Chapitre V : La Mariée
– Pourquoi devais-je la tuer, mon seigneur ?
Lord Voldemort et Bellatrix étaient de retour au Sanctuaire. Il devait être tard. Avec le décalage horaire, Bellatrix imaginait que le jour était peut–être même déjà levé mais elle ne pouvait en être certaine. Aucune lumière ne filtrait en ces lieux lugubres et les évènements de la soirée l'avaient éprouvée au point d'en perdre la notion du temps. Le Seigneur des Ténèbres se tenait, dos à elle, et s'affairait à préparer une potion.
Il lança un regard inquisiteur vers Bellatrix puis retourna à la concoction de sa potion.
– J'ai maintes fois entendu dire que la première victime est toujours la plus difficile. Qu'en penses-tu, Bellatrix ?
– Je l'ignore. Au bout d'un moment, sa mort a fait sens et lorsque je l'ai tuée, je n'ai quasiment rien senti.
– Sa mort a fait sens ? répéta Lord Voldemort avant de baisser le feu sous le chaudron.
Il se détourna et observa Bellatrix dans les yeux.
– Explique-toi.
– Euh… C'est juste que…
Bellatrix se sentit soudainement bien à l'étroit dans son corset. Le regard du Seigneur des Ténèbres était intimidant, et elle était bien en peine de trouver un moyen d'expliquer les raisons pour lesquelles les allégations monstrueuses d'Isabella Jdanov avaient facilité sa tâche.
– Isabella Jdanov était une sorcière de sang pur, probablement de bonne lignée. Elle portait un bébé de sang pur également, et lorsque vous m'avez demandé de la tuer, je n'ai pas compris pourquoi…
– T'ai–je demandé de comprendre, Bellatrix ?
– Non…
– Es–tu si prétentieuse que tu penses connaître les tenants et les aboutissants des choix que je fais ?
– Non, mon seigneur, je…
– Bellatrix Black, interrompit–il d'une voix glaciale, tu m'as proposé tes services, je les ai acceptés mais tu n'es pas encore devenue un mangemort.
– Oui, je le sais, mon…
– Cesse de m'interrompre ! siffla le Seigneur des Ténèbres, les yeux parcourus d'un vif éclair rouge, ton impertinence peut être divertissante quelques temps mais elle aura tôt fait de m'agacer.
Bellatrix, les larmes aux yeux, hocha la tête et s'agenouilla face à Lord Voldemort.
– Pardonnez–moi, mon seigneur.
– Cette mission m'aura été instructive à bien des niveaux. Si tu deviens un mangemort, Bellatrix, la plupart de mes commandements te paraîtront probablement obscurs. Je n'aime pas me répéter d'ordinaire mais je vais rabâcher ce que je t'ai inculquée pour être sûr que tu comprennes parfaitement quelle est ta place ici. Ma quête sera longue et douloureuse. Le bouleversement d'un régime bien implanté dans ce monde vieillissant, si peu enclin à accepter l'avènement d'un nouvel ordre, ne pourra être sans force et pouvoirs. La vie d'un mangemort n'est pas aisée. Les Mangemorts côtoient la mort et la solitude. Ils doivent se plier à ma volonté et accomplir tous les devoirs que je leur donne. Ils doivent se battre pour moi, sans sourciller et sans questionner. Le doute t'a-t-il habité, ce soir, ma chère Bellatrix ?
À genoux, Bellatrix sentait son cœur se serrer douloureusement. Jamais Lord Voldemort n'avait–il été aussi implacable avec elle. Le ton de sa voix la laissait pétrifiée.
– Non, mon seigneur, assura-t-elle.
– Vraiment ? Es–tu sûre de toi ? Lord Voldemort découvre toujours la vérité.
Bellatrix fronça les sourcils. De quoi voulait-il parler ?
– Je ne vois pas, mon seigneur, répondit-elle, la voix tremblante.
– Alors je serais bien curieux de connaître les raisons qui t'ont convaincue de tuer Isabella Jdanov, dit-il d'une voix doucereuse.
Bellatrix plongea ses yeux dans ceux du Seigneur des Ténèbres, à court de mots. Elle avait la soudaine impression qu'il savait déjà tout ce qui s'était échangé entre Isabella et elle, avant qu'elle ne succombe au bout de sa baguette.
– Je n'ai porté aucun crédit à ses propos, mon seigneur.
– Qu'a-t-elle dit ?
– Elle a osé douter de vos origines, mon seigneur. Et cela m'a rendu furieuse.
Lord Voldemort s'accroupit face à elle. La dominant toujours, il plongea ses yeux dans ceux de Bellatrix et posa une main, étonnamment douce, contre sa joue.
– Quelle indélicatesse de sa part, n'est-ce pas ?
– Cette idiote n'aura plus jamais l'occasion de proférer de tels mensonges, maintenant.
– Très juste, assentit Lord Voldemort, mais tu l'as tuée parce qu'elle t'avait rendu furieuse et non parce que je te l'avais demandé.
– Mon seigneur, je m'étais isolée des autres pour la tuer, comme vous m'en aviez donné l'ordre. Je l'aurais tuée même si elle n'avait rien dit.
Lord Voldemort ne répondit pas immédiatement. Son pouce la caressa un bref instant puis il se redressa.
– Sois apaisée, Bellatrix, ta première mission reste un succès.
– Vraiment ? exhala Bellatrix, infiniment soulagée.
– Bien–sûr, les Jdanov sont morts et tu as utilisé le dernier des Impardonnables, ce qui achève pour de bon ta formation. Mais à partir de maintenant, tu m'obéiras sans arrière–pensée, n'est–ce pas ?
– Oui, bien-sûr, mon seigneur.
– Tu es en passe de recevoir ta marque, Bellatrix.
– Merci, mon seigneur ! s'exclama Bellatrix, la voix emplie de gratitude.
Elle se prosterna et embrassa l'ourlet de la robe de Lord Voldemort. Lorsqu'elle s'agenouilla de nouveau, de longues traînées de larmes parcouraient ses joues.
– Juste une dernière chose, toutefois…
– Oui, mon seigneur ?
– Je vais répondre honnêtement à la question impudente que tu m'as posée. Dmitri Jdanov, sa femme et l'héritier qu'elle portait devaient mourir car ils constituaient une entrave à mon ascension. Jdanov n'a jamais été mon ami, et lorsqu'il a osé poser le doute sur mes origines, il a signé son arrêt de mort. Nul ne déshonore mon héritage sans en payer le prix, déclara Lord Voldemort froidement.
Il s'avança vers le chaudron et remplit une coupe du liquide visqueux qu'il avait préparé.
– Bois-cela, Bellatrix. Grâce à cette potion, la marque que je dessinerai sur ton bras me sera irrévocablement et éternellement liée.
Bellatrix se leva et se saisit de la coupe, et tout en regardant Lord Voldemort dans les yeux, elle l'apporta à ses lèvres. Le goût infect du liquide ne l'incommoda même pas, tant elle était heureuse de finalement devenir un mangemort.
– Demain, Bellatrix, tout va changer. La décennie qui se profile marquera celle de ma victoire absolue. Et elle ne sera que le début d'une nouvelle ère.
Bellatrix sentit bientôt les effets capiteux de la potion. Elle eut soudainement très chaud comme si elle venait de plonger dans une eau bouillonnante quelque chose au plus profond d'elle sembla se briser et cela procurait en elle un plaisir immense. Elle crut entendre Lord Voldemort ricaner mais elle ne pouvait être sûre de rien tant sa tête tournait.
Le Seigneur des Ténèbres lui saisit brutalement le bras, et elle se força à garder les yeux grand ouverts. Elle avait attendu ce moment des années durant, il était hors de question qu'elle en perde une miette. Il releva sa manche de sa main gauche et saisit sa baguette de sa main droite. Puis, il contempla sa nouvelle servante avec un léger sourire avant de déposer le bout incandescent de sa baguette sur la peau blanche et vierge de Bellatrix. La sensation de brûlure était terrible mais Bellatrix sourit, puis hurla, puis éclata de rire. Elle sentait son corps lui échapper, ses sens se délier, son dos se cambrer. Fiévreuse et en proie au délire provoqué par la potion et la main du Seigneur des Ténèbres posée sur son bras, elle se mit à pleurer au milieu de ses rires. De véritables sanglots la secouèrent tandis qu'elle contemplait le visage de Lord Voldemort, imperturbable et concentré sur sa marque. Puis tout disparut : les cris, les pleurs et les rires.
L'éclatante vérité, aussi brûlante et explosive qu'un volcan en éruption, s'imposa alors en elle : elle mourrait pour lui. Elle lui donnerait sa vie, sa magie, son sang.
Elle était folle amoureuse de lui.
Le Seigneur des Ténèbres détourna brusquement le regard, et toute l'acidité de ses yeux rouges plongea dans ceux de Bellatrix. Lentement, il leva sa baguette et sa main gauche caressa sa marque avec douceur. Le contact était pourtant extrêmement douloureux. Bellatrix posa les yeux sur son bras : le tatouage composé d'un serpent et d'une tête de mort lui apparut comme le plus bel ornement. Il était encore rouge vif et sanguinolent mais elle fut immédiatement conquise.
– C'est magnifique, mon seigneur, commenta-t-elle avec un léger sourire, toute secouée qu'elle était par les intenses émotions qui l'avaient transpercées.
Lord Voldemort souleva le bras de Bellatrix puis, sans se baisser d'un centimètre, soulevant presque le corps de sa nouvelle fidèle toujours agenouillée au sol, vint doucement poser ses lèvres sur sa marque. Il lécha le sang qui en suintait et Bellatrix ne put s'empêcher de gémir. Une seconde plus tard, tout le poids de Bellatrix retombait sur ses genoux et elle s'écroula de nouveau sur le sol glacial.
– Tu m'appartiens maintenant, Bellatrix.
– Oui, Maître.
Prononcer ce mot procura une liesse intense dans le cœur de la nouvelle servante, et Lord Voldemort esquissa un sourire sincère.
– Demande-moi une faveur en échange de tes services, et j'exaucerai ton vœu, déclara le Seigneur des Ténèbres.
Enfin, pensa Bellatrix. Tant de semaines s'étaient écoulées depuis qu'elle avait pris la décision de devenir un mangemort. Tant de semaines à imaginer ce moment rêvé où elle serait enfin libre.
– Maître… J'aimerais… J'aimerais que vous brisiez les fiançailles entre Rodolphus et moi.
Un silence pesant s'installa. De longues, agonisantes, secondes s'écoulèrent. Le visage du Seigneur des Ténèbres était impassible. Le cœur de Bellatrix battait à cent à l'heure.
– Non.
– Non ? répéta Bellatrix tout en maudissant l'inflexion désespérée qu'avait prise sa voix.
– Rodolphus Lestrange est un de mes mangemorts, et j'ai donné mon consentement pour vos fiançailles. J'ai donné ma parole. Il ne serait pas honorable de ma part si je brisais cet accord, particulièrement à trois jours du mariage.
Bellatrix reconnaissait le ton sans appel de sa voix mais elle ne put s'empêcher de protester :
– Mon seigneur, je vous en prie, je méprise Rodolphus, je ne veux pas me soumettre à…
– Tu ne te soumets qu'à moi, Bellatrix.
– Oui, Maître. Qu'à vous. Je ne veux me soumettre qu'à vous et…
– Bellatrix, ce mariage ne peut être annulé. Il en va de ta réputation et celle des Black. Il en va de mon honneur. Tu épouseras Rodolphus Lestrange. Fin de la discussion.
Bellatrix posa un regard découragé sur son Maître. Elle avait envie de riposter mais le combat était perdu, elle le savait. Elle ravala son désespoir et se résigna.
– Une autre faveur à me demander, peut-être ? Rien ne t'oblige à décider maintenant mais réfléchis–bien car je ne te proposerai pas cela plusieurs fois.
Il y avait bien quelque chose mais jamais Bellatrix n'oserait lui demander cela. Rien que l'idée la faisait rougir. Il était impensable, horriblement avilissant de penser que le Seigneur des Ténèbres pourrait accéder à cette faveur. Ces pensées en tête, Bellatrix était incapable de soutenir le regard de son Maître. Elle baissa les yeux, le feu aux joues.
– Non, Maître. Je n'ai pas d'autre faveur à vous demander.
– Vraiment ? Je pourrais ressusciter quelqu'un, tuer quelqu'un, prolonger ta vie, te venger d'un ennemi, te donner plus de pouvoirs, en enlever à d'autres, et tu n'as rien à me demander ? Oh… Oh…
Lord Voldemort émit un rire cruel.
– Rentre chez toi, petite fille, et endors-toi. J'ai bien peur que la fatigue t'ait donnée des pensées très impures…
Bellatrix hoqueta. Elle était cramoisie. L'idée qu'il ait pu lire dans ses pensées la mortifiaient.
– Maître… ?
– Bonne nuit, Bellatrix. Et tous mes vœux de bonheur avec Rodolphus.
Sur ces mots, avec un sourire narquois aux lèvres, Lord Voldemort disparut. Bellatrix, elle, ne bougea pas tout de suite. Le poids de la honte l'accablait. Quelle idiote, faisait–elle. Lorsqu'elle arriva chez elle, il était presque midi. Druella lui hurla dessus pendant des heures. Pourtant, rien ne put la distraire de cette nuit et matinée passées en compagnie de son Maître. Rien, ni les cris de sa mère, ni les remontrances de son père, ni les questions invasives de Rodolphus, ni même l'incessante agitation des couturières qui l'empêchèrent de dormir jusque tard dans la soirée. Lorsqu'elle fut enfin dans son lit, la honte l'étreignait encore.
Le Seigneur des Ténèbres sait que j'ai envie de lui !Seule cette idée lui donnait envie de hurler dans son oreiller, de tirer la couette sur elle et d'hiberner un millénaire pour ne plus jamais avoir à faire face à son Maître. Et pourtant, déjà, elle rêvait d'être de nouveau en sa présence et de le servir. De toute façon, toute pensée, même les plus déplaisantes étaient les bienvenues comparées à la perspective déprimante de devoir se marier à Rodolphus Lestrange.
– Merlin aidez-moi… supplia-t-elle, au cœur de la nuit, même si désormais, tout espoir d'échapper à ce mariage l'avait définitivement abandonné.
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– Madame Guipure, pouvez-vous vérifier l'ourlet à cet endroit s'il-vous-plaît ? ordonna Druella d'une voix liquéfiante.
Aussitôt la jeune vendeuse du Chemin des Traverses se pencha, le nez quasiment collé au parquet, pour s'occuper de l'ourlet du bas de la robe. Dans un coin de la pièce, pas moins de quatre elfe-de-maisons s'affairaient à coudre à une vitesse inhumaine - mais tout-à-fait elfique – un long voile blanc vaporeux.
Leurs petites voix aigues chuchotaient des mots d'empressement « par-là ! », « vite ! », et on put même distinguer la lamentation catastrophée de l'un d'entre eux (« Noooon, Linotte, tu fronces trop le tissu, tes points d'arrêt sont trop serrés ! »), ce qui valut au malheureux un coup de canne de la part de Walburga Black.
Bellatrix, quant à elle, se contentait d'observer d'un air particulièrement sombre son reflet dans le miroir. L'heure était encore matinale mais la frénésie un peu aliénante autour d'elle lui rappelait que l'heure de la cérémonie maudite, comme elle aimait la surnommer, approchait.
Le nœud d'angoisse, de dégoût et de pure rage qui s'était logé il y a maintenant quatre ans sous son sternum était assourdi par une hébétude moite. Le « non » définitif du Seigneur des Ténèbres avait eu un écho si irrévocable qu'elle ne pouvait désormais plus se permettre d'enrager indéfiniment. Il est des colères brûlantes et explosives qui se transforment en froides résignations aujourd'hui, Bellatrix en faisait l'expérience, non sans une certaine amertume, cependant.
Elle n'avait jamais connu un tel désenchantement auparavant. Dans sa jeunesse et même lors de ses années à Poudlard, chacun des affronts, chacune de ses colères, chaque petit caprice de sa part avait été vengé, rendu au centuple, exprimé, hurlé, vomi. Elle n'avait jamais connu la terrible épreuve de devoir encaisser un coup dur, de devoir se plier complètement et sans issue possible à la décision de plus forts qu'elle. Son père, sa mère, son oncle, sa tante, Rodolphus, les Lestrange et maintenant même le Seigneur des Ténèbres tous la voulaient mariée, rangée et peut-être même mère. Bellatrix réprima un frisson d'horreur.
Lord Voldemort voudrait-il qu'elle offre des héritiers à Rodolphus ? Dans le tissu précieux mais quelque peu inconfortable de sa robe de mariée, Bellatrix commençait à transpirer. Intérioriser une colère avait cet effet-là, aussi. La sueur. Bellatrix fronça du nez de dépit et de rage. La peur, voilà ce qu'elle ressentait. Cette peur-là, Bellatrix n'y avait jamais goûté et même si elle répugnait à se l'avouer, elle était terrifiée.
Terrifiée de lier sa vie à celle de Rodolphus, terrifiée de ce mariage, terrifiée de la nuit de noce. La liesse magnifique de sa récente intronisation s'amenuisait légèrement en ce jour noir. Même si elle respectait la décision du Seigneur des Ténèbres, elle devait avouer qu'une petite partie d'elle lui en voulait. Elle avait bâti tellement d'espoirs. Après tout, c'était dans l'espoir fou de devenir un Mangemort qu'elle avait sacrifié ses jours et ses nuits à Poudlard à étudier d'arrache-pied.
Elle n'avait pas pensé qu'être un Mangemort ne la dispenserait pas de se marier.
La robe était enfin prête. Druella, Walburga et Andromeda la contemplaient d'un œil critique près de Madame Guipure qui se tordait les mains avec appréhension. Les elfes-de-maison s'étaient aussi tus. Apparemment satisfaite, Druella s'empressa d'arracher des mains le voile qu'ils venaient de terminer. Bellatrix en toucha l'extrémité. Blanche étincelante et finement ouvragée, l'étoffe était magnifique, même Bellatrix devait l'admettre. Elle n'avait jamais touché de tissus aussi étranges : à la légèreté vaporeuse de la matière s'ajoutait des dessins de couture délicats dans un fin relief d'une couleur à peine nuancée, presque argentée. Sur les lisières, de minuscules points pailletés étincelaient selon l'inclinaison de la lumière. Bellatrix n'osait imaginer le prix d'un tel tissu et était quelque peu déroutée que de simples elfes aient pu l'élaborer mais il était bien connu que ces créatures étaient d'une inutilité et d'une pauvreté d'esprit navrantes à l'exception de la couture, des arts de la table et du ménage.
Bellatrix ricana pour elle-même. Voilà ce qu'on voulait qu'elle devienne. Un Elfe-de-maison.
– Allez, Bellatrix.
Sur ces mots, la contemplation de Bellatrix fut rompue. Druella extirpa des doigts de sa fille le précieux tissu et entreprit d'accrocher le voile à ses cheveux. Bellatrix avait refusé qu'on la coiffât de façon extravagante – déjà qu'elle avait accepté la robe et le voile – ainsi ses longs cheveux noirs reposaient lâches et libres sur ses épaules. Druella les rejeta en arrière avant de s'effacer, laissant à Bellatrix la possibilité de regarder le tableau final dans le miroir.
Le résultat était stupéfiant : toute de blanche vêtue dans une robe de soie simple mais élégante qui épousait ses formes sans la serrer, la taille à peine marquée, dépourvue de bijoux et très légèrement maquillée, Bellatrix se sentait étrangement dénudée.
Elle ne portait ni corset ni soutien-gorge. La robe était sans-manches mais lorsqu'elle s'en était vêtue, Bellatrix s'était assurée de mettre en place ses longs gants blancs. La marque des ténèbres, encore à vif, était dissimulée sous le tissu doux et froid Bellatrix sentait encore le feu du maléfice et les lèvres de son Maître posées à cet endroit. Elle frissonna.
La future mariée était belle, c'était indéniable. Bellatrix ne le vit pas, cependant. Dans le miroir, une fille lui ressemblait, brune, grande et fière, mais ce n'était qu'un leurre car sous tous les angles, Bellatrix ne voyait qu'une chose : une Mangemort déguisée en mariée. C'était une grotesque supercherie.
Sa marque des ténèbres brûlait tellement qu'elle pouvait presque la voir à travers le gant. Une mariée avec une Marque des Ténèbres. C'était obscène. Avant de quitter la pièce, Bellatrix avait un sourire au creux des lèvres.
C'était une maigre consolation mais dans son malheur, elle savait que personne ne pourrait lui enlever ça. Derrière le voile, derrière le titre, Bellatrix ne serait jamais qu'un Mangemort – ce qui détruisait en soi tous les idéaux de la mère au foyer.
– Le chapeau ne fait pas le sorcier, je suppose, murmura-t-elle.
Andromeda leva un sourcil perplexe. Bellatrix passa devant elle sans un regard.
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La liste des invités était assez impressionnante. Bellatrix s'était évidemment attendue à une grosse réception. Sa propre famille composée des Black et des Rosier (la famille de sa mère) était déjà assez conséquente celle de Rodolphus, Lestrange par son père, Nott par sa mère, était quasiment du même acabit. Mais en-sus de ces familles, Cygnus Black et Reginaldus Lestrange avaient tous deux tenu à inviter quelques-unes des familles les plus vénérables et respectables de l'élite britannique, les plus grands des « Vingt-huit sacrés »(i), à savoir les Avery, les Yaxley, les Bulstrode, les Carrow, les Rowle, les Parkinson et bien-évidemment, au grand bonheur de Reginaldus Lestrange, les Malefoy.
Bellatrix n'en avait cure, cependant. Elle était profondément ennuyée par tout cet étalage d'attentions, ces codes et ces conventions. Évidemment, ce mariage ravissait tout le monde… sauf elle. Elle expira bruyamment.
Dans moins d'une heure, elle serait unie à Rodolphus Lestrange par le contrat magique du mariage. Andromeda et Narcissa, ses deux témoins, se tenaient à côté d'elle. Pour une fois, Druella et Walburga l'avaient laissé seule. Elles avaient pris place à l'intérieur de la majestueuse salle de bal du Manoir Lestrange. D'une des pièces adjacentes, dans un petit salon luxueusement agencé, Bellatrix pouvait entendre la clameur des conversations qui s'élevait du hall de réception. Elle était cachée là, avec ses sœurs, en attendant que tout le monde soit assis et installé.
Le stress commençait à monter.
Narcissa et Andromeda l'observaient sans mot dire, toutes deux bien au courant des réticences de leur sœur mais trop apeurées de s'attirer son courroux si elles élevaient la voix. Leur regard compatissant exaspérait un peu Bellatrix mais, dans son désarroi, elle n'aurait jamais eu la force de les vilipender. Ses sœurs étaient les seules personnes qui n'affichaient pas un sourire ou une mine contentée et elle leur en était reconnaissante. Andromeda, en particulier, semblait sensible à ce qui incombait à sa grande sœur. Pâle et abattue, elle observait le visage voilé de la future mariée avec tristesse.
Bellatrix baissa les yeux. Elle entendait la voix de son père qui résonnait dans le hall. Un instant plus tard, il ouvrait la porte du petit salon d'un geste brusque et affirmé. Il referma la porte avec la même fermeté. Bellatrix était dos à lui, et son regard ne quittait pas le tapis noir du salon.
– Ma fille, es-tu prête ?
Bellatrix hocha la tête. Cygnus la contourna d'un pas rapide et lui saisit les épaules.
– Bellatrix, tu n'imagines pas à quel point tu rends ton père très fier aujourd'hui.
Levant les yeux vers ceux de son père, Bellatrix fut incapable de répondre. Dans d'autres circonstances, ces mots qu'elle avait rêvé d'entendre toute sa vie, l'auraient empli de joie. Elle n'était pas sans savoir que son père était particulièrement heureux de ce mariage. Marier sa fille à un Lestrange n'était pas chose frivole. Le monde sorcier était charmé par ce mariage car Bellatrix comme Rodolphus représentaient le renouveau du Sang-pur : jeunes, beaux, puissants et animés par le souhait féroce de préserver la pureté de leurs rangs. Ils étaient source d'espoir et de fierté, elle le savait.
Dans cet instant, Bellatrix oublia sa rancœur envers sa famille. Elle ne leur en voulait pas fondamentalement. Elle comprenait la nécessité de se marier et adhérait à leurs points de vue. Pour n'importe quelle autre fille, Bellatrix aurait considéré ce mariage comme juste et nécessaire, mais Bellatrix n'était pas n'importe quelle fille. Elle se savait plus forte, plus sombre, plus désireuse de prouver sa valeur. Elle était faite pour une autre cause, une autre voie. Et dans ce moment très court où son père lui présenta son bras avec un semblant de sourire sur les lèvres, Bellatrix accepta son sort.
Elle serait mariée car la société l'imposait. Le Sang-pur était plus important que ses caprices, mais dans son cœur, dans son âme et son corps, elle serait un Mangemort. Elle pourrait concilier les deux, se promit-elle. Rendre fier ses parents et le Seigneur des Ténèbres.
Elle était prête. Elle rendit un faible à sourire à son père, et le suivit hors de la pièce, en direction de la grande salle de bal et de l'autel où Rodolphus l'attendait, tout sourire mais anxieux, au bout de l'allée.
Bellatrix se tint à ses côtés. Elle ne voulait pas se retourner et voir tous ces visages levés vers elle. Elle avait pu croiser le regard machiavéliquement glacial d'Enguerrand Avery et celui éteint du « Fantôme », sa fille en passant, elle avait également pu aussi observer le visage fier et désintéressé d'Abraxas Malefoy ainsi que l'air curieux mais quelque peu sombre de son jeune cousin de neuf ans, Sirius.
Elle était la première née de la nouvelle génération des Black. Elle devait leur faire honneur. Elle ne cracherait pas au visage de Rodolphus, non. Elle écouta le sorcier qui devait les marier déblatérer ses inepties habituelles.
Elle sentait la fébrilité de Rodolphus, ses mains presque tremblantes. Bellatrix n'écoutait désormais plus rien, son esprit vagabonda de nouveau vers le Seigneur des Ténèbres. Elle était déçue de s'apercevoir qu'il était absent. Elle avait à peine eu le temps de s'attarder sur ses invités en s'avançant vers l'autel mais si Lord Voldemort avait été présent, Bellatrix l'aurait senti. Tout le monde l'aurait senti. Le sorcier face à elle n'aurait pas ce sourire de circonstance. Rodolphus serait encore plus tremblant. Son propre cœur battrait encore plus vite.
Il était probablement mieux ainsi. Elle n'aurait jamais pu lever les yeux vers lui après la façon dont ils s'étaient quittés trois jours auparavant. La honte l'étouffait encore et même si les préparatifs du mariage l'avaient détourné de ce sentiment oppressant, elle ne pouvait s'empêcher de rougir chaque fois qu'elle y pensait.
– Rodolphus Maximus Reginaldus Lestrange, consentez-vous à prendre comme épouse, Bellatrix Druella Black ?
Et alors que Bellatrix était sur le point de se marier à Rodolphus Lestrange, c'était à quelqu'un d'autre qu'elle pensa. Et ce ne fut qu'en gardant à l'esprit le fiel de ses mots et le rouge de ses yeux qu'elle trouva la force de se tourner vers Rodolphus.
– Oui, je le veux, répondit Rodolphus d'une voix si forte et solennelle qu'il eût été peine à croire que ses mains tremblaient autant.
– Bellatrix Druella Black, consentez-vous à prendre comme époux, Rodolphus Maximus Reginaldus Lestrange ?
Un silence s'abattit sur la salle. Il ne dura pas plus de deux secondes mais Bellatrix eut l'intense plaisir de voir les pupilles de Rodolphus s'écarquiller, saisi de la peur qu'elle réponde « non ».
– Oui.
Ne pouvant s'empêcher de sourire de soulagement, Rodolphus sembla vouloir s'approcher de sa bouche. Mortifiée mais résignée, Bellatrix accepta le bref baiser sans rouspéter. Ce n'était pas leur premier de toute façon, et à en croire toute cette cérémonie idiote, il ne serait pas le dernier.
Très vite, les bancs et l'autel firent place aux tables rondes et aux confettis. L'heure était à la fête. Faisant preuve d'une bravoure qu'elle n'avait pas pensé jusqu'alors posséder, Bellatrix afficha un sourire éclatant.
Elle se garda bien de parler ou de faire autre chose. Tout à leurs cancans mondains, conversations creuses et rires perchés, les invités eurent tôt fait de l'oublier. Ils lui offrirent un sourire ou une fleur, quelques gerbes d'étincelle de leur baguette magique en guise de félicitations. Bientôt, Bellatrix se retrouva seule assise à sa table.
Immédiatement après les danses offertes à son père et à son tout nouvel époux, à minuit pile très exactement, elle s'éclipsa de la salle de bal et s'enfuit, sans que personne ne s'en aperçoive, ou presque.
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Sans réfléchir, Bellatrix avait transplané chez elle, au Manoir de son père. Il était évident qu'il était tenu d'elle qu'elle dorme au Manoir Lestrange en compagnie de son mari mais elle n'en éprouvait pas la force.
Elle ne voulait pas coucher avec cet abruti.
Assise sur son lit, Bellatrix sentit les larmes couler sur ses joues. Tout le courage qu'elle avait rassemblé pour endurer cette journée s'était envolé, et elle se trouvait désormais démunie et seule dans la maison de son enfance. Avec désespoir, elle observa les murs de sa chambre, ses ASPICs y étaient accrochés ainsi que le prix qu'elle avait reçu en Sortilèges. Bellatrix avait toujours été doué pour les Sortilèges, surtout pour les maléfices, à vrai dire. Son insigne de Préfète-en-chef et sa cape aux armes de Serpentard trônaient encore dans un coin de la pièce. Elle n'avait pas vraiment eu le temps de ranger toutes ses affaires en rentrant de Poudlard, avec le mariage, Rodolphus et son apprentissage de mangemort.
Pour la première fois depuis qu'elle était rentrée chez elle, son école lui manqua. Elle détourna les yeux et rencontra de plein fouet son reflet dans le miroir : avec les yeux noircis de maquillage et ce voile ridicule sur la tête, elle se sentit si profondément stupide qu'elle s'empressa de l'arracher à ses cheveux. Ses gants suivirent le même traitement.
Ravalant ses larmes et ses sanglots, elle posa les yeux sur la Marque des Ténèbres. Un grand soupir s'échappa du plus profond de sa poitrine.
Exténuée par cette journée, ces émotions et ces pleurs, elle s'allongea sur son lit, sur le côté, l'œil toujours fixé sur sa Marque. De son autre main, elle vint caresser la tête de serpent, nonobstant la douleur. Le contact contre la chair meurtrie de son bras la rassurait. Elle s'endormit le bras sous le visage, les lèvres à quelques millimètres de son poignet, embrassant d'un effleurement subtil le tatouage de mort.
Il ne devait pas être beaucoup plus tard lorsqu'elle se réveilla. Elle ne sut pas très bien ce qui l'avait réveillé jusqu'à ce qu'un contact léger mais froid contre le tissu soyeux de sa robe la fit sursauter.
– Lum… ! commença-t-elle à prononcer, la baguette dans la main mais deux choses l'en empêchèrent : la première fut une main brusquement refermée sur sa baguette, l'autre fut une bouche posée contre la sienne dans un contact à peine appuyé.
Bellatrix hoqueta de surprise et entreprit de se débattre mais la main qui empoignait sa baguette et l'autre qui s'était refermée la gardaient étendue sur le lit. Dans un brusque accès de panique, elle pensa à sa nuit de noce et à Rodolphus mais la peau glaciale à la texture lisse et l'aura de pure puissance qui la tenait placardée au matelas ne pouvaient appartenir qu'à une seule personne.
– Maître… ? souffla-t-elle.
Elle sentit les lèvres de l'autre contre les siennes en prononçant ces mots, et bientôt le contact se transforma en véritable baiser. Elle se souvenait avec précision de ces mêmes lèvres posées sur son tatouage. Il n'y avait aucun doute : la personne qui se trouvait là dans l'obscurité totale de sa chambre était Lord Voldemort.
Laissant échapper un gémissement de plaisir à cette pensée, Bellatrix se laissa complètement retomber sur son lit et sentit au même instant le corps de son Maître posé un peu plus contre elle.
Bellatrix hésitait à poser les mains sur son Maître. Lorsque la bouche de celui-ci interrompit le baiser pour se poser dans son cou, elle ne put s'empêcher d'avancer une main vers sa joue mais aussitôt, avec la rapidité d'un serpent, il emprisonna d'une poigne forte ses deux bras au-dessus de sa tête.
La respiration de Bellatrix accéléra. Elle sentit le Seigneur des Ténèbres se relever légèrement et elle eut l'impression qu'il pouvait la voir dans le noir. L'examen oculaire dura de longues et interminables minutes. Bellatrix déplora intérieurement de ne pouvoir faire de même.
Au bout de cette attente atroce, l'autre main du Seigneur des Ténèbres fit lentement remonter le long de ses jambes puis de ses hanches le doux tissu de sa robe. Sentant cette main froide contre la peau nue de ses jambes rendit Bellatrix plus fébrile que jamais. Dans un geste rapide, il finit d'ôter la robe par le haut, ce qui le força à lâcher ses mains. Bellatrix, en-dehors de sa petite culotte, se trouva dénudée, tremblante de peur et d'envie sous le corps de son Maître.
Sans attendre davantage, ce dernier fit disparaître le sous-vêtement, écarta les jambes de Bellatrix et se glissa entre elles. Sentant le tissu plus rugueux de sa robe recouvert d'une fine pellicule de pluie contre elle et la partie la plus intime de son anatomie, Bellatrix frissonna. Ses jambes se relevèrent presque d'elles-mêmes contre la taille de son Maître en prenant garde de ne pas trop serrer. Elle ne voulait pas qu'il emprisonne une fois de plus ses mains.
Elle discerna sa main glisser entre eux, un bruit de textile froissé se fit entendre, puis, alors que son cœur battait de plus en plus vite, elle sentit la virilité d'un membre tendu et légèrement moins glacial que le reste contre la peau intérieure de sa cuisse.
L'excitation qui emplissait Bellatrix à ce moment-là l'élançait au point d'en devenir douloureux. Tout en elle réclamait ce corps, cette peau, ce frisson de pouvoir qui l'attiraient si férocement à son Maître. Tandis que d'une main il maintenait fermement Bellatrix contre le lit, de l'autre il guida son sexe à l'entrée d'elle.
Il la pénétra d'un seul coup brusque.
Bellatrix laissa échapper un cri de douleur qu'il fit taire d'un baiser impérieux, meurtrissant ses lèvres et sa main qui remontait maintenant le long de son corps nu et tremblant se referma sur son cou. Son emprise n'était pas totale, juste de quoi rendre sa respiration plus erratique. Pourtant, lorsque le Seigneur des Ténèbres se retira et s'enfonça de nouveau en elle, elle ne put retenir ses gémissements plaintifs contre les lèvres de son Maître.
Les vas-et-viens furent de plus en plus violents et rapides la douleur qui la transperçait était si déchirante que des larmes perlèrent au coin de ses yeux.
– N'était-ce pas ce que tu voulais, Bellatrix ?
Le timbre de sa voix et le sourire cruel qu'elle discernait derrière sa question firent gémir Bellatrix de plaisir. Elle savait que c'était lui, bien-sûr, mais l'entendre lui parler, prononcer son nom alors qu'il était si profondément enfoncé en elle, rendaient tout cela si réel, si concret, si proche que cela influait en elle le plus grand bonheur.
– Maître, répéta-t-elle, le souffle coupé.
Souhaitant recevoir le maximum de lui, elle remonta encore ses jambes, écarta encore ses jambes, se cambra contre lui et le laissa aller et venir en elle plus violemment encore. Elle sentit son visage contre son cou, ses cheveux l'effleurer et Bellatrix ressentit l'irrépressible envie de poser ses mains sur lui. Alors qu'elle tentait d'étouffer ses cris, elle approcha ses mains avec appréhension des épaules de son Maître. À sa surprise et soulagement, il ne protesta pas mais Bellatrix se demanda si ce n'était pas dû au fait qu'il semblait maintenant plus frénétique et brusque que jamais.
Bellatrix ferma les yeux en essayant de contenir la douleur et le plaisir qui se mêlaient, les mains plus fermement serrées sur les épaules recouvertes de Lord Voldemort. Elle entendit un très faible gémissement à son oreille qu'elle jugea d'une beauté inouïe et qui eut un effet direct sur la région la plus brûlante d'elle-même, quelque part entre son désir et son adoration, et quelques instants plus tard, le rythme, le bruit, les cris se turent. La main autour de son cou se détendit.
Le Seigneur des Ténèbres ne s'attarda pas longtemps contre Bellatrix. Il se redressa, ce qui refroidit instantanément Bellatrix. La jeune fille voulut dire quelque chose mais elle en était incapable, sa gorge semblait nouée par le contact précédent du mage noir sur son cou. Après s'être rhabillé convenablement – selon ce que pouvait entendre Bellatrix – le Seigneur des Ténèbres observa une pause. Bellatrix attendit, le cœur battant, la peau moite et l'entrejambe encore palpitante et endolorie.
– Considère cela comme ma rétribution pour tes services. Cela ne se reproduira plus, Bellatrix, compris ?
– Oui… murmura la Mangemort d'une voix faible.
– Tu ne devras jamais répéter cela à qui que ce soit.
– Bien-sûr, Maître.
Puis, il sembla hésiter mais l'instant d'après, il se pencha sur elle et déposa un bref dernier baiser sur ses lèvres, moins autoritaire et brusque que tous ceux qu'il lui avait consentis.
– Au-revoir, Bella.
Se retenant de toutes ses forces de ne pas empoigner la cape de son Maître et de l'implorer de rester avec elle, Bellatrix répondit un « au-revoir, Maître » un peu essoufflé, sur le bord des larmes.
Lord Voldemort disparut sans un bruit.
Bellatrix se glissa sous ses couvertures, replia ses jambes contre elle, et posant une main contre son intimité brûlante, elle laissa échapper quelques larmes mais alors qu'elle prenait une grande inspiration, elle se rendit compte que son oreiller renfermait l'odeur de son Maître. Cela la fit sourire.
J'ai couché avec le Seigneur des Ténèbres.
Cela avait semblé si chimérique, si stupide et ridicule que la formulation de cette pensée dans sa tête la fit exploser de rire dans le noir de sa chambre. Étreignant fermement son oreiller, elle s'endormit, chérissant et se délectant de la douleur en elle qui témoignait que quelques instants auparavant, c'était son Maître qui se trouvait là.
En cette nuit, Rodolphus pouvait attendre. Bellatrix savait qu'elle profitait probablement de sa dernière nuit à dormir seule dans son lit mais elle était disposée à laisser toutes ces pensées désagréables pour le lendemain.
Cette nuit n'appartenait qu'à elle… et à son Maître.
