Chapitre VII : La Suppliciée
– Coucou bébé.
Un souffle chaud. Une main froide. Bellatrix ouvrit les yeux brusquement. Dans un grognement douloureux, elle tenta de se soustraire au contact d'Igor Maggins.
– Bien dormi ? chuchota-t-il dans un sourire cruel.
– Va te faire voir… répondit Bellatrix à voix basse.
Elle avait tellement hurlé ces derniers jours. Sa voix avait disparu en même temps que sa dignité. Elle était nue. Le corps meurtri était couvert de bleus et de sang. Certains de ses os étaient cassés, d'autres avaient été brûlé de l'intérieur. Elle ne tenait éveillée que quelques minutes par jour. Maggins la réanimait régulièrement jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse de nouveau. Il la gardait vivante par quelques sorts de soins – les plus basiques, ceux que tous les parents connaissaient pour guérir les bobos du quotidien. Aucun des sorts de Maggins n'était assez puissant pour diminuer la souffrance mais ils suffisaient pour prolonger la torture.
– Qu'est-ce qui te ferait plaisir, poupée ? J'ai toujours manqué d'imagination là-dedans. Lloyd s'occupait des interrogatoires en général… C'est un chic type Lloyd. Jane le trouvait un peu bruyant… Il venait à la maison un peu trop souvent, avec un peu trop d'alcool dans le sang. Moi ça ne me dérangeait pas…
Bellatrix sentit ses paupières papillonner. Maggins lui planta un violent coup de pied dans ses côtes brisées. Un long cri silencieux s'échappa des lèvres de la mangemort.
– Tu m'écoutes, bébé ? C'est très important ce que je te raconte…
Bellatrix avait compris dès les premières secondes de son enlèvement qu'Igor Maggins, l'ancien Préfet-en-Chef, le Gryffondor modèle, l'auror surdoué, était devenu fou. Au début il n'avait pas beaucoup parlé. Il s'était contenté de torturer Bellatrix à coup de Doloris, et ce pendant plusieurs heures. Elle s'était évanouie. Il l'avait laissée dans un garage sombre et vétuste. Autour d'elle de vieilles voitures éventrées écoulaient leurs entrailles : moteurs, graisse, tuyaux… Elle était au beau milieu d'un dépotoir moldu. La diarrhée verbale de Maggins était apparue au bout de trois jours. Il semblait avoir fait le tour du Doloris.Il avait alors commencé à l'ignorer et à trafiquer ses voitures en sifflotant des comptines pour enfant. Bellatrix en aurait vomi. Elle l'entendait parfois rire tout seul ou parler à une personne imaginaire qu'il appelait Jane ou Cassie. Sa femme et sa fille, toutes deux assassinées par Bellatrix.
Cela avait tout d'abord amusé la jeune fille. Elle avait pensé avoir vécu le pire que pouvait offrir Igor Maggins.
Malheureusement, non. Les quelques remarques ironiques de Bellatrix à propos de Jane et Cassie avaient enragé Maggins. Il s'était mis à la torturer façon moldue quatre jours de plus. Une nouvelle phase de sifflotements et de discussions avec sa famille morte eut alors lieu. Cette fois-ci, Bellatrix se garda bien de faire quelconque commentaire. À présent, elle se disait pourtant qu'elle aurait dû. Tout était préférable à ce qu'elle avait vécu ces deux derniers jours. Tout. Dans un curieux mélange de haine et de transfert émotionnel ignoble, Maggins s'était mis à confondre Bellatrix avec sa femme, et puis avec sa fille… Il l'avait torturée de toutes les façons possibles.
Bellatrix avait perdu sa combattivité, sa hargne et sa fierté. Même l'espoir que le Seigneur des Ténèbres la retrouve avait disparu. Elle espérait que la mort viendrait la chercher le plus rapidement possible. L'enfer moldu l'entourait, Maggins la touchait, et tout son corps hurlait.
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BOUM !
Il faisait nuit lorsque le mur au fond du garage explosa. Maggins se retira aussitôt de Bellatrix. Face à eux avançaient une dizaine de boules de lumière. Après quelques instants, Bellatrix distingua les sorciers derrière chaque halo, une baguette magique à la main. À la tête du cortège se tenait Lord Voldemort. Il lança un regard à sa servante puis neutralisa Maggins qui tomba paralysé au sol. À la fois confuse, soulagée et infiniment fatiguée, Bellatrix ne pouvait croire ce qu'il venait de se passer.
Les mangemorts se dispersèrent à l'intérieur du garage. Lord Voldemort fit un geste à l'attention de Rodolphus Lestrange qui se hâta de rejoindre sa femme. Il déposa délicatement sa cape sur le corps nu de la jeune fille sans oser croiser son regard puis il se tourna vers son maître d'un air interrogateur.
– Ramène-la. Je vous enverrai un guérisseur.
– Merci Maître.
Rodolphus tenta de prendre Bellatrix dans ses bras mais elle gémissait de douleur à chaque contact de ses mains sur elle. Perdu, il lança un nouveau regard indécis vers son maître. Ce dernier leva de nouveau sa baguette et siffla :
– Pacaris.
Bellatrix ressentit une délicieuse sensation d'apaisement l'envahir. Rodolphus la porta, et elle put enfin s'endormir.
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La maison était étrangement calme. Les trois hommes de la famille étaient à l'enterrement de Madame Lestrange. Bellatrix n'était pas suffisamment rétablie pour s'y rendre et se retrouvait seule au Manoir Lestrange pour la première fois depuis son retour une semaine auparavant. Cela ne l'attristait pas outre mesure. Elle ne prétendait pas ressentir une quelconque tristesse face à la mort de sa belle-mère. Perdue dans l'immensité tiède de ses draps blancs, Bellatrix ne se sentait pas rassurée. Rodolphus et même Reginaldus lui avaient pourtant promis que la maison avait été sécurisée au maximum. Cela ne l'empêchait pas de trembler au moindre craquement – et dans un manoir aussi ancien que celui des Lestrange, ils étaient nombreux ! Elle détestait l'état d'impuissance dans lequel Maggins l'avait plongée. Elle se sentait sale, indigne, trahie, détruite de l'intérieur.
Le guérisseur envoyé par le Seigneur des Ténèbres – un sympathisant français du nom d'Edgar Mirepoix – avait rapidement pu soigner ses maux les plus visibles : les os cassés, les lambeaux de chair, les bleus, les foulures, les migraines et la fièvre. Les blessures internes, elles, celles qui touchaient à son esprit, son âme et son cœur étaient restées telles quelles, béantes, sanguinolentes et horriblement douloureuses. Le temps était son seul allié, elle le savait.
On frappa à la porte. Bellatrix sentit son cœur s'emballer dans sa poitrine. Incapable d'émettre un son, elle attendit que la personne s'en aille mais elle vit avec épouvante la poignée de la porte pivoter. La main serrée sur sa baguette, elle observa, ébahie, Lord Voldemort entrer dans la pièce. Immédiatement soulagée, elle baissa le bras.
– Maître ? souffla-t-elle.
En toute réponse, il lui offrit un étrange regard dans lequel elle ne put y lire ni cruauté, ni froideur, ni méchanceté. Ce n'était pas non plus un regard doux. Non, si Bellatrix avait eu toute sa tête, elle aurait dit qu'il paraissait inquiet. Il la jaugea du regard un certain temps avant de s'avancer dans la pièce.
– Bonjour Bella.
La jeune fille dut cligner des yeux pour être sûre qu'elle ne rêvait pas. Une douce lumière matinale éclairait la pièce. La silhouette noire du sorcier contrastait énormément avec les couleurs claires de la chambre. Lord Voldemort contourna le lit et s'approcha d'elle. Il s'arrêta à quelques mètres, entre le lit et la fenêtre. Il faisait froid dehors. La lumière était blanche comme un début d'hiver elle dessinait avec douceur les traits secs du mage noir.
– Comment vas-tu ?
– Je vais bien, Maître.
Un léger froncement des sourcils lui répondit. Il savait qu'elle mentait.
– Mirepoix me dit que tu ne dors pas et ne manges pas… reprit-il.
Bellatrix se redressa et s'adossa contre le montant du lit. Une multitude d'oreillers l'entouraient. Elle en prit un et le serra contre sa poitrine.
– Je… j'ai juste besoin d'un peu de temps, expliqua Bellatrix, honteuse.
À ces mots, Lord Voldemort soupira puis s'installa sur le lit face à elle. Ils étaient très proches. Bellatrix pouvait voir les reflets rouges dans ses yeux noirs et sentir l'odeur de froid qu'il amenait de l'extérieur. Elle se sentait intimidée, gênée.
– Mirepoix m'a également fait le compte-rendu global de ton état, avoua Lord Voldemort.
Il sait, pensa Bellatrix, le cœur battant, l'estomac noué. Elle déglutit avec difficulté. Il était impossible de soutenir le regard du Seigneur des Ténèbres plus longtemps : le regard vers ses mains serrées, elle ne put s'empêcher d'éclater en sanglots. Rouge de honte mais plus brisée que jamais, Bellatrix avait envie de fuir à toutes jambes. Elle sentit soudain la main froide du mage noir sous son menton baigné de larmes lui relever la tête.
– Cesse de pleurer, lui intima-t-il fermement mais sans méchanceté.
Les pleurs se turent d'un coup mais les sanglots la secouaient encore – ils étaient comme des spasmes, une inspiration qui venait du fond de son ventre et impossible à maîtriser.
– Bella… Tu es une sorcière, héritière d'une très ancienne famille de sang pur, tu es mon mangemort et ma servante, ma main et mon moyen, la seule femme digne d'être dans mes rangs, tu n'as aucuneraison de pleurer, déclara-t-il d'une voix assuré.
Un minuscule sourire étira les lèvres de la jeune fille.
– J'ai besoin de toi, Bella… reprit le mage noir dans un chuchotement à peine audible.
Elle sentit son cœur palpiter d'une émotion si douce et si tendre. Incapable de prononcer un mot, elle hocha la tête. Lord Voldemort se releva.
– Je t'ai promis que tu serais là le jour de mon entrée. C'est dans un mois. Sois prête.
– Bien-sûr, Maître, répondit-elle aussitôt.
– Très bien mais pour cela je t'ordonne de manger et de dormir ! Compris ?
Bellatrix acquiesça mais elle savait au fond d'elle qu'une fois que le Seigneur des Ténèbres serait parti, elle risquait de retrouver ses angoisses. Elle entendit le mage noir soupirer alors qu'il se dirigeait vers la porte.
– À bientôt, Bella.
– À bientôt, Maître.
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Ce soir-là alors que Rodolphus la tenait fermement dans ses bras, Bellatrix essayait de toutes ses forces de refouler les vagues de panique qui la heurtaient. Elle ne se reconnaissait plus. Les mains de son mari qui avaient déjà su l'apaiser ne lui inspiraient plus qu'un sentiment d'angoisse. La partie la plus rationnelle de son cerveau lui disait qu'il essayait de l'aider, mais une autre partie d'elle lui faisait remémorer toutes les fois où Rodolphus avait vocalisé avec tant d'ardeur et de force le désir qu'il avait pour elle.
Affaiblie dans leur lit conjugal, elle eut l'impression horrible de suffoquer. La confiance s'était envolée, et avec elle la facilité réconfortante qui avait nourri leur couple ces derniers mois.
– Lâche-moi Rodolphus.
– Bella, tu dois te calmer, respire…
– Non, non… Je…
– Shh, calme-toi ma chérie.
– LACHE-MOI ! hurla-t-elle.
Rodolphus émit un geignement de douleur alors que des brûlures apparaissaient sur son torse.
– Tu m'as brûlée ! s'exclama-t-il sous le choc.
Bellatrix était déjà loin du lit, debout, à l'autre bout de la chambre.
– Depuis quand m'appelles-tu « ma chérie », connard ?!
– Quoi ? Je voulais juste être gentil avec toi, s'expliqua Rodolphus sur un ton d'excuse.
– Je n'ai pas besoin que tu sois gentil avec moi Rodolphus ! s'écria Bellatrix avec rage, je ne suis pas ta chérie ou quoi que ce soit !
Bellatrix s'apprêta à sortir de la chambre.
– Attends Bellatrix !
– Va crever, répondit-elle en claquant la porte derrière elle.
Bellatrix se dirigea d'un pas vif vers sa chambre au deuxième étage. Elle ne sentit pas tout de suite son bras chauffer tant elle était secouée par son brusque accès de colère. Lorsqu'elle s'en aperçut, son sang ne fit qu'un tour, et seulement vêtue de sa chemise de nuit, elle transplana. Elle se retrouva au milieu d'un laboratoire de potions. Lord Voldemort était débout, les manches relevées, face à un petit chaudron. Il ne portait que sa robe de sorcier sa cape avait été abandonnée sur une chaise à côté de lui.
- Comme tu le vois Bellatrix, je suis très occupé, dit Voldemort placidement, la plupart de mes nuits sont dédiées à mes recherches personnelles. Cette potion-là va me demander au moins six heures d'affilée de travail.
Il releva la tête et lui offrit un sourire ironique. Au milieu de son propre élément, entouré de grimoires, de potions fumantes, les cheveux légèrement décoiffés, le col de la robe ouvert, Bellatrix eut l'impression de faire face à un homme différent. Il paraissait presque plus… jeune ? En même temps, Bellatrix n'avait vu personne concocter de potions depuis Poudlard – à l'exception d'elle-même et sa potion Sterilis. Elle avait l'impression de faire face à un étudiant. Un étudiant très expérimenté. Un professeur, peut-être. Oui plutôt ça, un professeur de potion dans les donjons de Serpentard.
– Bois-ça.
Bellatrix s'aperçut qu'il lui tendait une petite fiole. Elle la prit et observa le reflet bleuté – elle n'avait jamais été douée en potion et était incapable de dire de quoi il s'agissait.
– C'est une potion de sommeil sans rêve, expliqua-t-il.
– Merci Maître, répondit Bellatrix avec un sourire.
– Tu devrais plutôt remercier Ludmilla Thenn, fit-il énigmatiquement.
Elle leva un sourcil sceptique mais il n'élabora pas davantage.
– Je te proposerais bien de m'assister dans la préparation de ma potion mais je dois l'avouer, je déteste travailler en équipe, reprit-il d'un ton léger.
Un peu décontenancée par son étrange comportement, Bellatrix était totalement incapable de trouver une réponse adéquate.
– Bois la potion et va dormir sur le canapé, lui ordonna-t-il, je ne quitterai pas cette pièce.
Il y avait effectivement un petit canapé dans un coin du laboratoire entre deux bibliothèques remplies de potions aux contenus effrayants. Elle était surprise par cette proposition et étrangement reconnaissante… Elle était épuisée au-delà des mots et aussi pathétique que cela pouvait paraître, elle avait compris dès le départ du mage noir plus tôt dans la journée qu'elle ne trouverait le repos qu'en sa compagnie.
– Merci, murmura-t-elle.
– Repose-toi, j'aurai une surprise pour toi demain.
Elle attrapa la cape du Seigneur des Ténèbres sur la chaise derrière lui, et avec un sourire léger et un air quelque peu impertinent, alla s'installer sur le canapé. Après cela, le mage noir ne se préoccupa plus de Bellatrix. Toute son attention était tournée vers la potion qu'il préparait. Recouverte de sa cape, la jeune fille le contempla plusieurs minutes, le cœur gonflé d'amour, puis elle but la potion. En s'endormant, Bellatrix s'autorisa à déculpabiliser : elle était peut-être horriblement pathétique mais qui pouvait nier qu'il était infiniment rassurant de s'endormir aux côtés du plus puissant sorcier de tous les temps ?
XxXxXxX
Bellatrix avait dormi cinq heures trente – ce qui était plus que les sept dernières nuits réunies. Quand elle émergea d'un délicieux sommeil sans rêve, ses yeux se posèrent sur son maître qui n'avait pas bougé d'un iota. Il était toujours devant sa potion, les sourcils légèrement froncés tandis qu'une pluie d'un ingrédient irisé s'écoulait doucement de sa main. Cela piqua la curiosité de Bellatrix. Elle se leva d'un coup, la cape du mage noir autour d'elle, et rejoignit le chaudron. Il lui lança un regard en coin.
– Ne touche à rien, prévint-il avant de repousser les fragiles petites fioles posées près du chaudron.
Cela fit sourire Bellatrix intérieurement. Elle était sûre que Lord Voldemort avait dû être le genre d'élève à cacher ses réponses lors des examens à Poudlard.
– Qu'est-ce que c'est ? demanda Bellatrix en avisant la couleur argentée et vaporeuse du breuvage.
– Une potion, répondit laconiquement Voldemort.
Elle ricana.
– Je n'ai jamais vu une potion demander autant d'efforts, commenta-t-elle d'un ton léger.
– Alors tu n'as rien vu du tout, rétorqua aussitôt le mage noir, bien dormi ?
– Oui… répondit Bellatrix plus timidement, merci…
Lord Voldemort baissa progressivement le feu sous le chaudron jusqu'à ce que la flamme disparaisse.
– Fini ? demanda Bellatrix.
– Oui, es-tu prête pour ton cadeau ?
Bellatrix hocha la tête avec un peu de trépidation. De quoi pouvait-il s'agir ? Et qu'avait-elle bien pu faire pour mériter un cadeau ?
– Oui, Maître.
– Puis-je récupérer ma cape ?
– Oh bien-sûr ! s'exclama Bellatrix en rougissant.
Une fois drapé de sa cape, Lord Voldemort précéda Bellatrix hors de la pièce. Ils se retrouvèrent dans le corridor que Bellatrix avait déjà visité l'été dernier. Le Seigneur des Ténèbres se dirigea vers la grande porte en bois qui menait à la salle de réception. Ils traversèrent la pièce, descendirent un long escalier en colimaçon et arrivèrent sur un minuscule palier aux murs de pierre. Lord Voldemort ne se dirigea pas vers les deux portes devant lui mais se tourna vers sa droite et toucha le mur de sa main gauche.
– Entre, dit-il à Bellatrix.
La jeune fille traversa le mur de pierre et se retrouva dans le Sanctuaire, cette pièce sans porte et fenêtre dans laquelle Lord Voldemort lui avait enseigné les principes de base de la magie noire un an et demi auparavant. Face à elle, menotté au mur, se trouvait Igor Maggins, qui la regardait d'un air torve. Elle se retourna aussitôt avec l'envie furieuse de fuir mais Lord Voldemort barrait la sortie.
– Aucune sortie possible sans mon consentement, expliqua-t-il.
– Maître, je vous en prie-
D'un geste brusque, Voldemort retourna la jeune fille et la fit avancer jusqu'à l'homme attaché.
– Regarde-bien cet homme Bellatrix, chuchota-t-il à son oreille, regarde la sueur sur son front, le tremblement de ses doigts, la puanteur qu'il dégage.
Le cœur battant, Bellatrix observait avec horreur l'homme qui l'avait torturée et violée. Elle avait envie de vomir. Seule la présence de Voldemort pressé contre son dos l'éloignait de la crise de panique.
– Il est terrifié Bellatrix… la coupa Lord Voldemort, les mains sur sa taille, il n'est qu'une éraflure sur toi, une infime tâche, une poussière – rien. Tu es trop pure pour être souillée. Personne ne peut te toucher, personne ne peut t'atteindre sauf moi, Bella. Je suis ton maître, il n'est rien. Tu es à moi, pas à lui.
Elle acquiesça, le souffle court.
– Maintenant lève ta baguette, ordonna-t-il.
Elle s'exécuta, le bras un peu tremblant.
– Détruis-le, consume-le.
– Doloris! s'écria-t-elle.
Maggins hurla de douleur. Mais Lord Voldemort n'était pas satisfait.
– Laisse-moi te montrer Bellatrix.
La main du mage noir glissa le long du bras de sa servante. Il recouvrit sa main.
– Recommence, lui dit-il.
– Doloris ! répéta-t-elle.
Cette fois, Bellatrix sentit un pouvoir brutal l'envahir. Un pouvoir implacable et immense. Le contact nu de sa magie contre celle du mage noir était exquis, délirant. Elle n'entendait même pas les supplications d'horreur de Maggins. Tout ce qu'elle sentait était cette magie sauvage qui pénétrait tout son être et l'intensité du sort qui augmentait de plus en plus rapidement. Bientôt sa baguette se mit à trembler entre ses doigts.
– Tiens encore un peu Bella, murmura-t-il d'une voix étonnamment calme.
Bellatrix n'était plus calme depuis longtemps c'était tout juste si elle parvenait à ne pas laisser échapper des cris de jouissance tant le plaisir qu'elle ressentait était fou. Plus fort. Encore plus fort. Lord Voldemort influait en elle de plus en plus de puissance. Le nœud de ses frustrations, l'immensité de sa colère et toutes les nuits passées à pleurer explosèrent au bout de sa baguette. Un goût de délivrance l'envahit. Il y eut un horrible bruit de gorge déchirée et d'entrailles déchiquetées, et toute la tension retomba d'un coup. Essoufflée et follement excitée, Bellatrix posa les yeux sur l'amas de chair et de sang qu'était devenu Igor Maggins. Elle était elle-même couverte de sang. Elle se retourna vers Voldemort qui avait lâché son bras. Il n'avait pas été épargné non plus par l'explosion instantanée du sang-de-bourbe.
Bellatrix était tremblante comme une feuille non pas de peur mais comme à la suite d'un orgasme. Les yeux brillants, le souffle court, elle ne savait comment exprimer sa reconnaissance envers son maître. Il lui avait ouvert les portes d'un exutoire plus libérateur que tout ce qu'elle avait déjà pu expérimenter.
– Tu ne m'as pas trahi lorsque tu étais à sa merci, expliqua-t-il, je sais remercier mes mangemorts les plus fidèles Bella.
Comme dans un rêve, Bellatrix le vit alors s'approcher d'elle et l'embrasser.
XxXxXxX
Décembre 1970,
Le grand jour était arrivé. Lord Voldemort avait fait son entrée sur le monde. Toute entrée d'une telle ampleur exigeait un effet dramatique certain. Le Seigneur des Ténèbres et ses serviteurs s'étaient tenus prêts. La cible était une petite ville côtière au sud du Pays de Galles qui s'appelait Pembroke. Cette petite bourgade tranquille était connue dans le monde des sorciers comme un village mixte mêlant sorciers et moldus. Popularisé par des familles qui comptaient un sorcier d'origine moldue, il était devenu un symbole progressiste au Royaume-Uni. Le choix de cette cible était avant tout symbolique : Lord Voldemort voulait exposer au monde à quel point les relations entre moldus et sorciers étaient dangereuses pour le monde de la magie.
Bellatrix avait été heureuse de participer à ce raid de très grande importance. Avec les autres mangemorts, elle avait débusqué chacun des habitants de Pembroke et les avait tués sans hésitation. Cela avait été particulièrement drôle de les voir courir dans tous les sens.
Les journaux moldus et sorcier ne parlèrent que de ça. Les moldus avaient suspecté une fuite de gaz toxique. Pour les sorciers, Lord Voldemort avait laissé une signature plus significative : une tête de mort flottant dans le ciel. Trois cents moldus avaient été tués. La grande guerre de Lord Voldemort avait enfin débuté. À ses côtés, Bellatrix, âgée de vingt ans, se promit d'aller jusqu'au bout de cette guerre, et d'emporter avec elle tous ceux qui empêcheraient son maître d'accéder au titre et au statut qu'il méritait.
XxXxXxX
Ma chère sœur,
Je ne peux te cacher à quel point mon cœur saigne à l'idée que tu aies pu être à Pembroke la semaine dernière. Y étais-tu, Bellatrix ? Penses-tu au plus profond de toi que ces Moldus méritaient un tel sort ? À Poudlard, tout le monde est choqué. Les Serpentards sont un peu épiés. Certains se doutent que d'anciens élèves sont maintenant au service du Seigneur des Ténèbres. Je n'ose penser au nombre d'entre eux que je connais personnellement…
Ma sœur, je t'en supplie, fais attention à toi. Je te sais forte mais tu mérites mieux que ça. Je t'aime mais je ne suis pas sûre de pouvoir te parler dans les yeux si tu es responsable de la mort de gens innocents…
Quant à moi, je vais bien. Je n'en peux plus de Poudlard. J'ai hâte de passer mes ASPICs et de tourner la page. J'ai envie de voyager. Narcissa est en forme… le fils Malefoy lui tourne autour. C'est un Sixième année. Je ne suis pas sûre de l'aimer mais je me rends compte que je n'ai jamais aimé ses amis, ni les tiens.
Te verrai-je à Noël ?
Tu me manques, Bellatrix.
Cissa t'embrasse, elle dit qu'elle t'écrira bientôt.
Andromeda.
L'après-midi du vingt décembre, Bellatrix était installée à la Tête de Sanglier, attendant ses deux sœurs avec colère. Elle pouvait apercevoir à travers la vitre crasseuse du pub les élèves de Poudlard profiter de leur dernière sortie à Pré-au-Lard avant les vacances de Noël. Tous arboraient un air guilleret et insouciant. Bellatrix se dit que malgré les dires alarmants d'Andromeda dans sa lettre, les élèves ne boudaient pas leur plaisir. Le Ministère de la Magie était sens dessus-dessous, à l'affût du moindre renseignement sur le Seigneur des Ténèbres et ses sbires. La jeune mangemort savait qu'il viendrait bientôt le moment où elle ne pourrait plus se promener librement dans le monde magique, où les élèves resteraient à l'abri dans leur château et où plus aucun visage n'arborerait un air confiant.
Ce n'était que le début, se dit-elle, et mes sœurs doivent s'y préparer avec intelligence. Elle ne pouvait croire à l'idiotie des propos d'Andromeda. Elle devait vraiment retrouver la raison à présent, tout cela devenait ridicule.
– Bella ! s'exclama soudain une jeune fille aux cheveux blonds qui passait la porte du pub.
Andromeda la suivait l'air sombre et renfrogné. Narcissa enveloppa sa grande sœur d'une accolade chaleureuse. Elle lui offrit un large sourire qui atteignait ses yeux bleus brillants.
– Bonjour Cissa, répondit Bellatrix avec le même sourire.
Toute la colère qu'elle avait nourrie à son égard venait brusquement de disparaître. Narcissa avait toujours eu ce pouvoir étrange sur elle et sur ses parents. Il était impossible de lui faire la tête longtemps tant sa luminosité et sa bonne humeur la faisaient invariablement craquer. Andromeda s'approcha à son tour. D'un air un peu réticent, elle déposa un baiser sur la joue de Bellatrix. L'aînée ne lui rendit pas la pareille, se contentant de lui délivrer un long regard noir.
Les trois sœurs Black s'installèrent autour d'une petite table ronde.
– Oh Bella ! Je suis si heureuse de te voir ! reprit Narcissa, alors comment vas-tu ?
Bellatrix considéra la question de sa petite sœur. Fut un temps, elles avaient été proches... Même si Bellatrix avait souvent gardé pour elle ses sentiments les plus profonds, ses sœurs avaient été les seules personnes au monde à recueillir ses rares secrets et confessions. Elle sentait un fossé les séparer à présent. En seulement deux années, Bellatrix s'était mariée, était tombée amoureuse du Seigneur des Ténèbres, était devenue mangemort, avait tué et avait connu la plus abominable des tortures aux mains d'un sang-de-bourbe. Une petite partie de son être aurait aimé pouvoir se confier sur le dernier point au moins. Nombre de ses nuits étaient encore parsemées de cauchemars et d'angoisses même si les potions de sommeil l'aidaient désormais à s'endormir. Une sœur aurait été une aide précieuse si elle avait pu supporter l'éclat d'horreur dans leurs yeux. Non, elle était trop différente maintenant. Rien ne pourrait jamais les rapprocher comme elles l'avaient été.
– Bien, mentit la jeune mangemort, mais je ne suis pas venue discuter banalités et futilités.
Narcissa pâlit aussitôt.
– Tu n'as pas répondu à ma lettre, dit Andromeda avec aigreur.
– Ah ! Ta superbe lettre ! se moqua Bellatrix, le visage orné d'un rictus, c'est justement l'objet de ma visite Andromeda.
– Bella, tu dois comprendre, les Serpentards sont dans tous leurs états, tenta de tempérer Narcissa.
– Non, Cissa ! Ne prends pas sa défense, la prévint Bellatrix, ce qu'elle a écrit concernant les Moldus est plus que choquant !
– Désolée de ne pas adhérer aux idées de ton maître, marmonna Andromeda d'un air sombre.
– Chut ! Tais-toi ! s'emporta Bellatrix avant de lancer un regard circulaire autour d'elle, baisse d'un ton, veux-tu. Je ne suis pas ici pour me disputer avec vous mais vous expliquer comment les choses vont se passer à présent.
Elle laissa un court silence s'installer puis se mit à chuchoter furieusement :
– Le Seigneur des Ténèbres ne laissera personne lui barrer sa route : il accomplira les grandes choses que notre monde attend depuis tant d'années. Cela ne va pas se faire dans la joie et la bonne humeur. Il faut grandir maintenant les filles. Nous n'obtiendrons pas ce que nous voulons en restant sagement à ne rien faire. Nous devons nous battre ! Alors, évidemment, je ne vais pas vous demander d'être aussi impliquées que moi mais, par pitié, évitez les discours larmoyants sur ces foutus moldus. Andromeda, je n'ai jamais réellement compris ce que tu pensais de ces cloportes inutiles mais je n'en suis plus à essayer de te comprendre. Aujourd'hui, tout a changé et je t'ordonne, en tant que grande sœur, de garder tes ridicules opinions pour toi. Permets-moi de te rendre le conseil que tu m'as donné cet été : fais comme papa et maman ! Ne t'engage pas dans ce que tu ne peux pas assumer mais reste en soutiens, en silence, et je n'aurai plus rien à ne te reprocher. Je ne vais certainement pas vous expliquer en force détails les raisons pour lesquelles le Seigneur des Ténèbres est notre seule voie possible si vous ne l'avez pas déjà compris. Comportez-vous bien, et tout se passera bien, suis-je claire ?
Les jeunes filles avaient les yeux ronds après cette très longue tirade. Les deux sœurs acquiescèrent, l'une plus énergiquement que l'autre. Les épaules affaissées, Andromeda semblait à la fois triste et résignée.
– Quant à toi Narcissa, qu'est-ce que c'est que cette histoire avec Lucius Malefoy ?
Narcissa s'empourpra aussitôt.
– Quoi ? Il n'y a rien du tout entre Lucius et moi ! se défendit Narcissa, d'un air outré.
Bellatrix lui lança un regard appuyé.
– Non, je te promets, soutint la Cinquième année, les joues roses, j'admets que c'est un jeune homme assez charmant. Bon d'accord, il est même très charmant…
Un gloussement s'échappa des lèvres de la jeune fille. Bellatrix et Andromeda lui jetèrent le même regard dédaigneux et sceptique.
– Il n'y a rien entre nous, promit Narcissa.
– Fais ce qu'il te plaît, Cissa, mais ne déshonore pas la famille, d'accord ?
– Bien-sûr, je ne ferai jamais rien de tel, répondit-elle en fronçant les sourcils.
– Je voulais juste m'en assurer, dit Bellatrix d'un ton plus calme, Malefoy est un bon parti en tout cas, les parents seront ravis.
Les joues de Narcissa rosirent encore davantage.
– Non… Mais… Il n'y a rienentre…
– Bref ! la coupa Bellatrix, je dois maintenant m'en aller. Tenez-vous à carreau ! On se voit à Noël.
Elle embrassa rapidement ses sœurs sur la joue et quitta le pub sans plus de cérémonie.
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Noël 1970,
La soirée de Noël n'avait pas été différente des années précédentes à l'exception des regards soupçonneux de son oncle et de ses parents envers Rodolphus. Ils se doutaient fortement qu'il était au service du Seigneur des Ténèbres. Merci Merlin, ils n'avaient aucun soupçon sur Bellatrix pour l'instant. Bellatrix n'était pas sûre qu'ils apprécieraient son nouveau rôle dans cette guerre, en tant que supposée reproductrice de sang-pur.
Bellatrix était dans son lit, dans son ancienne chambre, haut dans les étages de sa maison. Rodolphus ronflait à ses côtés. Il avait bu beaucoup trop de Whisky pur feu. Cela faisait de nombreux mois qu'ils n'avaient pas couchés ensemble. Après les étranges propos du Seigneur des Ténèbres l'été dernier sur la consommation de leur mariage, Bellatrix avait été nettement refroidie. Depuis Maggins cependant, le sexe n'était même plus une option aux yeux de la jeune fille. Rodolphus semblait compréhensif mais elle sentait également une certaine frustration grandir en lui.
Les yeux ouverts sur le noir absolu de sa chambre, Bellatrix se sentait assez bien, ce qui était exceptionnel. Cela était probablement dû à sa chambre elle-même. Elle avait beau être plus petite que toutes celles du Manoir Lestrange, elle était aussi réconfortante. La douceur de ses draps, l'odeur de bois, la parfaite température et le bruit minime et lointain de l'Elfe-de-maison qui rangeait la maison lui rappelaient les nombreuses nuits passées dans cette chambre lorsque tout était calme et facile dans sa vie. Cette chambre gardait également le souvenir inoubliable de sa première fois dans les bras du Seigneur des Ténèbres. Bellatrix se demandait si elle revivrait un jour une telle expérience. Elle n'était pas sûre d'en avoir vraiment envie à cet instant. Elle se souvenait bien de l'intense souffrance qu'elle avait ressentie. Lord Voldemort n'avait été ni tendre ni doux. Pourtant, chaque soir dans son lit, elle n'était avide que de lui. Il était la seule personne dont elle avait terriblement besoin.
Elle rêvait souvent de leur baiser échangé quelques semaines auparavant. Il avait été lent et doux. Goûter à cet aspect du mage noir l'avait électrisée mais elle savait que ce n'était pas quelque chose qu'il offrait gratuitement. L'inattendue tendresse dont il avait fait preuve était tout ce qu'elle voulait mais ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait sérieusement espérer. Cela n'empêcha pas la jeune fille de s'endormir, imaginant le mage noir parcourir son corps nu de baisers brûlants et de caresses tendres.
