Bienvenue sur le chapitre 5, où Les Maraudeurs entament leur sixième année et continuent à payer les pots cassés post-Prank… N'hésitez pas à m'en donner des nouvelles;-) Bonne lecture !
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1975_Sixième année, premier trimestre
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James s'installa au pied du lit de Remus et dénoua sa cravate.
— Regulus a convaincu Walburga de le laisser venir s'ils ne voulaient pas l'avoir dans les pattes.
Il s'adossa à un des poteaux du baldaquin et allongea ses jambes sur le matelas.
— Les Black avaient pas mal de réunions au sommet prévues, au Manoir et en dehors, et Sirius était une épine dans leur pied, continua-t-il à voix basse.
— Ce cher Reggie, cracha Remus sur le même ton.
— Tu peux dire ce que tu veux, mais je ne sais pas dans quel état on l'aurait récupéré s'il ne les avait pas convaincus de le laisser venir à la maison.
— Tu veux dire… quoi ?
— Ils l'ont torturé, Moony. Chaque putain de jour. Je te jure. Il n'avait pas de marque visible quand je l'ai récupéré, mais c'est tout comme.
— Il a pas l'air de-.
— Tu le connais, Moons. Il-.
Remus dressa l'oreille vers la porte et alerta James qui s'interrompit. Il se leva comme s'il était monté sur ressorts tandis que Sirius entrait et se raclait la gorge.
— Ça va les gars ? Je-.
Remus se leva, rangea son livre sur sa table de chevet et l'échangea contre une pile de parchemins. Il força un sourire bancal.
— Lily m'attend.
Il ferma la porte du dortoir derrière lui et s'adossa au mur en plein milieu du couloir. Les larmes lui montèrent aux yeux. Il n'avait aucune envie d'entendre tout ce que James tenait à lui raconter. Il ne savait que trop bien ce qu'on pouvait ressentir en étant attaché toute la nuit à un lit.
Il le savait en l'ayant subi de parents paumés, mais bienveillants. Aujourd'hui encore, il passait les pleines lunes en cage dans le sous-sol du pavillon familial lorsqu'il n'était pas à Poudlard.
Il ne voulait pas imaginer ce que c'était de vivre cet enfer dans un climat de peur et de haine farouche. Rien que d'y penser, il avait envie de se pointer chez les Black et de leur arracher la tête.
Un bruit dans une des chambres attenantes l'alerta. Il se redressa et fila dans la salle commune trouver Lily et Marlène qui s'était jointe à leur binôme de révision.
Depuis quelques soirs, la Préfète les abandonnait en cours de route et les laissait en tête en tête. Remus n'était pas stupide, il avait bien remarqué que Marlène lui faisait du rentre dedans.
Elle n'était pas discrète. Une main sur son épaule, une pression sur son bras, une caresse légère sur son genou. Elle jouait avec ses cheveux, se penchait en avant et se mordait les lèvres. Il se laissa embrasser, ce soir-là. Juste pour arrêter les pensées qui tournaient en boucle dans sa caboche trop pleine. Ce n'était pas désagréable. C'était bien. Juste bien.
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Une nouvelle dynamique s'installa bientôt dans la promotion des Sixième année. Même si l'été s'était avéré plutôt morne, Remus en avait profité pour se fixer des objectifs. Ne jamais descendre en dessous d'Effort Exceptionnel pour chacun de ses cours était l'un d'entre eux.
Il ne pouvait pas lutter contre sa nature profonde qui, il le savait, allait entraver sa future carrière, il devait donc mettre toutes les chances de son côté. Il avait acté que passer la majeure partie de son temps libre à étudier était un bon compromis.
Dès qu'il se mit à sortir avec Marlène, Lily proposa aux Maraudeurs de rejoindre leurs sessions de révision, sans même lui demander son avis. Elle n'avait aucune envie de tenir la chandelle
Il avait abdiqué de mauvais gré. James s'était infiltré dans la brèche sans hésiter une seule seconde. Avec ses facilités, il ne révisait presque jamais, mais était bien trop heureux de pouvoir fréquenter Lily avec son consentement.
Pete avait suivi, enthousiaste. Sirius avait refusé de rester à l'écart et s'était joint à eux. Bien entendu. Remus avait dû prendre sur lui pour supporter sa présence. Lily et Marlène, curieuses, auraient aimé connaître tous les tenants et les aboutissants de ce qui séparait les Maraudeurs depuis la rentrée.
Elles ne le poussèrent pas à la confidence. Et leur présence aidait. Elles étaient rafraîchissantes. L'une se chamaillait sans cesse avec James et l'autre distrayait Remus en lui chuchotant des bêtises à l'oreille.
Et, bien qu'il ne l'aurait jamais reconnu ouvertement, il appréciait de capter les regards noirs que Sirius leur adressait. A chaque fois, son odeur s'intensifiait et Remus ressentait une bouffée de chaleur l'envahir jusqu'aux oreilles. C'était stupide et il n'avait aucune envie d'en analyser les raisons. Ce n'était qu'un fait. Rien de plus.
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Chaque mercredi, Lily et Remus rejoignaient le groupe de Métamorphose à la bibliothèque, après le cours de Runes, pour avancer sur la tonne de devoirs que leur imposait Minerva depuis le début de l'année.
Ce jour-là, comme souvent, Lily s'installa à côté de James. Avec un reniflement agacé, que chacun ignora avec plus ou moins de discrétion, Remus tira la dernière chaise libre, face à Sirius. Marlène posa une main sur sa cuisse et lui tendit un livre sur lequel il se pencha en déroulant son parchemin.
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Remus travaillait sur sa dissertation depuis plus d'une heure quand il sentit une décharge douloureuse parcourir son nerf sciatique. Il allongea ses jambes avec une grimace, leva les bras au-dessus de sa tête et étira son dos. Il arrêta aussi sec de respirer.
Un pied venait d'effleurer sa jambe. Il regarda Sirius sans hésiter, les sourcils froncés. Il était penché sur son devoir et écrivait, l'air concentré sur sa tâche. Marlène se pencha vers lui, dans un murmure.
— Tout va bien, Rem' ?
Il lui offrit un vague sourire et hocha la tête. Une chaleur irradiait depuis l'endroit où sa cheville et la chaussette de Sirius se touchaient. Il se sentait connement apaisé par ce contact direct sur sa peau. Il avait l'impression de retrouver une vieille habitude. Un truc qui semblait si… normal.
Il n'arrivait plus à se focaliser sur son devoir. Il se retenait chaque jour de toucher Sirius. Il arrivait presque à faire comme si ces gestes ne lui manquaient pas. Presque. Le sentir à nouveau provoquait un bien-être un peu étrange. Une sorte de répit.
Il aurait aimé que ce contact dure plus longtemps mais, à l'instant où il sentit le pied de Sirius remonter vers son mollet, Remus retira ses jambes avec brutalité. Il laissa sa chaise racler au sol et sortit, sans un regard en arrière.
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Marlène le retrouva un quart d'heure plus tard. Elle avait pris la peine de ramener ses affaires, de rouler soigneusement son parchemin abandonné au milieu d'une phrase et ne l'obligea pas à lui expliquer ce qui lui avait pris.
Cette fille valait tellement mieux que lui. Elle essayait de faire marcher leur relation. Elle essayait vraiment, et lui, il lui cachait sa nature profonde. Lui, il mentait et n'était même pas capable de lui offrir l'affection qu'elle recherchait.
Elle ne méritait vraiment pas de tenir ce rôle de pis-aller, mais il n'arrivait pas à se résoudre à la quitter. Marlène lui occupait l'esprit. Ou plutôt, elle lui permettait de ne penser à rien. Il profitait de ses baisers et de ses distractions quotidiennes.
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Remus ravala la pointe de culpabilité qui menaçait de l'envahir, s'empara de sa main et accepta de rejoindre leur Salle Commune. Ils arrivèrent devant le portrait de la Grosse Dame quasiment en même temps que Sirius. D'une légère pression au creux de ses reins, il incita Marlène à entrer.
— Je te rejoins tout de suite.
Il se tourna vers Sirius, l'air renfrogné, et lui barra la route.
— A quoi tu joues ? chuchota-t-il avec vivacité.
— Hmm… Je rentre dans la Salle Commune ?
— Je parle pas de ça.
Sirius croisa les bras et s'adossa à la porte, provocateur.
— Alors, de quoi est-ce que tu parles, Remus ? Je suis tout ouïe.
— Tout à l'heure.
Sirius le regarda, un sourcil relevé, la tête penchée sur le côté, un léger sourire accroché aux lèvres.
— Dans la bibliothèque, gronda Remus.
— Oui, Moons ?
— Laisse tomber.
Remus le poussa et entra à pas rageurs dans la Salle Commune. Putain de Black. Ils avaient repris les cours depuis moins d'un mois et c'était déjà le chaos.
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Remus vit arriver la pleine lune d'octobre avec une appréhension particulière. Au début du mois de septembre, Sirius avait demandé, d'une petite voix, s'il pouvait venir. Il avait reçu une fin de non-recevoir. Il était resté derrière, dans leur dortoir, et le loup avait hurlé à la lune toute la nuit, prostré dans une clairière de la Forêt Interdite.
Après presque un an de nuits partagées avec les formes Animagus des Maraudeurs, les liens privilégiés qu'ils entretenaient les uns avec les autres étaient bien ancrés. Le loup avait tendance à provoquer le cerf, à oublier le rat, et jouait avec le chien. S'il perdait de vue le Groenendael, le loup partait à sa recherche et le bousculait du museau à la première occasion. Ils ne se séparaient pas.
Sans Padfoot, aucun des jeux lancés par Prongs et Wormtail n'avait pris et, au matin, les garçons avaient juste baissé les yeux, les pommettes rouges. Ils avaient mis plusieurs heures à oser lui raconter la nuit passée et avaient promis de ne plus jamais en parler.
Toute la semaine qui avait suivi, Sirius n'avait pas réussi à retenir un sourire narquois à chaque fois que leurs regards se croisaient, ce qui avait confirmé à Remus qu'il l'avait entendu depuis leur dortoir. Comme tout Poudlard, d'ailleurs.
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Il avait recommencé à ignorer Sirius qui, lui, s'était mis à sécher les cours d'Histoire de la Magie - ce dont le Professeur Binns ne s'aperçut même pas - puis à s'absenter de plus en plus souvent.
Sirius laissait les questions de James et Peter sans réponse. Remus ne lui demandait rien. Strictement rien. Il le regardait, de loin, continuer à enchaîner les retenues et hausser les épaules avec insolence lorsque les Professeurs lui demandaient pourquoi il ne faisait pas ses devoirs.
Remus arrivait à donner l'illusion d'y être indifférent. Il était presque convaincu qu'il s'en fichait. Sauf ces fois où il avait un aperçu de ce qui pourrait se passer. Il avait déjà surpris Mary raconter à James avoir trouvé Sirius, un soir, vaciller sur le rebord d'une fenêtre. Cette nuit-là, l'inquiétude l'avait empêché de dormir.
Rien à voir avec la colère qui l'envahissait quand il tombait sur lui la langue enfoncée dans la gorge de n'importe quelle fille qui passait par là où, pire, quand il l'avait surpris dans leur dortoir, chemise déboutonnée, cravate défaite et cheveux emmêlés en compagnie d'Emmeline.
Et il y avait ces instants suspendus où ils retrouvaient un semblant de leur complicité d'antan. Parfois, la colère s'éteignait et il arrivait à se montrer cordial envers Sirius. Il refusait toujours le moindre contact, mais ils arrivaient à maintenir une sorte de statu quo. La plupart du temps, Remus restait tout de même tiraillé entre des sentiments aussi contradictoires qu'orageux.
Ils n'avaient, bien sûr, pas fait mine d'en discuter. Quand Sirius proposa à Remus, avec un petit air condescendant et trop fier de lui, de venir partager cette nouvelle pleine lune, il vit rouge. Pour seule réponse, il l'envoya paître avec pertes et fracas.
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Lorsque Remus ouvrit les yeux, il faisait nuit noire. Allongé dans sa cellule privative, il pouvait voir les étoiles briller. C'était nouveau. Il ne se réveillait jamais en pleine nuit.
Il tenta un mouvement et un cri de douleur s'échappa de ses lèvres. Il eut l'impression d'être traversé par un sabre, jusqu'à la garde. Il arrivait à peine à reprendre son souffle lorsque Poppy le rejoignit.
— Ne bougez pas, Remus. Vous souffrez d'un écrasement thoracique. Vos poumons et vos vaisseaux sont en train de se restaurer. Demain matin, vous devrez prendre du Poussos pour réparer votre volet costal.
Il essaya de parler, mais respirer était déjà une épreuve en soi. Il était bien incapable d'émettre le moindre son intelligible.
— Ce sera douloureux. Très douloureux. Prenez un peu de cette potion. Vous avez besoin de vous reposer, continua-t-elle.
Remus la laissa glisser la cuillère de potion de Sommeil sans Rêve entre ses lèvres et perdit connaissance. Il ne comprit ce qui était arrivé que trois jours plus tard, lorsqu'il put enfin sortir de l'infirmerie.
James et Peter lui racontèrent ce qu'il s'était passé, d'une voix blanche et pleine de culpabilité. Le loup avait suivi le cerf en début de nuit et ils avaient couru à travers la Forêt Interdite. Jusqu'à ce qu'il lui prenne l'envie de retourner à Poudlard. Prongs avait tenté de l'arrêter, de détourner son attention, sans aucun effet.
Plus la nuit avançait, plus le loup s'était montré déterminé à rentrer au château et son thorax n'avait pas résisté aux bois du cerf. James en était malade, d'avoir dû le blesser. Peter lui-même était encore un peu palot en y repensant.
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En novembre, Sirius ne laissa plus le choix à Remus. Il imposa sa présence le soir de la pleine lune. Il ne put que hausser les épaules, dépité. Le cerf était trop puissant et le rat trop discret pour contenir les humeurs du loup. Il n'avait d'autre option que de se résigner.
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Au petit matin, le loup et Padfoot étaient roulés en boule quand la transformation commença. Le chien s'assit sur ses pattes arrières, regarda Remus redevenir lui-même et se glissa sous son aisselle jusqu'à ce qu'il se redresse. Il se rhabilla avec lenteur et Sirius resta sous sa forme canine, le museau perdu entre ses pattes avant. Il le fixa par en-dessous jusqu'à ce qu'il aille à la rencontre de Poppy.
Remus se sentait étonnamment en forme et fut autorisé, pour une fois, à sortir de l'infirmerie à l'heure du déjeuner. Lorsqu'il rejoignit la Grande Salle, James se leva dans un cri.
— Moonyyyyyy !
Il bouscula l'épaule de Sirius au passage, qui s'effondra sur Mary dont le bras renversa son verre. Le jus de citrouille coula droit sur la jupe de Lily qui se leva dans un cri aigu.
Le rire de James, qui résonnait déjà, éclata de toute sa puissance. Alors que tous les regards se tournaient vers lui, Lily lui jeta son verre d'eau au visage. En réponse, il jeta le quignon de pain qu'il tenait à la main.
Celui-ci atterrit droit sur Dorcas qui se tenait à la table des Serdaigle, juste derrière Lily. Elle prit à son tour une poignée de petits pois, qui traînaient dans son assiette, et les lança à la volée. Sirius en reçut plusieurs, en plein sur le front, et se leva en hurlant.
— Bagarre générale !
Lorsque les Professeurs se décidèrent enfin à réagir, la Grande Salle résonnait d'un joyeux boucan et plus aucun élève n'était indemne. Les Directeurs de chaque Maison durent user de sortilèges pour mettre fin au massacre qui n'épargna aucun Préfet.
Les élèves retournèrent dans leurs Salles Communes hilares en dépit des retenues qui pleuvaient. Remus et Sirius se trouvèrent côte à côte, perdus au milieu des Deuxième année.
— Je ne sais pas comment je vais enlever cette mélasse que tu as mis dans mes cheveux, s'exclama Remus, un rire aux lèvres, une boucle collée entre ses doigts.
— Ça te donne un certain charme, s'amusa Sirius à son tour, en le poussant d'un coup d'épaule.
— Abruti, souffla-t-il sans lâcher son sourire.
Marlène l'interpella et, après avoir jeté un dernier coup d'oeil à Sirius, Remus la rejoignit. Il passa l'après-midi à se reprocher son relâchement. Sirius avait déjà tendance à croire que tout lui était acquis, il ne pouvait pas se permettre de le laisser s'en sortir avec tant de facilité. Pour autant, sa colère ne suffisait pas à tuer le désir qu'il éprouvait. Et il se méprisait pour ça. Littéralement. Il détestait l'ambivalence de ses sentiments.
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Le lendemain de la Grande Bataille de Poudlard, Remus ouvrit les yeux de mauvais gré alors que James lui secouait l'épaule.
— Moony ? Tu as vu Pads ?
Il se redressa et regarda l'heure. Huit heures vingt. Soit bien trop tôt pour un samedi matin. La cloche ne sonnait généralement pas avant dix heures le week-end.
— Je ne le vois pas sur la carte.
— T'as regardé partout ?
— Yep. Plusieurs fois. Il n'est nulle part.
Remus se leva, enfila un jean, un chandail, et s'empara de ses boots.
— Où tu vas ?
— Tu m'as réveillé. C'est bien pour le chercher, non ?
Ils récupérèrent Peter qui terminait sa toilette, firent un crochet par la Grande Salle où ils ignorèrent les regards étonnés des élèves les plus matinaux qui n'avaient pas l'habitude de les voir debout si tôt le week-end. Ils filèrent ensuite à Pré-au-Lard.
Ils le cherchèrent une bonne partie de la matinée sans le trouver et suintaient l'inquiétude en retournant à Poudlard. Sirius avait beau faire n'importe quoi depuis la rentrée, les garçons savaient toujours où il traînait.
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Ils finissaient leur déjeuner, pétris de doutes sur les prochaines recherches à entamer, quand les portes de la Grande Salle s'ouvrirent. Les silhouettes de Sirius et Regulus se détachèrent dans la lumière, suivies du Professeur Slughorn.
Ils portaient leurs robes de cérémonie, sur des costumes noirs assortis. Ils étaient sublimes. Ils se séparèrent, sans un regard, et se dirigèrent vers leurs tables respectives.
— Pads, t'étais où ? demanda James d'un ton vif.
Sirius s'installa à ses côtés, le visage fermé. Il haussa une épaule et arracha l'élastique qui serrait ses cheveux en chignon.
— Plus tard.
Il dégagea son front et s'empara d'une part de moelleux au chocolat qu'il mangea du bout des lèvres. Remus hésita à étendre la jambe pour aller à la rencontre des siennes. Il n'osa pas. Lorsqu'ils prirent le chemin des dortoirs, ce fut dans un silence pesant.
Une fois à l'abri des oreilles indiscrètes, Sirius leur expliqua avoir été convoqué par ses parents pour célébrer son passage à l'âge adulte. Il avait eu droit à une cérémonie officielle où, sous les regards austères de sa famille, il avait rencontré sa fiancée, Gwendoline Fawley, descendante de l'ancien Ministre de la Magie qui suivait ses études à Durmstrang.
— Elle est jolie ?
— T'es sérieux, Wormy* ?
— Hey, pas besoin d'être insultant, Pads* !
— Treize ans, les mecs. Elle a treize ans !
Remus tendit la main pour s'emparer de la sienne mais interrompit son geste. James souffla par le nez et se pencha vers sa malle.
— Tiens, ouvre ça, ça vient de Maman, s'exclama-t-il en lui fourrant une petite boîte bleu nuit dans les mains.
Sirius en sortit un carré qui tenait dans la main.
— C'est- ?
— Un miroir à double sens ! confirma James, enthousiaste.
Il sortit le sien de sa poche et ils continuèrent à parler, à travers la glace, alors qu'ils n'étaient qu'à un pouce l'un de l'autre. Leurs voix résonnaient dans le dortoir.
— Elle a vraiment peur de te voir retourner au Manoir pour Noël…
Le visage de Sirius s'assombrit à nouveau.
— Ça ira. J'ai tenu ce matin, j'y arriverai aussi à Noël. Avec le miroir, ce sera encore plus facile, termina-t-il avec un léger rictus.
Sirius replaça son cadeau dans sa boîte et s'empara d'un autre paquet que Peter lui tendait. Ils passèrent une partie de l'après-midi à découvrir les surprises que ses amis lui avaient envoyées ou lui apportaient au compte-goutte directement dans le dortoir.
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Peter alluma le joint que Mary avait offert un peu plus tôt, tira deux fois dessus et le fit tourner.
— Alors Pads, tu paries quoi ?
— Je m'en voudrais de vous écraser encore une fois. En plus, Remus est bien trop mauvais joueur, tenta Sirius, la voix peu assurée.
Remus leva un sourcil désabusé en aspirant la fumée âcre. L'éclat de rire de James le fit réagir.
— Moi ? Mauvais joueur ? Rappelle-moi, qui est-ce qui a interdiction d'utiliser le jeu d'échec de Pete pour l'avoir jeté par la fenêtre après une défaite ?
— Le jeu était truqué, répondit Sirius du tac-au-tac.
Le sourire qu'il lui adressa, son regard ancré au sien, le retourna complètement. Remus toussa et se leva, agité. Il s'excusa d'un souffle douloureux.
— J'dois voir Marlène.
Il fila sans demander son reste, une main plaquée contre son ventre, comme si ce geste était nécessaire pour retenir ses entrailles qui voulaient s'échapper. Il ne rejoignit les Maraudeurs qu'à l'heure du dîner et se retrouva embarqué droit vers Pré-au-Lard.
Une fois au village, les garçons hélèrent le Magicobus, partirent manger des pizzas infâmes et terminèrent leur soirée dans un pub d'Edimbourg. Ils s'apprêtaient à reprendre le tunnel en direction de Poudlard quand Sirius accrocha la manche de Remus.
— Merci d'être venu, Moonbeam.
— Ouais.
Il haussa les épaules et Sirius relâcha sa prise. Il ne savait pas quoi lui répondre. Qu'il lui en voulait toujours ? Qu'il voulait le plaquer au mur et lui mettre son poing dans la tronche ? Qu'il avait envie de lui rouler le patin de sa vie ? Les deux en même temps ? Il se sentait si ridicule qu'il fit la seule chose qu'il se sentait capable de faire. Il sortit du tunnel à grandes enjambées, sans un regard en arrière.
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Le mois de novembre s'étendit en longueur alors que les jours raccourcissaient et que le froid les saisissait. Remus passait toujours bien trop de temps à la bibliothèque et Sirius ne se présentait toujours qu'à la moitié de ses cours.
— Si vous continuez ainsi, Monsieur Black, je n'aurais d'autre choix que d'en référer à vos parents.
— Faites ce qui vous semble juste, avait répondu Sirius à leur Directrice de Maison.
Cette fois-là, il s'était levé théâtralement et personne ne l'avait revu de l'après-midi.
Remus, quant à lui, continuait à fréquenter Marlène et, à son plus grand malheur, plus il se montrait distant, plus elle s'accrochait à lui. Il cherchait le moindre prétexte pour s'éloigner d'elle, sans oser mettre fin à leur histoire. Il avait beau la trouver un peu trop envahissante, elle restait une distraction bienvenue dans son marasme quotidien.
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Décembre n'allait plus tarder et Remus mit un point final à sa dissertation de Potions. Il sentit sa cuisse se contracter lorsque Marlène y posa la main et s'escrima à ne pas croiser son regard, agacé à l'avance.
Lily, à sa droite, lisait un roman, la main perdue dans les cheveux de James assis à ses pieds. Il étudiait ses notes d'Histoire de la Magie d'un oeil absent. Mary interrogeait Peter à voix basse sur les sortilèges étudiés depuis le début de l'année. Marlène les écoutait en caressant sa cuisse d'une main distraite.
— J'ai faim…
— Tu as tout le temps faim, Wormy, plaisanta James.
— Vous n'avez rien à grignoter ?
— Nope, tu n'as plus rien là-haut ?
Peter secoua la tête et Remus se leva dans un soupir exagéré.
— Ok, je vais aller nous ravitailler.
Il s'éloigna sans attendre. Il avait l'impression d'étouffer et besoin de respirer. Il se rendit sans détour aux cuisines où les Elfes s'affairèrent autour de lui, empressés de satisfaire ses moindres désirs.
Il eut tant de difficultés à leur fausser compagnie que le couvre-feu retentit avant même qu'il ne rejoigne le couloir principal. Il se flagellait encore de ne pas avoir pensé à prendre la cape d'invisibilité de James avec lui lorsque des pas précipités résonnèrent dans le couloir, suivis d'un éclat de voix.
— Tu m'emmerdes, Cissy !
Remus reconnut la voix de Sirius et se faufila dans une alcôve, le coeur battant à tout rompre. Il tendit l'oreille. Il ne percevait que des chuchotements rageurs et indistincts.
— Miss Teigne ! éclata bientôt la voix de Narcissa.
Un tumulte de pas se fit entendre. Remus pria pour que ceux qui se rapprochaient de lui soient ceux de Sirius. Il inspira un grand coup et, les yeux fermés, tendit le bras.
Il agrippa ses doigts à un vêtement, le tira vers lui et plaqua le corps au sien, étroitement. L'alcôve fut aussitôt envahie par l'odeur de Sirius. Elle était étrange, son odeur.
Il sentait d'abord le propre. Comme s'il avait poudré son corps au sortir de la douche. Ce n'était pas tout à fait une odeur de savon. C'était un truc plus léger. Plus aérien.
Derrière, il y avait cet arrière-goût métallique. Comme si le sang qui pulsait dans ses veines essayait de s'échapper à tout prix. C'était aussi perturbant qu'appétant et, systématiquement, Remus sentait ses papilles se réveiller.
Quand il n'y prenait pas garde, il se mettait connement à saliver et, alors, il était pris par le soupçon de caramel qui traînait, plus chaleureux que sirupeux. Comme il était pris, à l'instant même. Des bras encerclèrent son torse et le serrèrent à l'en étouffer.
— Lâche-moi, murmura-t-il.
Les bras de Remus tombèrent le long de son corps. Il ne pouvait pas reculer, mais il fit en sorte qu'une brise puisse à nouveau passer entre eux.
— Moony…
— Laisse tomber, Sirius.
— J'ai jamais voulu te faire du mal.
— Tu l'as quand même fait…
— J'voulais pas…
— Tu ne peux pas continuer à agir sans te soucier des conséquences.
Sirius s'agrippa à sa chemise et colla son front à sa gorge.
— Tu parles de Snape ou tu parles de nous ?
— Quelle importance ?
Remus eut envie de le repousser. Il l'aurait fait, s'il n'avait pas senti des larmes filer en silence au creux de son cou. Il se sentit totalement désarçonné. Sirius ne pleurait pas. Jamais.
Sirius boudait. Sirius criait. Sirius se moquait. Sirius dénigrait. Il. ne. pleurait. pas. Putain, ses larmes lui donnaient envie de chialer. Ses mains se posèrent sur sa taille par automatisme. Il fourra son nez dans ses cheveux et inspira profondément en repliant ses bras autour de lui.
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Ils restèrent de longues minutes enlacés. Remus se sentait tellement à sa place, là, contre lui. Les larmes de Sirius se tarirent et sa respiration ralentit.
— Je suis désolé, Moons. J'ai tout gâché.
Remus fit un pas en arrière et le dévisagea dans un silence tendu qu'il brisa d'un murmure.
— T'étais censé être mon meilleur ami, Pads.
— Je le suis. Tu l'es. Je. Remus. J'ai pas les mots. Je-. Rien de ce que j'pourrais dire changera ce que j'ai fait mais-. Je ne te décevrais plus. Plus jamais.
Remus le fixait si fort qu'il avait l'impression de sonder son âme. Il n'écoutait même plus la litanie qu'il débitait.
— Tu seras fier de moi, Remus. Je peux te prouver que je suis digne de confiance. Je-.
— Ok, expira-t-il.
— Ok ?
— Ouais. Ok. N'importe quoi pour que tu te taises, relança-t-il encore, les yeux levés au ciel.
Remus lui donna un coup d'épaule avec un léger sourire.
— Allez, viens. J'ai plus mon badge de Préfet pour nous éviter des retenues et vu ton Pedigree, t'es à deux doigts de risquer le renvoi…
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Ils ne retrouvèrent pas leur dynamique antérieure, mais Sirius recommença à venir en cours. Remus l'autorisait à s'asseoir à côté de lui, même s'ils ne prononçaient pas un mot. Ils ne se touchaient pas non plus. Ils tentaient de se réapprivoiser.
De loin, comme s'ils n'étaient plus face à un ami mais à un animal sauvage et blessé. Remus vit arriver les vacances de Noël avec soulagement. Il n'avait aucune envie de passer une nouvelle nuit en cage, mais il était impatient de ne plus avoir à gérer ni Marlène, ni Sirius.
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Il n'y a pas à dire, Remus kiffe vraiment les vacances... Vivement la semaine prochaine qu'on avance un peu maintenant qu'ils se sont réconciliés
