Soudain, les pieds d'Henry quittèrent le sol et il fut brutalement tiré en arrière par une force invisible. Il ne paniqua qu'un instant avant de se retourner pour découvrir qui était la personne qui le faisait flotter vers lui.

-Maman, bredouilla Henry.

Régina était là, dans son éternel manteau noir, au bord du cratère. La foule s'était écartée comme si tout le monde craignait que la Méchante Reine n'entre en rage pour une raison ou une autre. Elle ne sourit pas, mais Henry pu sentir son soulagement lorsque M'man tenta de l'envelopper d'un bras protecteur – et il regretta d'autant plus de reculer dans un frisson. Il s'efforça de sourire quand même. Il savait qu'elle était venue pour la catastrophe, comme tout le monde, mais il ne pouvait s'empêcher d'être content de la voir, même content de la frayeur dans son regard tandis qu'elle s'assurait qu'il n'avait rien.

-M'man, je...

-Ne t'approche pas de cette chose, Henry, ordonna M'man en observant le cratère. Qu'est-ce qu'il s'est passé?!

-Je crois... je croyais que ce serait le Père Noël.

-C'est de la magie primaire, souffla Régina en plissant les yeux avec angoisse.

-De la quoi ?

-C'est difficile à dire.

L'étrange garçon tombé du ciel ne bougeait plus du tout, maintenant, pourtant Régina le regardait avec une sorte d'épouvante dans le regard, comme si elle voyait tout autre chose que le reste de la foule.

-C'est... extrêmement vieux, lâcha-elle enfin. C'est tout ce que je peux dire. Ne te fie pas aux apparences.

-Mais on va quand même l'aider, pas vrai?, s'inquiéta Henry.

-Bien-sûr qu'on va l'aider, lança une voix familière.

James et Blanche fendaient la foule dans leur direction avec Emma et Crochet. Le petit Neel babillait dans les bras de son père, et Blanche avait pas mal de tâches de ce qui était sûrement du vomi de bébé, mais Henry échangea quand même un sourire complice avec sa grand-mère. Ca ne dura qu'un instant, à peine un geste distrait, mais c'était dingue comment le bonheur de se retrouver pouvait éclairer même une fraction de seconde un événement pareil.

-Henry, haleta Emma. Ne t'en va plus jamais comme ça, d'accord?

-On a été bloqués avec la voiture, soupira Crochet. Une affaire de renne en feu.

Tout à coup, Régina se rembrunit. Robin s'extirpait de la foule quelques pas derrière-eux.

-Qu'est-ce que tu fais ici ?, lâcha la Reine d'une voix qui oscillait entre la tristesse et le mépris.

-La même chose que tout le monde, marmonna Robin mal à l'aise. Une météorite s'est écrasée sur la mairie.

-Et tu as décidé de venir arranger ça en tirant des flèches sur les décombres ?

-On se calme, lança Blanche d'une voix apaisante. On est au début d'une nouvelle... crise, ça se voit, non? Commençons par régler ça.

-Je suis bien d'accord, opina Emma. Où est Rumple?

Juste une petite seconde, Henry ne put s'empêcher de s'émerveiller. Il avait souhaité rassembler tout le monde, pas vrai? Et ils étaient tous là, M'man, Emma, Kilian, Robin, même Blanche et James, prêt à aller chercher ceux qui manquaient encore, alors qu'ils avaient prévus d'être n'importe-où sauf ensemble ce soir.

Mais le sourire d'Henry ne dura pas longtemps. Son vœu prenait déjà une forme totalement différente de tout ce qu'il avait imaginé, une forme dangereuse, et le garçon commençait à se demander ce qu'il avait vraiment fait.

La magie avait toujours un prix. Et, un peu tard, Henry se rappelait que les souhaits étaient la plus imprévisible des formes de magie.

Ils décidèrent de ramener le garçon aux cheveux blancs chez Emma. C'était le plus près, et même si d'une façon ou d'une autre il n'avait pas l'air aussi blessé qu'il aurait dû l'être – aussi mort qu'il aurait dû l'être, marmonna Kilian en enveloppant le gamin dans son long manteau – il semblait absolument frigorifié. Henry était sûr que c'était mauvais signe. Un esprit de Noël n'aurait pas dû avoir froid, pas vrai? Il aurait dû faire partie de l'hiver ou quelque-chose comme ça. Il s'était peut-être cassé un truc. Mais ça ne faisait pas très esprit non plus, de se casser des trucs.

Il n'eut absolument aucune réaction, ni quand Kilian le prit dans ses bras, ni quand il le porta sur tout le chemin, ni plus tard quand le pirate l'allongea sur le sofa du salon. Le manteau de cuir était presque assez grand pour lui servir de couverture, et recroquevillé ainsi le garçon avait l'air encore plus jeune qu'il ne l'avait parut dans le cratère, les traits tirés par l'angoisse. A peu près tout le monde eu l'air profondément mal à l'aise en s'asseyant sur les canapés et une chaise par-ci par-là. Les hurlements de Neel qui remplissaient la pièce étaient presque pires qu'un silence gênant. Ils avaient bel et bien fini au dîner d'Henry, au final, et ça rendait encore plus embarrassant le fait qu'ils aient tous voulus y échapper. Les chaussettes de Noël brodées du nom de chacun trônaient gravement sur la cheminée, et si des chaussettes avaient pu lancer un regard plein de reproches, celles-là l'auraient fait. Régina se tenait aussi loin de Robin que possible. Emma et Kilian s'étaient sûrement encore disputés en chemin pour venir rejoindre Henry, parce qu'ils ne se regardaient pas non plus. La situation était plus malaisante encore entre Emma et Régina. Henry en venait à espérer que le garçon aux cheveux blancs se réveille juste pour que quelqu'un dise quelque-chose. Le petit brun serrait nerveusement contre lui une pile de vêtements qu'il avait trouvé en fouillant dans ses placards. A son réveil, le Père Noël aurait sûrement assez hâte de ne plus être tout nu devant tout le monde.

- « Tout le monde sait », répéta Emma en posant un regard préoccupé sur le garçon. Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire?

Henry s'assit doucement à côté de la tête du garçon de Noël, avant de se reprendre en réalisant qu'il était en train de faire attention de ne pas le réveiller.

-Qu'est-ce qu'il est beau..., murmura Henry. On dirait un dessin.

Il rougit aussitôt en réalisant qu'il venait de le dire à voix haute. C'était vrai, pourtant.

Non, pas un dessin. On aurait dit un conte. Chaque élément de son visage était d'une telle précision qu'on aurait cru qu'il avait été raconté pour que tout soit parfait. Ses lèvres pleines parfaitement dessinées, son nez droit et fin, ses pommettes hautes. Il devait avoir l'âge d'Henry, son visage quittait tout pile les dernières rondeurs de l'enfance tout en conservant encore quelque-chose de doux et de délicat.

James avait ramassé une partie du traîneau sur le trajet, un morceau de bois rouge qu'il observait avec inquiétude sur la table de la salle à manger avec Robin.

-Ces trous là, observait l'archer. Ca n'a rien à voir avec des flèches ou des sortilèges. Je n'en ai vu que dans ce monde.

-C'est impossible, rétorqua James. Et puis, ça peut toujours être des sortilèges. Comment ça pourrait être des balles? Ce gosse vient forcément d'un autre royaume, sans ça...

-Charmant, dit Blanche avec un sourire difficile. Ne me dis pas que tu as oublié le lait pour le petit, hein?

Elle était assise sur le canapé avec Neel. Le bébé hurlait encore plus fort depuis qu'il semblait avoir compris qu'ils ne rentraient pas à la maison tout de suite. Blanche et James faisaient des efforts flagrants pour se parler doucement depuis leur arrivée, on voyait bien qu'ils tentaient de ne pas s'énerver l'un contre l'autre. En fait, c'était pire que de les voir se disputer franchement, songea Henry.

-Tu me demande si j'ai pensé à emporter le biberon avant de partir quand une météorite s'est écrasé sur la ville ?, soupira James le regard braqué sur son morceau de traineau. Pourquoi tu ne l'as pas pris toi?

-Je t'ai dis de le prendre en partant! Mon chéri... tu sais bien qu'on doit être multitâche.

-Je sais, rétorqua Charmant en faisant de gros efforts pour conserver une voix douce. Je sais... Emma, est-ce que tu aurais ?...

-Peut-être qu'il m'en reste dans le garage, fit Emma en désignant la porte.

James quitta la pièce en claquant la porte. Blanche esquissa un soupir tremblant de fatigue. Le problème n'avait pas l'air de dater d'hier, et Henry comprit enfin pourquoi ils n'avaient pas l'air si heureux pour Noël non plus. Être parents, l'être vraiment pour la première fois, sans guerre à mener ni cavales dans la forêt, ça devait sûrement être différent de tout ce qu'ils avaient toujours connus. Encore un truc auquel Henry ne pouvait rien faire du tout.

Il avait vaguement espéré que par une sorte de phénomène magique, tout change quand l'étoile s'abattrait sur Storybrooke, mais aucun miracle ne s'était vraiment produit. Peut-être qu'être ensemble c'était déjà bien.

-...il ne peut pas mourir, pas vrai ?, s'inquiéta Henry en se penchant au-dessus du garçon aux cheveux blancs.

-...ne paniquez pas, déclara simplement Robin en plaquant son oreille contre la poitrine de l'inconnu. Mais son cœur ne bats pas. Et il ne respire pas non plus, alors que sa poitrine se soulève. On croirait qu'il fait semblant de respirer, ça n'a aucun sens.

-Parce qu'il fait semblant, lâcha Régina en évitant le regard de Robin. Je ne saurais pas vraiment vous dire, c'est simplement de l'instinct, mais... depuis qu'il est là, je me sens comme si on me jetait un sort en continu. Je dirais que c'est une illusion, si le magicien qui la lance n'était pas l'illusion elle-même.

-Ça ne veut rien dire du tout, ce charabia, marmonna Kilian.

C'est de la folie, mais je crois qu'il a besoin qu'on croit qu'il est vivant pour l'être, comme s'il était ce qu'on pense qu'il doit être.

-Son cœur vient de démarrer, murmura Robin stupéfait. Pile au moment où tu as dis ça.

-Tu ne pourrais pas, je ne sais pas, utiliser la magie pour faire quelque-chose ?, hasarda Emma en dévisageant Régina.

Régina détourna le regard. Elle n'avait adressé la parole à aucun d'entre eux depuis des mois, mais Emma était la seule à avoir frappé à sa porte des centaines de fois. Même Henry avait fini surpris par l'insistance d'Emma. Au début, c'était parce que la blonde se sentait coupable, peut-être. Emma et Régina s'étaient détestés, puis alliées, puis détestés à nouveau, mais quoi qu'elles ressentent l'une pour l'autre, elles avaient toujours été incapables de le faire sans y vouer une intensité effrayante. C'était peut-être normal que leur amitié, ensuite, ait été si forte elle aussi, et si difficile à abandonner pour Emma. Mais Régina n'avait jamais ouvert sa porte pour autant.

Henry ne put s'empêcher de se demander si Régina retournerait s'enfermer chez elle dés que cette histoire de garçon magique serait réglée.

-C'est compliqué, lâcha enfin la sorcière. Son corps n'est pas normal. Je devrais consulter quelques grimoires.

-Déjà hâte de nous quitter?, fit Emma.

-Emma, dit Blanche sur le ton de l'avertissement.

-J'avais besoin d'un peu de temps pour moi, cracha Régina en fusillant Robin du regard. Quelle importance ?

-...c'est important, Régina, rétorqua Blanche à contrecoeur. C'est important quand tu as l'air d'oublier qui tu es vraiment, après tout le temps qu'il t'avais fallu pour t'améliorer. Tu n'es plus toute seule, tu sais.

-Oh je vous en prie, fit Régina avec un éclat de rire amer. Qui ici peut donner des leçons sur le bonheur?!

James revint à ce moment là, sans lait.

-Charmant, soupira Blanche.

-Je suis désolé, d'accord ?, lâcha James. Je suis désolé que...

Henry poussa presque un cri de joie lorsque Rumplestiltskin et Belle surgirent au milieu du salon dans un nuage de ténèbres. Ils avaient l'air aussi fatigués que Belle et Charmant, et pourtant c'était pour des raisons entièrement différentes.

-Lorsqu'une chose aussi dangereuse que cette créature atterrit dans ma ville, fit Rumplestiltskin en balayant la petite assemblée d'un regard agacé, vous êtes priés de me l'amener, au lieu de ramener ça chez vous comme des enfants jouant avec une bombe.

Belle serra Blanche dans ses bras avec un grand sourire, mais elle était presque aussi mal en point que son mari. Décoiffée, les yeux rougis.

-Désolé d'avoir mit tout ce temps, dit-elle. Il y a des grimoires qui ne se laissent pas refermer aussi facilement, vous pouvez me croire.

Henry n'avait jamais utilisé un miroir pour regarder Rumple comme il le faisait parfois pour s'assurer que Régina allait bien, mais tout le monde savait que Belle avait passé les derniers mois à tenter d'empêcher le Ténébreux de redevenir la pire version de lui-même. Il n'avait jamais été souriant, songea Henry, mais depuis la mort de Baelfire, Rumplestiltskin s'éloignait chaque jour un peu plus de l'humanité pour devenir quelque-chose que le garçon n'avait vu que dans le livre de conte.

-Où étiez-vous?, grogna Régina. Ca fait presque une heure que tout le monde vous attends !

-Vos petits problèmes ne sont pas en haut de ma liste, rétorqua simplement Rumplestiltskin sans même la regarder.

-Nos petits problèmes...

-Vous devriez pourtant vous être habituée à ne pas être une priorité, Majestée.

Régina se rembrunit. Henry se leva, presque inquiet qu'elle ne tente de jeter un sort, mais voir sa mère se contenter de baisser les épaules et de s'asseoir fut peut-être encore plus effrayant.

De tous, c'était sûrement elle qui allait le plus mal.

Rumplestiltskin s'avança pour toiser le garçon aux cheveux blancs d'un regard indéchiffrable. Il n'accorda pas un regard à Henry non plus, alors le petit brun sursauta lorsque son grand-père lâcha soudain :

-Je suis navré d'avoir raté le dîner, Henry. Je ne comptais pas venir, tout simplement.

-Rumple, soupira Belle en adressant à Henry un regard désolé.

Tout le monde baissa les yeux. Rumplestiltskin, la dernière personne qu'on avait imaginé venir, était le seul à avoir osé être honnête et le seul à avoir osé s'excuser. Le seul aussi à ne pas avoir complètement oublié qu'Henry était là, peut-être parce que le Ténébreux venait de passer des semaines enfermé chez lui à chercher un moyen de ramener le propre père du garçon à la vie.

-...on est tous désolés, Henry, fini enfin par oser ajouter James. Qu'il ait fallu un crash de traîneau au milieu de la ville pour nous réunir ici.

-Je ne pensais pas que personne ne viendrait, murmura Régina. J'ai pensé à toi tous les jours, mon chéri. Emma était censée bien s'occuper de toi.

-Qu'est-ce que tu viens de dire ?, s'étrangla Emma.

-C'est pas grave, prétendit vivement Henry mal à l'aise en haussant les épaules. J'ai... j'ai pas besoin qu'on s'occupe de moi. Vous êtes là maintenant, hein? Peut-être que quand le Père Noël ira mieux, on pourra manger un peu de gâteau ?...

-L'heure n'est plus aux fêtes et aux gâteaux, rétorqua sèchement Rumple. Et elle pourrait bien ne plus l'être avant très longtemps.

-Pourquoi ?, demanda Emma avec méfiance. Qu'est-ce que vous savez ?

Mais Rumplestiltskin écoutait à peine. Il gardait le regard rivé sur le garçon aux cheveux blancs, le front plissé par l'inquiétude.

-Ca n'a pas de sens, souffla-il comme pour lui-même. Ils ne peuvent pas venir seuls. Ils ne peuvent pas exister par eux-mêmes.

-Qu'est-ce que vous racontez ?, fit Kilian en haussant les sourcils.

-Le garçon et les rennes, personne d'autre ?, demanda le mage noir.

-Pour autant qu'on le sache, fit James.

-Ca ne saurait tarder, murmura Rumple.

-Quoi?, demanda aussitôt Emma. Qui est avec lui? Ne me dites pas qu'ils arrivent d'une nouvelle malédiction.

-Non. Rien d'aussi inoffensif.

Rumplestiltskin s'approcha un peu, aussi prudemment que si l'adolescent pouvait bondir à tout instant pour se jeter sur lui. Rumple le regardait de la même façon que Régina dans le cratère, comme si les magiciens venaient brutalement d'apprendre que 2+2 ne faisaient plus 4, et que le plus effrayant était que personne d'autre qu'eux n'était capable de le comprendre.

-Je penses que hier encore il n'était pas réel, fit Rumple. Son corps mortel s'est matérialisé pendant sa chute.

-Ca explique pour les vêtements, fit Emma. Mais qu'est-ce qu'on est censé croire, qu'il nous arrive directement du Pôle Nord? Gold, qu'est-ce qui vous arrive, qui est ce garçon?

-Je n'en sais rien.

-Vous en savez toujours plus que vous ne le dites. Si vous voulez qu'on prenne tout ça au sérieux, ce n'est pas le moment de faire des cachotteries.

-Je ne sais pas, rétorqua plus sèchement le Ténébreux.

Il sembla hésiter un instant avant d'ajouter comme à contrecœur :

-Sa magie appartient à quelque-chose que je connais.

-Quelque-chose de puissant ?

Gold regarda Emma comme un adulte qui doit tout expliquer à un enfant. Puis il échangea un regard avec Régina.

-La puissance n'a rien à voir là-dedans, déclara-il. Toutes ces choses qui vous animent depuis le départ, non seulement la Magie, mais aussi la foi, même l'espoir? C'est la Nature même du pouvoir de ce garçon. Il appartient à une force... primordiale, à quelque-chose de bien plus ancestral que nous. Une force si ancienne et si difficile à trouver que même les Ténébreux n'ont jamais tenté de jouer avec elle. Vous pourriez vous dire qu'il a été recraché par la source même de la magie. C'est cela, qui doit nous faire peur, infiniment plus que l'endroit d'où il vient en lui-même.

-La magie de Noël, murmura Henry. C'est ça, pas vrai ?

-Oubliez Noël. Je vous parles de foi. Mais oui, je présumes que de nos jours on pourrait l'appeler ainsi.

-Ca n'a pas l'air très dangereux, tout ça, observa Kilian. L'espoir, la foi.

-Naïf, fit sèchement Rumplestiltskin. Il y a des espoirs profondément malveillants. Des fois dangereuses. Et celui qui serait assez fou pour déranger ces forces là est peut-être encore plus dangereux. Quelqu'un vient de nous mêler à sa guerre, et nous sommes déjà du côté des perdants.

-Il a aussi dit que « tout le monde sait », osa glisser Henry. Et autre chose, un mot bizarre, genre... Krampus.

Il était en train de lever les yeux vers son grand-père, et au moment où il prononça son dernier mot, Henry cessa brutalement de respirer. Rumplestiltskin venait de se figer, tétanisé. Il le dévisageait avec des yeux écarquillés remplis de terreur, comme si Henry venait de jeter une malédiction. Emma se rapprocha imperceptiblement de son fils. La température dans la pièce venait de brutalement chuter.

-Est-ce que tu en es sûr?, articula Rumplestiltskin.

-Oui, fit Henry mal à l'aise. C'était ça.

Rumplestiltskin contracta la mâchoire, le souffle court.

-Ecarte-toi de lui, Henry.

-...qu'est-ce que vous comptez lui faire ?, demanda le garçon.

-Je vais le tuer, grogna simplement le Ténébreux en s'avançant.

Le petit Neel gémit de plus belle lorsque tout le monde se leva brusquement. Henry avait disparu derrière Emma et Régina, et il n'aurait pas su dire si ses mères essayaient vraiment de protéger le garçon inconscient sur le canapé, ou si elles s'étaient interposées uniquement parce que Henry était dangereusement près de la cible de Rumple.

-Du calme, balbutia Belle la main posée sur la poitrine de Rumplestiltskin et l'autre prête à retenir Blanche. Tout le monde garde son calme, personne ne va...

-Quoi que vous pensiez devoir faire, imposa sèchement Régina en ouvrant lentement les mains. N'imaginez jamais jeter un sort aussi près de mon fils.

-Vous êtes cinglé?, s'écria Emma. Ce n'est qu'un gosse !

-Et je ne suis qu'un vendeur d'antiquité?, maugréa Rumple malgré Robin et Charmant qui se rapprochaient dangereusement de lui. Vous ne comprenez pas. Il ne peut pas être là. Littéralement. S'il a pu parvenir jusqu'ici, et s'incarner... nous devons rectifier cette erreur avant que quelque-chose vienne la rectifier à notre place.

-Quelque-chose comme le Krampus?, demanda Belle d'une voix où gonflait la tension. Qu'est-ce que c'est, ça encore? Rumple, dis-nous simplement ce qu'il se passe !

Le Ténébreux échangea un regard avec Régina. Henry réalisa que, même si sa mère s'était bien interposée, elle n'avait pas semblé très pressée de protester autant que les autres pour défendre le garçon.

-Il n'est plus vraiment vivant !, tonna Rumple. Vous ne le voyez pas?!

C'était vrai qu'il n'avait pas l'air réel, songea Henry en contemplant le garçon aux yeux clos. Henry n'avait pas vraiment comprit ce que M'man avait dit à propos du fait que le garçon se nourrissait de la foi autour de lui, mais ça l'inquiétait un peu. Il n'y en avait plus beaucoup, à la maison, de foi, en ce moment. C'était peut-être pour ça qu'il n'avait pas la force de se réveiller. Pourtant, il respirait parce qu'on croyait qu'il pouvait s'en sortir, et son cœur s'était mit à battre quand M'man avait dit que c'était peut-être possible. Et Henry voulait vraiment croire qu'il pouvait revenir à lui. Alors pourquoi il n...

Soudain, le garçon ouvrit brutalement les yeux, exactement comme Henry était en train de l'imaginer le faire. Le brun bondit de surprise.

-Qu'est-ce que tu as fais ?, balbutia Emma alors que le garçon aux cheveux blancs se redressait.

-Rien!, protesta Henry bouleversé. J'ai juste... espéré qu'il puisse se réveiller et...

-Ne le laissez pas vous toucher !, ordonna Rumplestiltskin en repoussant Belle derrière-lui.

Henry recula machinalement, plus pour empêcher Régina et Emma de le toucher qu'autre chose. Le garçon aux cheveux blancs posa un pied par terre, haletant, et lâcha une volée de mots absolument incompréhensibles. On aurait dit une langue étrangère. Son regard paniqué passa sur tout le monde, puis il répéta encore, en criant cette fois.

-Je ne comprends rien à ce que tu dis, balbutia Henry.

-Je ne comprends rien à ce que tu dis, répéta le garçon.

Henry en resta bouche bée. Le garçon venait d'utiliser sa voix, la voix d'Henry, imitée à la perfection. L'inconnu continua à émettre des sons approximatifs, en enchaînant des voix d'adultes, d'enfants, de femmes et d'hommes. On aurait dit qu'il cherchait la sienne.

-Il est en train de se construire !, cracha Gold. Ne lui apprenez rien!

-Il parlait normalement quand il s'est écrasé !, protesta Henry paniqué.

Le garçon agrippait convulsivement le manteau de Kilian contre sa poitrine sans s'en revêtir pour autant, comme s'il cherchait juste à s'accrocher à quelque-chose. Son corps était aussi précis que son visage, trop finement sculpté pour un garçon de quatorze ans, trop intact pour être vrai. Rumplestiltskin leva la main à nouveau, et avec horreur, Henry vit Régina l'imiter, cette fois-ci. Même Charmant reculait doucement vers son épée. C'était les yeux. Il y avait quelque-chose avec le regard rouge du garçon, il n'était pas simplement apeuré. Il était en colère. Fou de rage et de désespoir, à en trembler. Quoi qu'il se soit passé, quoi qui ait pu l'amener ici, à présent il ne voyait que des ennemis, même Henry pouvait s'en rendre compte.

Le regard écarlate voltigea de l'un à l'autre à toute vitesse. Un frisson parcouru la colonne vertébrale d'Henry quand le garçon s'attarda sur lui une seconde, pour finalement ficher son regard dans celui d'Emma aussi sûrement que s'il la cherchait depuis le début. Emma fut prise d'un soubresaut, comme si elle avait reçu un coup de poing dans le ventre.

-Emma ?, s'affola Blanche qui avait reculé avec Neel.

-Je n'ai rien, balbutia Emma. Je... je ne sais pas ce qui...

Elle leva lentement les yeux au plafond. Henry sentit quelque-chose de froid fondre au bout de son nez. Il leva les yeux à son tour, sidéré. Il neigeait au plafond. Des flocons de lumière parfaitement irréels, trop beaux et trop précisément ciselés pour être naturels. De temps en temps, un flocon rouge comme le sang éclatait dans la nuée.

-Nous en avons assez vus, grinça Rumple en levant deux doigts.

-NON !, hurla Henry.

Avant que quiconque ait pu l'en empêcher, Henry se jeta sur son grand-père pour lui agripper le bras. L'éclair mauve qui jaillissait de sa paume frôla le garçon aux cheveux blancs sans l'atteindre. L'inconnu était si bouleversé qu'il tressaillit à peine, mais soudain, la neige se changea en véritable tempête.

-HENRY !, hurla Emma au milieu du blizzard.

Neel poussa un cri suraigu. On ne voyait déjà plus rien, il n'avait pas fallu plus de quelques secondes pour ensevelir toute la maison sous un voile de lumière blanche impénétrable, un blanc paré du même rouge sang que le traîneau avant qu'il ne s'écrase. Henry heurta quelqu'un, bascula en arrière et atterrit lourdement sur le dos, le souffle coupé. C'est là qu'il découvrit, avec horreur, que le sol disparaissait lentement sous lui. Il tenta à l'aveuglette de s'agripper à un mur pour se relever, et une pleine poignée lui en resta dans la main avant de s'évaporer.

-C'est la maison !, hurla-il. Il est en train de changer la maison en magie!

Et soudain, tout sembla exploser pour de bon dans un maelstrom de lumière blanche assourdissant.

Pendant ce qui sembla durer une éternité, tout le monde fut parfaitement sourd, complètement aveugle, et pourtant tandis qu'ils étaient projetés à terre et ensevelis sous la neige, la même révélation traversa leur esprit à tous : ce n'était pas une explosion qui avait secoué Storybrooke quand le garçon au traîneau s'était écrasé. C'était ce qui était en train de leur arriver, un sortilège que personne n'avait jamais vu avant.

Enfin, tout cessa pour ne laisser qu'un grand nuage de poudreuse. Emma se redressa en chancelant, retomba aussitôt et se releva sur les genoux, haletante. Quelqu'un remua sous sa main, et elle découvrir Kilian affalé là, grognant de douleur.

-BLANCHE !, éructa James en recrachant de la neige.

-Je suis là !, haleta Blanche. Je suis là avec Neel !

L'épéiste se jeta presque sur sa femme et son fils pour s'assurer qu'ils allaient bien. Neel hurlait à pleins poumons, sans sembler blessé pour autant. Robin émergea de la neige un peu plus loin en tremblant comme une feuille, agrippé à Belle.

Lentement, la poudreuse se dissipa.

Ils se tenaient au milieu de la rue, entre deux maisons. Une seconde, Emma crut qu'ils avaient été téléportés. Puis elle reconnu sa rue. Les maisons de ses voisins. Il ne manquait que...

-Ma maison..., bredouilla Emma absolument blafarde. Il a effacé ma maison!

-Sûrement pas, haleta Régina. C'était bien trop complexe pour un simple sort de destruction. Il doit y avoir quelque-chose de plus.

Ils étaient étendus au milieu d'un carré parfaitement blanc, comme si on avait simplement oublié de construire une habitation entre celles des deux voisins d'Emma.

-Où est Henry?!, s'écria soudain Régina.

Emma blêmit.

-Parti après son Père Noël, haleta Killian près d'elle. Réactif, le petit, il faut l'avouer.

-Rumple, balbutia Belle d'une voix blanche.

Tout le monde se tourna vers elle avec effroi.

-Il était à côté de moi, lâcha la brune comme si ça devait justifier tout ce qui allait arriver ensuite. Il était juste à côté de moi.

-Il va tuer le gamin, murmura James.

-Et qui sait ce qu'il fera à Henry s'il s'interpose, souffla Blanche d'une voix blanche.

-S'il touche à un seul de ses cheveux..., lâcha Régina en se relevant brutalement.

-Et s'il ne les retrouve pas à temps, plutôt ?, rétorqua Robin.

Il était déjà en train de chercher les traces dans la neige. Qu'importe la magie que le gamin au traîneau avait utilisé et ce qu'elle avait vraiment fait, au final elle avait produit de la neige. Et les gens laissaient des empreintes dans la neige magique tout autant que dans l'ordinaire. En un instant, Robin trouva les traces d'un Henry paniqué et admirablement déterminé. Celles, titubantes, du garçon aux cheveux blancs. Rumplestiltskin, étonnamment, n'en avait laissé aucunes.

Par contre, il y en avait d'autres.

Les traces d'une personne qui n'avait pourtant tout simplement pas été dans la pièce avec eux. Juste à côté de celles du garçon aux cheveux blancs, comme s'ils avaient été côte à côte tout ce temps, les traces à peine esquissées de quelqu'un qui se traînait difficilement, presque désespérément, trop légères pour appartenir au Ténébreux, trop infimes mêmes pour être celles d'un enfant, et trop large.

-Le Ténébreux n'arrêtait pas de répéter que quelqu'un allait venir pour le gamin si on ne le tuais pas, ajouta sombrement l'archer. Quelqu'un que même lui ne voulait pas combattre. Et le petit est vivant, pas vrai?