Chapitre III : Le Seigneur des Ténèbres

Juillet 1969,

Lord Voldemort n'avait pas, à la connaissance de Bellatrix, de quartier général. À l'époque où Rodolphus et elle étaient encore en bons termes, elle lui avait demandé si le Seigneur des Ténèbres rassemblait toujours ses fidèles au même endroit mais Rodolphus lui avait répondu qu'il préférait ne pas instaurer ce genre de rituels. Bellatrix imaginait qu'une telle attitude rendrait l'Ordre des Ténèbres bien plus vulnérable.

Depuis Noël, Lord Voldemort avait fait couler plus de sang que dans le passé. Bellatrix se doutait qu'il se sentait maintenant suffisamment entouré de fidèles pour mettre en place son régime de terreur. Peu de ces évènements avaient été liés à son nom. La presse ne semblait recevoir aucune information du Ministère. Les Aurors, eux-mêmes, devaient manquer de preuve pour l'inculper mais Bellatrix savait que Lord Voldemort était surveillé depuis un petit moment maintenant.

Elle connaissait les plans du mage noir. Lorsqu'il faisait encore campagne dans les salons des plus grandes familles sorcières, il clamait vouloir mettre au cœur de ses priorités la supériorité du sang pur sur celui des sang-de-bourbes, cesser les privilèges accordés à ces vermines ainsi qu'abattre tous leurs défenseurs. Bellatrix savait qu'à l'heure actuelle, nombre de barrières entravaient encore son chemin mais elle croyait fermement en la puissance infinie du mage noir.

Il était pourtant difficile de croiser le mage noir. Il était totalement absent du monde sorcier et il n'était jamais apparu sur la scène de l'un de ses méfaits. Bellatrix venait à penser que seuls ses mangemorts étaient en réel contact avec lui. Il devait être occupé ailleurs… Comment pouvait-elle donc le contacter sans avoir recours aux autres mangemorts ? Sa discrétion et l'inexistence d'un quartier général faisait de lui l'être le plus invisible de Grande-Bretagne lors même que son nom gagnait en popularité.

Il était tard et cela faisait longtemps que sa maison s'était endormie. Elle était rentrée la veille au soir de Poudlard. Elle avait prétexté une grande fatigue et s'était couchée très tôt sans avoir dîné. Elle avait craint que Rodolphus vienne chez elle pour lui parler et force fut de constater qu'elle le connaissait bien car elle avait pu reconnaitre sa voix résonner dans le conduit de cheminée vingt minutes à peine après qu'elle se soit couchée.

Leur mariage serait célébré dans quelques semaines et Rodolphus devait être paniqué à l'idée que sa future femme soit ainsi récalcitrante. Connaissant le caractère difficile de Bellatrix, il devait craindre un véritable scandale. Après tout, elle était très capable de s'enfuir, de jeter le déshonneur sur les Lestrange ou d'adopter l'attitude la moins digne possible pour le forcer à renoncer à se marier. Bellatrix savait pourtant qu'elle n'irait pas jusqu'à accomplir telles bassesses. Elle était bien trop fière pour se couvrir de ridicule et répugnait à l'idée de décevoir sa famille malgré les griefs qu'elle entretenait à son égard. De plus, elle refusait de déplaire au Seigneur des Ténèbres. Il avait consenti à son union avec Rodolphus. Elle ne déroberait à ce mariage que sous son acceptation…

Lorsque minuit sonna, Bellatrix se leva avec le plus de discrétion possible. Le parquet de sa chambre qui devait être aussi vieux que la maison grinçait sous ses pas. Munie de sa baguette magique, elle murmura un sort pour atténuer ses pas. À présent diplômée de Poudlard, elle pouvait utiliser la magie comme elle l'entendait.

Drapée d'une cape noire au tissu léger, elle descendit les escaliers, se rendit dans le salon de son manoir et attrapa une poignée de « Poudre de Cheminette » tirée de l'une de ces faïences que sa mère affectionnait tout particulièrement. Elle hésita l'ombre d'une seconde puis prononça les mots « Résidence Enguerrand Avery » à voix basse avant d'être emportée dans un tourbillon de flammes vertes.

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De l'autre côté, le Fantôme, l'unique héritière des Avery l'attendait, habillée d'une simple chemise de nuit. Bellatrix lui offrit un maigre sourire, secrètement reconnaissante que la jeune fille ne lui ait pas menti. Elles avaient toutes deux arrangé ce rendez-vous plus tôt dans l'année. Les longues années à supporter la présence du Fantôme dans son cercle d'amis portaient soudainement leurs fruits.

À Poudlard, lorsque Bellatrix cherchait un moyen d'atteindre le Seigneur des Ténèbres, elle avait d'abord pensé à rejoindre son Quartier Général puis elle s'était souvenue des révélations de Rodolphus. Elle avait envisagé de demander une ultime fois à Rodolphus de la présenter devant Lord Voldemort mais sa fierté le lui en avait empêché. Elle cherchait à échapper à cet incapable en rejoignant les rangs du Mage Noir, ce n'était donc pas par son aide qu'elle retrouverait sa liberté. Elle s'était alors tournée vers le Fantôme car elle savait parfaitement que son père, Enguerrand Avery, était un Chevalier de Walpurgis : il faisait partie des tous premiers mangemorts que Lord Voldemort avait intégré dans ses rangs. Enguerrand Avery, disait-on, avait fait ses études à Poudlard en même temps que le Seigneur des Ténèbres. Bellatrix ne pouvait qu'imaginer quelle félicité cela devait d'être d'avoir grandi en même temps et aux côtés du plus grand sorcier de tous les temps.

– Bonsoir Bellatrix, la salua le Fantôme de sa voix froide.

– Bonsoir Géraldine, répondit Bellatrix, encore merci de t'être réveillée pour moi.

– Suis-moi, ordonna-t-elle.

Bellatrix la suivit dans les dédales de couloirs qu'étaient la magnifique demeure qu'elle habitait. À n'en pas douter, la famille Avery était très riche – peut-être même plus que la sienne. Mais aucune autre famille du monde sorcier n'avait le sang plus pur que celui qui coulait dans ses veines, pensa-t-elle avec orgueil. Peut-être que le Seigneur des Ténèbres avait-il le sang encore plus pur ? Si aucune salissure ne ternissait son sang, il manquait peut-être de grands noms. Elle ne serait pas surprise si elle apprenait que Lord Voldemort était le descendant de Salazar Serpentard.

– Mon père est rentré il y a peu mais il ne s'attarde jamais trop, surtout à cette heure-là. Tâche d'être polie et distinguée. Le moindre faux pas et il n'hésiterait pas à te renvoyer chez toi sans aucune commisération.

– Merci pour tes conseils et ton aide, Géraldine, souffla Bellatrix.

– De rien, répondit la jeune fille tout en marchant d'un pas rapide.

Elle glissa sur Bellatrix un regard sceptique néanmoins allumé d'une flamme vivace bien inhabituelle dans ses yeux d'ordinaire froids et ternes. Elle reprit :

– J'ignore ce qui t'incite à vouloir t'entretenir avec le Seigneur des Ténèbres, père m'a souvent dit qu'il était irascible. Je pense volontiers que mon père est irascible, alors imaginer quelqu'un pire que lui m'amène à penser que ce Mage Noir doit être particulièrement difficile à vivre…

– Ne dis pas ce genre de choses sur le Seigneur des Ténèbres, Géraldine, conseilla Bellatrix à voix basse, et je ne crains pas sa fureur, j'aimerais juste qu'il m'entende quelques secondes.

Le Fantôme hocha la tête mais semblait toujours un peu perplexe par la demande de Bellatrix.

– Le bureau de mon père est juste là, dit-elle en désignant une porte au bout d'un couloir faiblement éclairé, laisse-moi faire les présentations et je vous laisserai.

Bellatrix acquiesça puis suivit le Fantôme jusque la porte de bois brut qui semblait couverte d'un nombre incalculable de protections. L'héritière Avery frappa doucement. Un bruit sourd se fit entendre à l'intérieur du bureau puis les deux jeunes filles furent autorisées à entrer.

Enguerrand Avery était assis derrière un imposant bureau de style ancien et raffiné – certainement français, pensa Bellatrix – son regard sévère et froid se posa immédiatement sur Bellatrix. Il fronça un peu les sourcils mais ne sembla pas surpris outre-mesure de découvrir l'amie de sa fille dans son bureau à une heure avancée de la nuit. Bellatrix imaginait qu'il avait peut-être déjà détecté sa présence grâce aux protections diverses qu'elle avait remarqué à l'entrée de la pièce. Les deux jeunes filles avancèrent un peu plus et se tinrent à proximité du bureau. Comme le reste de la maison, le bureau était élégant, grand et froid.

– Bonsoir papa.

– Bonsoir ma fille, que me vaut le plaisir de cette visite inattendue ? demanda-t-il, le regard moins glacial maintenant qu'il était posé sur sa fille.

– Vous devez probablement vous souvenir de mon ami, Bellatrix Black, elle souhaiterait s'entretenir avec vous d'un sujet délicat…

– Bellatrix Black, la future femme de Rodolphus Lestrange, n'est-il pas ? s'enquit-il, un léger sourire moqueur aux lèvres.

– Bonsoir Monsieur, répondit Bellatrix en baissant la tête avec humilité.

Enguerrand Avery l'observa quelques secondes puis son visage retrouva un air tout à fait sérieux et froid. Il fit signe à sa fille de partir. Lorsque la porte se referma sur eux deux, il dévisagea une nouvelle fois Bellatrix.

– Que voulez-vous, mademoiselle Black ?

– Monsieur, pardonnez-moi mon intrusion chez vous à cette heure-ci mais je suis venue ici sans l'aval de mes parents…

Bellatrix s'interrompit et risqua un regard vers Enguerrand Avery. Il ne semblait pas impressionné par la désobéissance de Bellatrix, il attendait simplement qu'elle reprenne son explication, l'œil fixe et calculateur.

– Je souhaite rencontrer le Seigneur des Ténèbres…

Enguerrand Avery n'éclata pas de rire comme elle l'avait imaginé. Il haussa simplement un sourcil puis se saisit d'une pipe posée sur son bureau. En un coup de baguette, sa pipe fut incandescente et l'homme tira dessus paresseusement. Bellatrix commençait à être mal-à-l'aise. Le silence qui s'éternisait et l'attitude décontractée de l'homme n'étaient pas ce à quoi elle s'était attendue.

– Vous savez Bellatrix, j'ai beau réfléchir, je ne vois pas ce qu'une adolescente pourrait bien avoir à faire avec le Seigneur des Ténèbres.

– Je souhaite devenir un Mangemort, monsieur, répondit Bellatrix avec tout le sérieux dont elle était capable.

Avery sourit avec amusement mais il ne regardait plus la jeune fille. Il s'adossa plus confortablement contre son siège.

– J'ai bien peur que le Seigneur des Ténèbres n'accepte pas les filles dans ses services, dit Avery, le ton sérieux mais les yeux moqueurs.

– Monsieur, reprit Bellatrix d'une voix plus forte et assurée, je sais que vous devez me considérer comme une pauvre idiote écervelée mais croyez-moi, cette demande est le fruit d'une décision mûrement réfléchie. Je souhaite de tout mon cœur aider la cause du Seigneur des Ténèbres, je souhaite rejoindre ses rangs, faire partie de son armée et accomplir toutes les tâches qu'il voudra bien me confier. Je ne vous demande rien d'autre que m'amener à ses côtés. Laissez-moi me présenter à lui et je jure d'assumer toute conséquence à mes actes…

Enguerrand Avery avait les yeux baissés sur sa pipe. Bellatrix ne savait pas comment interpréter son attitude. Il semblait quelque peu indifférent mais son visage n'exprimait plus de moquerie, ce qui la confortait à penser qu'il la prenait à présent au sérieux.

– Seriez-vous prête à sacrifier votre vie pour le Seigneur des Ténèbres, mademoiselle Black ? demanda-t-il en contemplant les volutes de fumée qui s'échappaient de sa pipe.

– Oui, monsieur.

– Seriez-vous capable de tuer pour défendre la cause du Seigneur des Ténèbres ?

– Oui, monsieur.

– Et pour son amusement personnel ?

Bellatrix fronça les sourcils, déglutit puis répondit :

– Je ferai tout ce qu'il me demandera.

Enguerrand Avery laissa échapper un rire caustique à cette réplique. Bellatrix remarqua alors son regard appuyé sur sa poitrine et ses hanches. Elle sentit la colère monter en elle. Avery n'arborait pas un visage pervers ou même intéressé mais il semblait douter de sa capacité à aider un Mage Noir. Sûrement voyait-il en elle qu'une femme prête à offrir les services d'une putain, et non ceux d'une guerrière.

– Qu'en pensez-vous, Maître ? demanda-t-il alors, les yeux posés loin derrière elle.

Bellatrix ne comprit pas immédiatement puis se liquéfia sur place. Soudainement, sa présence devint extrêmement évidente, presque palpable. La respiration de Bellatrix accéléra.

– Voilà une requête bien intrigante, répondit une voix glaciale, cinglante que Bellatrix reconnut aussitôt.

Le cœur battant, elle se tourna de trois-quarts et découvrit Lord Voldemort installé sur un fauteuil de cuir noir à l'entrée du bureau. Elle était certaine que personne n'y était assis au moment de son arrivée mais elle savait aussi que le Mage Noir avait été témoin de l'entière conversation. Il s'était probablement simplement rendu invisible.

Bellatrix ne sut quoi dire. Choquée et consternée à l'idée d'avoir pu – une fois de plus – se rendre ridicule à ses yeux elle était mortifiée.

Il arborait un léger sourire mais ses yeux, plus froids encore que ceux d'Avery, la sondaient avec implacabilité. Il se leva d'un geste leste mais brusque, et Bellatrix dut alors lever les yeux pour lui faire face. Merlin, il était si grand ! Bellatrix ne put s'empêcher de contempler les traits fuselés de son visage, cette même beauté étrange qui l'avait ensorcelé tant d'années auparavant.

– Mon seigneur, dit-elle d'une voix presque tremblante avant de baisser les yeux avec gêne.

Reprends-toi, reprends-toi, idiote ! pensa-t-elle avec désespoir. Voilà qu'elle agissait exactement comme la première fois qu'elle l'avait rencontré, cette même attitude béate d'admiration, incapable de prononcer un mot et digne de la moindre gourgandine amoureuse.

Lord Voldemort émit un petit rire.

– Toujours aussi peu bavarde quand il s'agit de s'adresser à Lord Voldemort, Bellatrix ?

– Pardonnez-moi, votre présence ici m'a surprise, se défendit-elle en sentant ses joues rougir.

Lord Voldemort ne répondit rien, et Bellatrix ne sut quoi dire pour dissiper le silence inconfortable qui s'installait. Elle leva de nouveau les yeux vers le Seigneur des Ténèbres. Son regard était toujours posé sur elle et la dardait avec froideur mais sans animosité. Bellatrix soutint son regard tandis qu'une sensation étrange la saisissait derrière ses paupières.

Un instant plus tard, Lord Voldemort esquissait un sourire amusé.

– Votre esprit n'a aucune défense, commenta-t-il.

Bellatrix s'empourpra.

– Désolée, je… Je ferai…

– Vous êtes jeune, coupa Voldemort, impulsive et de ce fait, vous n'êtes pas toujours très réfléchie.

Bellatrix voulut vraiment ne pas se sentir vexée mais ce fut peine perdue, elle sentait déjà la déception se répandre en elle. Le Mage Noir s'approcha d'un pas vers elle et le cœur de Bellatrix se mit une nouvelle fois à battre à vive allure.

– Mais vous êtes rusée, solide, tenace, opiniâtre… Peu de choses vous résistent, n'est-ce pas, mademoiselle Black ?

Sans attendre de réponse, il reprit :

– Vous n'êtes pas dénuée d'un certain pouvoir non plus. Avec un peu d'entraînement, vous pourriez devenir une guerrière tout à fait convenable.

Bellatrix sentit l'espoir renaître aussitôt. Elle garda le silence, les yeux pendus aux lèvres du Seigneur des Ténèbres. Elle ne pouvait croire ce qui se passait. Était-elle vraiment en-face du Seigneur des Ténèbres ?

Lord Voldemort émit une nouvelle fois un léger rire froid mais amusé.

– Il faut absolument travailler sur cet esprit, avant toute chose… dit-il en caressant du regard le visage de Bellatrix. Rodolphus Lestrange est-il au courant de votre présence ici ce soir ?

– Non, mon seigneur.

Lord Voldemort l'observa un moment de plus, avec circonspection.

– Parfait, se contenta-t-il de dire.

– Est-ce que cela signifie que vous m'acceptez dans vos rangs ? osa demanda Bellatrix avec espoir.

Il lui sourit d'une façon que Bellatrix jugea moins froide qu'auparavant. Ce n'était pas encore le même sourire qu'il lui avait offert le jour de ses fiançailles, celui qui hantait ses rêves mais celui-ci suffit déjà à faire trembler ses genoux.

– Nous devrons nous revoir pour parler de cela, mademoiselle Black… Soyez-là jeudi à minuit et nous tâcherons d'en discuter.

Il tourna alors son regard vers Enguerrand Avery qui n'avait pas bougé lors de l'échange entre Bellatrix et Voldemort. Le Chevalier de Walpurgis se contenta d'hocher la tête. Voldemort posa alors de nouveau son regard sur Bellatrix.

– Pas un mot de cela à qui que ce soit en attendant, mademoiselle Black, annonça-t-il avec un regard appuyé.

– Bien-entendu, mon seigneur.

– Bien. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une très bonne nuit, mademoiselle Black, au-revoir.

– Au-revoir…

Lord Voldemort avait déjà disparu dans un « pop » à peine retentissant. Bellatrix sentit alors son souffle et son cœur ralentir peu à peu alors que les secondes s'égrenaient. Elle se tourna vers Enguerrand Avery qui la contemplait avec scepticisme.

– Si cela est vraiment votre désir, mademoiselle Black, je ne saurais que trop vous conseiller d'être courageuse… Une femme au sein des mangemorts, cela ne va pas plaire à tout le monde…

Bellatrix ne répondit rien. Elle se contenta de sourire.

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Les bruits de la maison s'atténuaient doucement. Narcissa semblait ennuyée par un quelconque problème : ses geignements plaintifs se faisaient entendre tandis que Druella la grondait avec exaspération. Andromeda, de son côté, écoutait de la musique à volume réduit dans sa chambre. Bellatrix ne reconnaissait pas la chanson (le chanteur parlait d'un sous-marin jaune !) mais elle mit cela sur le compte des goûts excentriques d'Andromeda.

Allongée sur son lit, Bellatrix se concentra sur sa respiration qui n'était pas tout à fait calme ni régulière. Elle exhala avec force. Elle regrettait soudainement de ne posséder uniquement des robes au bustier très serré. Cela faisait maintenant un moment qu'elle ne se vêtait que de ces robes longues, seyantes, étriquées qui dessinaient ses hanches et son décolleté. Elle se redressa sur son lit et balança ses jambes sur le côté. Merlin, quelle idiote faisait-elle ! Elle sentait l'appréhension monter en elle. Il serait bientôt vingt-et-une heures de minuscules heures insignifiantes la séparaient de sa nouvelle rencontre avec le Seigneur des Ténèbres. Dire qu'elle était nerveuse était un euphémisme. Bellatrix avait retourné vingt fois sa garde-robe en se demandant quelle robe pouvait-elle se permettre de porter. Elle voulait que le Seigneur des Ténèbres la prenne au sérieux mais elle refusait de choisir un accoutrement totalement différent de ceux qu'elle portait habituellement. Il lui semblait important que Lord Voldemort comprenne son tempérament, ce qu'elle était, lorsqu'elle n'était pas réduite à bafouiller bêtement devant lui.

Que lui demanderait-il de faire ? Serait-elle à la hauteur ? Depuis qu'elle était revenue de la demeure d'Enguerrand Avery quelques jours auparavant, Bellatrix avait été incapable de se concentrer sur quoi que ce soit d'autre que Lord Voldemort. Leur rencontre avait défilé dans sa tête des heures durant, retraçant ainsi toute l'étendue de son attitude stupide et l'écrasant pouvoir que le mage noir exerçait sur elle. Rien que d'y penser, Bellatrix sentait ses joues s'échauffer et ses jambes trembler.

Parfois, à Poudlard, elle s'était dit que Lord Voldemort ne pouvait pas être aussi formidable et intoxiquant que la première fois où elle l'avait vu. Elle avait été si jeune, si facilement impressionnable qu'elle s'était parfois dit qu'elle avait probablement dû exagérer. Ce n'était pas dans ses habitudes d'embellir la réalité et elle aurait dû s'en souvenir. Aux premières heures de sa majorité, Bellatrix avait été ensorcelé par le mage noir une nouvelle fois. Plus que jamais, sa voix, ses yeux, son aura l'attiraient de façon irrémédiable. Elle était gênée de se l'avouer mais Lord Voldemort incarnait pour elle le pouvoir absolu. Il était si grand, si beau, si puissant. Elle le désirait ardemment… Depuis leur deuxième rencontre, Bellatrix avait rêvé de lui d'une façon si peu distinguée que cela la mortifiait. Dans les affres du sommeil et le ridicule de ses rêves, elle avait senti l'étreinte de ses bras, le toucher de sa peau nue contre la sienne, le timbre de sa voix résonner contre son cou et le déploiement de sa force qui s'exerçait entre ses cuisses… Bellatrix était horriblement embarrassée d'avoir pu faire des rêves si graphiques au sujet du Seigneur des Ténèbres. Le désir sexuel, si fort soit-il, devrait être tu. Elle était parfaitement effrayée à l'idée qu'il découvre les idées impures qui parcouraient son esprit. Et pourtant, malgré elle, un seul souvenir de ses rêves lui faisait serrer les cuisses plus fort, emprisonnant en elle le désir ardent de toucher le Seigneur des Ténèbres.

Bellatrix soupira puis s'allongea une nouvelle fois. Elle attendit que les minutes s'écoulent avec peur et impatience à la fois. Immobile, presque léthargique, elle observa sa maison s'endormir une nouvelle fois. Quelques minutes de plus se consumèrent et il fut temps de se lever. Le cœur déjà un peu battant, Bellatrix se saisit de sa cape noire d'été et se rendit au salon. La poudre de cheminette bien serrée dans son poing, Bellatrix ferma les yeux, expira et rassembla tout son courage avant de s'avancer dans l'âtre de la cheminée. Quelques secondes plus tard, elle était de retour au milieu du salon de la Résidence des Avery.

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La pièce était plongée dans l'obscurité à l'exception de la cheminée qui étouffait ses dernières cendres rougeoyantes. Bellatrix scruta le salon et ses recoins mais il ne semblait pas y avoir autre âme qui vive dans la pièce. Elle s'assit sur l'un des fauteuils bien rembourrés de la pièce qui grinça légèrement sous son poids. Il n'y avait aucun bruit. Elle pouvait presque entendre son cœur battre.

Elle attendit de longues minutes sans oser bouger, les yeux fixés dans le feu de la cheminée qui mourait doucement. Au moment où elle ne l'attendait plus, Lord Voldemort apparut devant elle sans faire un seul bruit. Il était, à ce jour, la seule personne de sa connaissance à être capable de transplaner sans être affreusement bruyant. Bellatrix se leva aussitôt.

– Mademoiselle Black, j'ai malheureusement eu un fâcheux contretemps, j'espère ne pas vous avoir fait attendre trop longuement.

– Oh non, mon seigneur, pas du tout, répondit Bellatrix avec un sourire malaisé.

Il était vêtu de son habituelle cape noire dont la capuche recouvrait encore son visage. Dans l'obscurité quasi-totale de la pièce, il était impossible de discerner les traits de son faciès. Bellatrix trouva encore plus difficile de lui faire face sans pouvoir lire les expressions qui traversaient son visage.

– Savez-vous transplaner, mademoiselle Black ? questionna le Seigneur des Ténèbres d'un ton neutre et mesuré.

– Oui, j'ai eu mon permis cette année.

– Parfait. Vous serez capable de me rejoindre par vous-même les prochaines fois.

Les prochaines fois… Un frisson parcourut l'échine de la jeune fille tandis que Lord Voldemort lui tendit sa main. Bellatrix observa les longs doigts fins et blancs du mage noir, l'air troublé.

– Où allons-nous ? s'enquit-elle dans un souffle précipité.

- Cette demeure bien qu'appartenant à un de mes plus fidèles alliés n'est pas assez sécurisée pour ce dont nous devons parler… Je vous emmène dans un endroit de confiance.

Un Quartier Général ? Chez lui ? Bellatrix était surprise. Elle avait imaginé que leur discussion pouvait très bien avoir lieu dans le salon des Avery qui lui semblait à son humble avis suffisamment protégée.

– Faites-moi confiance, encouragea le Seigneur des Ténèbres, la main toujours tendue.

Bellatrix s'approcha et put alors distinguer un maigre sourire dissimulé derrière l'ombre qu'offrait la capuche de sa cape. Elle posa sa main tremblante dans celle de Lord Voldemort. Sa main était glaciale mais très douce. Les doigts du mage noir se refermèrent sur sa main plus fortement et l'attira plus près de lui. La soudaine proximité face au mage noir provoqua chez Bellatrix un mélange de peur et d'excitation. Il était si grand qu'elle ne lui arrivait qu'au niveau du buste. Son parfum, le même qu'elle avait déjà pu détecter le jour de ses fiançailles, était particulièrement capiteux. Il l'ensorcelait déjà. Une odeur de feuilles écrasées, d'une forêt en éclosion avec un rappel lointain, subtil et inconnu, plus âpre et plus froid encore. Bellatrix était d'ores et déjà conquise par cette odeur toute particulière. Elle leva les yeux vers ceux du Seigneur des Ténèbres.

– Prête, mademoiselle Black ?

Elle acquiesça. Le transplanage n'était pas son mode de transport préféré mais l'inconfort était largement compensé par le fait d'être auprès de Lord Voldemort. Lorsque ses pieds touchèrent de nouveau le sol, elle était quelque peu désorientée. Il lui fallut plusieurs secondes avant de s'habituer à la lumière différente qui régnait en ces lieux.

– Où sommes-nous ? demanda-t-elle et elle s'aperçut qu'un léger écho pourchassait sa voix.

La pièce dans laquelle elle se tenait était grande, très froide et quasiment vide. Les murs faits de pierres de taille étaient couverts d'humidité et parfois d'inquiétantes tâches sombres. La lumière provenait de torches alignées de façon irrégulière sur les quatre murs de la pièce. Il n'y avait ni entrée et sortie, et lorsque Bellatrix leva les yeux au plafond, elle s'aperçut que ceux-ci étaient très hauts mais n'offraient absolument aucune issue. Un certain malaise naquit au-creux de son ventre.

– Il est encore trop tôt pour vous confier cela, répondit Lord Voldemort, avez-vous peur ?

– Non, répondit aussitôt Bellatrix.

Une banquette de bois un peu poussiéreuse siégeait dans un des coins de la pièce. Voldemort s'y installa et invita Bellatrix à faire de même. Elle s'assit à l'autre bout de la banquette mais même ainsi, de malheureux petits centimètres seulement la séparaient du mage noir. Il se tourna vers elle et rabattit sa capuche, ce qui laissa libre cours à l'observation émerveillée de Bellatrix. Les yeux noirs mais traversés d'éclairs rouges sang la fixaient avec sérieux.

– Mademoiselle Black, êtes-vous absolument sûre de vouloir devenir un mangemort ? demanda-t-il d'une voix égale.

Oui, ce serait un honneur, mon seigneur, répondit-elle sincèrement.

– Depuis quand souhaitez-vous rejoindre mes rangs ?

Bellatrix hésita un instant.

– Depuis le jour où je vous ai rencontré, mon seigneur.

Un léger silence s'installa mais fut bientôt coupé par le Seigneur des Ténèbres :

– Devenir un mangemort est irréversible, en êtes-vous bien consciente ?

– Oui.

– Dois-je craindre une quelconque sensibilité féminine ? fit Voldemort, le visage fermé dans une expression impénétrable.

– Non, je suis aussi forte qu'un homme… assura Bellatrix.

Lord Voldemort se permit alors un sourire.

– Je vous le jure ! s'exclama-t-elle dans la peur qu'il ne la croie pas.

– Jeune fille impétueuse… Je n'aime pas particulièrement les éclats de voix, il faudra contrôler cela à l'avenir.

– Bien-sûr, mon seigneur.

– Qu'attendez-vous de Lord Voldemort, mademoiselle Black ?

– Rien… répondit la jeune fille en mordillant sa lèvre inférieure.

– Voyons, il est bien trop tard pour mentir…

– Je ne veux pas être qu'une femme mariée, avoua Bellatrix, je veux agir, être à vos côtés… Je veux me battre.

– Quel discours digne d'un Gryffondor… remarqua le mage noir avec amusement.

– Je n'ai rien à voir avec ces Traîtres-à-leur-sang, je veux simplement me battre pour mes idées… et pour vous.

Le Seigneur des Ténèbres se leva et posa sur Bellatrix un regard perçant et noir :

– Lord Voldemort sait remercier ses fidèles : me rejoindre signifie le pouvoir, la victoire, la gloire. En devenant un mangemort, je pourrai accomplir vos rêves les plus fous au prix seulement de votre loyauté et fidélité.

– Je n'ai que ce rêve, avoua Bellatrix, le cœur battant.

Lord Voldemort la considéra un moment. La température sembla, si cela était seulement possible, baisser de quelques degrés encore. Le regard du mage noir était maintenant froid mais révélait l'immensité de sa puissance. La jeune fille comprit que le moment était important.

– Votre cas est un peu particulier, Bellatrix. Vous êtes fiancée à l'un de mes mangemorts mais je refuse de divulguer l'identité de mes recrues avant qu'ils ne soient marqués, et même ainsi, il est possible que je choisisse de ne jamais révéler le nom de mes mangemorts. Une fois marquée, ma chère Bellatrix, vous serez la cible d'un nombre important d'ennemis mais vous serez également sous ma protection. Considérant votre jeune âge et votre condition de femme, il est impératif que vous ayez un niveau d'entraînement élevé. C'est la raison pour laquelle vous ne serez marquée que le jour où je l'aurai décidé. Cela ne vous dispense pas d'être, dès à ce jour, ma servante et mon alliée. J'attends de vous une loyauté indéfectible et une discrétion absolue. Je vous promets que vous recevrez la Marque des Ténèbres et deviendrez un mangemort, mais il est important de nous prémunir de tout type de menace avant cela. Bellatrix, acceptez-vous de me servir jusqu'à la fin de votre vie en échange des pouvoirs et récompenses que je vous offrirai ?

Bellatrix, tremblante, s'agenouilla face au Mage Noir.

– Je serai votre plus dévouée servante, mon seigneur… promit-elle, les yeux baissés.

Il s'approcha d'elle, releva son menton et plongea son regard abyssal dans le sien. Un long moment s'écoula, puis enfin, d'une voix basse, plus rauque et moins froide, il reprit :

– Es-tu vraiment prête à lier ta vie à la mienne, Bellatrix ?

– Oui… haleta-t-elle, en sentant l'excitation naître entre ses jambes.

Les yeux de Voldemort voyagèrent le long du visage altier et fier de la jeune fille. La main soutenant toujours le menton de Bellatrix, le mage noir laissa son pouce caresser doucement la bouche pleine et sensuelle de sa nouvelle recrue. Les yeux assombris, il l'observait calmement sans dévoiler aucune émotion sur son visage.

– Une fille dans mes rangs… murmura-t-il finalement avec un léger sourire désabusé.

Bellatrix était à la fois gelée et brûlante. Le pouce glacial qui passait sur ses lèvres l'électrisait profondément. L'ombre d'un instant, Bellatrix désira ardemment toucher l'homme devant elle. Lord Voldemort se détourna brusquement.

– Connais-tu les Impardonnables, Bellatrix ?

– Seulement de nom, répondit-elle, un peu désorientée.

– Oh oui, j'allais oublier, j'exige de mes mangemorts qu'ils m'appellent Maître. Même si tu n'es pas techniquement encore un de mes mangemorts, je te prierai de m'appeler ainsi maintenant que ton entraînement est commencé. Compris ?

– Oui, Maître.

– Parfait, répondit-il.

Bellatrix se releva. Voldemort se tenait à quelques mètres d'elle à présent. Une fois encore, son attitude avait changé. Du charme du mage noir, au sérieux du Seigneur des Ténèbres, elle faisait maintenant face à la sévérité du guerrier. Froid, concentré et incisif, il guettait sa nouvelle élève sans compassion, dans une contemplation presque ascétique.

Il fit un geste circulaire de la main. La seconde suivante, un homme ensanglanté et attaché au mur de pierre apparut dans un coin de la pièce. Il semblait dans un piteux état et particulièrement effrayé. Bellatrix se douta que l'homme avait dû être rendu invisible par le Seigneur des Ténèbres, tout comme il l'avait fait dans le bureau d'Enguerrand Avery.

– Commençons par le plus facile : l'Imperium, proposa Lord Voldemort, le sourire cruel.

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Sur le tapis épais du salon, ses pas n'émirent pas un seul bruit malgré la lenteur de ses pieds. Bellatrix était si éreintée qu'elle ne se souciait même plus de réveiller sa famille. L'ascension du vieil escalier de bois grinçant fut plus ardue, et il lui fallut rassembler ses toutes dernières forces pour rejoindre sa chambre. Toujours vêtue de sa robe cintrée et de sa cape qui ne l'avait pas quittée de la soirée, Bellatrix s'étala de tout son long sur le matelas dur de son lit. Derrière sa fenêtre rutilante de propreté, un ciel rose d'aurore estivale éclairait sa chambre d'une douce lumière. Les paupières lourdes, elle contempla quelques minutes ce paysage matinal paisible puis sombra dans un sommeil où nul repos ne lui fut accordé. Le corps esquinté et le cerveau encombré au point d'en être devenu cotonneux, elle s'endormit le ventre serré d'un nœud anxiogène.

À peine deux heures plus tard, Druella Black vint frapper à la porte. Le sommeil de plomb dans lequel Bellatrix était plongée ne la prédisposait pas à un réveil soudain, et ce fut dans l'égarement le plus total qu'elle vit sa mère apparaître devant son lit, un courroux plus qu'évident dégoulinant de ses yeux d'obsidienne.

– Bellatrix, il est neuf heures ! Lève-toi maintenant ! s'exclama-t-elle tout en dévisageant sa fille avec un certain dégoût.

– Mère, laissez-moi dormir encore un peu…

– Fille ingrate !

Confuse, Bellatrix sentit sa mère lui saisir les deux bras d'une poigne de fer et lui asséner de violentes gifles sur les joues.

– Où étais-tu hier soir ? Ton père t'a attendu rentrer ce matin ! Où étais-tu passée ? demanda Druella dans un chuchotement furieux et tremblant de rage.

– Nulle part, se défendit mollement Bellatrix.

Les gifles de sa mère l'avaient réveillées mais sa gorge était sèche et les mots ne semblaient pas vouloir sortir correctement de sa bouche.

– Menteuse ! Tu n'as même pas pris la peine de te déshabiller !

Les cris de sa mère provoquèrent chez Bellatrix un violent mal de crâne. Elle consentit pourtant à ouvrir grand les yeux et à paraître un tant soit peu plus réveillée.

– Mère, je me suis simplement promenée… Je n'ai rien fait de mal…

Un rire sec et froid, résolument masculin, se fit soudain entendre. Bellatrix tourna les yeux vers l'entrée de sa chambre. Contre le chambranle de la porte était adossé Rodolphus Lestrange. Il était habillé d'un costume noir surmonté d'un manteau de la même couleur qui se fermait par deux rangées de boutons argentés. La jeune fille dut admettre que le jeune homme était très élégant, et cela la déstabilisa. La présence de Rodolphus dans sa chambre aurait dû la faire fondre de rage mais elle se sentait encore bien trop faible pour user de la voix contre lui.

– C'est avec une robe ainsi que tu te promènes ? fit-il d'un ton sardonique.

Bellatrix glissa un regard sur ses vêtements. Durant son court sommeil, les deux pans de sa cape s'étaient écartés, laissant entrevoir la robe suggestive qu'elle portait. Une sourde colère commença à naître en elle. Elle lança un regard fielleux à l'intention de Rodolphus.

– Je m'habille ainsi tous les jours, répliqua-t-elle, un venin paresseux dans la voix.

Druella darda sa fille d'un regard noir puis sortit de la pièce, effleurant son futur gendre au passage, la tête baissée. Dès qu'elle fut sortie, Rodolphus fit un pas dans la pièce, referma la porte et avança d'un pas décidé vers Bellatrix qui était toujours à moitié allongée sur son lit.

– Que fais-tu ? Sors d'ici ! s'offusqua-t-elle, les sourcils froncés.

Rodolphus n'en fit rien. À bien y regarder, Bellatrix s'aperçut qu'il semblait extrêmement énervé. Une veine épaisse était apparue sur ses tempes et sa mâchoire était fermement serrée. Lasse, Bellatrix se laissa retomber sur son lit, la tête surélevée par l'un de ses nombreux oreillers excessivement rembourrés.

– J'étais venu pour te donner ça mais je n'aurais pas dû, de toute évidence, cracha Rodolphus, l'amertume et le mépris évidents dans la voix.

Bellatrix s'aperçut alors qu'il tenait un bouquet de fleurs dans la main droite. Il balança le bouquet plutôt violement sur sa table de chevet, et soupira fortement.

– Pourquoi me fais-tu ça, Bellatrix ? Ton but est-il réellement de m'humilier devant tout le monde ?

– Rodolphus…

– Non, non ! Ne parle pas. Je voulais te dire de vive voix que j'étais désolé pour ce qui s'est passé à Noël… J'aurais pu le faire bien plus tôt si tu avais consenti à me voir, ou si tu avais au moins répondu à mes lettres. J'ignore où tu étais hier soir mais je pense à en avoir une idée vu ta fatigue et ton allure débraillée…

– Tu ne sais absolument pas de quoi tu parles, Rodolphus…

– Qui c'est ? Un autre idiot que tu as séduit puis feras souffrir comme tu l'as fait avec moi ?

Incapable de se retenir, Bellatrix laissa échapper un rire incrédule à l'idée qu'elle puisse séduire ou faire souffrir le Seigneur des Ténèbres le concept même était absolument ridicule. Bien évidemment, Rodolphus, lui, était loin d'imaginer qu'elle avait passé la nuit la plus éreintante mais passionnante de sa vie à essayer de maîtriser d'une façon extrêmement poussée le sort de l'Imperium.

– Je suis heureux que cela te fasse rire… murmura Rodolphus entre ses dents.

D'un geste vif, il attrapa le menton de Bellatrix et la força à le regarder dans les yeux.

– Si tu penses pouvoir annuler notre mariage de cette façon, tu te trompes ma chère Bella. Tu peux aller baiser qui tu veux mais dans quelques semaines, que tu le veuilles ou non, ce sera moi celui qui te baiseras comme la chienne que tu es…

Bellatrix lui cracha sur le visage. Aussitôt, Rodolphus riposta en la giflant plus violemment encore que Druella. Soudainement réveillée et furibonde, Bellatrix le frappa à son tour. Les deux jeunes gens se retrouvèrent sur le lit à se battre furieusement. Coincée entre le matelas et le torse musclé de Rodolphus, Bellatrix prit soudain conscience de son évidente infériorité physique et se fustigea de ne pas avoir pris sa baguette. Dans un vif éclat, elle vit le souvenir de Lord Voldemort lui expliquer d'une voix sombre et grave la façon dont il fallait s'y prendre pour maîtriser l'Imperium sans baguette. Malgré ses articulations en feu et l'apoplexie imminente infligée par les coups de Rodolphus, elle mit en pratique les conseils de Lord Voldemort et prit possession du corps de son futur mari.

Elle l'obligea à cesser ses agissements et à se relever. Bellatrix observa ses yeux vides quelques secondes puis n'ayant pas la force de maintenir le sort plus longtemps, elle lui indiqua la porte de sortie. Ce ne fut que lorsqu'elle l'entendu dégringoler les escaliers qu'elle consentit à lâcher prise. Satisfaite, Bellatrix ferma la porte à clefs et retrouva le sommeil quasiment aussitôt.

De nombreuses heures plus tard, elle se fit de nouveau réveiller mais cette fois, il s'agissait de deux hiboux qui frappaient contre sa fenêtre. Enfin revigorée, Bellatrix n'eut pas de mal à se lever pour recueillir les deux missives.

La première, sans surprise, venait de Rodolphus :

« Où as-tu appris à faire ça ? Comment peux-tu maîtriser l'Imperium sans baguette ? Enfin, je voulais aussi te dire… Désolé pour ce matin… Il faut absolument qu'on parle, Bellatrix.

Je t'embrasse,

Rodolphus. »

Apparemment Rodolphus ne maîtrisait pas l'Imperium sans baguette. Bellatrix aurait-elle bénéficié d'un entraînement que Rodolphus n'aurait pas reçu ? Pourquoi Lord Voldemort prendrait-il la peine de lui apprendre un tel maléfice alors qu'elle n'était même pas encore marquée ? Bellatrix ignorait si cela était de bon augure mais elle était étrangement satisfaite. Une chaleur bienvenue se répandit dans son ventre.

Sans attendre, elle ouvrit la deuxième lettre et la lut :

« Chère Bellatrix,

Je vois que tu n'as pas attendu longtemps avant d'utiliser les connaissances que je t'ai apprises. Je t'avais prévenu d'être prudente et de ne pas lever le doute sur nos activités. Ton entraînement continue ce soir, même heure, même endroit. Fais en sorte que personne ne soupçonne quoi que ce soit.

Lord Voldemort »

Le cœur battant, Bellatrix observa la lettre prendre flammes. Elle craignait d'avoir accompli sa première grande erreur. Et elle n'était même pas encore dans ses rangs ! Elle espérait de tout son cœur que Lord Voldemort ne lui en tiendrait pas rigueur. Toute chaleur avait disparu. Angoissée, Bellatrix s'allongea de nouveau, les yeux fixés sur les cendres déjà froides qui retombaient mollement sur la laine épaisse de son lit et les pétales de fleurs égarés du bouquet de Rodolphus.