Je vous fais la grâce de poster les deux premiers chapitres dans la foulée, parce que sinon on reste clairement sur sa faim...


LE CONCEPT ANIMAL

Chapitre 2

Après la guerre, Drago avait naïvement cru qu'il n'y avait plus rien capable de l'étonner. L'absurdité des situations, les sortilèges interdits, la soumission… Sa soumission à son père, puis à Voldemort ; les tortures infligées et subies. Ses yeux avaient vu des horreurs que peu pouvaient imaginer. Pourtant, son procès était parvenu à l'émouvoir. La diatribe passionnée de son avocat résonnait encore dans sa tête : Drago Malefoy était trop jeune, trop inconscient de ses actes et des intérêts qu'ils servaient. Ces gestes, ces sortilèges, avait dit l'avocat, ce n'étaient pas Drago. C'était Malefoy. Un héritier pris au piège d'une famille impitoyable et d'un héritage de non-choix.

Lorsqu'il était sorti gracié, il n'y avait pas cru. Et quand la réalité l'avait rattrapé, ce n'était pas le soulagement qu'il avait ressenti, mais une humiliante amertume. On l'avait traité comme un adolescent idiot, incapable de penser par lui-même, prisonnier de l'amour maladif qu'il portait à son père. Il s'était alors demandé, dans un moment de désespoir, si une cellule à Azkaban n'aurait pas été plus simple pour quelqu'un comme lui.
Sans compter que ses propres parents, qui s'en étaient sortis tout aussi bien pour avoir collaboré à la chute de Voldemort, lui en avait terriblement voulu pour les mots de son avocat. Depuis, ils étaient en froid et chacun était trop fier pour tenter de faire un pas vers l'autre.

Une année entière s'était écoulée depuis le procès. Une année passée à osciller entre culpabilité et innocence, incapable de trouver sa place. Les institutions du monde sorcier reconnaissaient la tragédie de son nom, mais la rue, elle, voyait en lui un traître, un lâche. Les regards assassins, les murmures venimeux, parfois même les insultes lancées en pleine rue… Comment grandir et devenir un adulte stable avec ce poids écrasant ?

Son poste au Ministère, obtenu presque par miracle après sa grâce, l'avait sauvé de cet enfer d'introspection. Mais le destin, cruel comme à son habitude, avait trouvé le moyen de le ramener à la boue.

Il se rappelait quand tout lui avait brusquement échappé. C'était il y a un mois… Un soir où Pansy et Blaise l'avaient invité à boire un verre. Ils avaient évoqué le passé encore, à voix basse, entre amertume et nostalgie. Blaise, bien moins impliqué dans les intrigues du règne de Voldemort, semblait étrangement insouciant. Il avait repris ses études avec une légèreté presque insultante aux yeux de Pansy, qui, elle, ruminait sa disgrâce.

Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. La lâcheté dont elle avait fait preuve à la bataille de Poudlard l'avait laissée isolée, méprisée. Elle avait tenté, sans succès, de reprendre ses études. Son anxiété la paralysait, et elle en voulait à tout le monde – à elle-même, aux autres, et surtout à Drago.
— C'est une blague, franchement, qu'ils t'aient embauché, lâcha-t-elle en le fixant avec une froide intensité.
— Tu ne vas pas recommencer, soupira Blaise, à moitié amusé.
— Désolée, mais je ne comprends toujours pas ! Drago, qui décroche un poste pareil à quoi, 19 ans ? Tu sais les études qu'il faut pour finir au Ministère, non ?
— Harry Potter et sa clique sont bien devenus Aurors sans vraiment de diplôme, fit remarquer Drago d'un ton placide.
— Ce n'est pas comparable. Devenir Auror ne demande pas vraiment… de cervelle, dit-elle avec un rictus. Mais toi, tu es carrément chercheur !
— Tu surestimes mon travail, tempéra-t-il. Je t'ai déjà dit, ce n'est pas aussi prestigieux que tu l'imagines. S'ils m'ont embauché, c'est aussi parce qu'ils avaient un poste vacant et que j'étais…
— Arrête de faire le modeste, Drago, l'interrompit Blaise avec un sourire. Avant la guerre, tu étais déjà une tête à Poudlard. Tu n'as même pas terminé ta scolarité, mais tu avais un niveau au moins deux fois supérieur à la plupart des élèves.

Drago ne put retenir un sourire suffisant. Il aimait qu'on lui rappelle son intelligence, surtout dans un domaine aussi théorique. C'était peut-être la seule chose qu'il pouvait encore revendiquer avec fierté. Et Blaise faisait bien exprès de clamer ses talents haut et fort pour ennuyer davantage Pansy.
— Ton heure viendra, Pansy, murmura-t-il finalement, plus doucement.
Elle lui faisait de la peine à cet instant et il comprenait sa difficulté à composer dans ce monde qui tâchait de les oublier à présent.
— Franchement Pansy, tu ferais mieux de te trouver un sang-pur bien riche, l'épouser et le laisser t'entretenir, lâcha Blaise. Je suis sûr qu'il y en a plein, des types friands de filles comme toi, jeunes, qui ont des envies de luxe.
— Doucement Blaise, t'es pas sympa.
Qui aurait cru que Drago serait celui qui tempérerait les blagues de mauvais goût ? Il avait changé depuis la guerre, s'était assagi, avait compris que certaines plaisanteries ont leur limites.
— C'est bon Drago, répliqua Pansy. Mais tu sais quoi Blaise, ce soir c'est toi qui m'entretien et je veux une nouvelle bière au beurre, maintenant !
Ce soir là, de bonne grâce, Blaise exhaussa tous les souhaits de Pansy, quitte à ce qu'elle soit à moitié ivre. Drago se proposa de la raccompagner.
— Voilà où mène ta générosité Blaise… Je la ramène, je ne la laisse même pas transplaner dans cet état.
— Bah, ça l'aura au moins égayée, répondit Blaise avec un sourire.
Ils attendirent que Pansy revienne des toilettes. Drago l'aida à enfiler son manteau, la soutenant légèrement.

Dehors, sur les pavés humides, il passa un bras autour de ses épaules pour l'aider à marcher droit. Ce geste, bien qu'amical, provoqua en lui un étrange malaise. Drago ne ressentait aucun attrait physique pour elle. Ni pour qui que ce soit, d'ailleurs. Ces derniers temps, une vérité douloureuse s'imposait à lui. Il ne savait pas qui il était vraiment ni qui il pourrait aimer. Jusqu'ici, ses choix – qu'il s'agisse de ses amitiés ou de ses relations – avaient été dictés par son père. Maintenant que celui-ci n'était plus là pour orienter ses décisions, il se sentait perdu.

Heureusement que Blaise et Pansy restaient à ses côtés. Leur amitié, forgée dans les hauts et les bas de leur jeunesse, lui semblait indestructible. Avec eux, tout paraissait plus simple. Ils connaissaient ses défauts et ses failles, comme lui connaissait les leurs. Il doutait de pouvoir se lier d'une telle manière à d'autres. Qui supporterait son ambiguïté ? Sa fragilité masquée par son mépris ? Peu de monde, se dit-il avec un sourire amer.

— Drago, tu veux bien monter boire un dernier verre ? demanda soudain Pansy, s'écartant légèrement de lui.
— Non, Pansy. Très mauvaise idée. Tu ferais mieux de boire un grand verre d'eau plutôt et d'aller te coucher, répondit-il en la rattrapant par le bras alors qu'elle vacillait.
— Je ne suis pas si ivre que ça… Mais monte. Juste pour boire un verre d'eau, un dernier, insista-t-elle avec un sourire suppliant.
Drago soupira profondément. Il n'avait qu'une envie : rentrer chez lui et s'affaler dans son lit. Mais, cédant à sa demande, il hocha la tête.
— D'accord, mais je monte juste pour m'assurer que tu te couches. Je ne traîne pas, je suis fatigué moi aussi.
Pansy fut soulagée. Elle accéléra le pas, comme si elle craignait qu'il ne change d'avis, tandis que Drago la suivait d'un air résigné.

La maison de Pansy était charmante, typiquement anglaise, nichée discrètement entre deux autres bâtisses. Elle grimpa les quelques marches du perron, suivie de Drago, dont le regard s'attarda sur une fenêtre éclairée.
— Dis, t'es partie sans éteindre la lumière ? remarqua-t-il.
— Hum ? Oh… Peut-être. Ça éloigne les voleurs. Et les meurtriers, ajouta-t-elle en plaisantant.
Il leva les yeux au ciel.
— Me dis pas que tu crois à cette histoire de tueur en série ? Tu sais qu'il ne s'attaque qu'aux vieux riches. Tu ne corresponds à aucun de ces critères.
— Je suis une jeune fille innocente, une victime idéale, répliqua-t-elle d'un ton faussement outré.
— Même un troll ne chercherait pas querelle à Pansy Parkinson, railla-t-il en riant.
— Drago ! protesta-t-elle en lui donnant une tape sur le bras.
Ils entrèrent. Drago frissonna de plaisir en sentant la chaleur réconfortante de la maison. Il pensait déjà au moment où il devrait repartir, affrontant l'humidité de la nuit jusqu'à chez lui. Peut-être se laisserait-il aller au luxe de transplaner, malgré les quelques verres qu'il avait bu.

Cette pensée l'occupait lorsqu'il suivit Pansy jusqu'au salon. Il s'immobilisa net en découvrant Gregory Goyle, assis dans un fauteuil. Une tasse de café fumait entre ses mains, et les restes d'un paquet de biscuits trainaient sur la table basse.
— Gregory, c'est bien toi ? Mais que fais-tu ici ? demanda-t-il, surpris mais pas encore alarmé.
Gregory haussa les épaules avec indifférence, sans répondre immédiatement. Drago tourna la tête vers Pansy, espérant une explication. Mais elle évitait son regard, feignant de ranger compulsivement des babioles sur le buffet.
— Bon… commença Drago, légèrement mal à l'aise.
Il remarqua bien la tension qui s'installait, il se disait bien qu'il aurait dû prendre la poudre d'escampette surtout face au regard de Gregory, trop opaque, trop difficile à interpréter. Et brusquement, Drago se souvint que contrairement à lui, Gregory avait écopé d'une peine après la guerre.
— Tu… Tu n'es plus en prison ? tenta-t-il prudemment.
— Non, répondit Gregory d'un ton neutre. Libéré sous conditionnel.
— C'est… génial, fit Drago avec un enthousiasme feint, essayant de masquer son malaise.
Le silence retomba. Drago se força à sourire, mais il était de plus en plus mal à l'aise. Pourquoi Pansy restait-elle silencieuse ? Pourquoi Gregory le fixait-il ainsi, comme s'il lui reprochait quelque chose ?
— Bon, bon, bon, je vais vous laisser… murmura Drago en reculant d'un pas.
— Drago… souffla Pansy.
Son ton, presque implorant, le fit hésiter. Il tourna la tête vers elle, mais avant qu'il ne puisse poser la moindre question, la porte du salon claqua violemment derrière lui. Le bruit résonna dans la pièce, faisant sursauter Pansy. Drago se retourna brusquement pour découvrir Gregory, baguette en main.
— Oh, doucement avec cette baguette, Greg ! lança-t-il, levant légèrement les mains en signe de reddition. D'ailleurs… tu es sûr que tu as le droit d'en manipuler une, en conditionnelle ?
— Mes droits te préoccupent tout à coup, Drago ? cracha Gregory.
Le ton, chargé de rancoeur glaça le sang de Drago. Il reconnaissait cette voix, cette colère. C'était la même que celle avec laquelle Gregory crachait jadis le nom de Potter. Mais cette fois, elle lui était destinée, et Drago comprit immédiatement que cette confrontation ne se terminerait pas bien pour lui.
— Quelle mouche t'a piqué, bon sang ? Pansy, qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il en se tournant vers elle, espérant une explication.
Pansy, qui jusque-là s'était retenue, éclata en sanglots. Elle se couvrit le visage de ses mains, ses épaules secouées par ses pleurs.
— Je suis désolée, Drago. Je suis tellement désolée. J'y peux rien, c'est pas ma faute…
— Oh, oh, oh… Greg, franchement, fais attention avec cette baguette ! tenta-t-il de plaisanter, sa voix trahissant néanmoins une angoisse croissante.
Gregory s'avança lentement, ses yeux plantés dans ceux de Drago, son regard brûlant de ressentiment. La baguette, pointée droit sur son torse, ne tremblait pas d'un millimètre.
— Tu sais pas comme j'ai attendu ce moment, siffla Gregory. Dans ma cellule, jour après jour… Je n'ai pensé qu'à ça.
— Par Merlin, mais je t'ai fait quoi ?! s'exclama Drago, paniqué.
Gregory ricana, un son rauque et amer, sans la moindre trace de bonne humeur.
— Ce que tu m'as fait ?! Tu oses demander ? Tu m'as laissé. Tu m'as laissé cramer dans ce foutu feu à Poudlard !
Drago ouvrit la bouche pour protester, mais Gregory poursuivit, implacable :
— Tu étais censé être mon ami, Drago. Mon frère. Mais non, tu étais trop occupé à sauver ta propre peau. Comme toujours. Un Malefoy ne pense qu'à lui, n'est-ce pas ?
Drago sentit une bouffée d'indignation mêlée de culpabilité monter en lui.
— J'ai risqué ma vie pour venir te chercher dans cette Salle sur Demande ! Et si Harry Potter n'avait pas été là, ni toi ni moi ne serions en vie pour discuter ! lança-t-il, sa voix se brisant sous l'émotion.
Gregory eut un rire sans joie.
— Potter… Évidemment. Toujours Potter pour te sauver la mise, hein ? Toujours le héros, pendant que nous, on paye pour tes erreurs !
— Ce n'est pas vrai ! protesta Drago. J'ai fait ce que j'ai pu. J'ai essayé de te protéger, tout comme je voulais protéger ma famille !
Le visage de Gregory se durcit davantage, et il brandit sa baguette plus haut, ses doigts blanchissant sur le bois.
— Alors pourquoi moi, hein ? Pourquoi c'est moi qui ai fini à Azkaban, Drago ? Pourquoi c'est moi qui ai tout perdu, pendant que toi tu t'en sortais avec une simple tape sur les doigts et un job bien au chaud au Ministère ?
Drago chercha Pansy du regard, espérant qu'elle interviendrait, mais elle semblait incapable de bouger, pétrifiée par la peur et le poids de sa propre culpabilité.
— Greg, écoute-moi, tenta-t-il d'un ton plus calme, presque suppliant. Je n'ai jamais voulu ça pour toi. Je ne t'ai pas abandonné. Mais ce n'est pas moi qui ai décidé de ta peine…
— Tu aurais pu parler pour moi, rétorqua Gregory d'un ton accusateur. Toi, avec ton nom, ton influence, ta foutue grâce ! Mais non, tu n'as rien fait. Parce que tu n'en avais rien à foutre de moi.
Drago déglutit, cherchant désespérément une réponse qui pourrait apaiser Gregory.
— Je suis désolé… Je suis sincèrement désolé, Gregory.
Mais Gregory n'avait pas l'air convaincu. Sa main tremblait légèrement, et un éclat dangereux brillait dans ses yeux.
— Désolé ? Tu crois que ça suffit ? murmura-t-il, sa voix s'élevant à peine, mais chaque mot résonnant comme un coup de couteau.
La tension dans la pièce était insoutenable. Drago sentait son cœur battre à tout rompre, tambourinant contre sa cage thoracique, tandis qu'il évaluait silencieusement ses options. En avait-il seulement ? Non. Aucune. Il s'inquiétait aussi pour Pansy, dont la présence mutique et figée lui ajoutait un poids supplémentaire.

L'adrénaline lui permettait d'évaluer lucidement ce qui s'était passé. Par un quelconque moyen, Gregory avait retrouvé et convaincu Pansy de le traîner ici pour exécuter sa vengeance. Vu le caractère déséquilibré de Gregory, Drago se doutait que la pauvre Pansy avait été terrifiée et n'avait pas eu d'autre choix. Peut-être même s'était-elle saoulée ce soir pour se donner du courage.

Le fait était là : Drago se tenait devant lui, les mains levées, désarmé et vulnérable. Il connaissait trop bien Gregory, et surtout ce dont il était capable…
— Il est encore temps d'arrêter, tenta-t-il à nouveau d'une voix plus posée. Ni Pansy, ni moi ne dirons quelque chose… Ne fais rien que tu pourrais regretter.
— Ce que je regrette, c'est de ne pas avoir agi quand on était encore à Poudlard, gronda Gregory. Quand Vincent était encore là…
— Greg… Greg, non, murmura-t-il. Vincent n'aurait pas voulu ça.
Vincent. Le nom suffisait à raviver une douleur qu'ils partageaient tous deux. La mort de Vincent Crabbe avait été une tragédie qui les avait marqués à jamais. Mais que pouvait-il y faire ? Il leur avait dit de ne pas invoquer ce maudit Feudeymon. Il leur avait dit…
— Qu'est-ce que t'en sais ? le coupa Gregory, hors de lui. Rien ne t'a jamais intéressé plus que ta propre personne ! hurla-t-il. C'est toi qui aurais dû finir à Azkaban, toi plus qu'un autre, même mieux, c'est toi qui aurais dû mourir dans ce feu !
Drago le trouvait injuste ! Lui fit savoir, quand bien même il se condamnait :
— Tu crois que me jeter tes frustrations à la figure va te ramener Vincent ? Tu crois qu'Azkaban te donne le droit de jouer les juges et les bourreaux ?
Le ton de Drago n'était plus suppliant. Il y avait une colère froide dans ses paroles, une flamme qui ne demandait qu'à éclater.
— Tais-toi ! hurla Gregory, sa baguette tremblant entre ses doigts.
Mais Drago ne s'arrêta pas, même si son cœur battait à tout rompre.
— Tu es pathétique, Greg. C'est ça ton plan ? Me torturer dans le salon de Pansy, comme un vulgaire criminel ? Tu penses que ça va changer quoi que ce soit ? Que ça va effacer ta propre culpabilité ? Parce que oui, Greg, tu es aussi coupable que moi, que nous tous. Mais au moins, moi, j'essaye de vivre avec, pas de m'en servir comme excuse pour détruire ce qui reste.
Gregory n'avait jamais eu beaucoup de patience, et les paroles de Drago semblèrent le briser. Il hurla un sortilège avec toute la rage accumulée :
Doloris !
La douleur frappa Drago comme un éclair brûlant, le projetant au sol. Un cri déchirant monta dans sa gorge, mais avant qu'il ne puisse éclater, Gregory aboya un autre sort :
Silencio !
Le silence tomba brutalement dans la pièce. Drago convulsait sous le poids insupportable du Doloris, son visage déformé par la souffrance, mais aucun son ne s'échappait de ses lèvres. Ses mains griffèrent le sol, cherchant désespérément une prise, un ancrage.
Pansy sortie de sa léthargie et cria :
— Greg, arrête ! Tu vas le tuer !
Gregory ne semblait pas entendre. Son regard était fixé sur Drago, ses traits tordus par une haine viscérale. La baguette tremblait légèrement entre ses doigts, mais l'éclat dans ses yeux ne faiblissait pas.

Drago, cloué au sol par la douleur, se tordait sous les assauts du sortilège. Sa respiration haletante était silencieuse, rendue inaudible par le Silencio, mais ses lèvres tremblaient comme si elles cherchaient désespérément à former des mots. Des larmes de douleur roulaient sur ses joues, brouillant sa vision. Pourtant, malgré la souffrance qui consumait son corps, il refusait de fermer les yeux.

Même à terre, même incapable de crier, il ne détourna pas son regard de Gregory. Ses yeux, bien que rouges et embués, lançaient une lueur obstinée, farouche. Chaque vague de magie lui arrachait des soubresauts incontrôlables, mais au fond de lui, il s'accrochait à une seule certitude : ne pas céder.
— Greg, arrête ! hurla Pansy, sa voix déchirante brisant le silence oppressant. Arrête, il a assez souffert !
Elle s'élança vers Gregory, tentant de lui agripper le bras pour baisser sa baguette, mais il la repoussa violemment d'un coup d'épaule.
— Tu ne comprends pas, Pansy ! rugit Gregory, sans même lui accorder un regard. Il mérite ça. Il l'a toujours mérité !
Pansy chancela, mais elle ne renonça pas. Les larmes ruisselant sur son visage, elle se plaça à mi-distance entre Gregory et Drago, les mains tremblantes mais levées en signe d'apaisement.
— Greg, écoute-moi, supplia-t-elle. Ce n'est pas comme ça que ça doit se finir. Pas comme ça…
Mais il ne l'écoutait pas. Son attention restait rivée sur Drago, allongé au sol, le souffle court.
— Regarde-le ! Ce n'est qu'un lâche, cracha-t-il, son ton empli de mépris. Toute sa vie, il s'est servi de nous. Il nous a abandonnés. Moi, Vincent… Toi aussi, Pansy. Tu ne vois pas qu'il ne pense qu'à lui ?
Pansy secoua la tête, sa voix brisée :
— C'est faux. Tu ne sais pas tout… Tu ne sais pas ce qu'il a traversé.
Mais à cet instant, Gregory n'était concentré que sur sa propre douleur.

Drago, toujours allongé, contracta les muscles de ses bras et tenta de se redresser légèrement, mais son corps, encore engourdi par la douleur, refusa de lui obéir.

Un silence pesant s'installa, uniquement troublé par la respiration saccadée de Drago. Pansy, pétrifiée, fixait Gregory sans savoir quoi faire. Enfin, après ce qui sembla une éternité, Gregory relâcha les deux sorts. Peut-être était-ce la lueur indomptable dans les yeux de Drago qui l'avait troublé, ou bien la voix implorante de Pansy qui avait fini par percer la carapace de sa colère. Sa main trembla un instant de plus avant de s'abaisser lentement.

Le silence fut brisé par un gémissement rauque. Drago roula sur le côté, en proie à une douleur insupportable. En sueur, il appuya son front contre le parquet glacé, cherchant désespérément un peu de répit.

Pansy accourut aussitôt à ses côtés, une main tremblante posée dans son dos.
— Par Merlin, Drago, dis-moi que tu vas bien… sanglota-t-elle.
Il ne répondit pas immédiatement, prenant de longues secondes pour reprendre son souffle. Finalement, dans un murmure à peine audible, il murmura :
— Ça va, Pansy… Ça va.
Elle l'aida à se redresser avec précaution, glissant un bras sous ses épaules pour le soutenir. Gregory, toujours figé à quelques pas, les observait avec une expression indéchiffrable, sa baguette serrée si fort dans sa main qu'elle semblait prête à se briser.
— Tu ne vas pas t'en tirer comme ça, Drago, gronda-t-il d'une voix rauque.
Drago leva les yeux vers lui, un léger sourire amer étirant ses lèvres malgré la douleur.
— Qu'est-ce que tu veux, Greg ? Me tuer ? T'es bien parti pour… murmura-t-il, sa voix cassée mais teintée d'un cynisme défiant.
Pansy lui lança un regard paniqué, murmurant tout bas :
— Arrête, Drago… Ne le provoque pas.
Mais Gregory semblait imperméable à toute tentative d'apaisement.
— Te tuer ? Non, pas encore, répondit-il avec froideur. Je vais te torturer, encore et encore, jusqu'à ce que je sois satisfait.
Drago, soutenu par Pansy, se releva lentement et s'adossa au mur, le visage pâle. Il ne répondit rien, le silence devenant sa seule forme de résistance.
— Tu viendras chez Pansy à chaque fois, poursuivit Gregory, sa voix s'élevant dans une colère démesurée. Tu viendras prendre ta peine, Drago. Et si tu ne viens pas, c'est Pansy qui prendra à ta place !
Pansy sursauta, la menace la frappant comme un coup de fouet. Elle ouvrit la bouche pour protester, mais aucun mot n'en sortit.
— Et si tu me dénonces aux Aurors, Drago… continua Gregory, ses yeux brûlant de rage. Je te retrouverai. Je tuerai tes parents et tout ceux que tu aimes. Tu entends ?! Tout !
Drago soutint son regard avec une expression lourde de fatigue et de tristesse. Malgré la haine qui l'écrasait, il ressentit une profonde pitié pour Gregory. Ce n'était plus l'adolescent maladroit et loyal qu'il avait connu à Poudlard. Azkaban avait tout détruit en lui. Gregory n'était plus qu'une ombre, une masse informe de colère et de douleur.

Et Drago savait, au fond de lui, qu'il en était en partie responsable. C'était lui qui l'avait entraîné sur ce chemin funeste. Lui qui, dès leur première année, avait dirigé Vincent, Gregory, et même Pansy vers des choix qu'ils n'auraient jamais dû faire.
— Pas la peine de hurler, Greg, répondit-il finalement, d'une voix éteinte. Je viendrai. Autant de fois qu'il le faudra. Autant de fois que tu le jugeras nécessaire.
Gregory parut décontenancé un instant, mais il se ressaisit rapidement, serrant la mâchoire.
— Pour que je te pardonne ? cracha-t-il. Tu rêves.
— Pas pour ça, murmura Drago. Pour que tu t'apaises.
Son regard, fatigué mais sincère, plongea dans celui de Gregory. Ce dernier détourna brusquement les yeux, comme s'il ne supportait plus cette confrontation silencieuse.
— Dégage… lâcha-t-il finalement, la voix tremblante de colère. Rentre chez toi, mais reviens dans sept jours. Oui…Reviens toutes les semaines. Je t'attendrai.

Sans un mot de plus, Drago hocha lentement la tête, les épaules lourdes. Il s'appuya sur Pansy, qui l'aida à quitter la pièce. Gregory, dos à eux, resta immobile, la baguette toujours en main, comme figé dans son propre désespoir.