* Chapitre 1 – Fardeau des soupçons et murmures de vérités *
Le chaos régnait au camp, l'air était saturé d'un mélange de peur, de fatigue et d'espoir fragile, chaque jour apportait de nouvelles victimes, chaque nuit une lutte silencieuse pour repousser l'inévitable. Les malades gisaient dans des lits de fortune, leurs corps fragiles secoués par des toux incessantes, le son résonnait comme un glas, un rappel cruel que le temps leur échappait, Clarke Griffin, épuisée mais infatigable, s'efforçait de garder le contrôle de la situation. Ses mouvements étaient précis, mais rapides: vérifier un pouls ici, ajuster un bandage là, murmurer des mots rassurants à ceux qui avaient encore la force de l'entendre. Ses mains tremblaient légèrement lorsqu'elle préparait les quelques médicaments qu'il leur restait, les ressources s'épuisaient à vue d'œil, et chaque ration donnée représentait un choix déchirant: qui avait le plus besoin? Qui avait le plus de chances de s'en sortir? Elle faisait ce qu'elle pouvait, mais elle savait que ce n'était pas assez, la maladie progressait plus vite que ses efforts, à l'autre bout du camp, Octavia était plongée dans une tâche bien différente. Clarke lui avait demandé de vérifier les stocks de vivres, une tâche routinière mais essentielle pour assurer leur survie collective, à genoux devant une caisse en bois, elle comptait les rations, notant chaque détail sur un carnet. Ses gestes étaient méticuleux, presque automatiques, mais son esprit vagabondait loin d'ici, elle pensait à Lincoln, à ses yeux sombres et à ses paroles apaisantes. Elle pensait à leur avenir incertain, à ce lien fragile qu'ils tentaient de préserver malgré tout, mais surtout, elle pensait à l'enfant qu'elle portait, une nouvelle si merveilleuse et pourtant terrifiante dans le monde brutal qu'ils habitaient. Alors qu'elle terminait de compter une caisse, elle sentit une vague de fatigue l'envahir, elle posa un instant une main sur son ventre, comme pour puiser de la force, ses pensées étaient si loin qu'elle ne remarqua pas qu'elle était observée.
Depuis l'ombre d'une tente voisine, Finn la fixait, ses bras croisés sur sa poitrine, son regard scrutateur trahissait une curiosité croissante mêlée de suspicion, cela faisait plusieurs jours qu'il avait remarqué son comportement étrange: ses absences répétées, ses réponses évasives, ses gestes nerveux. Il était convaincu qu'elle cachait quelque chose, et cette certitude le rongeait, à quelques kilomètres de là, sous une grande tente en peau de bête, les chefs Grounders se tenaient en cercle, la lumière des torches illuminait leurs visages sérieux, marqués par des années de lutte et de survie.
Anya, leur chef actuelle, était assise au centre, imposante et silencieuse, son regard perçant balayait l'assemblée, attendant que chacun prenne la parole, parmi eux se trouvait une jeune femme au visage grave: Lexa. Encore en formation pour devenir leur leader suprême, elle écoutait chaque mot avec une intensité qui trahissait son ambition, un des membres du conseil se leva, sa voix grave résonnant sous la tente.
- Les étrangers du ciel sont faibles. La maladie les ravage. C'est l'occasion parfaite pour frapper.
Un murmure d'approbation parcourut la tente, certains hochaient la tête, approuvant l'idée d'une attaque rapide et décisive, mais Lincoln, debout en retrait, garda le silence. Ses poings serrés trahissaient sa tension. Il savait que ces discussions ne mèneraient qu'à la guerre, et il savait aussi que cette guerre mettrait Octavia, et maintenant leur enfant, en danger, Anya prit la parole, sa voix autoritaire imposant le silence.
- Ils sont faibles, oui. Mais nous ne frappons pas comme des lâches. Nous frappons pour envoyer un message.
Elle tourna la tête vers Lexa, ses yeux pénétrants rencontrant ceux de la jeune femme.
- Apprends ceci: la peur est une arme. Mais si tu frappes trop tôt, tu fais de tes ennemis des martyrs.
Lexa hocha lentement la tête, absorbant chaque mot avec un calme impressionnant, mais Lincoln, lui, se concentrait sur autre chose, si une attaque était décidée, Octavia serait une cible, elle et leur enfant. Il ne pouvait pas permettre que cela arrive, lorsqu'ils quittèrent la tente, il resta en retrait, fixant l'horizon sombre, la promesse qu'il avait faite à Octavia lui revint en mémoire: il protégerait leur famille, quoi qu'il en coûte. Au camp, Octavia referma la dernière caisse avec un soupir, elle passa une main dans ses cheveux, fatiguée mais soulagée d'avoir terminé, une voix familière interrompit ses pensées.
- Alors, petite sœur, tu te rends utile ? lança Bellamy, un sourire moqueur aux lèvres.
Octavia leva les yeux vers lui, tentant de masquer sa nervosité.
- Quelque chose que tu devrais essayer de temps en temps ! répliqua-t-elle avec un brin d'ironie.
Bellamy s'adossa à une caisse, croisant les bras, mais son expression devint plus sérieuse.
- Dis-moi, Octavia… tu sais qui a libéré le natif? Lincoln?
Le cœur d'Octavia rata un battement, elle se força à garder une expression neutre, haussant les épaules.
- Non. Pourquoi?
- Personne ne sait, mais celui qui l'a fait a pris un risque énorme. Ce type aurait pu nous tuer tous… répondit Bellamy en plissant les yeux.
La colère monta en Octavia, brûlant comme une flamme, elle se redressa, croisant les bras, son regard défiant.
- Je suis contente qu'il ait été libéré.
- Quoi? Pourquoi? demanda Bellamy en fronçant les sourcils, surpris.
- Parce que vous l'avez torturé, Bellamy, tu as vu ce que vous lui avez fait? Ce n'était pas de la justice, c'était de la cruauté… rétorqua-t-elle, sa voix vibrante d'émotion.
Un silence tendu s'installa entre eux, Bellamy ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun mot ne sortit, finalement, il secoua la tête, exaspéré.
- Fais attention, Octavia. Ce monde n'est pas aussi simple que tu le penses.
Il tourna les talons et s'éloigna, laissant Octavia seule avec ses pensées tourmentées, elle sentit ses mains trembler, mais elle les serra en poings, refusant de laisser sa peur transparaître, elle avait dit ce qu'elle pensait, mais elle savait que chaque mot risquait de semer davantage de soupçons. Finn, qui observait la scène à distance, fronça les sourcils, il n'avait pas entendu leur conversation, mais l'échange tendu confirmait ses soupçons. Quelque chose n'allait pas, et il était déterminé à comprendre ce que c'était, lorsque la nuit tomba, Octavia regagna sa tente, ses jambes lourdes sous le poids de la journée. Elle s'assit sur son lit, ses épaules s'affaissant sous le fardeau invisible qu'elle portait, lentement, elle posa une main sur son ventre, le monde extérieur semblait prêt à s'effondrer, mais à cet instant, elle sentit une lueur d'espoir. Une vie grandissait en elle, fragile mais pleine de promesses, elle ferma les yeux et prit une profonde inspiration, puis, dans un murmure à peine audible, elle prononça des mots qu'elle avait besoin de dire à voix haute, même si personne ne les entendait.
- Je te promets que je te protégerai. Toi, et ton papa. Peu importe ce qui arrivera, nous resterons ensemble.
Ses paupières se fermèrent, et pour la première fois depuis des jours, une paix fragile s'installa en elle, elle savait que Lincoln, où qu'il soit à cet instant, faisait la même promesse silencieuse, les jours passaient lentement au camp. Ils étaient rythmés par le bruit des toux rauques des malades et les ordres tranchants de ceux qui s'efforçaient de maintenir un semblant d'organisation, le ciel semblait toujours bas, chargé d'un poids invisible qui écrasait chaque membre des 100. La maladie avait emporté certains d'entre eux, laissant derrière elle des regards vides et des silences lourds, les morts avaient été enterrés à la hâte à la lisière du camp, sans cérémonie, car le temps manquait. Clarke, déterminée à sauver ceux qu'elle pouvait, était devenue l'âme du camp, mais son visage portait les traces d'un épuisement croissant, ses cernes étaient plus marqués chaque jour, et son sourire, autrefois réconfortant, était devenu une grimace de pure résilience. Les survivants tentaient de se reconstruire, ceux qui avaient échappé à la maladie, ou qui s'en remettaient lentement, participaient à des entraînements sous la direction stricte de Bellamy. Le maniement des armes était devenu une priorité, les 100 devaient apprendre à tirer, viser, et se défendre, mais sans gaspiller les précieuses munitions. Bellamy insistait sur la discipline, répétant inlassablement que les Grounders pourraient attaquer à tout moment, mais Finn, l'un des plus vigilants, n'avait pas la tête à ces entraînements. Son esprit était ailleurs, obsédé par un mystère qu'il ne pouvait résoudre seul: Octavia, cela faisait des jours qu'il l'observait discrètement, notant son comportement de plus en plus étrange. Elle semblait distante, préoccupée, et ses absences répétées attisaient sa curiosité, lorsqu'il en parla à Clarke, elle haussa les épaules, comme pour minimiser ses inquiétudes.
- Octavia est une solitaire. Elle a besoin d'espace. Ne te fais pas d'idées… dit Clarke en essayant de cacher sa propre lassitude.
Mais Finn n'en démordait pas, il avait vu trop de détails suspects pour les ignorer, face à son insistance, Clarke céda finalement.
- Bellamy doit être au courant… déclara-t-elle, bien qu'elle redoutât sa réaction.
Plus tard dans la journée, Bellamy et Clarke accostèrent Octavia à la sortie d'une tente, Bellamy avait les bras croisés, et son expression sévère n'annonçait rien de bon, Octavia, en train de ramasser une boîte de fournitures, leva les yeux vers lui, exaspérée.
- O, on doit te parler ! dit Bellamy d'un ton qui n'admettait pas de refus.
- De quoi? Je suis occupée… soupira-t-elle, en se redressant lentement.
- On a remarqué que tu sembles… distante, Octavia. Finn pense que quelque chose ne va pas… dit Clarke, adoucissant l'atmosphère en prenant la parole.
Le cœur d'Octavia s'accéléra, son souffle se raccourcissant légèrement, elle croisa les bras pour masquer son trouble et répondit sur un ton défensif:
- Je vais bien. Finn devrait arrêter de se mêler de ce qui ne le regarde pas.
Bellamy fronça les sourcils, scrutant le visage de sa sœur.
- Alors pourquoi tu disparais si souvent? insista-t-il, son ton devenant plus pressant.
- Je ne disparais pas! Je fais ce qu'on me demande de faire. Si je veux un peu de solitude parfois, c'est mon droit ! Répliqua Octavia se redressa brusquement, sa colère perçant dans sa voix.
Clarke échangea un regard inquiet avec Bellamy avant de reprendre.
- Octavia, si tu as un problème, on peut t'aider. Mais tu dois nous dire ce qui se passe.
Ce fut la goutte d'eau, les hormones liées à sa grossesse, combinées à la pression constante des derniers jours, brisèrent la barrière qu'elle s'efforçait de maintenir, une vague d'émotions déferla sur elle: colère, frustration, peur, elle inspira profondément, tentant de se maîtriser, mais sa voix tremblait lorsqu'elle répondit.
- Je n'ai rien à dire. Laissez-moi tranquille.
Sans attendre de réponse, elle tourna les talons, le regard dur, et se dirigea vers la clôture, son esprit était une tempête de pensées contradictoires, elle voulait hurler, fuir, mais aussi protéger son secret. Une fois près de la clôture, elle sentit son souffle s'apaiser légèrement, la forêt l'appelait, avec ses ombres protectrices et son silence rassurant, elle avait besoin de sortir, de s'éloigner de tout ce chaos, mais alors qu'elle atteignait le passage, une voix familière l'arrêta.
- Où tu crois aller?
Elle se retourna pour voir Bellamy, les bras croisés, le visage marqué par une colère froide, sa posture dégageait une autorité qu'Octavia avait toujours méprisée.
- Reste ici ! ordonna-t-il d'un ton sec.
Octavia sentit une nouvelle vague de colère monter en elle, alimentée par des années de ressentiment, elle serra les poings, ses émotions éclatant comme un barrage qui cède.
- Sinon quoi? Tu vas me torturer, moi aussi?! cria-t-elle, sa voix résonnant dans l'air frais du camp.
Un silence de plomb tomba sur le camp, les regards stupéfaits des autres membres se tournèrent vers eux, Clarke, Finn, et plusieurs autres observaient la scène, interdits, Bellamy ouvrit la bouche, mais aucun mot ne sortit, Octavia secoua la tête, le mépris brillant dans ses yeux.
- Je ne suis pas une prisonnière, Bellamy. Je sors. Et tu ne m'en empêchera pas.
Sans attendre de réponse, elle passa la clôture et s'enfonça dans la forêt, elle marcha longtemps, ses pieds foulant le sol meuble, ses pensées en tumulte, les arbres se refermaient autour d'elle, créant un cocon de solitude dont elle avait désespérément besoin. Après un moment, elle déboucha sur un immense lac, dont la surface miroitait sous les rayons dorés du soleil couchant, la vue était apaisante, presque irré s'approcha du bord, s'accroupit, et laissa ses doigts effleurer la surface froide de l'eau, puis, comme si une digue intérieure cédait enfin, les larmes qu'elle avait retenues jusque-là se mirent à couler, elles roulaient sur ses joues, silencieuses d'abord, avant que des sanglots ne brisent le calme environnant, elle parla à voix haute, ses mots brisés par les larmes.
- C'est ça, les lois de l'Arche. Des règles absurdes qui m'ont obligée à me cacher toute ma vie. Elles ont tué ma mère. Elles m'ont volé ma liberté. Et maintenant, elles essaient de faire de moi quelqu'un que je ne suis pas.
Elle essuya ses joues d'un geste vif, mais les larmes continuaient de couler.
- Je ne veux plus vivre sous leurs lois. Je veux un monde où je peux être libre. Un monde où… où mon enfant sera libre.
Ce qu'elle ignorait, c'était qu'elle n'était pas seule, à quelques mètres, dissimulés parmi les arbres, des Grounders observaient la scène, Lexa, Anya, et d'autres membres du conseil se tenaient en silence, écoutant chaque mot, Lincoln, parmi eux, se sentait tiraillé: il voulait s'approcher d'elle, la réconforter, mais il savait que le moindre geste pourrait tout révéler, Anya murmura à Lexa:
- Elle parle avec son cœur. C'est rare, pour eux.
- Elle est différente. Mais cela ne fait pas d'elle une alliée… répondit Lexa en hochant lentement la tête, son regard perçant fixé sur Octavia.
Le bruit d'un pas lourd brisa le silence, Octavia se retourna brusquement, sursautant, pour voir Bellamy arriver à grands pas, son visage marqué par une colère évidente.
- Tu te rends compte de ce que tu fais? Tu mets ta vie en danger à chaque fois que tu sors comme ça! lança-t-il, furieux.
- Et toi, tu te rends compte de ce que tu fais? Tu veux me contrôler comme ils le faisaient sur l'Arche? Je ne suis pas ta prisonnière, Bellamy! Rétorqua Octavia en se redressant, ses bras croisés sur sa poitrine, son regard défiant.
Il s'arrêta à quelques mètres d'elle, ses mains sur ses hanches, cherchant ses mots.
- Ce n'est pas une question de contrôle. C'est une question de survie, Octavia. Si les Grounders te trouvent…
Elle le coupa, sa voix tremblante mais pleine de conviction.
- Peut-être que les Grounders sont moins cruels que nous. Tu y as pensé?
Bellamy resta figé, abasourdi, ses mots restèrent coincés dans sa gorge alors qu'Octavia détournait le regard, les larmes menaçant de revenir, elle voulait lui dire la vérité, lui révéler tout ce qu'elle portait en elle, mais elle savait qu'il ne comprendrait jamais.
