Chapitre II : L'Étudiante
Noël 1968,
Bellatrix contempla son reflet dans le miroir : ses yeux noirs étaient brillants. Peut-être était-ce dû aux deux coupes de champagne qu'elle avait bu mais il était plus vraisemblable que cela soit dû à l'aigreur qu'elle ressentait. Elle enleva ses gants noirs et se lava les mains en prenant le plus de temps possible. Elle n'avait aucune envie de rejoindre la salle à manger. Le Manoir Black commençait une fois de plus à devenir étouffant. Elle entendait le rire aigu de sa mère, la voix grave de son oncle et celle de sa tante qui hurlait après Sirius.
Il avait probablement commis une énième bêtise. Un vague sourire passa sur le visage de Bellatrix. Elle s'affaira ensuite à sécher ses mains. Son regard s'attarda sur ses bras nus révélés par la petite robe noire qu'elle portait. Walburga et sa mère l'avaient recouverte d'un regard désapprobateur lorsqu'ils l'avaient vue ainsi habillée mais Bellatrix avait maintenant dix-sept ans et jouissait du droit de pouvoir se vêtir comme elle le désirait.
Sa peau blanche et exempte de la moindre cicatrice l'agaçait. Elle avait pu contempler à loisir la marque qui ornait le bras de Rodolphus. Ce crâne lugubre vomissant un serpent qui s'enroulait et se déroulait dans la peau fine de son avant-bras. La première fois qu'elle avait aperçu la marque, la jalousie l'avait envahie à un point inimaginable et elle n'avait pu s'empêcher de lui envoyer quelque sort malveillant après cela. Rodolphus l'avait évité pendant des jours.
Lord Voldemort avait fait de Rodolphus un mangemort à la fin de sa scolarité en juillet dernier. D'autres anciens élèves de Serpentard avaient été marqués également. Les soldats de Lord Voldemort que Bellatrix connaissait n'étaient pas très nombreux. Elle savait qu'elle devait en côtoyer beaucoup mais il était extrêmement difficile de savoir qui était un mangemort et qui ne l'était pas. Sans le tatouage, Bellatrix n'aurait probablement jamais cru Rodolphus.
Comment Lord Voldemort avait-il pu vouloir de Rodolphus dans ses rangs ? Certes, le jeune homme n'était pas idiot et ne tarissait pas d'éloges sur le mage noir mais Bellatrix le trouvait si faible. Il s'était enrôlé par tradition. Après tout, son père était un mangemort également et il était tout naturel d'offrir son fils au mage noir maintenant qu'il était en âge de lui être utile. Rodolphus partageait les idées du mage noir mais il n'avait ni passion ni hargne de prouver sa valeur.
Bellatrix n'avait jamais pu oublier la seule et unique rencontre qu'elle avait eue avec Lord Voldemort. Elle se souvenait de son sourire, de son odeur et de son regard ensorcelant. Elle se souvenait du moindre détail avec précision.
Lord Voldemort l'avait obsédé ces dernières années. Elle était maintenant dans sa dernière année de scolarité et elle n'avait pas eu de moment pour s'ennuyer mais le souvenir du mage noir ne lui avait pas laissé de répit. Elle languissait tellement de le recroiser sa route un jour mais elle se demandait de plus en plus si cela n'était pas qu'un pauvre rêve en définitive.
Le mage noir se faisait encore plus discret qu'auparavant. Son nom commençait à se murmurer avec peur dans les rues du monde sorcier. La présence d'un sorcier aux pouvoirs terrifiants n'avait pas échappé à l'attention générale. Bellatrix se doutait que Lord Voldemort se réservait une entrée éclatante. Il se construisait une armée vaillante tissée par des sorciers influents avant de prendre le contrôle. Bellatrix brûlait d'envie de faire partie de son armée, d'être aux premières loges lorsque le pouvoir du mage noir s'abattrait sur le monde.
Elle s'en voulait terriblement de ne pas avoir été plus dégourdie la fois où elle avait fait sa rencontre. Elle n'avait même pas desserré les dents ! Le mage noir devait la considérer si bassement. Une idiote sans cervelle, gauche et mal-élevée. Mais surtout, il n'avait vu en elle qu'une future mère. Une simple femme.
Bellatrix savait que la seule et unique raison pour laquelle Voldemort était venu au Square Grimmaurd ce soir-là était pour donner l'aval à Reginaldus Lestrange, un de ses plus anciens mangemorts, de marier son fils. Lord Voldemort avait son mot à dire dans la moindre alliance dans les familles de ses mangemorts. Après quelques secondes à peine, il avait indiqué à Lestrange Sr. qu'il acceptait les fiançailles de Rodolphus et Bellatrix. La jeune fille ne pouvait s'empêcher de se demander si cela signifiait qu'il l'avait apprécié ou si, au contraire, il ne l'avait trouvé utile qu'à la tâche de donner un héritier à la famille Lestrange. Merlin savait que Bellatrix haïssait cette idée.
Bellatrix soupira fortement puis quitta la salle de bain. Lorsqu'elle s'immisça de nouveau dans la salle à manger, l'ambiance était un peu retombée. Regulus et Sirius n'étaient plus à table, ce qui expliquait sûrement ce calme soudain. Ses deux sœurs chuchotaient entre elles à l'une des extrémités de la table tandis que son oncle et le père de Rodolphus discutaient d'affaires déplaisantes concernant certains Sang-de-Bourbes qui travaillaient au Ministère de la Magie.
La famille Lestrange était toujours conviée pour les grands dîners maintenant que Bellatrix et Rodolphus étaient fiancés. Bellatrix s'assit à côté de Rodolphus qui la bouffait littéralement du regard. Depuis septembre, ils ne s'étaient pas revus une seule fois. Bellatrix avait dû retourner à Poudlard et Rodolphus s'était entièrement dévoué à la cause de Lord Voldemort.
– Quand aurons-nous la possibilité de parler ? demanda Rodolphus à voix basse, son souffle se perdant dans le cou de Bellatrix.
Elle leva des yeux agacés vers lui.
– De quoi Diable aimerais-tu parler ?
– De nous, bien-sûr !
Bellatrix leva les yeux au ciel. Rodolphus n'avait cessé de la courtiser depuis leurs fiançailles. Au début, il l'avait couverte de cadeaux mais voyant que cela ne marchait pas, il s'était mis en tête de l'impressionner. Véritable petit roi à Poudlard, il s'était montré encore plus présomptueux et arrogant que jamais. Ce ne fut que le jour où il fit tomber un Gryffondor traître à son sang dans les escaliers en colimaçon de la Tour d'Astronomie que Bellatrix le gratifia d'un sourire sincère. Rodolphus crut déceler un espoir dans cette voie et s'était alors occupé de mettre en place un véritable régime de terreur pour tous les sang-de-bourbes et autres raclures de l'école.
Leurs rapports s'étaient alors beaucoup améliorés. Bellatrix le considérait toujours avec mépris mais elle le trouvait distrayant. Parfois elle acceptait qu'il mange à côté d'elle ou qu'il la rejoigne à la bibliothèque.
À la fin de sa cinquième année, elle n'haïssait plus son fiancé et s'était construite une place nouvelle dans sa cour d'admirateurs. Elle était ravie d'échapper au Fantôme en acceptant de retrouver un rôle au sein du clan de Rodolphus mais elle continuait de clamer qu'elle ne serait jamais son amie.
– Tu as toujours si bon goût en matière de robes, Bellatrix, murmura-t-il en louchant sur ses seins.
Les autres invités ne les regardaient pas, chacun étant pris dans leur propre discussion. Bellatrix ne répondit rien. Elle saisit son verre de vin et le but d'une traite, levant la tête et découvrant son cou un peu plus. Rodolphus respira son parfum ses lèvres n'étaient qu'à quelques millimètres de la peau fine de son cou. Il sembla vouloir l'embrasser à cet endroit l'ombre d'un instant. Elle l'entendit déglutir bruyamment puis il se redressa. Il passa un bras autour de ses épaules.
– Tu es encore plus désirable que cet été ma chère Bellatrix, j'ai tellement hâte que l'on soit marié.
Les préparatifs du mariage prenaient doucement place. La date avait été fixée au 20 août. Les parents de Bellatrix avaient préféré qu'elle finisse ses études afin d'éviter tout risque qu'elle soit distraite lors de ses examens. La jeune fille ne désirait pas plus se marier qu'à l'âge de ses quatorze ans mais elle s'était quelque peu résignée.
– Allez, viens me rejoindre à l'étage, j'ai besoin de te parler, la supplia Rodolphus d'une voix rauque.
Bellatrix le regarda quelques instants puis acquiesça faiblement de la tête. Il quitta la pièce avec discrétion tandis qu'elle ordonnait à l'elfe de maison de lui remplir son verre de vin. Elle le but lentement, réfléchissant, avant de céder. Elle se leva et partit rejoindre Rodolphus.
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Adossé contre le mur du palier, Rodolphus la regardait grimper l'escalier avec un rictus moqueur. En passant devant lui, Bellatrix lui pinça la peau de son avant-bras pour le punir de ce sourire insolent et de la détestable impression graveleuse qui en découlait.
– Suis-moi, siffla-t-elle hargneusement.
Elle l'emmena vers une des chambres du manoir. Bellatrix ouvrit brusquement la porte et balaya la pièce d'un regard glacial. Sur le lit double de la chambre, un jeune garçon était installé et semblait plongé dans une discussion désopilante. Bellatrix ne vit pas tout de suite son interlocuteur mais bientôt l'elfe de maison bondit près des nouveaux venus et se courba exagérément.
– Maîtresse Bellatrix et son ami Monsieur Lestrange désirent-ils quelque chose ? Kreattur est à votre service !
Bellatrix contempla l'elfe avec mépris sans prendre la peine de répondre avant de se tourner vers son cousin qui paraissait outré d'une telle irruption dans sa chambre.
– Que fais-tu, Regulus ? Tu tiens compagnie à ton elfe ? demanda Bellatrix sans cacher sa surprise et son dégoût.
Le jeune garçon rougit violemment et lança un regard très mauvais à sa cousine.
– Que faites-vous ici ? lança-t-il à la place.
Rodolphus laissa échapper un rire moqueur puis se tourna vers Bellatrix, semblant se poser également la même question.
– Rodolphus et moi devons parler, et puisque la chambre d'ami abrite déjà les affaires des parents de Rodolphus, j'aimerais que tu déguerpisses, expliqua-t-elle d'une voix froide.
– Quoi ? Mais non, c'est ma chambre ! Vous n'avez qu'à aller embêter Sirius ! rouspéta Regulus avec aigreur.
– File d'ici ! s'écria Bellatrix.
Le jeune garçon et l'elfe quittèrent la pièce sans demander leur reste. Rodolphus la regardait toujours avec ce sourire railleur. La jeune fille n'y fit pas attention et s'installa sur le lit de son cousin.
– Tu peux être un véritable tyran, dis-moi, remarqua Rodolphus avant de s'approcher à pas lents du lit.
– Merci ! le remercia Bellatrix, mais cesse de me faire des éloges et parle puisque c'est ce que tu voulais.
– Très bien, se reprit Rodolphus, perdant dans le même temps son sourire et son assurance.
Bellatrix leva un sourcil inquisiteur. Le silence s'éternisa quelques secondes puis Rodolphus prit une grande inspiration :
– Tu sais Bellatrix, ces dernières années n'étaient pas spécialement faciles pour moi non plus. Je n'avais jamais imaginé me marier si tôt… La décision que j'ai prise quand j'avais quatorze ans, je ne la regrette pas. Je t'ai choisi, Bellatrix, car tu es différente des autres. Ma mère n'a pas tout de suite compris mon choix. Il est vrai qu'il semble légèrement étrange de s'enticher d'une sorcière telle que toi. Tu es tellement désobéissante, tellement fourbe et peu docile. Tu rechignes même à devenir mère !
Bellatrix leva les yeux au ciel.
– Le fait est, reprit Rodolphus, que je n'ai jamais voulu une femme typique. Oh bien-sûr, je m'attends à ce que tu me donnes un fils un jour. Mais je ne cherche pas à te changer ! Bien au contraire, je t'ai choisi parce que je sais que je ne m'ennuierai jamais avec toi.
– Peux-tu en venir au fait, Rodolphus ? Tu sais que les discours niais ne me rendront pas plus malléable.
– Très bien alors je vais être franc. Ce mariage te semble horrible mais ouvre les yeux, c'est la meilleur chose qui pouvait t'arriver ! Tu vas pouvoir échapper à ta famille et à tous leurs protocoles qui te débectent. Vivre avec moi, c'est t'émanciper dans un monde qui n'accepte pas qu'une femme fasse ce qu'elle veut. Tu pourras faire ce qu'il te plaît avec moi et en contrepartie, je ne te demande qu'une chose, ma chère Bellatrix…
– Tu veux dire, en plus du fait que je vais devoir supporter ta sale tronche chaque triste jour de ma vie ? demanda Bellatrix avant d'esquisser un sourire cruel.
Rodolphus soupira et approcha davantage du lit. Il posa une main sur la nuque de Bellatrix et la força à soutenir son regard. La jeune fille tenta de s'échapper mais Rodolphus posa sa deuxième main derrière sa nuque et l'immobilisa avec force, leurs fronts étaient maintenant pratiquement collés l'un à l'autre.
– Bellatrix… Tu as dix-sept ans et j'estime avoir assez attendu.
– Je pensais qu'on était censé attendre jusqu'au mariage, rétorqua Bellatrix d'un ton faussement léger.
- Oh bordel, tu détestes toutes ces règles désuètes ! Je ne demande que ça à la fin, et je peux t'assurer que ce tout petit service que je te demande te donnera un plaisir comme tu n'en as jamais expérimenté.
Bellatrix leva un sourcil sceptique.
– N'es-tu même pas curieuse ? chuchota Rodolphus tout contre ses lèvres.
Il la regarda longuement dans les yeux puis posa doucement ses lèvres contre les siennes. Bellatrix garda les yeux bien ouverts et ne répondit pas immédiatement au baiser même si son cœur commençait à battre plus vite. Ce n'était pas leur premier baiser. À Poudlard, il lui était arrivé d'accepter les baisers de Rodolphus, plus par lassitude qu'autre chose. Parfois, elle aimait se laisser aller malgré les appels furieux de sa fierté. Seulement, cette fois, elle répondit au baiser avec langueur. Elle découvrait pour la première fois la caresse d'une autre langue contre la sienne et sur ses lèvres. Elle sentit le cœur de Rodolphus battre plus fort également.
Ses mains se posèrent sur ses épaules et la guidèrent à s'allonger complètement sur le lit. Bellatrix était étonnée de se rendre compte qu'elle appréciait pour la première fois le baiser de Rodolphus. Il semblait la désirer tellement ! Au fur et à mesure que ses mains glissaient sur son corps, contre le tissu de sa robe, sa respiration s'accélérait, devenant presque erratique. La chaleur de ses mains traversait la robe de la jeune fille, et elle laissa presque échapper une exclamation de surprise lorsque les mains atteignirent son décolleté. Contre sa peau nue, la chaleur était d'autant plus intense. Elle se mit à imaginer le contact de ces mains contre son corps entièrement nu.
Les lèvres de Rodolphus quittèrent celles de Bellatrix et voyagèrent jusqu'à son cou Bellatrix dut se mordre les lèvres pour ne pas gémir. Rodolphus fit glisser ses mains le long de ses hanches puis remonta la robe de Bellatrix sur ses cuisses d'un geste brusque. La jeune fille se mit à attendre avec anticipation ce qui allait suivre. Une des mains chaudes se posa alors sur la peau de ses cuisses, le dos de Bellatrix s'arqua aussitôt comme si son corps quémandait encore plus d'attention. Elle sentit le sourire de Rodolphus contre sa peau mais elle n'eut pas le temps d'en être irritée car la main aventurière était maintenant posée contre sa petite culotte. Deux de ses doigts exerçaient un mouvement de friction sur toute la longueur de son intimité avec lenteur. Le geste était à peine appuyé comme s'il n'était destiné qu'à la faire languir un peu plus.
Rodolphus releva légèrement la tête et son regard fébrile rencontra celui de sa fiancée. Il la trouva magnifique, le souffle un peu coupé et l'air légèrement hagard, ainsi étalée sur le lit. Rodolphus avait rêvé de ce moment-là des années durant. Un frisson de délice parcourut sa colonne vertébrale alors qu'il contemplait Bellatrix. Enfin, il était maître de la situation et la bouche sensuelle de la jeune fille ne laissait échapper plus que des gémissements étouffés au lieu de ses remarques acerbes habituelles. Voilà un changement auquel Rodolphus aurait pu se délecter indéfiniment.
Il écarta légèrement le tissu de la culotte et ses doigts purent caresser directement le sexe déjà humide de Bellatrix. La respiration de la jeune fille s'arrêta un instant comme choquée par ce nouveau contact. Son regard quitta celui de Rodolphus et elle ferma les yeux. Mordant ses lèvres pour ne pas gémir davantage, Bellatrix ne put s'empêcher pourtant de frissonner. Jamais elle n'avait pensé que ce serait aussi… délicieux.
Mais Rodolphus n'avait pas fini. Son pouce approchait maintenant le clitoris de Bellatrix partie que la jeune fille n'avait alors encore jamais exploré. Le résultat de cette sensation nouvelle engendra chez Bellatrix de forts gémissements. Le sourire clairement satisfait de Rodolphus s'agrandit alors davantage. Puis, il fit glisser un doigt à l'intérieur d'elle tout en continuant de caresser son clitoris. Elle gémit davantage, sans pouvoir s'en empêcher, et son corps s'arcbouta violemment. Rodolphus ne put s'empêcher de coller son propre corps contre elle et de lui dévoiler ainsi son érection grossissante.
Il voulut l'embrasser de nouveau mais une douleur intense lui fit stopper tout mouvement. Il dégagea sa main des cuisses de Bellatrix et vint recouvrir la marque des ténèbres de son autre main. Bellatrix se redressa et contempla le jeune homme avec frustration.
– Que t'arrive-t-il ? demanda-t-elle avec une certaine curiosité maintenant que ses yeux étaient posés sur la marque des ténèbres.
– Il m'appelle, siffla-t-il entre ses dents.
Bellatrix n'avait pas besoin de demander de qui il voulait parler. Rodolphus lui avait déjà confié que les appels de son maître étaient violents mais cette fois-ci elle en était témoin. Elle avisa la grimace de douleur de son fiancé et ricana. « Quelle chiffe molle… » pensa-t-elle avec mépris.
– Je dois y aller ! s'exclama Rodolphus.
Bellatrix attrapa son bras avant qu'il ne puisse se lever.
– Emmène-moi, demanda-t-elle d'un ton autoritaire.
– Quoi ? Tu es devenue folle ?
– Emmène-moi et je te laisserai faire ce que tu veux avec moi, répondit-elle précipitamment.
– Il y a deux secondes, je n'aurai pas eu besoin d'entendre cet affreux chantage pour faire exactement ce que je voulais de toi ! Maintenant lâche mon bras !
– Rodolphus, s'il-te-plaît !
Le jeune homme se défit violemment de l'emprise de Bellatrix.
– Il n'aime pas que l'on soit en retard ! se justifia-t-il d'une voix froide. Joyeux Noël.
Sur ces mots, Rodolphus transplana laissant Bellatrix ivre de colère sur le lit. Moins d'une seconde plus tard, Walburga Black entra dans la pièce. Bellatrix se hâta de rabattra sa robe sur ses cuisses mais elle doutait que sa tante n'ait pas déjà compris ce qui s'était passé dans la chambre.
– Que fais-tu ? interrogea-t-elle avec scepticisme.
– Rien, mentit Bellatrix, Rodolphus a dû partir, il…
– Je sais, coupa Walburga avec rudesse, son père vient de transplaner également. Madame Lestrange va se coucher maintenant, et tes parents s'en vont. Tu devrais les rejoindre.
Bellatrix suivit alors sa tante jusqu'au rez-de-chaussé où ses parents et ses sœurs l'attendaient, capes en mains. Andromeda darda sur elle un regard curieux comme si elle se demandait ce qu'elle avait été faire à l'étage.
La famille souhaita une bonne nuit et un dernier « joyeux Noël » à Oncle Orion et Tante Walburga puis rejoignit la cheminée du salon afin de regagner leur manoir.
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Le lendemain après-midi, à l'heure du thé, Rodolphus apparut entre les flammes de la cheminée du manoir des parents de Bellatrix. La jeune fille était occupée à jouer aux échecs version sorcier avec Narcissa dans sa chambre lorsque sa mère l'en informa. Bellatrix descendit avec précipitation les deux étages la séparant du rez-de-chaussée mais stoppa sa marche rapide un court instant avant d'entrer dans le salon afin de réguler sa respiration inégale.
« Il ne manquerait plus qu'il pense que je me suis inquiétée ! » pensa-t-elle avec mépris. Le jeune homme était d'ores et déjà installé sur l'un des canapés de cuir du salon. Il regardait les moulures d'un des côtés du plafond d'un air faussement intéressé. Bellatrix pouvait aisément remarquer le rictus qu'il peinait à réfréner sur ses lèvres.
– Que t'arrive-t-il ? s'enquit-elle d'un air bêcheur.
– Ah Bellatrix ! Te voilà enfin !
– Cesse tes simagrées. Qu'est-ce qu'il voulait ? demanda-t-elle sans préambules.
Rodolphus soupira.
– Voyons Bellatrix, tu sais bien que je ne peux rien te dire, répondit-il non sans parvenir à dissimuler son étrange sourire prétentieux.
– Ne te fais pas prier… souffla la jeune fille avant de s'asseoir en face de lui.
– Est-ce que tes parents peuvent nous entendre ?
Bellatrix hocha négativement de la tête.
– Tes sœurs ?
– Non ! Allez, dis-moi !
– Bon, très bien, capitula Rodolphus, un immense sourire aux lèvres, le Maître m'a enfin confié une mission en solo !
Bellatrix eut soudainement l'impression de faire face à un enfant surexcité. Cependant, elle ne pouvait pas réellement le blâmer car elle se doutait fortement qu'une telle nouvelle chez elle l'aurait plongée dans une liesse encore plus profonde. La jalousie commença doucement à se distiller dans ses veines. Pourquoi est-ce que Lord Voldemort avait-il choisi cet idiot de Rodolphus ? Pourquoi ne pouvait-elle pas être elle-aussi membre de son armée ?
– Félicitations, murmura-t-elle la mâchoire serrée.
– Cache ta joie surtout, répliqua-t-il, visiblement peu crédule face à la réaction dépitée de sa fiancée.
– Je suis juste surprise que Lord Voldemort te fasse si confiance après seulement quelques mois de service, expliqua-t-elle d'un ton neutre.
– En quoi est-ce surprenant ? s'insurgea Rodolphus, les sourcils froncés, je suis un serviteur absolument dévoué ! Jamais je ne pourrai trahir mon Maître. Mon père était un de ses premiers amis à Poudlard et chez les Lestrange, nous sommes des hommes de parole. J'ai été élevé dans le but de servir ma famille et de la défendre… Si aujourd'hui, je suis récompensé pour mes services, c'est que je le mérite amplement Bellatrix !
La jeune fille leva les yeux au ciel, tentant de ne pas montrer que la tirade de Rodolphus l'avait quelque peu échaudée. Il ne s'était jamais énervé à ce point avec elle… De toute évidence, le sujet de sa loyauté et de Lord Voldemort ne devait pas être évoqué avec légèreté. Néanmoins, Bellatrix était bien décidée à parler encore plus longuement du Maître – même s'il n'était pas encore le sien.
– Pardonne-moi Rodolphus, je ne voulais pas questionner ta loyauté, annonça-t-elle d'une voix qu'elle espérait un tant soit peu sincère.
Rodolphus ne parut par être dupe car il leva un de ses sourcils en signe de scepticisme mais il sembla y voir là un quelconque réconfort car l'expression dure de son visage se mua instantanément en une mine réjouie.
– C'est en quelque sorte mon cadeau de Noël, et c'est une bien facile mission, rien de très compliqué, tenta-t-il de relativiser.
Le ton fortement empreint de fierté et de hauteur n'échappa pourtant pas aux oreilles de Bellatrix. Elle était décidée à en savoir plus mais son ardente curiosité côtoyait sans répit l'envie irrépressible d'écraser le visage fat et prétentieux de ce cloporte arriviste.
– Que dois-tu accomplir ? demanda-t-elle d'une voix calme.
Rodolphus éclata de rire. Il contempla Bellatrix avec affection puis hocha la tête d'un air condescendant.
– Non, non, je ne peux rien te dire !
– Comme tu voudras mais ne viens pas te plaindre si tu échoues et que tu te retrouves complètement seul.
– Je n'échouerai pas, assura-t-il.
– Peux-tu faire confiance aux autres mangemorts ? questionna alors Bellatrix.
– Certains, les plus vieux. Je ne fais pas confiance à tout le monde.
– Ne serais-tu pas infiniment soulagé d'avoir un allié au sein de l'armée de Lord Voldemort ?
Rodolphus humecta ses lèvres avant de sourire avec amusement. Son regard se posa quelques instants sur le corps de sa fiancée puis il haussa les épaules.
– Non, répondit-il d'une voix ferme.
– Je t'en prie, emmène-moi le voir, supplia Bellatrix une nouvelle fois.
– Non, il en est hors de question ! s'exclama Rodolphus, de quoi aurais-je l'air en lui proposant une fille dans ses services ?
– Je ne le décevrai pas ! Tu sais que je suis une très bonne sorcière et je vaux bien deux sorciers dans ton genre, plaida Bellatrix avant de se lever et de s'approcher de Rodolphus.
– M'insulter est la meilleure façon de me convaincre, tu as raison, ironisa-t-il d'un ton détaché.
– Rodolphus, s'il-te-plaît…
– Continue à me supplier mon cœur, ça me fait de l'effet, la nargua-t-il avec un sourire en coin.
Bellatrix le gifla aussitôt.
– Ne m'appelle plus jamais « mon cœur ».
– Que vas-tu me faire ? se moqua-t-il avant de se lever à son tour.
Bellatrix leva sa baguette magique et la pointa droit sur le cœur de son fiancé. Celui-ci semblait bien trop à l'aise pour quelqu'un qui se trouvait en position de faiblesse. La jeune fille sentit ses doigts trembler sur la baguette tandis que la fureur envahissait son corps. D'un souffle furieux, elle prononça le mot « crucio ».
Rodolphus perdit son équilibre et se tortilla quelques secondes mais aucun cri ne sortit de sa bouche. Dix secondes plus tard, il se trouvait de nouveau debout, un sourire goguenard aux lèvres.
– Laisse-moi te montrer mon cœur, minauda-t-il avant de lui lancer la pareille.
Bellatrix s'effondra au sol dans les cris et les pleurs.
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Suite à cet évènement déplaisant, Bellatrix dut garder le lit deux jours durant. Sa mère, Druella, s'était précipitée dans le salon en entendant ses cris mais Rodolphus n'avait consenti à abaisser sa baguette qu'au moment où Druella avait sorti la sienne. Bellatrix avait subi le sort une dizaine de minutes. Elle avait l'impression d'avoir souffert une heure entière. Jamais de sa vie avait-elle souffert à ce point.
Cela faisait deux semaines que Rodolphus l'avait mise au supplice, et elle ressentait maintenant à son égard une haine sans nom. Chaque jour après l'incident, il était venu frapper à la porte de la maison, l'air triste et désolé. Les parents de Bellatrix avaient respecté son vœu de ne pas l'autoriser dans la maison mais elle savait que cela ne durerait pas.
Druella avait été un peu choquée par la violence de Rodolphus mais Bellatrix savait que sa mère considérait son châtiment comme mérité. Depuis leurs fiançailles, tout le monde dans sa famille connaissait la répugnance de Bellatrix pour son fiancé ainsi que ses manières jugées absolument déplacées par la haute société. De ce fait, malgré son choc initial, Druella s'était confortée dans l'opinion que si Bellatrix l'avait écoutée depuis le début, elle n'aurait pas eu à subir le courroux de son fiancé. Néanmoins, Bellatrix suspectait que ce raisonnement avait dû naître de la bouche de son propre père, qui, de toute évidence, ne compatissait pas au sort de sa fille.
Par fierté et honneur, ses parents s'étaient d'abord rangés de son côté. Ils l'avaient accompagnée sur le quai 9 ¾ au lendemain du Nouvel An et ne s'étaient pas montrés aussi désagréables que d'habitude. Cela dit, Bellatrix n'était pas dupe et se doutait que la présence de Narcissa, maintenant scolarisée à Poudlard, n'était pas sans rapport avec leur absence de froideur.
Ils l'avaient donc soutenue quelques temps mais deux jours plus tôt, ils lui avaient envoyé une lettre lui détaillant les préparatifs de son mariage. C'était probablement leur façon de lui faire comprendre qu'elle ne devait pas s'attendre à ce que cet incident ne change quoi que ce soit à sa situation. Bellatrix n'avait pas espéré une annulation de la part de ses parents mais elle s'était imaginée qu'ils pourraient peut-être reculer la date du mariage. Elle n'avait pas revu Rodolphus avant de retourner à Poudlard et elle n'aurait certainement pas l'occasion de le revoir avant l'été prochain. Bien-sûr, elle aurait pu lui donner rendez-vous un week-end de sortie à Pré-au-Lard mais elle n'en avait aucunement l'envie. De ce fait, son mariage coïnciderait quasiment avec le moment où elle le reverrait pour la première fois après son geste d'une violence inouïe.
Bellatrix ne souhaitait pas le pardonner. Elle ne tolérait pas la liberté qu'il avait prise de la torturer ainsi ni le fait qu'il ne s'était jamais montré aussi cruel avec elle. C'était elle qui avait toujours eu le comportement le plus violent mais il avait voulu la remettre à sa place, utilisant ainsi une des précieuses connaissances que le Seigneur des Ténèbres lui avait confiée. Placée du mauvais côté de la baguette, Bellatrix avait pu se rendre compte à quel point Rodolphus avait bénéficié des pouvoirs de Lord Voldemort. Jamais elle n'avait ressenti telle douleur une souffrance si aigue qu'elle avait senti son cerveau se déconnecter et perdre pied.
Il lui avait fait perdre le contrôle. Et par Merlin, que Bellatrix était vexée ! Jalouse aussi de ce pouvoir qu'il avait sur elle. Aurait-elle jamais la possibilité de lui rendre la pareille ? Ce n'était pas à Poudlard que Bellatrix apprendrait à influer autant de mal. Blessée dans son orgueil et déçue, elle ne se résignait pas à répondre à ses nombreuses lettres.
Elle ne voyait aucune issue à ce mariage ridicule qui pendait sur elle comme une épée de Damoclès. Ses parents ne tarderaient pas à pardonner Rodolphus. Bientôt, on s'attendrait à ce qu'elle pardonne, elle aussi. Et il n'en était pas question…
Le plus difficile pour Bellatrix était d'être enfermée à Poudlard, là où elle ne pouvait absolument rien faire pour espérer modifier son destin funeste. Elle avait pourtant un espoir – un espoir fou, certainement.
Tard la nuit, dans son lit, lorsqu'elle revoyait le visage du Seigneur des Ténèbres la seule et unique fois où elle l'avait vue, son cœur battait plus fort et l'aidait à tenir. Elle se sentait ridicule à succomber ainsi. Elle l'avait vu il y a si longtemps mais son souvenir ne s'envolait pas. Parfois, elle avait l'impression d'être l'une de ces idiotes à Poudlard qui clament leur amour au premier benêt qui passe. La seule différence pour elle était qu'elle était tombée sous le charme d'un des mages noirs les plus dangereux du monde.
Parfois, elle rêvait même qu'il pourrait être la clef de son problème. Et s'il pouvait la sauver ? Confuse, honteuse, Bellatrix secouait la tête dans son lit lorsque cette idée la titillait. Comment pourrait-il la sauver ? Il se fichait certainement de ce qu'elle pouvait advenir, surtout qu'il avait lui-même consenti à son union avec Rodolphus. Et pourtant… Elle rêvait… Et si elle parvenait à se rapprocher de lui ? Et si elle devenait mangemort comme ces autres abrutis qui ne le méritaient pas ?
Elle devait lui prouver sa valeur, lui montrer qu'elle n'était pas qu'une vulgaire femme. Elle était bien plus que cela. Si elle réussissait à se hisser au rang de ses plus valeureux mangemorts, peut-être qu'il annulerait son mariage. Bellatrix savait pourtant qu'elle disposait de trop peu de temps. Un plan germait dans sa tête mais elle ne pourrait jamais le réaliser avant la date de son mariage.
L'espoir ne s'éteignait pourtant pas. Elle avait décidé de travailler dur cette année, arrachant à Poudlard toutes les connaissances que l'école pouvait lui offrir. Elle trouverait le moyen de s'approcher de Lord Voldemort. Elle lui montrerait l'étendue de ses talents, le supplierait peut-être et une fois à ses côtés, il comprendrait sa détresse et la dispenserait de ce mariage. Son plan était extrêmement bancal mais Lord Voldemort était devenu son seul espoir.
Elle était déterminée. Cet été, elle serait au service du Seigneur des Ténèbres.
