Chapitre 1 Hold-up magique à Storybrooke!
Le soleil était bas, en ce début décembre, et ne réchauffait nullement les rues de Storybrooke. David patrouillait dans son pick-up, confortablement installé, avec un gobelet de café et un muffin aux myrtilles à ses côtés. Il vit Leroy rentrer chez lui, zigzaguant entre les feuilles mortes. Il était encore ivre, à priori. Il secoua la tête. Ce nain ne retiendrait jamais la leçon. Il l'avait arrêté quelques jours auparavant, alors qu'il urinait contre le mur de la mairie. Heureusement, Regina n'avait pas assisté à la scène. Le nain ne serait probablement déjà plus de ce monde. Il prit une rue latérale, et vit sa fille courir derrière une ombre. Il jura, écrasant la pédale d'accélération et mit la sirène. Emma parut surprise, mais lui indiqua de barrer la route au fauteur de trouble. Il obtempéra et le dépassa, sans parvenir à l'identifier. Alors qu'il freinait brusquement, l'ombre plongea à terre, disparaissant de sa vue. Emma voulut la suivre, mais dérapa et plongea tête la première contre la portière de la voiture du shérif.
David sortit par l'autre côté et se précipita pour aider sa fille.
- Emma! Ça va? Rien de cassé?
- Non, je ne crois pas… Par contre, mon suspect a réussi à filer… Punaise.
- Désolé, je n'aurais jamais cru qu'il puisse… D'ailleurs, comment est-il parvenu à s'échapper?
- Je crois que c'est un farfadet. Ou un sorcier. Ou un fantôme.
David la dévisagea, blasé.
- Tu ne sais pas ce que c'était.
- Voilà. Je cherchais le mot.
- Hum.
- Bon, je vais chercher dans les rues adjacentes, mais je n'y crois pas trop.
- Je vais t'aider.
- Inutile. Si tu allais au commissariat, pour trouver des indices sur sa nature? Une ombre, noire, rapide, et qui semble pouvoir passer à travers la matière? À tendance voleuse!
- Oui, j'y vais. Bonne chance!
- Merci. À tout à l'heure.
Emma repartit au petit trot, tandis que David regagnait sa voiture, pensif. Ça sentait les embrouilles, alors que Noël se profilait. Il soupira et croisa les doigts, pour que cela ne soit qu'un incident isolé.
La shérif passa l'heure suivante à chasser le dahu. Elle était frustrée et le froid humide, typique de la région, s'était insinué dans ses vêtements. Elle grommela et prit le chemin du commissariat, à son tour. Elle devait rédiger un rapport, perspective qui ne l'enchantait guère.
En arrivant, la bonne odeur de café lui titilla les narines. Elle s'en versa une tasse, transie. David la surprit.
- Hé bien, on ne prend plus son sempiternel chocolat chaud à la cannelle?
- Il n'y a plus de lait… Je dois faire les courses.
- Ah, oui. Tu as retrouvé ton ombre?
- Non. C'est vraiment étrange. J'avais l'impression de courir après un ectoplasme. Sa façon de se mouvoir était si… légère. Presque éthérée.
- Au fait, tu ne m'as pas dit la raison de cette cavalcade?
- Il a volé un vieux bouquin à Gold.
- Il est fou! C'est l'équivalent d'avoir une cible dans le dos!
- Ben oui, mais Gold m'a hurlé dessus, alors que je faisais une ronde, pour que je chope ce «petit saligaud». Ce sont ses mots.
- Oh. C'est rare de l'entendre prononcer ce genre d'expression.
- Oui. On aurait dit que son filtre d'homme affable avait disparu. Il était rouge de colère. C'est étrange, il aurait pu l'immobiliser, grâce à la magie.
- Peut-être que l'ombre était immunisée?
- Difficile à dire. Bref. Tu as trouvé quelque chose?
- Absolument rien. C'est beaucoup trop vague, comme description.
- Tant pis, on aura au moins essayé.
- Ta mère prépare son fameux gigot d'agneau dimanche. Tu es invitée à déjeuner avec nous.
- Merci, c'est gentil. Tant que ça ne ressemble pas au coq au vin de la dernière fois.
David regarda subitement ses pieds, incapable de trouver la moindre excuse à sa femme. La pauvre bête avait mijoté beaucoup trop longtemps, et la viande avait été réduite à un magma informe, avec un goût beaucoup trop prononcé, la faute à un vin rouge au tanin considérable. Emma changea de sujet, pour éviter le marasme psychologique et gustatif de son père.
- On va manger au Granny's, ce midi?
- Avec plaisir!
Ils partirent tranquillement, oubliant l'étrange péripétie de cette matinée.
Le lendemain, Emma reçut un coup de fil affolé de Belle, à la bibliothèque. Elle s'était enfermée dans les toilettes, après qu'un individu ait passé ses nerfs sur les rayonnages remplis de ses précieux livres. Emma grogna et se rendit sur les lieux. Alors qu'elle pénétrait dans l'antre de la culture de Storybrooke, elle eut une désagréable sensation le long de son échine. Elle ne vit pas âme qui vive, mais se tint sur ses gardes.
- Police! Sortez de là, les mains en l'air!
Naturellement, seul le silence lui répondit. Elle fit quelques pas supplémentaires, et réprima un hoquet de stupeur. Elle était persuadée d'avoir aperçu une ombre se faufiler entre deux rayonnages.
Elle attendit et tendit l'oreille. Aucun souffle ne vint troubler la quiétude de l'endroit. Néanmoins, un peu plus loin, elle vit des livres éparpillés par terre, et les meubles à moitié affalés les uns sur les autres. Elle sortit son arme, un mauvais pressentiment flottant dans l'air.
- Police!
Toujours rien. Ses nerfs étaient à fleur de peau. Elle entendit un gémissement, et se dirigea vers le bruit. Elle buta sur une porte fermée à clé.
- Belle? C'est Emma, reste où tu es.
- D'accord. Emma, fais attention…
- Chut!
La shérif exécuta un demi-tour rapide, sentant une présence dans son dos. Elle reçut en plein visage une poudre dorée, qui la fit éternuer, puis se courber en deux. Le temps de se relever, l'ombre se dirigea vers la sortie, emportant un maximum d'ouvrages avec elle.
- Stop!
La blonde se jeta en avant, mais un étourdissement impromptu la fit chuter. Elle se cogna la tête contre une étagère et perdit connaissance.
Les cris de Belle la réveillèrent en sursaut, alors que la sirène de police de son père lui vrillait le cerveau.
- Oh, bordel, que ce fléau se taise!
- Emma? Oh, tu as une vilaine coupure sur le visage…
La shérif poussa un grognement strident, de dépit et de douleur.
- Mais c'est qui, ce con?!
- Emma… Je sais que tu as reçu un coup sur la tête, mais quand même.
La shérif sortit tant bien que mal du bazar qu'était devenue la bibliothèque, et respira quelques goulées d'air pur. Son père apparut à ses côtés, avec une grimace sur le visage.
- Tu devrais aller te faire examiner. Tu as une de ces têtes…
- Merci, ça fait plaisir. C'était la même… Chose que hier matin. L'ombre.
- L'ombre a… ravagé la bibliothèque?
- Elle a volé des livres!
- Euh, en effet, c'est grave. Enfin je crois.
- C'était plus… Effrayant que dans mon souvenir. J'ai ressenti une appréhension, lorsque je suis entrée.
- Tu ne savais pas ce qui se passait. Tu aurais pu tomber sur un détraqué.
- Non, c'est pas ça. Je me sens bizarre. Ce truc m'a balancé de la poudre au visage.
- Je t'emmène à l'hôpital.
- Mais…
- Ce n'est pas négociable! Qui sait ce qu'il y avait dedans?!
- Ok…
Emma rendit les armes, elle-même inquiète de son état.
À l'hôpital, le médecin ne détecta rien de particulier, et lui fit quelques points de suture. Emma grimaça devant la balafre sur son front.
- Je vais être belle, tiens, avec ça. Je vais ressembler à un pirate.
- Tant que ce n'est pas à Killian, ça peut aller.
Elle leva les yeux au ciel, agacée. Certes, le pirate l'avait laissé tomber comme une vieille chaussette, trouvant plus authentique son rôle de capitaine. L'appel de la mer avait été le plus fort et Emma avait pleuré quelques heures, avant de se redresser et de maudire le scélérat.
Le reste de la journée, Emma fut cantonnée à du travail administratif. Elle avalait quelques cachets par intermittence, pour combattre son mal de crâne. Ne voulant pas inquiéter son père, et par extension sa mère, elle garda pour elle son impression de malaise, comme si un neurochirurgien sadique triturait son cerveau en continu.
- Génial, c'est Docteur Maboule, dans ma tête!
- Tu disais?
- Non, rien…
La blonde délaissa ses papiers, se levant en chancelant légèrement.
- Je vais à la mairie. Peut-être que Regina pourra me donner une potion plus efficace que ces cachets…
- Vous vous entendez bien mieux, maintenant.
- On fait des efforts pour Henri. Même si je pense que parfois, elle rêve toujours de m'assassiner dans mon sommeil.
Le shérif la considéra avec un sourire amusé, mais pas forcément rassuré.
Emma se gara devant l'imposant bâtiment blanc. Regina avait toujours un goût exquis en matière de décoration. Elle pénétra dans le hall et se dirigea vers son bureau, sans autre palabre. La secrétaire la harponna au passage, mais Emma la snoba, sachant combien le cerbère pouvait être persuasif. Elle toqua deux coups à la porte, puis entra. Regina releva la tête, faisant face à son intruse.
- Miss Swan, vous serait-il possible d'attendre mon assentiment pour pénétrer dans mon bureau?
- La prochaine fois, promis.
La mairesse fronça les sourcils.
- Qu'avez-vous à la tête?
- Un bandage. Et une plaie en-dessous. Ça fait mal, si vous voulez savoir.
- Votre éloquence est décidément de pire en pire.
- Je me demandais… Si vous pouviez m'aider. Henri va avoir peur en me voyant comme ça.
Regina se cala dans le fond de son fauteuil, l'air hautain.
- Je ne suis pas médecin.
- J'espère bien! Je sors de l'hôpital, mais les points de suture risquent de laisser une trace et j'ai un mal de crâne atroce.
Regina soupira.
- Très bien. Mais je fais ça pour Henri. Je n'ai pas envie qu'il fasse des cauchemars et que cela me réveille toutes les nuits…
- Trop aimable. Mais merci.
Emma prit place sur le canapé, situé dans un coin du bureau. Regina l'y rejoignit et défit le bandage, avant de siffler.
- Majesté, je ne suis pas habituée à ça. Je ne savais pas que vous sifflez les femmes!
- Cessez votre babillage, la plaie n'est pas très belle. Qu'avez-vous percuté?
- Une étagère.
- Je vois…
Regina apposa ses mains sur la tête d'Emma et ses yeux virèrent au violet. La magie crépita dans l'air, et la blonde retint un cri. La douleur avait disparu, au profit de cette sensation étrange, qui ne l'avait pas quitté de la journée.
Regina invita Emma à quitter son antre rapidement, une réunion appelant toute son attention. La shérif ne se fit pas prier, et décida de faire une pause chez Granny's, pour se remettre de ses émotions. Le mal de crâne était revenu, alors que la plaie était guérie. Emma n'y comprenait plus rien. Mais un bon chocolat chaud à la cannelle pourrait probablement venir à bout de ce symptôme.
La bonne odeur de bacon grillé lui parvint avant même d'avoir franchi le seuil de l'établissement. Elle s'en délecta, avant d'entrer et de presque s'affaler sur une chaise. Ruby, la serveuse la plus excentrique de la ville, s'approcha à pas de loup.
- Coucou Emma! Ça fait plaisir d'avoir des clients aussi fidèles que toi!
- Salut Ruby. Votre chocolat chaud est divin. C'est un bon argument.
- Mouais, et moi, je suis la cerise sur le gâteau!
- On va dire ça.
- Oula, madame est bougonne. Je te délivre ta dose lactée?
- Merci. Avec…
- De la cannelle. Bien sûr. Autre chose?
- Une gaufre?
- Henri n'est pas dans le coin. C'est rare que tu te laisses aller à ce genre de sucrerie.
- Je crois que j'en ai besoin.
Ruby plissa les yeux, mais ne fit pas d'autres commentaires. Elle huma l'air, et prit un air perplexe, avant d'aller chercher la commande d'Emma.
Trois chocolats chauds plus tard et deux gaufres nappées de sirop d'érable, la blonde était toujours attablée, nauséeuse. Elle souffla et voulut se lever. Elle dut se rasseoir immédiatement, prise d'un vertige. Ruby, qui passait à côté, lui tint le bras.
- Hey, Emma, tu n'aurais pas abusé légèrement? Tu as une gueule de bois sucrée, on dirait!
- Ouais, bah, c'est toujours mieux qu'une gueule de bois sexuelle, à force de faire des galipettes!
- Hein?!
- Euh, désolée… Je crois que je vais y aller…
- Tu parlais de moi?!
- Oui! Non! Je me sens pas bien… Vraiment…
- Tu ferais mieux de rentrer, en effet.
La louve semblait vexée, ce qui était assez rare pour être noté. Emma piqua un fard et se dirigea, en titubant, vers la sortie. Elle maugréa quelques mots inintelligibles, avant de disparaître. Ruby la suivit du regard, puis soupira.
- Complètement marteau… Ce n'est pourtant pas son genre…
Emma retourna au commissariat, peu sûr d'elle. Quelle mouche l'avait piquée? S'en prendre à son amie ainsi ne lui ressemblait pas. Elle se demanda ce qui l'avait poussé à sortir une telle ânerie, d'ailleurs. Décidément, cette journée était épouvantable.
