentit tout de suite ses joues se réchauffer à cette déclaration d'amour en public- la première. Même s'il était dévoré par l'embarras, cette situation étant un cauchemar qu'il avait souvent fait au fil des mois, un gigantesque sourire se plaqua sur son visage. En fait, ce cauchemar venait d'être conjuré par l'amour qu'on lui portait, aussi bien ses amis que Sirius. Et ce dernier avait un très bon argument: si James et Lily les soutenait, et il ne voyait pas franchement Peter être homophobe, alors pourquoi continuer de se cacher? Pendant toutes ses années à Poudlard, Remus Lupin ne s'était pas permis énormément de folies, mais cette fois-ci il en fit une, et peut-être la meilleure: le garçon se jeta dans les bras de Sirius et lui vola un baiser. Ce dernier, pris de court par ce geste inespéré, ne le laissa pas s'échapper de leur étreinte. Au contraire il le serra tout contre lui, une main placée dans le creux de ses reins, et lui donna un vrai baiser d'amour sincère comme dans les contes de fée, pensa Remus.

«J'aime Remus Lupin, et je vous emmerde!»

Cria-t-il du haut des gradins quasi-vide avec un sourire large comme le monde, avant de réembrasser Remus, plus longuement cette fois-ci.

«Les gars, je- Euh, je suis pas encore habitué alors... Laissez-moi un peu de temps.»

Tous rirent bon train, et les deux couples se tinrent la main pour rentrer au château. Le reste de leur dernière année à Poudlard, sans annoncer leur relation au premier venu, Remus et Sirius arrêtèrent de se cacher pour se tenir la main, se regarder au fond des yeux, s'embrasser, et personne n'osa les chahuter à ce propos. Il faut croire que Sirius inspirait trop la peur et Remus trop l'empathie pour qu'on leur cherche des noises.