Écrit par HateWeasel

452. Dernière danse.

Ciel avait encore une chose à faire. Il traîna son corps lourd dans toute la cour pour l'accomplir, laissant une trace de sang derrière lui. Ses yeux étaient fixés sur une foule qui se trouvait vers le mur. C'était sa destination. Il en était certain.

Il boitait et souffrait, mais il avait désespérément besoin de le faire. Il devait savoir. Ciel avait besoin de voir ce qui était arrivé à son bien-aimé de ses propres yeux, et il y arriverait, même si son corps le lâchait.

Certaines personnes du groupe se retournèrent en entendant sa respiration difficile tandis qu'il s'approchait, et d'autres têtes se tournèrent. Ils virent le sang couler de ses blessures, la sueur recouvrant sa peau, et la crasse présente dans ses vêtements et ses cheveux. Ils virent également dans quelle souffrance il était et l'apparence monstrueuse qu'il arborait à cet instant, l'horreur se voyant sur leurs visages. Le garçon semblait comme être revenu de l'Enfer, et prêt à les emmener avec lui.

Certaines parties de la peau de Ciel pelaient, révélant une noirceur en-dessous, comme s'il muait. Ses cornes étaient plus grandes et ses dents plus aiguisées. Il marchait tout en étant en feu, mais il n'avait pas l'air de remarquer. Les épaules et l'arrière de son manteau brûlaient d'un feu sombre qui donnait l'impression de consumer la lumière autour de lui. Son apparence démoniaque était devenue banal pour les autres, mais pas cela. C'était quelque chose qui ne devait pas arriver. Dans sa rage, le garçon s'était presque réellement perdu, et l'on était en droit de se demander ce qui allait arriver lorsqu'il verrait ce qu'il restait de la menace blonde.

Toutefois, certains des garçons s'avancèrent pour aider le pauvre garçon. Il était leur ami, après tout, non ? Hélas, ils furent arrêtés par les adultes qui les bloquèrent. D'abord, ils craignirent que ce soit dangereux, mais ils comprirent rapidement que ce n'était pas le cas, alors qu'ils furent écartés d'un chemin qui était silencieusement créé pour le Phantomhive. S'ils lui offraient leur aide, il refuserait. Alors, la seule manière de l'aider était de le laisser passer.

Les mouvements du Phantomhive s'accélérèrent en s'approchant, malgré la douleur et la fatigue qu'il éprouvait. Il devait voir Alois. Point final.

La silhouette du blond commença à apparaître tandis que les autres s'écartaient. Alois était allongé sur le dos, entouré de sang venant de sa blessure à la poitrine et à la tête à cause de sa chute. Dafydd était agenouillé à côté de lui. Il semblerait qu'il avait bougé le garçon pour l'examiner, mais il se leva, lui aussi, en voyant le bleuté.

Lentement, Ciel passa devant les autres et prit la place du sorcier aux côtés du Macken. Il s'accroupit afin de pouvoir le voir. Doucement, il bougea le garçon afin de le mettre sur ses cuisses, ne s'importunant pas du sang qui le tacherait puisqu'il en était déjà recouvert de la tête aux pieds. Il caressa avec prudence la joue du blond avec ses doigts noircis et ensanglantés, comme s'il avait peur que son bien-aimé se brise.

Alois était gelé. Sa peau était froide au toucher et son visage déjà pâle n'avait plus une couleur. Il ne répondait pas, même lorsqu'on le bougeait ; pas le moindre spasme. Avec une main à l'arrière de sa tête, et l'autre tenant sa joue, Ciel regardait son cher et tendre et il ressentit une douleur bien plus intense que n'importe quelle blessure qu'il avait eut cette nuit. Alois Trancy était mort.

Le visage de Ciel se tordait avec agonie en le constatant et il bougea pour enlacer le garçon, mettant la main qui était sur la joue du blond autour de sa taille. Le bleuté baissa la tête. Pour une fois dans sa longue et misérable vie, il se laissa verser librement des larmes.

- Jim... sanglotait-il presque en caressant les cheveux du garçon en l'appelant. Jim...

Il devait avoir l'air pathétique aux yeux des autres, mais cela lui était égal à cet instant. Ciel Phantomhive aimait ce garçon de tout son cœur. Il méritait qu'on pleure pour lui. Les larmes du garçon tombèrent sur les joues de son bien-aimé alors qu'il appuya son front contre le sien. Il n'avait pas pu embrasser le garçon une dernière fois. Il n'avait même pas pu lui dire "au revoir". Ciel n'avait pas pu lui dire à quel point il l'aimait, et maintenant il n'aurait pas la chance d'essayer.

Doucement, il déposa un petit baiser sur les lèvres du garçon une dernière fois. A sa grande surprise, cependant, faiblement, très légèrement, Alois mit lui aussi ses lèvres contre celles du bleuté. Immédiatement, Ciel se recula et regarda le visage du garçon à la recherche d'un signe de vie.

- Jim ? dit-il. Jim ?!

- Tu es... si bruyant... finit par grogner le garçon en fronçant les sourcils. Pourquoi est-ce que... tu arrives toujours... à me ramener de la mort ?

Il ouvrit les yeux et essaye de les concentrer sur le visage abasourdi du Phantomhive.

- Avec une voix pareille... tu aurais du devenir un chanteur d'opéra... plaisanta-t-il et un grand sourire se dessina sur le visage de son bien-aimé.

Ciel ne souriait pas à cause de la plaisanterie du garçon, ceci dit, il souriait juste à Alois.

- Jim ! s'écria-t-il en serrant fort le garçon dans ses bras.

- Aïe... Ma poitrine...

- Désolé, dit Ciel en se reculant un peu pour voir le visage du blond.

Le garçon leva lentement une main pour la poser sur la joue du bleuté, souriant tandis que le Phantomhive s'y appuya tout en la tenant avec la sienne.

- Tu as une sale gueule, dit Alois en remarquant l'apparence du bleuté.

Il essuya l'une des larmes de Ciel avec son pouce.

- Tu passes une journée de merde, toi aussi ?

- La pire, répondit son bien-aimé.

Mais, il souriait tendrement au blond.

- Je vois ça, répondit le Macken. Ne pleure pas... Je ne vais pas te laisser... C'est dur de régénérer des organes majeurs...

- J'ai cru t'avoir perdu... admit Ciel et la menace fit la moue.

- Tu me déclares mort aussi facilement ? plaisanta le blond. Comment oses-tu ? Je suis vexé.

- Je t'aime, dit le Phantomhive, interrompant la raillerie de l'autre garçon avec sincérité.

Alois le regarda avec un sourire.

- Moi aussi, je t'aime, répondit-il. Je t'aime tellement, et je suis désolé pour ce baiser. Il y avait du sang dans ma bouche.

- Dans ce cas, je suis désolé aussi, parce qu'il y en a dans la mienne, répondit Ciel. Et aussi parce que je ne me suis pas brossé les dents depuis quelques jours.

- Beurk, tu me dégoûtes, dit Alois. Recommence.

Alors, le sourire de Ciel s'agrandit et il dit :

- Yes, your highness.