Bonnes fêtes & fin d'année à tous :)


LE CHOIX DES RONCES

Chapitre 6

L'être humain a une capacité d'adaptation assez folle. De la gloire à la chute, il peut se modeler à son environnement, ce que d'autres organismes sont incapables. Mais si Drago paraissait vivant malgré les traitements qu'il subissait, Harry de retour en ville se disait qu'il y avait tout de même des limites.

Ce qu'il avait entrevu des pensées brumeuses de Drago, l'obsédait. Cela l'avait tellement marqué qu'il avait oublié que sa seconde venue à Azkaban devait avorter la moindre parcelle de sollicitude.

Dix-huit ans, pensa-t-il, il n'a que dix-huit ans. Qu'est-ce que j'ai foutu, pourquoi je n'ai pas agi dès ma première visite là-bas. J'aurai dû me douter que ça merderait. J'aurai dû le savoir.

La culpabilité qu'il ressentait lui nouait l'estomac. Il se demanda si aller voir Dumbledore tout de suite pour tout lui raconter était une bonne idée. Il avait promis à Drago qu'il le sortirait de là envers et contre lui-même. Mais comment procéder ? Dumbledore aurait-il une solution ?

Il pensa alors à Hermione. Elle avait toujours de bonnes idées, elle. Elle connaissait les arcanes administratives mieux que personne. Peut-être qu'elle saurait trouver la faille dans sa détention, le faire sortir des murs d'Azkaban.

Il lui envoya un message express par hibou. Il n'expliqua pas vraiment la situation, mais lui dit qu'il avait besoin de la voir urgemment.

Il rentra chez lui, se prit une douche et se posa dans son salon, l'oeil dans le vague. Il était plus épuisé qu'après une journée de travail chez les Aurores. Courage mon pote, se dit-il en souriant, un peu amer. T'as le luxe de te plaindre, toi. D'autres ne l'ont pas, hein…

Hermione passa chez lui après sa journée de travail. Elle retira sa veste et Harry prépara des boissons. Avant d'entrer dans le vif du sujet, il eut la délicatesse de lui demander comment s'était passée sa journée, si elle allait bien. Hermione répondit sans se presser, avachie dans le canapé. Puis, une fois que ce small talk les eut suffisamment détendu, elle lui demanda ce qu'était que cette urgence :
– J'y ai pensé toute la journée, tu sais ? Pour que tu me dises qu'un truc est aussi urgent… ? Que se passe-t-il ?
Harry inspira profondément. Il avait tourné et retourné la manière de lui annoncer la chose :
– C'est au sujet de Drago Malefoy.
Elle se redressa dans le canapé, attentive.
– Tu sais qu'il est à Azkaban et que j'ai l'autorisation d'aller le voir pour tenter de percer les mystères de sa cervelle de Serpentard… Chose que les Détraqueurs là-bas sont incapables de faire.
– Oui, oui, dit-elle d'un geste de la main pour englober cette histoire étonnante qu'il lui avait déjà raconté. Mais alors quoi ? Tu as découvert quelque chose d'important ? De dangereux ?
– Je… Je sais pas comment le dire. Je ne sais pas si je peux le dire…
Il se passa une main sur le visage et se leva de son fauteuil pour rejoindre Hermione dans le canapé.
– Il vit des trucs horrible là-bas.
– Harry… C'est Azkaban, c'était évident qu'ils lui feraient quelque chose…
Si Hermione était assez réaliste sur la situation supposée de Malefoy dans les murs de la prison, elle n'imaginait ni ne voulait imaginer en fait, ce qui se passait. Drago Malefoy restait une chose lointaine dont elle n'avait pas envie de se préoccuper. Un fils de Mangemort qui ne méritait pas qu'on s'y attarde.
– Oui mais ça dépasse tout ce que je peux imaginer, moi.
– Très bien, dit-elle tranquillement. Et quoi Harry, hum ? Il est un détenu de haut niveau, il possède des informations capitales, selon ce que croit le Ministère… Qu'attends-tu de sa détention ? Qu'on l'installe dans une suite de luxe ? Encore une fois, c'est d'Azkaban dont on parle…
– Tu ne comprends pas…
– Tu ne m'expliques pas, contra-t-elle.
– J'ai fouillé ses souvenirs les plus récents, ce qu'ils lui ont fait, avoua-t-il.
Hermione ferma un instant les yeux, pinça les lèvres.
– Tu n'aurais pas dû… Il y a une différence entre constater le mal et le tirer à soi. Pourquoi tu te compliques la tâche Harry ? Comment vas-tu faire maintenant…
– Écoute j'ai pas pu m'en empêcher, voilà. Il était dans un état tellement lamentable. Maigre et… Son visage Hermione, son expression. Il était au bord du gouffre, de la mort. Physiquement et mentalement et franchement… Quand j'ai lu son esprit, j'ai compris pourquoi.
– Dis-moi ce que tu as vu.
Elle posa une main sur son épaule, sentant qu'Harry avait besoin de confier à quelqu'un le poids de ces images. Tout seul, il ne supportait pas.
– Ils le rouent de coups… Souvent. Des humiliations diverses, mais… Hermione, ils ont fait pire que ça. Je sais pas comment le dire, je ne sais pas…
Il secoua la tête, incapable. Hermione pas stupide pour un sou, serra sa main, légèrement.
– Ils l'ont abusé, c'est ça que tu n'oses pas dire ?
Il hocha vaguement la tête. Elle soupira et caressa son dos.
– Je ne suis pas étonnée… C'est presque tacite ce genre de situations… Il est jeune, il doit encore avoir un certain charme et surtout il est au carrefour du mépris de tous.
– Moi. Moi je n'aurais jamais fait une chose pareille. À personne.
– Il y a des gens qui portent leur lâcheté bien haut, Harry… J'imagine qu'à présent tu veux le sortir d'Azkaban ?
– Ouai.
– Je m'en doutais hein… Et tu veux mon aide ? Est-ce que ça vaut le coup tu crois ? Lui plutôt qu'un autre ? Je ne suis pas sûre…
– Il est trop jeune. Et puis, merde quoi… On parle de Drago Malefoy ! Il devrait pas être réduit à terre comme ça. Je préférais encore quand il crachait son venin, là ça en faisait un ennemi de choix ! Maintenant je me sens dégueulasse à l'idée de devoir trifouiller sa cervelle. J'ai pas envie d'être un bourreau de plus.
Hermione l'écouta mais se retint d'enchérir en son sens ou contre. Elle se refusait à quitter son statut neutre. Quelque chose dans cette affaire ne lui paraissait pas clair. De la rapidité de l'incarcération de Drago Malefoy, à l'intervient à point nommé de Harry... Elle n'aimait pas ça du tout, mais n'avait pas non plus envie de s'en mêler. Si ça avait été quelqu'un d'autre, peut-être... Mais contrairement à Harry, elle portait une puissante rancoeur envers les Malefoy et globalement envers ceux qui servaient le mal. Néanmoins, pas empathie non pour Drago mais pour Harry, elle accepta à demi-mot de regarder son dossier, de voir ce qu'elle pourrait faire. Harry se précipita alors pour lui donner le dossier d'Azkaban qu'il avait, avant qu'elle ne change d'avis, la sentant profondément indécise. Il précisa également :
– Personne ne lui rend visite et personne n'a tenté la moindre chose pour le faire sortir, rien, nada.
Hermione feuilleta le dossier d'incarcération, s'attarda sur son portrait, puis leva les yeux sur Harry.
– Il n'y a pas de peine planchée, dit-elle. Ce n'est pas normal… Une garde-à-vue, une peine, bref la prison donne toujours une peine en jours, mois ou années…
– Je n'avais pas remarqué… Tu penses qu'on peut l'utiliser ?
– Sans doute, mais ça sera de longues démarches, un procès à mettre en place… Et si le Ministère a volontairement laissé ce genre de failles traîner, sans doute qu'il ne s'attendait pas à ce qu'on vienne sonner les cloches. Même, il sera plutôt frileux à l'idée de s'expliquer et ce n'est pas l'opinion publique qui donnera grâce à un cas comme Drago Malefoy.
Elle tritura le dossier, pensive. Elle ne voulait pas aider Drago, mais l'idée de laisser mariner Harry, elle ne pouvait pas non plus.
– Honnêtement, ça ne te servira à rien de passer par des voies légales, l'affaire prendrait des proportions impossibles et il se fera sans doute lapider avant de mettre un pied dehors. Mais tu as du poids auprès du Ministère, Harry, remarqua-t-elle. Pourquoi ne vas-tu pas directement demander un recourt ? Avec du culot, qui sait… Ils ne refuseront peut-être pas de d'écouter.
– Dumbledore a dit que le Ministère ferait bouger des montagnes pour moi, alors j'imagine…
Il releva le nez, plus motivé que jamais.
– Ne leur demande pas non plus l'impossible. Ils ne le remettront pas en liberté totale. Par contre… Peut-être que tu pourrais jouer la carte de son état physique ? S'il paraît trop malade pour que tu puisses fouiller ses pensées, sans risquer de le perdre totalement, le Ministère acceptera sans doute un transfert à Sainte-Mangouste. Ça serait déjà pas mal.
– Sainte-Mangouste ? Oui… Oui, ça serait mieux qu'il soit là-bas, dans une section privée.
À présent qu'il avait un axe pour agir, il se sentait mieux.
– Avant de foncer tête baissée là-bas, parles-en à Dumbledore. Un soutient comme lui dans une telle démarche, ce n'est pas négligeable.
– Tu as raison ! J'irai le voir demain, dit-il en se levant, fébrile. Ça m'angoisse de voir les jours passer en le laissant là-bas. J'espère ne pas intervenir trop tard.
– Tu devrais remettre un peu les pieds sur terre tout de même. Je ne te reprocherai jamais ton humanisme Harry, mais en face de toi tu n'as pas un innocent. Il a fait du mal, tu l'as toi-même vu utiliser des sorts interdits.
– Je sais tout ça, je le sais. Mais quoi, oeil pour oeil dent pour dent ? Non, non… Et même si c'était le cas, je crois qu'il a suffisamment payé… Azkaban a détruit ce qu'il était.
– Ce n'est peut-être pas si mal, dit-elle lentement. Que cette prison l'ait brisé pour l'empêcher de perdurer.

Harry fixa son amie d'un oeil sévère. À cet instant, il la trouva horrible.

. . .

Le Ministère ferait bouger les montagnes pour le Sauveur. Cela plaisait à Harry, même si d'habitude il était plutôt mal à l'aise à l'idée de jouir de passe-droit grâce à son statut de héros.

Sur les conseils d'Hermione il retrouva Dumbledore le lendemain et expliqua pour la seconde fois la situation. Il eut l'étrange impression que le vieux magicien était déjà au courant de ses dispositions. Combien de longueurs d'avance avait-il ?

Dumbledore sembla plutôt apte à l'aider et lui dit qu'il contacterait lui-même le Ministère. Cela enleva une grande pression d'Harry qui ne savait pas trop comment aborder le Ministère pour sa part.

En tout cas, pensa-t-il après cette entrevue, il ne lui restait plus qu'à attendre.

Quant à Drago il attendait également, allongé dans son lit de mort, du moins c'est le nom qu'il donnait à sa couche. Non pas la délivrance d'Harry Potter, mais quelque chose de plus évanescent : une morte intérieure, totale, sa disparition.

Les mains croisées sur son ventre, il regardait le plafond de sa cellule. Il aurait voulu avoir autant de présence qu'un mollusque, mais les images jaillissaient dès qu'il tentait de faire le vide. Des traits d'horreur qui s'évertuaient à le maintenir dans une conscience totale de son corps. Il se désespérait de continuer à maintenir le cap. Et Merlin qu'il faisait des efforts pour se laisser glisser dans la plus douce des léthargies !

Il refusait les repas qu'on prenait à présent l'habitude de lui forcer à ingurgiter que ça soit en le tenant fermement à la table, lui forçant chaque cuillère ou, dans les moments les plus cruels, en utilisant l'entonnoir. Le coin de ses lèvres étaient abîmés à cause de ça.

On le força encore à prendre des bains. Il jurerait que ce n'était pas à cause de la venue de Potter mais simplement pour abuser de sa personne dans un état correct. De toute manière ça ne changeait rien. Les si et les peut-être étaient de bien faibles choses à côté de sa réalité.

Puis, un matin, un après-midi ou un soir qu'il plongeait dans le sommeil, un rêve étrange s'empara de lui. Il était un petit garçon d'une dizaine d'années près d'un grand champ. À genoux sur une route de campagne, il se mit à pleurer à chaude larmes. Il était incapable de se contrôler. Sa condition à Azkaban en faisait un enfant brisé au fond de lui, jusque dans ses rêves.

Un double de lui-même vint à lui depuis le pré de l'autre côté de la route. Il se pencha et posa une main sur sa tête.
– Drago, lève-toi voyons…
– Non, non, non, balbutia-t-il, je reste là, j'en… peux plus.
Il ne s'étonnait pas de la présence de ce jumeau. L'autre Drago soupira et s'accroupit, l'observant longuement.
– Qu'est-ce que tu as ?
– C'est trop dur… Les gens… sont trop méchants, j'en peux plus.
– Hum… Je l'ai senti, en effet.
Le garçon leva les yeux vers le ciel et posa une main sur son épaule, caressante.
– Si tu te lèves et que tu viens avec moi… Si tu prends le bon chemin, je pourrais t'aider.
Drago renifla et leva ses yeux pleins de larmes vers lui.
– Comment ? Et il va où ce chemin ?
– Viens.
Patiemment son double l'aida à se relever et lui fit un câlin. Ce n'était pas enfantin, c'était une étreinte forte, presque adulte. Drago se sentit bêtement rassuré contre lui. Ce double avait l'air d'avoir beaucoup plus de force physique et mentale que lui.
– Viens, répéta-t-il.
Il passa un bras autour de ses épaules et le guida jusqu'à l'orée de la forêt. Drago voyait ce décor pour la première fois lui semblait-il, pourtant tout lui était familier. Était-il déjà venu là ? Même les deux chemins ne l'étonnèrent pas.
– Prends le bon chemin, murmura-t-il.
Drago les regarda. Un frisson le parcourut en fixant le chemin à droite, celui de terre. Il sentait une ombre se terrer dans le fond du bois. Il regarda celui de ronces, peu amène également, mais il ne lui inspirait pas cette peur féroce. Il commença à le pointer, mais l'autre Drago lui prit la main et le regarda sévèrement.
– Pas ce chemin.
– Il y a quelque chose de mauvais tapis dans l'autre, murmura-t-il.
– Tu te fais des idées !
– Non, je jure que…
Son double perdit patience et le tira vers le chemin de terre. Drago protesta, refusant coûte que coûte de le suivre. Ils jouèrent des mains à l'orée de la forêt et Drago se fit malgré lui traîner. Ils arrivèrent au pied du chemin. Son double se mit derrière lui et le poussa violemment. Drago tomba par terre. Il se redressa, à quatre pattes et regarda droit devant, dans la pénombre du bois. Une ombre le fixait d'un oeil menaçant et pourtant invisible. Il aurait voulu reculer, mais il n'y arrivait pas. Il était totalement tétanisé.

Combien de temps resta-t-il là, à quatre pattes ? Il n'en savait rien, mais depuis le sol se souleva une brume grisâtre, chaude. Il parvint à se redresser, restant à genoux et chercha l'autre garçon, par-dessus son épaule. Il était tout seul. Pire, derrière lui le bois s'étendait à perte de vue.

Une purée de pois l'entoura bientôt. Il n'y voyait absolument rien. Il se cacha le visage de ses mains et doucement se mit debout. Drago sentit bientôt une présence, lourde. Cela l'entourait de toute part. Un visage s'imposa à lui, sans qu'il ne parvienne à en retenir les traits. Il cligna des yeux.
– Qui êtes-vous ? s'entendit-il murmurer.
Personne ne lui répondit. Par contre, au mouvement de ses lèvres, la brume s'infiltra et l'étouffa. Il retomba au sol et posa ses mains sur sa gorge, grattant. Il était en train de mourir !

Il se réveilla brusquement dans son lit, respirant comme un noyé. Les yeux exorbités, il fixa l'alentour. Il était dans sa cellule, rien n'avait changé. Par contre, une douleur fulgurante le saisit au niveau du bras gauche, là où il y avait la marque du mal. Il se tint le bras et le découvrant enfin, il jura voir le serpent se mouvoir sous sa peau, ses écailles qui décollaient lentement l'épiderme pâle de son avant-bras. Il hurla.

Son hurlement si impressionnant et rare, fit aussitôt venir des gardiens. On ouvrit à la volée sa porte, pour le retrouver en train de se frotter le bras, comme un fou. Il fallut le maintenir pour qu'il cesse. Rien ne calma sa détresse si ce n'est un geôlier qui arriva avec une potion de sédation. Drago cria qu'il n'en voulait pas. On le força à sentir et avaler cette mixture. Il retomba bien vite comme un mort dans sa couche.

Que s'était-il passé ? Personne ne le comprenait, mais le directeur fut aussitôt prévenu. Il se dressa de toute sa hauteur dans le fauteuil.
– Ce n'était vraiment pas le moment pour cette esclandre, maugréa-t-il.
Il reposa la lettre qu'il tenait entre ses mains. Il venait de recevoir un courrier du Ministère qui, par l'intermédiaire de Dumbledore et d'Harry Potter, avait ouïe dire que la condition de Drago Malefoy s'était beaucoup trop dégradée pour permettre un travail de fouille dans sa conscience. Un agent du Ministère allait venir dès le lendemain pour faire un rapport sur son état. Ça allait être délicat de fournir des explications correctes, surtout si maintenant Malefoy se mettait à hurler à la mort dans sa cellule. Cela dit, ça tombait étrangement bien.
– Faites en sorte qu'il aille mieux pour demain. On a une visite surprise du Ministère. Je ne veux pas que Drago Malefoy continue son petit jeu.
Le gardien en face de lui leva les mains, l'air de dire que ça allait être difficile.
– On va faire de notre mieux monsieur le Directeur.
– Non, vous allez le faire, c'est tout. Lavez-le, gavez-le de nourriture et empêchez-le de hurler pour un rien. Je veux qu'il soit en parfaite condition pour demain.

. . .

Lorsqu'il émergea d'un sommeil agité, Drago, déboussolé, mit un moment à rassembler ses pensées en une trame cohérente. Son esprit flottait encore entre le cauchemar et la réalité. Un haut-le-cœur le secoua violemment, le forçant à se redresser d'un coup et à vomir, à moitié sur le lit, à moitié sur le sol froid.

Il se sentait lourd, engourdi, son estomac vide, mais douloureux. La bile âcre sur sa langue confirma ce qu'il soupçonnait : on lui avait fait avaler de force la fameuse bouillie, probablement pendant qu'il dormait. Une sueur glaciale collait son dos et perlait sur son front. Un frisson incontrôlable lui parcourut l'échine. Peut-être était-ce un effet secondaire de la potion anesthésiante qu'on lui avait administrée.

D'un geste lent et maladroit, il essuya son front d'un revers de manche. La chemise qu'il portait était propre, presque immaculée, et manifestement récente. Il avait été changé.

Cette prise de conscience le heurta brutalement. Le réveil de son corps ramena avec lui celui de son esprit. L'écho de son rêve lui revint, viscéral et oppressant : cette brume étouffante qui s'insinuait dans sa gorge, le serpent qu'il sentait ramper sous sa peau, juste là, sous la marque des ténèbres.

Une peur primitive l'envahit, mélange de terreur psychologique et de malaise physique. La ligne entre son cauchemar et la réalité lui semblait de plus en plus floue, comme si ce serpent vivant dans sa chair menaçait à tout instant de surgir.

Avec angoisse il souleva la manche de sa chemise. Le tatouage d'un serpent et d'un crâne était là, rougi parce qu'il l'avait griffé dans la panique. Mais le serpent en tout cas ne bougeait plus. Il ferma les yeux, soulagé et puis des bruits de pas vinrent jusqu'à sa cellule et la porte s'ouvrit, tandis qu'une discussion en cours parvint ses oreilles :
– Harry Potter a sans doute exagéré. Il va très bien.
La voix du Directeur portait un semblant d'agacement. Un homme, sans âge lui répondit d'un ton neutre :
– Je veux bien vous croire, mais comme la demande vient à la fois de monsieur Dumbledore et de monsieur Potter, nous sommes bien obligés de vérifier…
L'homme entra en même temps, précédé de deux gardiens et du Directeur, qui se figea devant l'état de Drago. Il ne payait pas de mine, avec son air défait et ce qu'il venait de vomir. Le représentant du Ministère ferma un instant les yeux, pointa le désastre du doigt et lança un regard torve au Directeur.
– Cela va être difficile de démentir les propos de monsieur Potter…
Le Directeur découvrant à son tour l'état de Drago fronça les sourcils :
– Il a du mal avec la nourriture de la maison, ce n'est pas grand chose, assura-t-il.
– Faites nettoyer ce fatras je vous prie, que je puisse évaluer ses signes vitaux, répondit l'autre en faisant claquer sa langue.
Drago n'avait pas ouvert la bouche. Il comprenait, en ayant attrapé à la volée leur conversation, qu'Harry Potter avait sans doute trouvé un quelconque moyen de faire bouger les choses. Il espéra du plus profond de son coeur qu'il n'ait pas osé parler de l'humiliation qu'il avait entraperçu en fouillants conscience. Il refusait que d'autres sachent.

Un geôlier fut appelé dans la cellule et dut nettoyer avec des serpillières et un coup d'eau froide, puisque la magie était très limitée ici. L'agent du Ministère patientait, un bloc avec des feuilles contre lui et ne lâchait pas Drago du regard. Ce dernier lui rendit la pareille, passablement hébété.
Quant tout fut relativement propre, il approcha et demanda :
– Comment vous sentez-vous monsieur Malefoy ?
Ce dernier ne répondit pas, mais son regard erra vers le Directeur.
– Monsieur Malefoy regardez-moi, plutôt…
L'agent se pencha sur lui et vrilla alors une lumière sans ses yeux, avant de secouer la tête.
– Vous l'avez drogué ? Il a les pupilles dilatées, paraît complètement perdu…
– Il a fait un cauchemar hier, dit le Directeur dans un haussement d'épaules. Il était incontrôlable. Ce genre de choses arrivent ici. Azkaban est éprouvant pour les détenus. C'est fait pour.
– Vous vous doutez bien que je n'ai aucun problème à ce sujet, surtout avec un personnage comme lui. Mais si ça empêche Harry Potter de l'utiliser correctement...
Il nota certaines choses sur l'état de Drago, attrapa son poignet pour prendre son pouls, ce à quoi il résista d'abord, mais cessa de lutter en voyant qu'aucun mal ne lui serait fait.
– Sa tension est basse, il n'est pas nourri correctement… Il a de la fièvre aussi. Son état est globalement proche de la rupture.
Il se tourna vers le Directeur qui croisa les bras. Il paraissait bouillir en surface. Si Drago avait eu un peu plus de lucidité, il aurait vu que quelque chose n'allait pas dans la confrontation des deux hommes. Quelque chose de faux se jouait devant lui.
– Vous voulez me le retirer, comprit-il. Vous pensez que sa vie en vaut la peine ?
– Lui ? Pas du tout. Mais ce qu'il détiendrait par contre…
Le directeur hocha imperceptiblement la tête. Tout le monde s'accordait à croire que Drago Malefoy détenait des clés importantes. Comment cette information était-elle venue aux oreilles du Ministère ? Même lui, le directeur d'Azkaban ne le savait pas, mais il était au courant de certaines choses qui lui permettaient d'ajuster la détention de Drago Malefoy et d'actionner plusieurs leviers. Au-delà de Drago même se jouait un étrange jeu où chacun tentait d'obtenir en premier le fond du coffre au trésor qu'il était.
Il fit un geste de la main, défaitiste.
– Faites comme bon vous semble. Mais sachez qu'un détenu d'Azkaban, revient… À Azkaban.
– Cela dépendra de la décision du conseil.
Mais il pointa son stylo sur son bloc de papier et nota quelque phrases décisives. Drago Malefoy serait déplacé d'Azkaban… Pour Sainte Mangouste. Le Ministère, l'autoriserait.

Drago pour l'instant était loin de pendre conscience de cette accalmie, après deux mois d'enfer. Par contre, même lui trouva ça improbable qu'on prenne une décision sur son cas aussi rapidement. Azkaban avait donc si peu de poids ?


Chapitre plus court que les précédents, mais eh, enfin on va poursuivre sur le coeur du sujet, du HP/DM !