Vous savez ce moment où vous voulez écrire un one-shot et que... vous vous faites dépasser par l'histoire. Ben voilà, ça donne le concept animal =_=
Mon but n'est pas d'écrire une suite plausible à HP, mais juste de prendre des personnages avec un caractère établi voire stéréotypé, de secouer et voir ce qui en sort !
LE CONCEPT ANIMAL
Chapitre 1
La haine engendre la cruauté. Pas chez celui qui l'inflige, mais chez celui qui la subit. Que se passe-t-il lorsque les rôles s'inversent ? Quand le bourreau tombe de son piédestal et devient une proie ? Animal au regard de lapin, figé sous les phares d'une arme braquée.
Drago Malefoy s'interrogeait souvent à ce sujet. Pas en théorie abstraite, mais dans sa chair, dans son propre reflet, renvoyé par le miroir de sa salle de bain. Des ecchymoses, des traînées de sang, éparpillées en taches diffuses sur son torse, ses bras. Son visage, lui, restait intact. Évidemment. Son tortionnaire savait qu'il ne fallait pas laisser de traces visibles.
Il se rinça le visage, nettoya ses plaies avec soin, avant d'appliquer des pansements. Il n'utilisait pas de sort, de crainte que la moindre effluve demeure et ne mette la puce à l'oreille de quelqu'un. L'œuvre achevée, il enfila un polo et quitta la pièce. Personne n'aurait pu deviner qu'il avait été roué de coups. Et tant mieux.
Comment cette chute avait-elle commencé ? Oh, comme toutes les chutes en somme… Il avait été trop haut. Il s'était cru intouchable, blindé par son arrogance. Mais l'arrogance ne pardonne pas, surtout quand elle s'accompagne d'une réputation teintée de violence. Drago savait, au fond de lui, qu'un jour, quelqu'un chercherait à le faire tomber. Mais savoir ne suffit pas toujours. Il n'avait pas imaginé que cela viendrait d'une personne qu'il connaissait intimement. La vie, après tout, avait un sens de l'humour cruel. Mais il le méritait bien.
Il se posa quelques instants dans son salon et son regard erra sur les journaux de la presse magique. À la une, comme souvent, Harry Potter. Un portrait enchanté montrait le Sauveur avec cet air gêné mais radieux qui lui collait à la peau. Il venait de résoudre une affaire sensationnelle : une série de meurtres en pleine ville. Avec son équipe d'Aurors, Potter avait capturé un sorcier d'une quarantaine d'années qui s'introduisait dans les appartements de personnes âgées pour les dépouiller avant de les tuer. Le criminel était d'une banalité presque décevante. Un homme si prévisible dans ses pathologies qu'il serait oublié en une semaine, sans doute cloîtré dans une cellule froide d'Azkaban. Mais cette affaire ajoutait un panache de plus au palmarès de Potter.
Drago leva les yeux du journal, pensif, avant de se lever. Il ne portait plus la même colère envers Potter et sa clique qu'autrefois, du temps de la guerre et de Voldemort. De l'eau avait coulé sous les ponts, et avec elle, une partie de sa haine. Il avait fini par admettre, difficilement, qu'il avait été le pantin d'un père castrateur, prisonnier d'une éducation où l'obéissance était sa seule marge de manœuvre. La Marque des Ténèbres gravée sur son avant-bras gauche restait un rappel douloureux de cette cage invisible. Mais aujourd'hui encore, c'était son nom qui pesait le plus lourd : Malefoy.
Que faire, que faire ? se demanda-t-il en descendant les escaliers de son immeuble. Pas grand-chose, si ce n'est longer les murs et attendre que ça passe.
Il retint un soupir. Jouer les ombres n'était pas dans sa nature. Alors il continuerait à porter son masque, à afficher son sourire de Malefoy et cet air hautain qui masquait les fissures. Même si c'était précisément ce masque qui le détruisait à petit feu. Traversant la rue, il sentit les regards se poser sur lui, comme toujours. Les gens le fixaient, malgré la grâce accordée par le Ministère. Ils le scrutaient, le jugeaient. Il tenta de se rassurer : Peut-être qu'ils le regardaient simplement parce qu'il était beau. Beau, malgré la disgrâce de son nom. Beau, malgré les coups. Beau, tout court.
Drago glissa une main dans ses cheveux, jetant un œil rapide à son reflet dans la vitrine d'une boutique, avant de s'engouffrer dans une autre, équipée d'une cheminée connectée au réseau magique. Sa propre cheminée, chez lui, avait été désactivée récemment. D'une part à cause des restrictions du Ministère sur certaines destinations, et d'autre part par précaution : il redoutait que l'un de ses détracteurs, armé de passe-droits inquiétants, débarque sans prévenir dans son appartement.
Il travaillait dans une section de recherches du Ministère dédiée aux antiquités magiques. C'était une occupation fascinante, loin des intrigues politiques et des jeux de pouvoir qui avaient tant marqué son adolescence. Son bureau, un espace chargé des poussières et reliques de son prédécesseur, avait l'allure d'une véritable antre de vieux sorcier. Les étagères ployaient sous le poids de grimoires oubliés, de bibelots mystérieux, et d'objets enchantés datant d'époques révolues. Drago appréciait cette atmosphère, ce mélange de mystère et d'histoire, comme s'il était entouré de récits si anciens qu'une vie entière ne suffirait pas à tous les comprendre.
Cependant, ce cadre pittoresque avait son revers : la solitude. Drago travaillait seul. Bien qu'il y ait d'autres sections recoupant ses recherches, notamment celle spécialisée dans les artefacts de haut niveau, il était le seul à occuper cette aile du Département. Lorsqu'il avait demandé pourquoi personne d'autre n'avait été embauché, la réponse avait été claire : il coûtait déjà suffisamment cher au Ministère.
D'un côté, cette isolement l'ennuyait ; d'un autre, savoir qu'il avait été préféré à d'autres candidats (Hermione Granger, avait-il cru entendre sans en être sûr) le gorgeait d'une satisfaction à peine dissimulée.
Il s'installa à son bureau, réprimant un souffle douloureux en appuyant sans le vouloir sur l'un de ses bleus, et observa un instant le décor. Distrait, il fit tourner une petite sphère en cuivre représentant une planète entre ses doigts. La fatigue pesait sur lui, mais au moins, dans ce trou confortable, personne ne lui demandait de rendre des comptes. Il était persuadé que le Ministère l'avait placé ici autant pour le surveiller que pour l'oublier. Il ressemblait un peu à ces babioles qui encombraient la pièce : utile à l'occasion, mais essentiellement décoratif.
Alors qu'il s'abandonnait à ses pensées, un hibou surgit soudain dans la pièce, traversant la fenêtre ouverte comme un boulet de canon. L'oiseau massif atterrit lourdement sur le bureau, dispersant plumes et papiers. Drago sursauta, les yeux ronds.
— Espèce de sale bestiole obèse, qu'est-ce que tu viens faire ici ? gronda-t-il.
Le hibou, visiblement trop bien nourri, le dévisagea avec hauteur. Puis, dans un mouvement maladroit, il renversa un pot de plumes et laissa tomber une enveloppe scellée avant de s'installer confortablement sur le bord du bureau. Lorsque Drago voulut récupérer l'enveloppe, l'oiseau gonfla ses ailes et tenta de le picorer.
— Non mais je rêve ! s'exclama Drago, agacé.
Après plusieurs tentatives impossibles pour attraper la lettre, il se résigna à fouiller dans ses tiroirs. Il en tira une poignée de friandises pour hiboux et les lança à l'animal. Celui-ci engloutit le tout avec avidité, puis s'envola d'un battement d'ailes maladroit, emportant dans son sillage quelques papiers supplémentaires.
Drago observa le désordre avec exaspération avant de ramasser l'enveloppe. Son nom était inscrit dessus. Intrigué, il décacheta le message, s'installant plus confortablement dans son siège. Le contenu, griffonné comme un brouillon mal assumé, le fit hausser un sourcil.
(*ce qui est en italique est barré)
Drago,
Cela fait longtemps, très longtemps.*
J'ai entendu dire
Est-ce que tu vas bien ? Il paraît que t'as changé.
J'aimerais
Je voudrais qu'on parle d'un truc qu'on discute de quelque chose
Est-ce que tu voudrais bien qu'on se voit ? Où tu veux. Chez moi ? Chez toi.
Où tu veux.
Bien à toi
À bientôt
Cordialement
Harry
Ps : mon hibou est un peu gourmand, il ne partira pas si tu ne lui donnes pas de friandises, désolé !
Drago fixa la lettre, perplexe. Cordialement, vraiment ? Il relut plusieurs fois le message, à la fois intrigué et irrité par le ton maladroit de Potter. Qu'est-ce que lui voulait le sauveur ?
— Comme si j'avais besoin de ça…
Il abandonna le pli sur la table et se passa les mains sur le visage. Après un temps relativement long, il soupira et se leva pour remettre en ordre son bureau. Il ramassa les plumes abandonnées par le hibou et les observa à la lumière de la fenêtre. Il reconnaissait là un hibou de belle race.
— Quel gâchis Potter, tu t'achètes un si bel animal et tu le maltraites…
Il posa les plumes sur un coin de son bureau et s'étira lentement. Son regarda attrapa de nouveau la lettre sur son bureau. Il lui répondrait, mais pas maintenant. Non, il le ferait attendre. Après tout c'est bien l'être désiré qui a les cartes en mains, non ?
