Je précise dès maintenant qu'il y aura des TW.
Mais je pense que vous vous en doutiez ! On ne se lance pas dans une lecture impliquant Azkaban pour voir des poneys.
Seconde précision : Plusieurs chapitres sont déjà rédigés, ouf. Pas de hiatus ;)


LE CHOIX DES RONCES
Chapitre 2

Drago avait appris à savourer les rares moments d'accalmie dans sa cellule. Lorsqu'aucun geôlier ne venait le chercher, lorsqu'aucun bruit de clefs ou de pas lourds ne résonnait dans le couloir, il pouvait se permettre de baisser un peu sa garde. Dans ces instants, il s'efforçait de rendre son espace de quelques mètres carrés un peu plus vivable. Ce n'était pas grand-chose, mais c'était une question de fierté, la dernière qui lui restait.

Il tentait de dépoussiérer son matelas en le soulevant puis en le tapotant maladroitement, malgré le froid mordant qui raidissait ses doigts. Parfois, il pliait soigneusement le pauvre plaid râpé qui lui servait de couverture, bien qu'il finisse toujours par le reprendre pour se réchauffer. La prison était glaciale. Un froid implacable et omniprésent, qui semblait s'infiltrer dans sa peau, dans ses os, et même dans son esprit.

Assis au bord de sa couche, la couverture enroulée autour de ses épaules, il fixait le plafond de pierre brute. Les stalactites de salpêtre qui s'y formaient, les ombres vacillantes des lanternes au loin, tout cela occupait ses pensées sans vraiment les captiver. Avant d'être ici, il n'avait jamais imaginé qu'il poserait un jour les pieds dans une prison, et encore moins à Azkaban. Qui pourrait même le concevoir ?

Les récits terrifiants sur cet endroit hantaient son enfance. Sa mère, dans ses rares accès d'autorité, avait un jour plaisanté en disant qu'elle l'y enverrait s'il continuait ses bêtises. À présent, Drago se demandait si elle ne se consumait pas de culpabilité d'avoir un jour osé émettre cette menace. Pauvre maman.

Ses yeux se perdirent un moment sur les parois sombres de la cellule, avant d'être attirés par de faibles éclats de lumière au loin. Il s'était peu à peu habitué au rythme implacable de la prison. Cela ressemblait à une vie parallèle, un cauchemar dont il ne pouvait pas se réveiller, comme s'il avait toujours été ici. Mais cette résignation n'était pas une victoire pour lui : on n'avait peut-être pas extirpé ses secrets, mais on avait brisé quelque chose d'essentiel en lui.

Il ne réfléchissait plus clairement. Son esprit se noyait dans une brume constante, et le moindre bruit le faisait sursauter. Comme un chiot maltraité, il reculait toujours plus profondément dans le coin de sa cellule dès qu'un geôlier en franchissait le seuil. Il avait appris à craindre tout le monde ici, et ce n'était pas sans raison.

Sa première semaine à Azkaban avait été un enfer. Les coups étaient venus de partout. Les geôliers, pleins de rancune envers les Mangemorts, avaient vu en lui un exutoire parfait pour leur haine. Drago n'était qu'un bouc émissaire, un symbole de tout ce que la guerre avait laissé de plus amer.

Mais ce n'était pas tout. À son grand désarroi, on avait parfois autorisé d'autres détenus à entrer dans sa cellule. Les règles étaient simples : ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient de lui, pourvu que son visage reste intact. Cette cruauté calculée le hantait encore. Dans ces moments-là, il comprenait ce que signifiait porter le nom Malefoy. Il n'était pas une personne, juste l'héritier d'un empire de haine.

Cependant, au milieu de ce tourbillon de violence et de mépris, il y avait quelques exceptions, aussi rares qu'inattendues. Drago avait entendu certains gardiens murmurer en sa faveur. Ils n'étaient pas nombreux, mais leurs mots le touchaient plus qu'il n'aurait osé l'admettre. Ils disaient qu'il était trop jeune pour être ici, qu'il n'avait pas sa place parmi ces monstres, que même Voldemort n'aurait pas fait preuve d'autant de cruauté à l'égard d'un de ses ennemis.

Ces paroles, bien que faibles et isolées, étaient comme une bouffée d'air dans l'atmosphère suffocante d'Azkaban. Mais elles ne changeaient rien. Il était seul, livré à un monde qui le considérait comme une proie ou comme un monstre, selon les jours.

Drago fixa le mur de sa cellule, là où la pierre s'effritait lentement, comme si même la prison ne pouvait supporter le poids des années. Était-il un monstre ? Cette pensée revenait chaque fois que le silence tombait, oppressant, et que les voix des autres prisonniers se taisaient.

Un monstre… Est-ce ce que je suis ? Est-ce que c'est ce que j'ai toujours été ? Ses doigts maigres trituraient le bord effiloché de sa couverture, nerveusement. Il se souvenait des regards glacés qu'on lui jetait dans les couloirs des soirées mondaines, ces murmures qu'il avait prétendu ignorer. "Regarde-le, un autre Malefoy… Comme son père." Il avait pris ça comme une sorte de fierté, à l'époque. C'était ce qu'on attendait de lui, non ? Qu'il incarne cette supériorité arrogante. Mais ici, dans l'obscurité, il se demandait : Est-ce qu'ils avaient raison ? Est-ce que j'étais déjà irrécupérable, même à ce moment-là ?

Il repensait à Harry Potter, ce héros de pacotille qu'il croisait parfois dans les salons. Toujours entouré, toujours scruté comme un phénomène rare. Drago avait voulu le mépriser, comme son père le lui avait appris. Mais il n'y arrivait pas tout à fait. Il s'en voulait de ne pas pouvoir détacher de son esprit cette image de Potter, debout comme une forteresse, inflexible même dans la lumière crue du jugement public. Pourquoi lui et pas moi ? Pourquoi est-ce que lui semble si… pur ? Moi, je n'ai que des cendres dans la tête. Peut-être que c'est ça la différence… Peut-être que je suis né pour être ce que je suis.

Sa gorge se serra à cette pensée. Il recula contre la paroi de la cellule, ses genoux ramenés contre lui, cherchant un semblant de chaleur. Mais alors pourquoi… pourquoi est-ce que j'ai peur ? Si je suis un monstre, je ne devrais pas ressentir ça. Les monstres ne regrettent rien, n'est-ce pas ? Ils ne s'arrêtent pas pour réfléchir. Alors pourquoi je ne peux pas m'empêcher de repenser à tout ça ? À ces gens que j'ai blessés. À ces choses que j'ai faites…

Il serra les poings, ses ongles s'enfonçant dans sa peau. Arrête ça. Ils n'avaient qu'à être plus forts. C'est ce qu'on m'a appris. Ce que père m'a appris. Mais… était-il vraiment fort, lui ? Lucius n'était-il pas juste un lâche qui cachait ses faiblesses sous de beaux habits et des alliances bien placées ? Et moi… moi, je ne suis qu'un gamin qu'il a jeté dans la gueule du loup. Oui, c'est ça. Ce n'est pas ma faute. Pas complètement. Mais alors pourquoi… pourquoi est-ce que je me sens si sale ?

Il passa une main tremblante sur son visage. Ses yeux brûlaient, mais les larmes ne venaient pas. Pas ici. Pas à Azkaban. Les pleurs, c'était pour les faibles, et il s'était promis qu'il ne leur donnerait pas ce plaisir. Ils veulent que je sois brisé. Ils veulent que je m'effondre. Mais si je fais ça, alors je ne vaux vraiment rien. Pas plus que ce que père disait que je valais. Alors non. Je tiendrai. Je tiendrai même si je ne sais pas pourquoi. Même si je suis un monstre.

Et pourtant, au fond de lui, une petite voix murmurait, insidieuse : Mais si tu tiens, Drago… est-ce parce que tu es fort ? Ou parce que tu refuses d'admettre ce que tu es devenu ?

Au loin dans les couloirs, quelque chose résonna. Un hululement ou une plainte. Drago ne l'entendit pas ou plus. L'habitude du sordide le rendait sourd au reste du monde.

. . .

Les introspections de Drago tournaient en boucle, comme un serpent qui se mord la queue. Depuis qu'il était enfermé ici, elles ne menaient nulle part. La notion du temps lui avait échappé. À Azkaban, c'était volontaire : on ne parlait jamais du temps qui passe, ni aux prisonniers ni entre les geôliers. C'était une autre forme de torture, un moyen de les laisser se noyer dans une marée infinie de secondes, longues et cruelles, pareilles à une mort suspendue.

Quelques jours après une séance particulièrement éprouvante – une ultime tentative pour arracher à son esprit les informations qu'on espérait avant la venue d'Harry Potter – la porte de sa cellule s'ouvrit. Un geôlier apparut dans l'embrasure, le visage fermé.
— Lève-toi, ordonna-t-il d'une voix tranchante.
Drago obéit lentement, s'appuyant au mur pour se hisser debout. Ses jambes tremblaient sous son poids, aussi léger qu'il fût devenu. Une douleur le lançait au niveau des côtes, vestige des récents châtiments. Reste droit. Montre-leur que tu tiens encore.

Le geôlier s'effaça et, dans l'ouverture béante de la cellule, entra le directeur de la prison. Drago le reconnut immédiatement, malgré l'étrangeté de son visage. La première fois qu'il avait vu cet homme, c'était le jour de son arrivée ici, lorsqu'ils avaient tenté pour la première fois de forcer l'entrée de ses pensées.

La figure du directeur était un paradoxe. Un gouffre de visages qu'on oubliait aussitôt qu'on les voyait. Un sortilège protégeait ses traits, empêchant quiconque de les retenir. Ce flou l'entourait d'une aura de mystère presque irréelle. C'était là une mesure de sécurité, préservant le directeur et ses prédécesseurs de toute vengeance. Hors des murs d'Azkaban, il n'était qu'un anonyme perdu dans la foule – si toutefois il quittait jamais l'île.

Certains matons murmuraient qu'ils ne l'avaient jamais vu prendre le ferry. Peut-être qu'il ne part jamais, songeait Drago. Azkaban, avec ses murs gorgés de magie noire et ses habitants déments, semblait avoir son propre pouvoir d'attraction. Même ceux qui y travaillaient finissaient par être happés, incapable de s'imaginer ailleurs. Ou alors était-ce qu'une fois digéré le quotidien au milieu des pires monstres de ce monde, tout ce qui se trouvait hors de ces murs semblait fade, absurde.
— Drago Malefoy ! lança le directeur d'un ton enjoué. Heureux de voir que vous tenez encore debout, mon garçon.
Cette bonhomie insolente le frappa comme une gifle. Drago resta silencieux, figé. Ses yeux fixaient intensément le visage de l'homme, luttant pour capturer ses traits avant qu'ils ne s'évanouissent de sa mémoire comme un mirage.
— Je viens m'enquérir personnellement de votre santé, poursuivit-il, feignant une sollicitude cordiale. Le traitement de la prison est exigeant, je ne vous le cacherai pas. Mais vous semblez aller… relativement bien, n'est-ce pas ?
Le silence de Drago était plus éloquent que n'importe quelle réponse. Son corps amaigri, ses lèvres sèches, ses yeux cernés de fatigue criaient ce que lui refusait de dire.
Le directeur reprit, imperturbable :
— Vous allez avoir la chance de prendre un bain. Enfin… un membre du personnel s'en chargera, comme le veut la coutume ici.
Un bain. Drago n'en avait pas pris depuis son arrivée, et l'idée d'être manipulé comme un objet par des mains étrangères ne lui inspirait aucune forme de soulagement. Une autre humiliation, voilà ce que c'est. Rien de plus.
Il se redressa un peu plus, malgré l'élancement dans son dos. Ses pensées tourbillonnaient : Pourquoi maintenant ? Pourquoi cette soudaine attention ? Mais il n'eut pas le courage de parler. Le visage impénétrable du directeur lui répondait par un mutisme bien plus angoissant que ses mots affables.
Il cligna lentement des yeux, essaya de regarder par-dessus la silhouette du directeur qui barrait l'entrée de la porte. Il ne savait pas pourquoi il s'attardait encore. Avait-il autre chose à dire ? Avait-il encore quelque chose à tirer de sa carcasse de douleur et d'épuisement ?

Le directeur le fixait justement, laissant ses yeux courir sur lui avec une attention calculée. Il n'éprouvait aucune pitié, bien sûr. La prison ne laissait pas de place pour ce genre de sentiment. Et pourtant, il y avait chez ce garçon quelque chose d'indéniablement fascinant, même dans son état de délabrement. Son corps amaigri trahissait sa faiblesse, sa posture voûtée parlait d'un esprit brisé, mais il y avait toujours cette étincelle dans ses yeux. Une lueur étrange, presque incongrue dans ce lieu de déchéance. Ce n'était ni de la rébellion ni de l'arrogance, mais une sorte de défi sourd, un rappel que tout n'avait pas encore été consumé.

Le directeur comprenait alors l'agacement de ses troupes devant ce jeune Malefoy. Azkaban avait le don de réduire tout ce qui y entrait à un état de laideur uniforme, de ronger jusqu'à l'essence même de ce que ses captifs avaient été. Mais Drago Malefoy, malgré sa silhouette effondrée et ses traits tirés, conservait une forme de présence. Ce n'était certes pas sa beauté d'antan, éclatante et fière, mais quelque chose de plus subtil. Ses yeux gris gardaient une profondeur qui accrochait le regard, presque comme un reproche silencieux.

Un gamin qui attire encore l'attention, même dans un tel trou à rats, songea le directeur avec une pointe de mépris amusé. Drago n'était plus une figure imposante, mais il restait une anomalie, une note dissonante dans cet univers de ruines humaines. Cela ne changerait rien, bien sûr. Qu'il garde une ombre de ce qu'il avait été ne l'empêcherait pas de sombrer, lentement mais sûrement. Même si cela prenait plus de temps que pour un autre, il coulerait. Peut-être que le bain serait une première manière de calmer ses yeux de tempêtes.

. . .

Après l'étrange visite du directeur, Drago fut traîné sans aucune délicatesse à travers les couloirs de la prison. Il croisa les regards vides de quelques ombres humaines, des prisonniers auxquels appartenaient l'enfilade de gémissements qui résonnait dans l'air. Un frisson de terreur le parcourut lorsqu'il songea que cette prison abritait trop de monstres vivants du monde sorcier, des êtres que la société aurait préféré oublier. Et si un jour les sortilèges de protection cédaient ? Ces créatures, zombies gorgés de magie noire, se répandraient dans le monde comme un raz-de-marée de chaos.

Mais cette pensée fugace s'effaça vite, noyée dans l'angoisse immédiate. Il arriva bientôt dans une pièce qui prétendait être une salle d'eau, mais qui évoquait davantage une salle de torture. Les murs délabrés entouraient un amoncellement d'équipements : des baignoires rouillées, des seaux cabossés, un simulacre de douche. Une rangée de vasques sales complétait ce tableau sinistre. Deux personnes, vêtues comme des internes de Sainte-Mangouste, enfilaient des gants en caoutchouc, alignant avec soin des fioles sur un chariot métallique. Drago comprit immédiatement qu'ils portaient ces protections non pas par souci d'hygiène, mais pour se préserver de la bête crasseuse qu'il représentait à leurs yeux.

Poussé au centre de la salle, il reçut un ordre sec :
— Déshabille-toi.
Drago ne bougea pas. L'injonction ne semblait pas atteindre son esprit engourdi, ou peut-être s'y heurtait-elle avec une violence trop brute pour être comprise. Il faisait froid. Si froid. Retirer sa pauvre tenue de prisonnier semblait une demande impossible.
— Drago Malefoy, répéta l'un des gardiens, la voix plus dure. Déshabille-toi. Ne nous oblige pas à le faire pour toi.
Un autre frisson le traversa, mais il resta figé, hébété. Ce n'est que lorsqu'une main ferme se posa sur son épaule qu'il s'anima brusquement, luttant contre son inertie.
— Je… Je peux le faire tout seul, balbutia-t-il, le souffle court.
Ses doigts, tremblants de froid, de honte et d'un mélange indéfinissable de peur et de désespoir, se portèrent à sa chemise. Il défit les boutons un à un, lentement, comme pour retarder l'inévitable. Enfin, il retira le vêtement avec soin, serrant le tissu contre lui dans une tentative vaine de cacher son corps maigre. Il était couvert d'ecchymoses.

On le pressa de continuer. Il obéit, retirant son pantalon sans protester, mais avec une lenteur douloureuse. Quand vint le moment de se défaire du reste, ses mouvements se figèrent de nouveau. Le dernier rempart de dignité qu'il possédait lui semblait insurmontable à franchir. L'humiliation écrasait sa volonté, et pourtant, dans cette pièce glaciale et sombre, il savait qu'il n'avait aucun choix.

Au bout d'un temps qui lui sembla s'étirer à l'infini mais qui ne dura en vérité qu'une minute, Drago se retrouva totalement nu, exposé à leurs regards et leurs moqueries. Les remarques ne tardèrent pas. Il les entendit, mais elles glissèrent sur lui sans vraiment l'atteindre. Ils parlaient de son corps amaigri, de sa virilité flétrie, mais cela lui importait moins qu'il ne l'aurait cru. Ce corps, à ses yeux, ne lui appartenait plus. Le Drago qu'il avait été, ce garçon fier et gracieux, appartenait à un passé irrévocable. Il sentit une brûlure monter en lui, une envie de pleurer qu'il réprima avec toute la force qui lui restait.

On l'obligea à monter dans une baignoire vide. Une trombe d'eau glaciale s'abattit sur lui, coupant sa respiration et envoyant des éclats de douleur jusque dans ses os. Il s'efforça de ne pas crier, mais ses tremblements incontrôlables trahissaient son état. Heureusement, il semblait qu'on tenait à ce qu'il reste en vie et dans une apparence vaguement acceptable. L'eau tiède, puis chaude, succéda à cette douche brutale, l'apaisant peu à peu.

Sans ménagement, les deux personnes vêtues de blanc commencèrent à le frotter et le laver. Leurs gestes étaient mécaniques, presque agressifs. Ils le décrassaient comme un objet trop sale, le réduisant à une chose dépourvue de dignité. Les savons enchantés qu'ils utilisaient dégageaient des effluves âcres, proches du désinfectant. Rien à voir avec les luxueux produits auxquels il avait été habitué autrefois, au manoir Malefoy. Sa peau commença rapidement à le brûler, une réaction violente aux substances antiseptiques. Chaque frottement arrachait une couche supplémentaire de lui-même, comme s'ils cherchaient à effacer ce qui restait de Drago Malefoy.

Quand enfin ils eurent terminé, il se sentit à bout de forces. Ses jambes flageolaient sous lui, et il dut se retenir au rebord de la baignoire pour ne pas s'effondrer. Une serviette rêche lui fut jetée avec un ordre sec :
— Sèche-toi.
Les sortilèges auraient pu faire l'affaire, mais à Azkaban, la magie était étroitement surveillée et réduite à l'essentiel. Se sécher à la main, avec lenteur, était une autre forme d'humiliation, une manière de rappeler aux prisonniers qu'ici, même le plus simple des conforts leur était retiré.
Drago s'exécuta, mais ses mouvements étaient douloureux et maladroits. Son épiderme, irrité par le bain, brûlait comme s'il avait été plongé dans du feu. Une fois séché, on lui tendit une tenue propre, presque neuve. Il resta un instant interdit, serrant le tissu entre ses doigts sans comprendre. Pourquoi cette soudaine attention ? Ce traitement de faveur, si l'on pouvait appeler cela ainsi, n'avait aucun sens.
— Habille-toi, Malefoy, lança un des geôliers avec un rictus moqueur. À moins que tu ne sois devenu un peu trop à l'aise, nu comme un ver.
L'insinuation le fit rougir de honte. Pressé de leur obéir, il enfila la tenue en hâte, mais dans sa précipitation, il manqua de trébucher sur ses propres pieds. Sa maladresse provoqua un rire étouffé, mais Drago se contenta de baisser les yeux, concentré sur un point imaginaire au sol. Le goût amer de l'humiliation semblait lui coller à la bouche, un fardeau de plus qu'il porterait dans cette interminable journée. Jamais de sa vie il n'avait eu autant envie de retourner à sa couche.

Il fut extrait de la pièce, propre comme un sou neuf, et bien qu'il n'ait pas retenu le chemin, il comprit qu'on le ramenait à sa cellule. Mais une nouvelle surprise l'y attendait : son lit en lambeaux et sa couverture déchirée avaient été remplacés. À la place trônait un matelas surélevé, accompagné d'une véritable couverture, presque une couette. Il resta figé sur le seuil, les sourcils froncés, incapable de comprendre. Trop de faveurs, beaucoup trop pour ne pas éveiller son inquiétude.
— Couché, Malefoy, lança l'un des geôliers, d'un ton sec et méprisant, comme s'il s'adressait à un chien.
Drago hésita. Une peur illogique mais viscérale : et si le moindre mouvement de sa part déclenchait un sortilège ou un coup imprévisible ? Son immobilité fit perdre patience au geôlier, qui le poussa violemment. Drago s'effondra sur le nouveau lit, ses coudes s'enfonçant dans la douceur inhabituelle du matelas.
— Tu es sourd ? J'ai dit couché !
Cette fois, Drago rampa, obéissant comme une bête battue, et s'allongea. Son regard, rempli d'une méfiance glaciale, ne quittait pas son geôlier.
— Ne bouge pas de là. Et n'essaye même pas de te rouler dans la crasse, c'est compris ?
Drago hocha la tête, docile. Il n'avait plus la force ni le courage de répondre autrement.

Une fois seul, il resta allongé dans le lit, profitant à contrecœur de ce luxe inattendu. La couverture, même de qualité modeste, sentait autre chose que l'humidité ou la moisissure. Une odeur de lessive âpre, mais propre, s'en échappait. La cellule elle-même semblait plus salubre : les murs paraissaient avoir été brièvement nettoyés, et l'air était moins oppressant.
Il tira la couverture jusqu'à son nez. Son regard erra dans la pièce, explorant les moindres recoins, à la recherche de quelque chose de familier ou d'explicable.
S'il aurait dû se sentir soulagé, peut-être même reconnaissant pour ce confort inattendu, une terreur sourde naissait en lui. Ce traitement de faveur, cette attention inhabituelle... Cela ne présageait rien de bon. Était-ce ainsi qu'on préparait un prisonnier avant son exécution ? Un dernier semblant de dignité avant de le conduire à sa perte ?

. . .

Bien qu'il restât sur ses gardes, personne ne vint lui retirer ni son lit, ni ses vêtements neufs. Pourtant, la vie à Azkaban ne laissait aucun répit. On revint le chercher, cette fois pour l'emmener dans une salle d'interrogatoire froide et austère. Devant lui, on posa un bol fumant rempli d'une bouillie grisâtre à l'odeur fade et chimique. Elle semblait tout sauf comestible.
— Mange, Malefoy, ordonna l'un des gardiens.
Drago hésita. Le simple regard qu'il posa sur la mixture le rendait nauséeux, mais il finit par se résigner. À la première cuillerée, il faillit vomir. Le goût était indescriptible, un mélange d'amertume et de fer, et la texture épaisse lui retournait l'estomac. Il baissa les yeux vers le bol, incapable d'en avaler une deuxième bouchée, mais les geôliers n'étaient pas décidés à le laisser partir tant qu'il n'aurait pas fini.
Les hurlements commencèrent.
— Mange !
Quand il s'entêta à refuser, la patience des gardiens s'effrita. On le secoua, on le menaça, mais rien n'y fit. Finalement, l'un d'eux perdit son calme, attrapa violemment Drago et força ses mâchoires à s'ouvrir.
— Avale ça, espèce de petite princesse !
La bouillie lui fut poussée dans la bouche, mais il la recracha presque aussitôt, des larmes de douleur roulant sur ses joues. La substance visqueuse dégoulina sur ses vêtements propres, tachant la tenue qui lui semblait encore étrangère.
Les gardiens échangèrent des regards excédés.
— Tu vas voir, on va te gaver comme une oie !
Drago, encore prostré sur sa chaise, tenta de se replier sur lui-même lorsqu'il vit l'un des gardiens revenir avec un entonnoir en métal au bout d'un tube.
— Non ! Non ! Non, je ne veux pas ! protesta-t-il en se débattant, sa voix brisée par la peur.
— Ce que tu veux, Malefoy, ça n'a pas d'importance ici, répliqua le geôlier avec un sourire cruel. Par contre, ce que tu vas faire, c'est manger.
On l'attrapa, on le força à s'adosser contre le dossier de la chaise, lui maintenant la tête en arrière dans une position douloureuse. Un autre gardien força ses mâchoires serrées à s'ouvrir, tandis que l'entonnoir lui était enfoncé dans la bouche. L'air lui manquait. La bouillie lui fut versée directement dans la gorge, brûlante et écœurante. Il avala par réflexe, incapable de respirer normalement, et ses convulsions étaient ignorées.

Quand enfin ils retirèrent l'entonnoir, Drago cracha la moitié de ce qu'ils avaient essayé de lui faire avaler. Sa poitrine se soulevait difficilement, son visage était rouge et couvert de larmes.
— Tu vas bouffer ton vomi, espèce de sale ingrat ! rugit l'un des gardiens, visiblement à bout.
Un autre, plus calme, posa une main ferme sur l'épaule de son collègue.
— Laisse-le. Ça ne sert à rien. Tu vois bien qu'il ne peut pas avaler ça.
— Tu plaisantes ? On est là pour avoir pitié ! Il mangera ce qu'on lui donne, point !
Mais l'autre secoua la tête, son ton bas mais sans appel.
— Continue comme ça, et tu vas juste aggraver les choses. On trouvera une autre solution…
Le premier geôlier recula à contrecœur, ses poings serrés de frustration. Drago, toujours tremblant et haletant, n'osait plus bouger, craignant qu'ils ne reviennent à la charge.
— Pour l'instant, c'est suffisant, marmonna le plus calme des deux gardiens, jetant un regard appuyé à son collègue.
Mais il tourna ensuite son attention vers Drago, qui essayait de se fondre dans sa chaise, le corps tendu comme une corde d'arc.
— Écoute bien, Malefoy, déclara-t-il d'une voix froide. Cette bouillie, c'est tout ce que tu auras à manger les prochains jours. Si tu persistes à faire la fine bouche, on s'assurera que tu ne sois plus capable de recracher. Ni par la bouche, ni autrement.
La menace, terrifiante dans sa simplicité, laissa Drago figé sur place, la respiration saccadée.

On le débarrassa de son haut souillé, lui en fournissant un autre, propre mais tout aussi rugueux que le précédent, avant de le reconduire à sa cellule. Là, on le laissa seul, la porte claquant derrière lui avec un bruit sourd.

Les repas suivants furent apportés directement dans sa cellule, avec une régularité oppressante. Toujours cette même bouillie infâme, servie tiède dans un bol cabossé. Drago en vint à redouter chaque fois que la trappe s'ouvrait, mais il n'avait plus le choix. Il savait que refuser aurait des conséquences bien pires.

S'il trouvait toujours ignoble cette mixture au goût métallique et à la texture granuleuse, il lui reconnut bientôt des effets surprenants. Elle calmait la faim lancinante qui le tenaillait depuis des semaines. Plus encore, il commença à sentir son corps, d'ordinaire endolori en permanence, s'apaiser légèrement. Ses muscles, bien que toujours maigres, semblaient moins proches de se rompre à chaque mouvement. Il ne pouvait ignorer que cette étrange préparation devait contenir des substances réparatrices — probablement des médicaments ou des super-aliments magiques conçus pour le maintenir en vie.

Mais pourquoi cherchait-on à le remettre sur pied ? Drago ne voyait là qu'une logique cruelle : peut-être voulait-on le préparer pour mieux le briser plus tard. Cette pensée ne le quittait pas et serrait son estomac à chaque bouchée. Pourtant, il ne pouvait nier qu'il tirait un certain soulagement de ces repas et de l'étrange confort qu'on lui avait accordé. La propreté des draps, la relative chaleur de sa couverture, l'atténuation de ses douleurs… Tout cela lui donnait l'impression fugace d'un mieux-être. Il se sentait presque revivre.

Mais ce mieux-être était dangereux. Drago savait qu'il ne pouvait rien accepter ici sans qu'il y ait un prix à payer. Il pria que ce prix ne soit pas plus horrible que ce qu'il avait déjà enduré.


Si le coeur vous en dis, n'hésitez pas à lâcher vos avis.
Je suis assez curieuse de savoir si le rythme vous va ou non ?
Je sais qu'en lecture de fanfics, on a tendance à courir pour les moments tendax entre nos deux loulous préférés...
Dans le choix des ronces j'appuie énormément sur le balancement mental de Drago & d'Harry...