Il me prend la main.
Ce geste peut paraître anodin mais il représente tout ce que nous avons traversé jusqu'ici. Tout ce que nous avons traversé, et tout ce que nous avons encore aujourd'hui. Parce que malgré tout, je l'ai toujours, lui.
C'est par Prim que tout a commencé. Finalement, je l'aurai quand même perdue. Je ne regrette pas. Si c'était à refaire, je me jetterais à nouveau dans l'arène à sa place. Mais je ferais en sorte qu'elle reste au 13. Nous ne pouvions pas savoir. On ne peut jamais savoir.
Nous étions tous les 4. Effie, Haymitch, Peeta et moi. Quatre ans, deux Hunger Games et une rébellion plus tard, nous sommes toujours là. Ou presque. Une partie de nous est là. Ce qui n'a pas été détruit par la douleur.
C'est ce que signifie sa main dans la mienne. Un soutien. Une promesse d'un avenir meilleur. De l'espoir. De l'amour.
J'en ai tellement besoin. Je me drogue avec cet amour pour oublier. Je me force à traverser chaque seconde parce que je sais qu'il est avec moi. Qu'il m'aime. Qu'il m'aime tous les jours. Depuis le début.
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Je n'en savais rien, en réalité. Il ne m'avait jamais rien dit. Il était présent, attentionné, affectueux. Mais je n'avais rien vu.
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Après les premiers jeux, j'avais commencé à boire. Boire pour penser à autre chose. J'ignore comment il a fait, mais il a réussi à m'empêcher de devenir ce qu'il était. En me montrant le gâchis que ce serait. Je l'ai tellement détesté, et lui s'est laissé détester. Du moment que ça me sauvait de l'alcoolisme.
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Mais c'est quand les seconds jeux ont été annoncés que quelque chose a changé. À ce moment-là, nous étions tous réellement persuadés qu'on n'en reviendrait pas. Ni moi ni celui qui irait avec moi. Désormais, protéger ma vie pour le futur n'avait plus d'importance, et il y avait une nouvelle forme de fatalisme et d'impatience dans sa voix.
J'ai recommencé à boire, sauf qu'il ne m'en a pas empêchée, cette fois. Et je l'ai embrassé. Il n'a rien dit. Il m'a juste embrassée en retour. Puis, il m'a conseillé de rentrer chez moi et c'est ce que j'ai fait. Mais je ne pouvais plus penser à autre chose. J'avais besoin de connaître ces sensations au moins une fois avant de mourir. Je ne voulais pas infliger à Gale ce souvenir de moi et Peeta ne me donnait pas franchement envie. Mais Haymitch si.
Un soir, je me suis faufilée chez lui. Dans sa chambre. Il ne buvait pas. Il était assis sur son lit, prostré. Je me suis approchée et quand il a voulu me demander ce que je faisais là, j'ai posé mes lèvres sur les siennes. Il ne m'a pas repoussée mais il a quand même tenté de me faire entendre raison.
- Katniss, ne fais pas ça. Tu n'en veux pas, crois-moi.
En guise de réponse, je l'ai à nouveau embrassé. C'est à ce moment-là que j'ai compris qu'il en avait envie, lui aussi. Ça se lisait dans ses yeux, sur ses lèvres qui me répondaient, dans ses mains qui semblaient ne pas pouvoir se décider entre m'enlacer ou me repousser. Par respect pour moi, il a réessayé.
- Katniss, c'est probablement l'alcool qui te fait faire ça. Arrête-toi maintenant, ou tu le regretteras demain.
- Je n'ai rien bu, ai-je dit.
Il m'a longuement observée, interloqué.
- Mais qu'est-ce que tu as dans la tête ?
- J'ai envie de ça. J'en ai besoin.
- Et Peeta ?
- Je n'ai jamais aimé Peeta qu'à la télévision, et vous le savez.
Il m'a regardée d'un air grave. Puis m'a embrassée à son tour. Au cours de la nuit, il m'a bien redemandé une ou deux fois si c'était toujours ce que je voulais, mais la majorité de nos mots étaient surtout des encouragements. Des marques de délices.
Je n'ai jamais vécu une nuit plus intense que celle-là.
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Quelques jours plus tard, nous avons pris le train pour le Capitole. Haymitch avait été tiré au sort, et Peeta s'était évidemment porté volontaire. Dans le train, la peur me tenaillait le ventre. Je ne pouvais pas dormir. Un soir, j'ai fini par le rejoindre dans sa chambre et je l'ai supplié de m'aider à penser à autre chose. Alors nous avons recommencé. Encore et encore. Tous les soirs, parfois même le jour.
Jusqu'à notre arrivée au Capitole. Il y avait là moins de place pour les démonstrations d'affection. Peeta et moi étions censés être fiancés, mariés en secret, et j'étais censée être enceinte de lui.
La dernière nuit cependant, les tributs avaient droit à un peu d'intimité avec leurs mentors. Effie, Haymitch, Peeta et moi nous sommes dits au revoir. Puis, nous sommes repartis chacun de notre côté. Mais j'ai pris mon temps. Avant de franchir la porte, j'ai fait demi-tour et je suis allée le retrouver. J'ai plus pleuré qu'autre chose, cette nuit-là. Mais il m'a aimée jusqu'au petit matin. Là, je lui ai dit au revoir, pour la dernière fois, persuadée que je ne le reverrais jamais.
- Ne regarde pas les jeux, ai-je dit. Je t'en supplie, ne les regarde pas.
- Tu peux y arriver.
- Il y a peu de chances. Pas cette fois. Nos adversaires sont trop forts. Et même, je ne pourrai jamais tuer Peeta. Et tu sais pourtant qu'ils ne nous laisseront pas gagner tous les deux, pas encore.
- Katniss, n'oublie pas qui est ton véritable ennemi.
Cette dernière phrase m'avait laissée perplexe mais j'étais trop bouleversée pour y penser.
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Les jeux ont eu lieu et, contre toute attente, j'ai survécu. Mais pas parce que j'avais gagné. J'ai survécu parce qu'Haymitch et Plutarch avaient organisé une rébellion. Qui impliquait qu'il fallait me sauver et me sortir de l'arène.
Au début, je n'ai rien compris. Puis, j'ai franchi des portes translucides et il m'a expliqué. Sauf qu'il m'a aussi dit que Peeta était en danger, prisonnier du Capitole. J'ignore si Haymitch s'attendait à des retrouvailles torrides - probablement pas - mais il ne devait pas s'attendre à ça. Je me suis jetée sur lui et me suis mise à le frapper sans pouvoir m'arrêter. J'étais épuisée, blessée, bouleversée, et je tenais apparemment plus à Peeta que je ne le pensais.
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Au 13, il a disparu. J'étais impatiemment sollicitée par Plutarch et Coin, mais mon mentor avait disparu. J'étais seule. Je me suis demandé s'il m'en voulait pour les coups au point de me rayer définitivement de sa vie.
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Quoiqu'il en soit, je me suis débrouillée seule pour gérer les attentes de Coin. J'aurais aimé boire, mais il n'y avait pas d'alcool dans le 13, alors je sombrais parfois un peu dans la folie.
Un jour où j'étais plus agitée que les autres, on m'a emmenée à l'hôpital. Et c'est là qu'il est réapparu.
- Qu'est-ce qu'il t'est arrivé, trésor ? a-t-il lancé, un sourire en coin.
- J'ai perdu un ami.
Mon ton était amer. Mes yeux rivés au sol.
- Écoute, Katniss, je ne voulais pas que ça se passe comme ça, ce n'était pas ce qui était prévu. Ça me fait du mal aussi de le savoir au Capitole.
Sauf que je n'étais pas certaine de faire référence à Peeta.
De toute façon, nous ne pouvions pas parler de ça. Ou je risquais de me mettre à pleurer. Alors, j'ai changé de sujet.
- Vous m'en voulez encore pour les coups de poing ?
- Disons que je ne t'avais pas vue venir. Je ne pensais pas non plus que tu aimais Peeta à ce point.
- Je ne l'aime pas.
- Ne te mens pas, Katniss.
Peut-être qu'il avait raison. Mais je ne voulais pas y penser. Je voulais seulement le prendre dans mes bras et le serrer très fort. Et c'est ce que j'ai fait. Il m'a serrée contre lui à son tour, et ça m'a fait du bien.
- Je ne sais plus ce que je ressens. En fait, je ne sais plus rien.
- Je sais, trésor.
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Avec Haymitch à mes côtés, je me suis relevée. Il y a eu cette histoire de clips de propagande, de geai moqueur symbole de la rébellion. Et il était toujours là, à côté de moi. Quand je partais en mission ou quand j'en revenais. Quand on déjeunait ou quand on s'entraînait. Sa présence me rassurait. Souvent, il posait sa main sur mon épaule ou dans mon dos pour me faire savoir qu'il était toujours bien là. J'ignore si ces contacts signifiaient plus que ça, mais c'est ainsi que je les comprenais.
Un jour, nous étions en train de papoter dans son compartiment après une matinée d'entraînement, quand je l'ai revu nu dans ma tête, sans que je sache vraiment pourquoi. J'ai cessé de l'écouter et mes yeux se sont baladés sur son corps. Il l'a remarqué, s'est tu, et s'est approché de moi.
- Il n'y a pas d'alcool ici, ai-je dit. Comment faites-vous pour tenir ?
- Je m'occupe l'esprit.
- Comment ?
Là, il m'a embrassée. Je l'ai embrassé à mon tour. Mais il s'est ensuite reculé et je l'ai regardé sans comprendre. Il m'a pris la main et m'a emmenée dans la salle de bain. Ça a été notre première fois sous la douche. Après cette fois-là, les petits contacts physiques me sont devenus insupportables s'ils n'étaient pas suivis de bien plus. Je suis devenue une vraie furie, jamais rassasiée, toujours en demande, et je ne voulais personne d'autre qu'Haymitch. La discrétion n'était plus la priorité puisque nous n'étions plus à Panem, surveillés de toute part. Et parce que je pouvais mourir à chaque sortie.
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Le temps passait, et je savais que je finirais par devoir retourner au Capitole pour y tuer Snow, car personne d'autre n'aurait le cran de se sacrifier pour le faire. Le mariage de Finnick et d'Annie m'avait donné l'occasion de réfléchir à ce que je ressentais. De donner du sens à mes douleurs et de poser des mots sur mes espoirs. Je savais à présent que j'aimais Peeta, mais pas d'amour. Je n'avais pas envie de lui comme j'avais envie d'Haymitch. Sa présence me rendait heureuse mais ne me rassurait pas. Avec Haymitch, tout était différent. Plus fort. Et j'ai décidé de le lui dire.
Je l'ai rejoint au beau milieu de la nuit. Il dormait à points fermés. Il faut dire que je l'épuisais. Je l'ai réveillé doucement.
- Katniss, qu'est-ce que tu fais là ? Tu veux encore... ? s'est-il inquiété.
- Non, ai-je répondu. Il faut que je vous parle.
Il s'est redressé, frottant ses yeux fatigués.
- Je t'écoute.
- Est-ce que vous m'aimez ?
Il a paru surpris.
- Pourquoi cette question ? a-t-il demandé.
- Je voudrais savoir. Est-ce que c'est de l'amour, ou est-ce que vous cherchez encore à m'aider ?
Il m'a regardée dans les yeux.
- Un peu des deux.
- D'habitude, j'ai plutôt tendance à fuir l'amour, ai-je dit.
- Je sais.
- Pourquoi être honnête avec moi, alors ?
- Tu as toujours été honnête avec moi. En fin de compte, je crois que tu es ma seule véritable amie.
Je l'ai rejoint dans le lit et je me suis blottie contre lui.
- Moi aussi, ai-je ajouté après de longues minutes passées allongée à ses côtés.
Il a resserré son étreinte. Je n'ai rien ajouté, il n'en avait pas besoin. Il avait compris. Nous avons dormi ensemble. C'était bon de se sentir en sécurité. De ne plus penser au visage émacié de Peeta à la TV. Je ne m'en voulais pas. J'étais sûre qu'il aurait été heureux pour nous, s'il avait été là.
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Et puis, je suis partie au 2. Sans rien dire. Je savais ce que j'avais à faire. Coin a découvert ma fugue, mais contre toute attente, elle est allée dans mon sens et m'a envoyé des gens. Dont Haymitch. J'ai donc pu lui dire au revoir avant de partir au combat. Oh, cet au revoir n'avait rien d'extraordinaire. Nous y étions habitués. Nous avons fait l'amour. Et au petit matin, après un dernier baiser silencieux, je suis partie.
Les jours qui ont suivi ont été difficiles. Ces combats, c'était comme une troisième arène, comme des jeux, encore. J'y ai perdu beaucoup de moi, et des autres. Mais j'y ai retrouvé quelqu'un. Peeta le mutant du Capitole est redevenu Peeta mon meilleur allié. Celui sur qui je pouvais compter dans l'arène. C'était déjà ça.
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Puis, nous avons pris le palais présidentiel. J'ai perdu Prim, et je me suis retrouvée seule dans ces immenses pièces immaculées qui appartenaient à Snow. On peut dire que j'ai eu l'occasion de réfléchir à tout ce que j'avais perdu. Mais nous étions à nouveau 4. Haymitch, Effie, Peeta et moi. Ou du moins, ce qu'il restait de nous.
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Ça n'a pas duré longtemps. Sur une intuition, j'ai tué Coin. La peur de voir le pays replonger dans la dictature, j'imagine. Coin ressemblait trop à Snow. J'ai cru que c'était la fin pour moi, que j'allais vraiment mourir, cette fois. Être punie en public ou assassinée. Mais non. Toujours pas. Haymitch m'a ramenée à la maison, chez nous, au 12.
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C'est là où nous sommes aujourd'hui. Nous vivons ensemble, avec Haymitch et Peeta, dans une seule maison. Nous nous occupons l'esprit. Désormais, il n'y a plus personne pour me dire ce que je dois faire et ce que je ne peux pas faire. Alors j'ai retiré les barrières qui empêchaient l'accès aux bois. Je chasse, je marche dans la forêt. Nous reconstruisons ce que nous pouvons du 12. Le réveil, chaque matin, est douloureux. Il y a toujours ces quelques secondes pendant lesquelles je ne me rappelle pas encore qui je suis ni ce que j'ai perdu. Puis c'est la chute. Tous les jours.
Son amour me maintient en vie. Il me permet de ne pas sombrer dans l'alcool. Il a arrêté de boire, lui aussi. Pour moi. Il m'offre ses bras et ses caresses à la place. Pour le moment, ça fonctionne. Chacun de nous se réfugie dans ce qu'il peut. Peeta peint, jardine et cuisine. Haymitch remet de l'ordre dans la ville et dans sa tête. Moi, je passe des heures à parcourir les bois sans rien dire. J'avais raison pour Peeta, il ne nous en veut pas. Il comprend.
Le soir, nous rentrons tous les trois à la maison et nous mangeons. Parfois, nous jouons à des jeux, nous essayons de rire. Puis, nous partons nous coucher en espérant que le lendemain soit plus facile à vivre. Et chaque jour qui passe est effectivement un peu moins douloureux. Mais quand ça le devient trop, quand je perds pied face à la réalité, quand je n'en peux plus, je cours retrouver Haymitch. Là, il me prend la main et caresse mon visage. Et je me rappelle que désormais, je n'ai plus que mes démons à affronter. La guerre, elle, est terminée.
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Et quand je n'en peux plus de me battre, je l'embrasse et nous faisons l'amour. Et dans ces moments-là, la douleur s'estompe. Pour un temps.
Merci pour votre lecture ! J'espère que cette courte fanfic Hunger Games sur la relation entre Katniss et Haymitch vous a plu. N'hésitez pas à me laisser une review si vous le souhaitez :) Prenez soin de vous !
