Chapitre XI : L'Épouse
– Examine-la.
Le médicomage ne bougea pas immédiatement. De ses petits yeux perçants, il observait Bellatrix froidement tandis que l'atmosphère dans la pièce atteignait un paroxysme de tension. Pâle et apeurée, Bellatrix semblait incertaine au milieu du gigantesque lit qu'elle occupait. Un soupir las se fit entendre, puis Edgar Mirepoix s'approcha d'elle à pas lourds. Il rejeta le drap qui couvrait la Mangemort d'un geste sec. Au moment où le médicomage faisait écarter les cuisses de Bellatrix, Lord Voldemort se détourna. Les trois autres occupants de la pièce le suivirent des yeux tandis qu'il allait observer le ciel étoilé à travers la fenêtre de la chambre.
Bellatrix sentit les doigts froids du médicomage pénétrer son intimité. Elle serra les dents mais le geste, trop soudain, lui était insupportable. Elle le repoussa d'un coup de pied.
– Laisse-toi faire, ordonna Lord Voldemort d'une voix glaciale, les yeux toujours tournés vers la fenêtre.
Bellatrix s'allongea de tout son long contre le matelas, les yeux clos. Elle écarta de nouveau les cuisses pour laisser Mirepoix l'inspecter. Elle s'était déjà fait la réflexion l'année passée que le médicomage utilisait autant ses mains que sa baguette pour soigner – cela la gênait beaucoup. L'auscultation ne dura pas longtemps. Quelques secondes s'écoulèrent dans un silence total. Bellatrix avait toujours les yeux fermés mais rien ne semblait bouger autour d'elle.
– Qu'y-a-t-il Mirepoix ?
– Je ne comprends pas ce que vous cherchez, Maître, répondit le guérisseur d'un ton qui se voulait assuré malgré un léger tremblement dans la voix.
Bellatrix ouvrit les yeux. Lord Voldemort surplombait maintenant le guérisseur français de toute sa hauteur.
– Est-elle enceinte ?
– Oui.
– Ai-je des ovaires ? intervint Bellatrix.
– Bien-sûr, rétorqua Mirepoix d'une voix claire.
Lord Voldemort plissa les yeux de façon presque imperceptible.
– Qu'as-tu fait ? murmura-t-il dans un souffle glacial.
– Mon travail, Maître. Vous m'avez demandé de la soigner, c'est ce que j'ai fait.
Bellatrix sentit la panique l'envahir. Elle jeta un regard désespéré à Lord Voldemort.
– Que m'a-t-il fait Maître ?
– Je n'ai rien fait de mal ! s'insurgea Edgar Mirepoix, vous étiez dans un état déplorable la première fois que je vous ai vue… J'ai remarqué les dommages qu'on avait infligés à vos ovaires, et je les ai réparés.
Nul ne vit ou n'entendit Lord Voldemort jeter un sort mais la seconde suivante, Mirepoix se tordait de douleur. Au bout de quelques minutes les gesticulations cessèrent. Le médicomage ne se releva néanmoins pas.
– Tu as outrepassé les directives que je t'avais données, et omis de me prévenir lorsque tu l'as fait. Pour cela, tu seras puni Mirepoix.
Le médicomage ne répondit pas. Il gisait tremblant sur le plancher de la chambre.
– Rodolphus, amène Mirepoix au Sanctuaire.
– Bien, Maître.
Bellatrix l'avait oublié. Rodolphus avait du mal à cacher son excitation. D'un pas plus énergique qu'habituellement, il se dirigea vers le corps inerte du français, et transplana, non sans offrir à Bellatrix un sourire en coin. Il était de toute évidence ravi par la nouvelle. Laissée seule avec son Maître, Bellatrix ne pouvait dire de même. La peur et l'épouvante menaçaient de la faire s'effondrer. Lord Voldemort s'installa sur le lit et posa sa main sur le ventre de la Mangemort. Il avait effectué un geste similaire la première fois qu'elle l'avait revu après son mariage. Une étrange ombre passa sur son visage.
– Je ne me suis jamais intéressé aux arts de la guérison, et j'ignorais qu'il était possible de régénérer des ovaires aussi abîmés que les tiens…
Il avait parlé d'une voix douce, presque sur un ton d'excuse. Les larmes aux yeux, Bellatrix était incapable de répondre. Elle posa ses mains sur la sienne, et à sa grande surprise, Voldemort ne se dégagea pas. Elle ne l'avait pas touché depuis si longtemps…
– Que puis-je faire, Maître ?
Lord Voldemort hésita un instant, puis Bellatrix sentit la main de son Maître devenir brûlante contre son ventre comme s'il s'apprêtait à lancer un maléfice. Elle plongea son regard dans les yeux rougeâtres de son Maître. Il n'attendait qu'un signe de sa part. En un instant, tout pourrait redevenir comme avant et elle n'aurait pas à subir le supplice d'être une femme : enfanter. Les yeux légèrement écarquillés, presque tentée, elle voulut presser les doigts de son Maître contre les siens, assentissant ainsi à taire toutes ses craintes, lorsque le sourire de son mari lui revint en tête.
– Non… murmura-t-elle malgré elle.
– Non ? Veux-tu de ce bébé, Bellatrix ? demanda Lord Voldemort, une légère surprise dans la voix.
– Je ne sais pas… Rodolphus le veut, expliqua-t-elle, un peu honteuse. Que suis-je censé faire, Maître ? Il ne me le pardonnera jamais.
Il retira sa main. Bellatrix n'osait croiser son regard.
– C'est à toi de décider, déclara-t-il d'une voix froide avant de se lever.
– Voulez-vous que je m'en débarrasse Maître ? Je le ferais aussitôt si vous me le demandez !
– Pourquoi te demanderais-je une telle chose ? Je te l'ai déjà dit, je n'ai aucun problème à voir la famille Lestrange s'agrandir.
Les paroles et les actes du Seigneur des Ténèbres ne concordaient pas. Bellatrix n'imaginait pas la colère dans ses yeux ou sa soudaine froideur. Elle ne voulait pas de ce bébé, mais comment expliquer à son Maître qu'elle ne se sentait pas le courage de tuer la chose que désirait son mari le plus au monde ? Un an et demi auparavant, elle n'aurait eu aucun scrupule à tuer ce fœtus mais pouvait-elle encore faire abstraction de ce que représentait Rodolphus pour elle ?
– Il m'a beaucoup aidé ces derniers mois… avoua-t-elle.
Elle regrettait le contact fugace de la main de son Maître sur elle.
– Tu n'as pas besoin de te justifier, répliqua Lord Voldemort avec un sourire cruel, tu fais ce qui est attendu de toi.
Bellatrix n'aima pas du tout la tournure de phrase que son Maître avait employé. Certes, il était effectivement attendu d'elle qu'elle donne naissance à un héritier – c'était ce que voulaient son mari, son père et toute la communauté sorcière. Pas Lord Voldemort, en revanche, qui avait été sur le point de tuer son fœtus quelques minutes plus tôt.
Le Seigneur des Ténèbres était sur le point de transplaner, mais il se tourna une dernière fois vers Bellatrix, un sourire narquois aux lèvres :
– Te souviens-tu du jour de ton intronisation ? Depuis longtemps déjà, je te regarde et je me demande où est passée la jeune fille forte et farouche qui disait ne vouloir se soumettre qu'à moi…
Un silence pesant accueillit ces paroles. Lord Voldemort contempla le résultat de ses mots sur le visage noyé de larmes de sa servante avec amusement.
– Bonne nuit, Bella.
– Maître ! Je vous en supplie, ne partez pas. Qu'attendez-vous de moi ? Ne soyez pas en colère. Je ferai tout ce que vous me demanderez.
Lord Voldemort ne répondit pas.
– Vous avez accepté mon mariage avec Rodolphus, rappela-t-elle avec un petit quelque chose dans la voix qui s'apparentait à de la rancœur.
Bellatrix vit alors ses yeux se teinter de rouge et se hâta de revenir sur ses mots :
– Je ne cherche qu'à vous servir… Je m'en débarrasserai Maître… Je ferai tout ce que vous voudrez, tenta-t-elle désespérément de se rattraper.
– Ce que je veux n'a que peu d'importance ici, Bella, répondit-il calmement, j'observais simplement l'étonnant changement qu'un mariage peut engendrer chez une femme.
– Je n'ai pas changé ! s'exclama-t-elle avant de ramper jusqu'au bord du lit où se tenait son maître.
Elle voulait reprendre ses mains dans les siennes mais le voile pourpre dans ses yeux n'avait pas disparu. Ce n'était jamais bon signe. Elle observa avec désespoir son visage sombre, la rigidité dans son corps, le fiel dans ses yeux. L'effet qu'il avait sur elle ne s'amenuisait jamais.
– Il ne mérite pas ça… Je… Je ne sais pas quoi faire… J'ai survécu à cette année grâce à lui… expliqua-t-elle en chuchotant, comme si elle avouait un secret honteux.
– Vraiment ? répondit-il dans un même chuchotement.
Bellatrix vit la main de son Maître se lever vers elle lorsque Rodolphus fit de nouveau irruption dans la pièce.
– C'est fait, Maître.
– Bien.
Lord Voldemort recula d'un pas, jeta un regard à Rodolphus par-dessus l'épaule de Bellatrix puis transplana. Dès qu'il fut parti, Rodolphus s'approcha de sa femme et la prit dans ses bras.
– Comment te sens-tu ? As-tu encore mal ?
– Non...
– Tu as pleuré ?
– Quoi ? Oh non… Je suis juste fatiguée… marmonna Bellatrix avant de se détourner.
Elle se dirigea vers sa coiffeuse et fit mine de se brosser les cheveux. Elle avait besoin d'un peu de temps pour être de nouveau impassible. Mille questions se bousculaient dans sa tête.
– Que te voulait-il ? demanda Rodolphus avant de rejoindre son lit.
– Qui ?
– Le Maître, qui d'autre ? s'impatienta le Mangemort.
– Rien.
Elle était trop fatiguée et perturbée pour trouver un mensonge convaincant. Elle aurait pu lui dire la vérité mais elle savait que son mari ne comprendrait pas pourquoi Lord Voldemort avait tenu à lui parler de sa grossesse, et encore moins les remarques qu'il avait faites sur son mariage et son comportement. Disait-il vrai ? Avait-elle changé ? Un horrible pressentiment s'installa sous son sternum.
– Rien ?
– Laisse tomber Rod, je ne peux pas t'en parler, c'était au sujet d'une mission, dit-elle sèchement.
Une fois dans le lit, Rodolphus se serra contre elle.
– Bella, je suis tellement heureux, souffla-t-il contre son cou.
Je le sais, pensa-t-elle furieusement. Elle sentit la main de Rodolphus se balader sur son corps, et sans cérémonie, elle lui tourna le dos.
– Pas maintenant… J'ai besoin de dormir.
– Dors bien ma femme.
Un soupir s'échappa des lèvres de Bellatrix. Rodolphus ne mit pas longtemps à se rendormir mais la jeune fille, complètement perdue, ne trouva pas le sommeil. Tout cela n'aurait jamais dû arriver. Elle avait souffert pour perdre ses ovaires et voilà qu'à cause d'un guérisseur à deux noises, elle se retrouvait enceinte. Cela avait toujours été sa pire crainte. Pour autant, ce qu'elle avait dit au Seigneur des Ténèbres était vrai. Elle savait pertinemment que Rodolphus ne lui pardonnerait pas. Il voulait ardemment un héritier, d'autant plus maintenant qu'il était orphelin et, de fait, chef de la famille Lestrange. C'était la première fois qu'elle le voyait aussi heureux depuis la mort de ses parents.
Malgré sa répulsion à l'idée de devenir mère, elle était encore plus paniquée par la réaction de Lord Voldemort. Il s'était attendu à ce qu'elle se débarrasse du fœtus. Bellatrix avait l'impression que son refus l'avait réellement surpris… Pouvait-il avoir raison ? Avait-elle changé ? Il était évident qu'elle n'était plus la même fille depuis ce qu'elle avait subi aux mains de Maggins. Elle venait de vivre la pire année de son existence… Elle n'était probablement plus aussi assurée qu'avant. C'était horrible de penser qu'elle pouvait être devenue moins intéressante aux yeux de son Maître depuis. L'avait-elle déçue ? Savait-il à quel point ces pensées la torturaient ? Pouvait-il s'imaginer les heures passées à rêver de lui ? De ses paroles, de ses regards, de ses mains sur elle ? Non, il ne devait pas savoir, se dit Bellatrix. Il ne se doutait pas qu'elle le désirait toujours autant, qu'elle donnerait sa vie pour lui, qu'elle l'aimait plus que tout au monde.
Son oreiller se mouilla de larmes. Elle voulait le réconfort de ses bras autour d'elle. Il lui dirait qu'elle est toujours sa préférée, sa favorite, la plus loyale, la plus forte, la plus belle… La seule femme digne d'être dans ses rangs…
Rodolphus ronflait.
Chacune de ses respirations faisait enfler la frustration de Bellatrix qui décida qu'il était inutile de chercher à dormir. Lorsqu'elle se leva, ses pieds rencontrèrent un bout de parchemin à moitié dissimulé sous le lit. Elle se souvint alors de la lettre que ses parents lui avaient envoyée et qu'elle n'avait pas encore lu. Si elle avait été réticente à la lire en raison des remontrances souvent agaçantes qu'ils lui faisaient part, elle était maintenant certaine que toute distraction était la bienvenue en cette nuit cauchemardesque. Elle décacheta la lettre avec empressement et fut surprise de la brièveté de la missive : quelques centimètres de parchemin seulement !
Bellatrix,
As-tu des nouvelles d'Andromeda ? Elle est partie faire des emplettes sur le Chemin des Traverses en fin de matinée mais n'est toujours pas rentrée. Nous nous inquiétons. Réponds-nous au plus vite.
Ta mère
Sans réfléchir davantage, Bellatrix se drapa d'une robe de chambre et utilisa le réseau de cheminées pour atteindre le manoir de son père.
XxXxXxX
Cygnus Black était seul, assis à son bureau, devant une tasse de thé fumante. Il leva les yeux vers sa fille aînée lorsqu'elle apparut dans l'antre de la cheminée.
– Bonsoir père, salua-t-elle.
– Te voilà enfin… marmonna-t-il avant de poser sur elle un regard glacial, tu as une mine affreuse.
Bellatrix ignora ce commentaire.
– Des nouvelles ?
Cygnus haussa les épaules sans rien dire. Il semblait passablement énervé : un tic nerveux agitait sa mâchoire.
– Qu'avez-vous entrepris pour la rechercher ? pressa Bellatrix.
– Je ne suis pas d'humeur à faire la causette. Va retrouver ta mère et vois si elle est plus disposée à te parler. Pour ma part, j'ai décidé que je ne passerai pas cinq minutes de plus à me tracasser à cause des choix stupides que font mes filles…
Bellatrix quitta la pièce et prit soin de claquer violemment la porte derrière elle. Son père avait le don de l'irriter prodigieusement il était toujours d'une grande inefficacité lors des moments de crise. Bellatrix chercha sa mère partout dans la maison et finit par la retrouver dans la chambre d'Andromeda.
Elle était dos à la porte, assise sur le lit.
– Mère…
Druella Black se tourna brusquement vers Bellatrix. Les traits de son visage étaient tirés. Elle tenait un carnet à la couverture noire entre ses mains. En contournant le lit, Bellatrix découvrit un amas d'objets devant les pieds de sa mère.
– Qu'est-ce que c'est ? s'enquit la jeune fille avec étonnement.
– J'ai fouillé ses affaires… expliqua Druella laconiquement.
Bellatrix observa le tas de magazines, de romans et de photos figées qui jonchaient le sol. Tout ce qui se trouvait par terre semblait provenir du monde moldu. Bellatrix était révulsée. Elle avait un mauvais pressentiment.
– Et ça ? Son journal ? demanda Bellatrix avec impatience, le doigt tendu vers le carnet que sa mère tenait dans ses mains.
L'attitude de ses parents lui semblait très étrange.
– Non, juste un carnet rempli de poèmes… murmura-t-elle, les yeux dans le vide, avant de le tendre à Bellatrix.
Bellatrix s'en saisit et ouvrit une page au hasard. La fine écriture à l'encre noire de sa sœur avait noirci chaque ligne du carnet. Il y avait des courts poèmes, et des citations. L'une de ces citations lui sauta aux yeux. Andromeda l'avait écrit avec soin : « Jamais elle n'aurait deviné qu'à ces moments-là, cet homme venu d'un milieu inférieur la dépassait par la grandeur et la profondeur de ses conceptions. Comme tous les esprits limités qui ne savent reconnaître de limites que chez les autres, elle jugea que ses propres conceptions de la vie étaient vraiment très vastes, que les divergences de vues qui les séparaient l'un de l'autre marquaient les limites de l'horizon de Martin et rêva de l'aider à voir comme elle, d'agrandir son esprit à la mesure du sien.Jack London. » Ce n'était pas un auteur qu'elle connaissait. Probablement un Moldu, encore une fois. Bellatrix resta pantoise quelques secondes devant ce carnet puis elle contempla l'attitude hébétée de sa mère et se remémora la lassitude teintée de colère de son père.
– Que se passe-t-il ? murmura Bellatrix, où est Andromeda ?
– Partie, répondit Druella avec un faible haussement d'épaule.
– Mais où ? s'exclama Bellatrix, avec agacement.
Druella lui lança un regard torve.
– Loin de cette maison… Probablement dans le monde moldu qu'elle affectionne tant…
Il y avait du mépris et du dépit dans la voix de sa mère. Bellatrix était perdue et horrifiée.
– Il faut tout faire pour la retrouver ! s'exclama Bellatrix avec force.
– Si elle n'est pas rentrée avant le lever du soleil, ton père ira signaler sa disparation à la Brigade de police magique… Mais elle est majeure maintenant… Que pouvons-nous faire si elle a décidé de partir ?
Bellatrix était sans voix. Comment sa petite sœur avait-elle pu faire une chose pareille ? Sur ces mots, Druella se leva et fit face à sa fille.
– Ton engagement auprès du Seigneur des Ténèbres n'est pas étranger à sa disparition, crois-moi. Elle a eu peur. Savais-tu qu'elle était promise à Rabastan ?
– Quoi ? souffla Bellatrix d'une voix blanche.
– C'était une décision prise en secret avec Reginaldus Lestrange au printemps de l'année dernière. Elle n'était pas contre au début… et puis, depuis qu'elle a su qu'il était un Mangemort, elle n'a eu de cesse de nous supplier de briser ces fiançailles. Ce que nous avons fait lorsque Reginaldus est décédé.
– Vous auriez dû maintenir les fiançailles, cela l'aurait peut-être mise dans le droit chemin mais vous avez toujours été plus laxistes avec mes sœurs qu'avec moi…
– Ne commence pas à te victimiser encore une fois, soupira Druella en levant les yeux au ciel.
Bellatrix vit rouge.
– En quoi suis-je responsable de sa disparition ? siffla-t-elle, ce n'est pas de ma faute si vous avez mal éduqué votre fille. Vous l'avez laissée lire des livres moldus et écouter leur musique stupide… Et ce serait de mafaute ? Alors que je suis la seule dans cette famille à me battre pour nos droits et nos privilèges ? Andromeda fugue, des idéaux de traître à son sang en tête, mais c'est moi le problème ? Je serai toujours fautive à vos yeux… Vous n'êtes qu'une hypocrite, mère.
Druella la gifla. La joue en feu, les larmes ne tardèrent pas longtemps à monter aux yeux de Bellatrix.
– Bellatrix…
La jeune fille leva une main pour faire taire sa mère. Elle ravala ses larmes le plus rapidement qu'elle put. Elle n'aurait jamais imaginé que l'avis de ses parents pût encore avoir un impact sur elle. Cela faisait pourtant longtemps qu'elle avait compris qu'elle ne satisferait jamais ses parents complètement malgré les concessions énormes qu'elle avait faites pour leur plaire.
– Prévenez-moi si vous avez des nouvelles d'Andromeda… murmura-t-elle, la voix brisée, avant de quitter la pièce.
XxXxXxX
Le cercle des Mangemorts attendait en silence. Lord Voldemort avait convoqué une demi-douzaine de ses servants dans un cimetière au sud de l'Angleterre. Cela faisait un certain moment que Lord Voldemort avait cessé d'appeler ses Mangemorts à son quartier général. Il utilisait maintenant des lieux désertés, de vieilles usines moldues désaffectées ou des tunnels de chemins de fers abandonnés mais la plupart du temps, il préférait les cimetières. Bellatrix aussi. Elle aimait l'ambiance calme et feutrée des cimetières que le Seigneur des Ténèbres choisissait, beaucoup plus que l'ambiance de vétusté industrielle moldue qui lui rappelait invariablement le garage dans lequel Maggins l'avait enfermée.
Ce cimetière-là était immense et se trouvait dans les Cornouailles sur une falaise qui surplombait une large plage. Il faisait trop sombre pour voir la mer ce soir-là mais on pouvait entendre les vagues cogner les rochers. Bellatrix observa un long moment les rayons de lune faire briller les lames des vagues. L'odeur saline calmait ses nerfs.
Elle ne s'était pas sentie aussi serène depuis longtemps… Elle avait revu son Maître quelques fois depuis l'annonce de sa grossesse : elle avait notamment reçu sa deuxième séance d'Occlumencie mais le cours avait été d'une formalité inhabituelle. Le Seigneur des Ténèbres l'avait poliment saluée puis avait tout de suite embrayé sur la pratique de l'Occlumencie. Bellatrix n'avait pas pu placer un seul mot. Elle avait bien essayé de lui parler à la fin de la leçon mais il lui avait fait comprendre, assez sèchement, qu'il n'avait pas le temps et qu'elle devait s'attendre à une prochaine séance le mois suivant. Cela l'avait beaucoup angoissée. Elle était, pour la première fois, prise entre les deux hommes les plus importants de sa vie, entre le bonheur extatique de Rodolphus, et l'étrange désapprobation muette de son Maître. Avec affliction, elle se rendait compte que c'était la première fois qu'elle laissait quelque chose se placer entre elle et le Seigneur des Ténèbres…
Lord Voldemort apparut dans sa longue cape noir habituelle entre deux pierres tombales, dos à la mer. Les Mangemorts s'inclinèrent respectueusement.
– Fais vite Ethan je suis pressé, dit aussitôt Lord Voldemort sans s'embarrasser de préambules.
Sous l'éclat blafard de la lune, son visage semblait plus las et fatigué que d'habitude. Bellatrix ressentit l'envie absurde de l'approcher et de le toucher.
Avec Bellatrix ce soir-là se tenaient Rodolphus, Antonin Dolohov, Georges Nott et Ethan Rosier. Il était courant pour le Seigneur des Ténèbres d'appeler une poignée seulement de ses Mangemorts. Bellatrix avait remarqué qu'il préférait ne pas révéler les mêmes informations à tous ses Mangemorts. Ainsi, Bellatrix ne connaissait pas les détails sur les missions que Rodolphus entreprenait, et vice versa. Cela lui permettait sûrement de s'assurer un contrôle sur ce qui était dit au sein de ses rangs, et d'être la seule personne à connaître tous les secrets et informations relevés par ses servants. Bellatrix trouvait ses méthodes intelligentes mais si elle ne pouvait nier qu'elle dénotait un manque de confiance certain envers ses serviteurs.
– Maître, selon les informations que j'ai pu récolter, il semblerait que certains membres de l'Ordre du Phénix sont en ce moment en Roumanie afin de négocier avec les vampires des Carpates.
Lord Voldemort prit le temps de réfléchir avant de répondre. Il ne semblait pas particulièrement alarmé par la nouvelle.
– Sauf erreur de ma part, je doute qu'Albus Dumbledore, ce grand pourfendeur de la Magie Noire, ait les moyens de proposer des arguments aussi irrésistibles que les miens à ces vampires des Carpates, répondit Lord Voldemort d'un ton presque désinvolte, mais quand bien même, nous ne pouvons nous permettre de les voir douter de leur loyauté un seul instant. De plus, j'attendais depuis un certain temps une opportunité pour me venger de ce que ce misérable ordre a fait endurer à Reginaldus.
À ces mots, il lança un regard perçant à Rodolphus puis il se tourna de nouveau vers Rosier :
– Combien sont-ils ?
– Cinq, six tout au plus Maître, assura le Mangemort, les frères Prewett en feraient partie.
– De mieux en mieux, commenta Lord Voldemort avec un sourire cruel, Rodolphus et Bellatrix seront assignés à cette mission. Non, pas toi Rosier, au cas où ton informateur aurait davantage à dire. Rabastan, Walden, Andrew et Amycus seront également envoyés en renfort.
Bellatrix était ravie. C'était exactement ce dont elle avait besoin ces derniers temps : un raid accompagné d'un maximum de blessures et tortures. Avec un peu de chance, cela lui permettrait de dormir à poings fermés une semaine entière. Dolohov et Nott, plus âgés étaient rarement conviés à participer à des raids de cette ampleur – c'était naturel que cette mission revienne aux jeunes mangemorts qu'étaient Bellatrix et Rodolphus.
– Rodolphus, c'est toi qui seras en charge de cette mission, reprit le Seigneur des Ténèbres, je veux voir des membres de l'Ordre du Phénix tomber, et cela me ferait grand plaisir si les frères Prewett étaient de ceux-là. Quant aux vampires, sois prudent avec eux, ils ne respectent que deux choses : le pouvoir et le sang. N'hésite pas à leur offrir quelques Moldus en tant que repas, cela leur fera certainement plaisir. Tu as une heure pour préparer ton équipe et vous rendre sur place. Tu trouveras probablement le chef de clan au château de Poenari, ou dans l'un de ces châteaux à la réputation hantée qui abondent entre la Valachie et la Transylvanie.
– Oui, Maître, merci, je suis heureux d'avoir l'occasion de venger mon père, avoua Rodolphus avec reconnaissance.
– Ce serait dommage de passer à côté d'une telle opportunité, admit Voldemort avec cruauté, soyez prudents.
Il lança un bref regard à Bellatrix avant de disparaître. Rodolphus était dans un état d'excitation intense. Il se tourna vers Bellatrix :
– Va prévenir Rabastan immédiatement, je me charge des trois autres ! s'exclama-t-il avec un sourire hystérique, les yeux presque fous.
Bellatrix acquiesça, maugréant un peu, car elle n'aimait pas recevoir d'ordres de Rodolphus ou de n'importe quel autre Mangemort. Elle était, cependant, elle-même trop excitée par cette mission pour s'attarder sur cela pour l'instant. Elle s'apprêtait à transplaner lorsque Rodolphus lui saisit les bras : son expression avait soudainement changé. Un pli barrait son front et il regardait Bellatrix avec inquiétude.
– Est-ce que tu… tu penses être en état de voyager ? bredouilla-t-il, en baissant les yeux vers son ventre encore plat.
– Evidemment ! rétorqua aussitôt Bellatrix en se dégageant des mains de son mari, ne pense pas un seul instant que tu pourras me mettre de côté Rodolphus. Le Seigneur des Ténèbres m'a assignée à cette mission au même titre que toi.
– Oui… oui bien-sûr mais…
– Oh tais-toi ! l'interrompit-elle, je vais chercher Rabastan.
Rodolphus hocha la tête mais il semblait hésitant à présent.
– Dépêche-toi d'aller chercher les autres, tu n'as qu'une heure, tu te rappelles ?
– Oui tu as raison, j'y vais de ce pas, capitula-t-il non sans lui lancer un regard légèrement troublé.
Bellatrix leva les yeux au ciel, puis s'empressa de transplaner. Dire qu'elle allait rencontrer un vampire pour la première fois de sa vie ! C'était une perspective très séduisante. Elle avait hâte.
XxXxXxX
Le chef des vampires partageait certains points communs avec Lord Voldemort, se dit Bellatrix. Tous deux étaient grands, bruns, pâles de peau et empreints d'une impression suffocante de pouvoir. Pourtant Bellatrix fut déçue. Le vampire n'avait rien de fascinant ou d'attirant. Ses yeux noirs dans lesquels se reflétaient un vide infiniment morne et terne balayaient du regard les six Mangemorts face à lui avec ennui tandis que ses mains blêmes d'une maigreur repoussante maniaient une dague au manche argenté avec dextérité. Sur son visage à la blancheur cadavérique nulle expression de cruauté ne pouvait être lue : il semblait au mieux complètement désintéressé par les explications de Rodolphus. Jamais deux personnes aussi semblables pouvaient être aussi diamétralement opposées, songea Bellatrix qui avait toujours son Maître en tête. Les yeux de son Maître, d'une profondeur terrifiante, se tâchaient souvent de sang, comme une plume gorgée d'encre vermeil sur un buvard dans les moments de colère ou de passion. La peau marmoréenne du Seigneur des Ténèbres, douce et lisse au toucher, tenait plus du minéral éternel que du cadavre en décomposition. Elégantes, ses mains graciles ne trahissaient pas une quelconque faiblesse mais soulignaient le caractère altier du sorcier qui, jouissant d'un grand pouvoir, n'était jamais contraint aux travaux manuels comme un vulgaire Moldu. Ses mains, plus que toute autre partie de son corps, portaient en elles le secret du désir irrépressible et désespéré de Bellatrix envers son Maître. Par elles, il commandait, récompensait et punissait. Par elles, il lui écrivait et lui concoctait des potions, et une fois, il les avait posées sur son corps nu et tremblant. Lord Voldemort était l'incarnation de l'immortalité, là où le chef des vampires n'était qu'un mort-vivant… Un monde séparait ces deux êtres.
Rodolphus avait enfin fini de parler. Il venait de renouveler la proposition d'amitié du Seigneur des Ténèbres et l'avait prévenu contre le danger que représentaient l'Ordre du Phénix pour les créatures de la nuit.
– Savez-vous où je pourrai les trouver, votre Grâce ? demanda Rodolphus.
Le vampire leva un sourcil il semblait peu affecté par la situation.
– Nous vous avons amené quelques… euh… présents, votre Grâce, reprit Rodolphus, un peu mal à l'aise.
Il fit un geste vers les trois Moldus enchaînés que Macnair tenait en laisse derrière lui. Un sourire éclaira alors le visage du vampire.
– À l'auberge d'Arefu, répondit-il aussitôt, dis à ton Maître qu'il peut être assuré de ma coopération, mais je préférerais que vous régliez vos problèmes entre sorciers la prochaine fois. Nous n'aimons pas beaucoup voir la qualité de notre sommeil éternel être troublée par les tribulations de simples mortels. Merci pour ces délicieux repas.
– Merci à vous, votre Grâce.
Les Mangemorts livrèrent les Moldus au vampire et se hâtèrent de déguerpir. L'ambiance de la citadelle n'était pas alléchante, même pour des serviteurs de l'Ordre des Ténèbres.
Les Mangemorts voulurent profiter de l'effet de surprise et se rendirent immédiatement à l'auberge. Il s'agissait d'une petite bâtisse dans un minuscule village flanqué haut dans la montagne près d'un lac paisible. L'endroit était d'une beauté à couper le souffle, surtout en ce début d'automne à l'heure où le soleil réchauffe encore les feuilles qui commencent à jaunir. Il était tard dans la matinée lorsque les serviteurs du Seigneur des Ténèbres s'invitèrent à l'intérieur de l'auberge. L'entrée et son comptoir étaient déserts. Les Mangemorts avancèrent jusqu'à la taverne de l'auberge dont les portes étaient ouvertes sur l'entrée. Le bar était très sombre mais l'équipe de Traîtres-à-leur-sang étaient immanquables, ainsi attablés autour d'une épaisse table en bois, à jouer à la bataille explosive, en s'échangeant des blagues en anglais. Bellatrix se rendit compte aussitôt qu'Ethan Rosier s'était trompé. Ils n'étaient pas cinq ou six mais plus d'une dizaine. Fabian et Gideon Prewett étaient en revanche bien présents : ils étaient faciles à repérer en raison de leur chevelure rousse.
Rodolphus ne se démonta pas malgré leur supériorité numérique, et s'avança d'un pas dans la taverne. Le bruit de ses bottes sur le sol dallé interrompit tout de suite les conversations des hommes.
Il ne fallut qu'une seconde aux hommes de Dumbledore pour reconnaître le fils Lestrange dont le visage déformé par la haine avait les yeux fixés sur Fabian Prewett.
– Désolé d'interrompre votre joyeuse réunion, cracha Rodolphus avec un rictus, mais j'ai des comptes à rendre avec ce jeune homme…
– Lestrange-
– Avada Kedavra !
Les présentations se terminèrent là. Les minutes qui suivirent furent noyées de maléfices en tous genres. Bellatrix laissa le soin à Rodolphus et Rabastan de s'occuper des frères Prewett mais elle avait deux autres sorciers sur elle, l'un était grand et blond, l'autre trapu et brun : elle ne les avait jamais vus mais ils étaient bien plus âgés qu'elle. Ce n'étaient pas de mauvais sorciers mais ils n'étaient pas très rapides… elle aurait pu les achever en quelques minutes s'ils ne s'étaient pas ligués contre elle. Il lui fallut user de toute son ingéniosité pour mettre à terre le premier, et ainsi tuer le second. Elle était frustrée : elle devait aller vite et n'avait donc pas le temps de torturer ses ennemis comme elle l'aurait voulu. Elle s'apprêtait à achever le grand blond lorsqu'elle se sentit être projetée à travers la taverne.
Elle atterrit lourdement sur une des tables en bois de la pièce.
– BELLATRIX ! hurla Rodolphus.
Elle entendit le tumulte de la bataille, le raclement des chaises, le bruit de quelques transplanages, puis les mains de Rodolphus se posèrent sur elle… elle s'évanouit.
XxXxXxX
– Tu ne voulais pas de ce bébé…
– Rodolphus, je t'en prie, supplia Bellatrix, les yeux fermés.
Le choc s'était évaporé. Dans la pénombre, dans la chambre, Rodolphus avait eu les larmes aux yeux rien qu'une seconde puis il avait tourné son regard meurtrier vers sa femme. Ils étaient rentrés de Roumanie depuis une petite heure seulement. Le diagnostic était sans appel. Elle avait perdu le bébé. Bien-sûr.
Rodolphus se leva du fauteuil près de la fenêtre et s'approcha du lit de sa femme.
– Regarde-toi, sale folle… murmura-t-il, tu me dégoûtes.
– Je suis désolée… chuchota Bellatrix.
Elle ne savait que penser, que ressentir. Elle se sentait glacée de l'intérieur et déroutée par l'attitude de Rodolphus. Lorsqu'elle avait appris qu'elle avait perdu le bébé, c'était vrai, elle avait senti poindre le soulagement mais cela l'avait attristée aussi. Elle était épuisée. Cette mission n'avait pas été un échec total : les vampires étaient toujours de leur côté, et certains membres de l'ordre étaient tombés, pas les frères Prewett en revanche. Rabastan était allé faire le compte-rendu. Elle aurait bien aimé savoir ce que le Seigneur des Ténèbres lui avait répondu mais elle était trop fatiguée. Elle voulait tourner le dos à Rodolphus, fermer les yeux et tout oublier.
– Tu n'aurais jamais été capable d'élever un enfant, siffla-t-il avec acidité, tu es sèche et morte comme une pierre. Tu ne ressens rien, jamais… sauf peut-être quand je te baise comme la chienne que tu es.
Bellatrix ferma les yeux, posa les mains sur ses oreilles. Rodolphus l'en empêcha. Il ne criait pas, ne la frappait pas comme il avait pu le faire dans le passé. Il la regardait avec méchanceté et dégoût.
– La vérité fait mal, Bellatrix ? ricana-t-il, ça fait plaisir de voir que quelque chose peut encore t'atteindre… Ne crois pas que je n'ai pas remarqué… Tu as tout fait pour perdre cet enfant…
– Je n'ai rien fait… se défendit Bellatrix d'une voix faible.
Rodolphus s'assit sur le bord du lit, lui sécha ses larmes.
– Oh tu pleures mon bébé… susurra-t-il d'un ton acerbe.
Ce fut immédiat. Mille souvenirs horribles explosèrent dans les neurones de Bellatrix. Igor Maggins, sur elle, ses mains moites sur ses cuisses, son souffle putride dans son cou qui répétait : « je suis là bébé… je ne te quitterai jamais… ».
– Doloris!
En une fraction de seconde, Bellatrix s'était saisie de sa baguette. Rodolphus se courba en deux, glissa au sol, le corps parcouru de convulsions, et hurla à pleins poumons. Bellatrix était aveuglée par l'envie de lui faire du mal. Tout son corps tremblait mais sa baguette était immobile, fermement fixée sur Rodolphus qui agonisait de douleur à ses pieds.
Rabastan fit irruption dans la pièce :
– Bellatrix, arrête, Bellatrix !
Sans même le regarder, Bellatrix leva sa main gauche et envoya valser son beau-frère hors de la pièce. Puis, méthodiquement, Bellatrix leva le sort de torture, verrouilla la porte puis se tourna de nouveau vers son mari :
– Sale pute, murmura-t-il les yeux presque clos, un sourire caustique aux lèvres, sale folle…
– Doloris!
Les cris envahirent de nouveau la pièce. Longtemps. Les coups continuaient de pleuvoir contre la porte de la chambre mais Bellatrix les ignora. Elle sentit un souffle glacial s'enrouler autour d'elle. Les fenêtres avaient explosé ainsi que le chandelier au milieu de la pièce. Elle commençait enfin à sentir la douce euphorie envahir ses veines alors que Rodolphus se tortillait comme un vers de terre, les yeux révulsés, la gorge serrée. Puis, tout redevint lourd, immobile et douloureux.
On lui arracha sa baguette des mains. Elle hurla. Les voix se firent de plus en plus fortes autour d'elle.
– Calme-toi.
Un bras s'enroula comme un étau autour de sa taille. Dans un « pop » presque inaudible, elle se sentit happer dans un tourbillon de couleurs. Elle faillit s'effondrer dès que ses pieds touchèrent de nouveau le sol mais elle était toujours fermement tenue. Ses jambes tremblaient, et tout son être réclamait une délivrance : la torture, l'extase ou le sommeil. La réalité la rattrapa. Elle reconnaissait cette aura menaçante, et l'odeur qui l'entourait.
– Maître…
– Stupefix.
Le noir complet l'accueillit. Torture, extase ou sommeil, le Seigneur des Ténèbres avait choisi pour elle.
