Chapitre 2

« Le mal est facile, le bien demande beaucoup d'efforts »

Assise sur mon cheval, je surplombais les combats, laissant mes yeux divaguer sur les combattants qui se livraient une lutte acharnée en contrebas. A ma gauche, Lashkra ne bougeait pas, raide sur sa monture. A ma droite, Saroumane gardait le silence.

- Le prince Theodred, lâcha-t-il soudainement et mes yeux se posèrent sur l'homme qui se trouvait à la tête de la nouvelle armée qui attaquait nos forces.

Je ne répondis rien, me contentant de talonner ma monture pour qu'elle avance. Prenant de la vitesse, je me décidais enfin à intégrer la bataille.

Je tranchais tout ce qui passait à ma proximité, mais je me fichais bien des morts que j'occasionnais. Toute mon attention était fixée sur Theodred qui se battait un peu plus loin, entouré de ses gardes du corps.

- Votre majesté ! Clama soudainement l'un d'entre eux en me voyant approcher.

Ils ne voyaient pas mon visage, masqué par ma capuche, mais ma tenue noire et le blason du Mordor sur ma poitrine suffisait à faire comprendre que je ne faisais pas partit de la classe inférieure.

Theodred pivota sur ses talons, et son regard se posa sur moi.

Je marquais un temps d'arrêt sous le coup de la surprise. Ses yeux étaient d'un bleu pâle, remplis d'une douceur que je n'avais encore jamais vu.

- Qu'est-ce que… murmurais-je.

A cet instant, je sentis la présence du Roi Sorcier d'Angmar dans ma tête, et je frémis de douleur.

- Tue le, ordonna-t-il et sous le coup de la souffrance, j'ignorais la sensation que j'allais faire quelque chose de terrible.

Sortant mon épée de son fourreau, je descendis de cheval, mettant ainsi pied à terre.

- Protégez le prince ! Ordonna un soldat en se lançant sur moi.

Je parais le coup avec une facilité déconcertante, frappant et tuant sans hésitation et remords. J'avais l'impression d'être spectatrice dans mon propre corps. Autour de moi, les soldats tombaient comme des mouches et bientôt, je me retrouvais face à Théodred.

Il était fort, avait réussis à tuer de nombreux orcs, même parmi les plus compétents, mais face à moi, il ne ferait pas le poids, je le savais.

Bien qu'il ne distingue pas mes yeux, il me défia du regard.

- Vous n'êtes pas un Nazgul, clama-t-il en m'indiquant de son épée. Et vous êtes une femme, cela se voit à votre façon de bouger. Ayez au moins le courage de m'affronter le visage découvert. Que je vois à qui j'ai affaire.

Ignorant sa provocation, je ramenais mon épée à moi. Au plus profond de moi, quelque chose me criait d'arrêter cette folie, de reculer. Mais la volonté du Roi Sorcier était plus forte, et je ne parvenais pas à réfléchir.

Il y avait pourtant quelque chose chez cet homme qui me criait d'être prudente.

Comprenant que je ne répondrais pas à sa provocation, il se mit en position de combat face à moi. A son visage décidé, je compris qu'il allait attaquer. Ne lui laissant pas le temps de réfléchir plus, j'attaquais.

Nos épées se heurtèrent avec fracas, et il me repoussa avec force. Sifflant entre mes dents quand il frappa mon épaule salement amochée, je répliquais par un coup dans les jambes.

Le prochain coup m'atteignit à la lèvre inférieure, rouvrant une plaie déjà présente. Le sang coula dans ma bouche, et je grondais de colère.

Il était fort. Il savait se battre et en d'autres circonstances, j'aurais félicité son ardeur. Mais pas aujourd'hui. Pas alors que le Nazgul dans ma tête me forçait à me battre sans m'arrêter.

- Je ne vous laisserais pas prendre la main sur mon père, cracha-t-il en me repoussant de nouveau. Je sais ce que Saroumane tente de faire. En chassant Eomer et moi, ça lui permettra d'asseoir son pouvoir sur le Rohan. Mais je ne le permettrais pas.

- Le problème, c'est que vous n'êtes plus en position de permettre quoi que ce soit, sifflais-je à mon tour. Quand l'anneau unique sera retourné à son maître, vous perdrez tout.

- Aucun peuple ne le permettra, clama-t-il en se jetant sur moi.

Mais j'avais prévu son attaque, et je pivotais sur mes talons au dernier moment.

Mon épée décrivit une jolie courbe. Une courbe mortelle.

J'entendis le bruit sourd que fit la lame en transperçant le jeune homme qui hoqueta de surprise et de douleur.

Tenant fermement le pommeau de mon arme, je reçu en conséquent Théodred dans mes bras quand les jambes de ce dernier cédèrent. Il s'agrippa à ma veste, et dans un sursaut de courage, arracha ma capuche et le foulard qui couvrait mon nez et ma bouche, dévoilant mon visage.

Il plongea alors ses yeux dans les miens, et j'y lu la surprise. Une vraie et profonde surprise.

- Une elfe, murmura-t-il et je frémis sous le choc. C'est impossible…

- Que…, commençais-je, mais de nouveau, le Roi Sorcier d'Angmar força mon esprit, me faisant grimacer.

Retirant la lame du corps de Théodred, je laissais ce dernier s'effondrer à mes pieds dans un bruit sourd. Baissant les yeux sur lui, je le vis convulser alors qu'il appuyait sur sa blessure. Mais tout comme moi, il savait qu'elle était mortelle.

- Tu n'appartiens pas à leur monde, suffoqua-t-il en me regardant et je luttais contre le Roi Sorcier qui tentait de me forcer à tourner les talons. Tu as une… famille… Les elfes…

Il vomit un jet de sang et je sursautais. Devenant de plus en plus livide, je restais figée sur place, l'écho de ses paroles tournant en boucle dans ma tête. Même mon oncle qui tentait avec fureur de me faire reculer n'avait plus tellement d'emprise sur moi.

Une famille ? Les elfes ? Cela faisait bien des générations que le sang elfique était dans mes veines. Le mot famille ne serait pas celui qui me serait venu en priorité pour les décrire.

A cet instant, un cor retentit et je sursautais de nouveau. Tournant la tête sur la gauche, je vis au loin apparaître une armée. En plissant les yeux, je distinguais les armoiries du Rohan.

- Quittez le champ de bataille, ordonna la voix de mon oncle dans ma tête et je grimaçais une fois de plus tandis qu'il me giflait mentalement.

Obéissant, je rabattis de nouveau ma capuche sur ma tête, et jetais un dernier regard au prince déchu.

- Larishka on doit partir ! Clama Lashkra en me rejoignant, les rênes de mon cheval dans les mains. Maintenant !

Sans un mot, j'obéis, tournant les talons et montant à cheval. Jetant un dernier regard en arrière, je quittais les lieux.

oOoOo

Avec épuisement, je descendis les escaliers de la tour de Saroumane, grimaçant intérieurement à chaque pas. Le Roi Sorcier d'Angmar avait beau être à des kilomètres d'ici, cela ne l'avait pas empêché de déchainer sa colère pour le fait que je n'ai pas obéis en quittant les lieux tout de suite. Le fait que j'ai tué le prince héritier n'avait pas eu l'air de lui faire plus plaisir que cela.

Veillant à ne pas trop bouger mon torse à cause de mes côtes cassées, je m'arrêtais pour resserrer la bande que j'avais entourée autour de mon corps et qui m'aidais à supporter la douleur. Avec difficulté à cause de mes poignets endoloris, je serrais le nœud.

Mon corps ne guérissait plus, la fatigue n'aidant pas. Mais les ordres que j'avais reçu n'était pas en faveur d'un repos.

- Gagne les mines de la Moria, avait ordonné mon oncle. Le groupe qu'ont envoyés les elfes pour détruire l'anneau va y passer. Saroumane les empêche de passer par Caradhras. Et ils ne s'approcheront pas d'Isengard. Attends les là-bas, tue-les et rapporte nous l'anneau sacré. Vas-y seule. L'esprit des autres est facilement corruptible.

A la vérité, pouvant me contrôler comme il le voulait, il ne me considérait pas comme un danger, à la différence de Lashkra.

Pinçant les lèvres en montant à cheval, je jetais à peine un regard en arrière avant de talonner ma monture qui partit au galop.

oOoOo

Sans dormir et en ne m'arrêtant qu'une seule fois, je fus aux mines de la Moria en quatre jours. Mon corps entier était endolori, et la douleur qui s'y diffusait m'électrisait.

Comme n'importe quel être vivant à l'exception des nains, je n'étais pas franchement emballée à l'idée de me retrouver sous terre, mais sachant que ce qui m'attendait en cas d'échec était pire, je rentrais à l'intérieur sans trop réfléchir.

Saroumane m'avait prévenu que la Communauté de l'Anneau avait été repoussée du Col de Caradhras quelques jours auparavant, ils ne devaient donc plus être loin.

- Seigneur, s'inclina un gobelin à ma gauche et je retins le sifflement de dégoût qui montait à ma gorge quand il s'approcha trop. Peut-être pourrions-nous vous aider ? Ils sont nombreux. Vous êtes seule.

- Vous souhaitez peut-être que je vous démontre en quoi le fait d'être seule ne me pose pas de problème ? Crachais-je froidement.

Cela ne le découragea pas car il s'approcha encore plus. Serrant le poing, je tentais de refouler mon envie furieuse de lui carboniser le cœur.

- Ce que je veux dire, c'est qu'ils sont plusieurs, répéta-t-il et je serrais les dents. Vous êtes en sale état.

Mon sifflement m'échappa, et mon poing s'abattit dans sa cage thoracique. Il poussa un cri de douleur quand ma magie lui brûla la peau puis les organes. Dirigeant ma main vers le reste de son groupe, je les abattis tous.

Sauron ne voulait pas que l'anneau tombe entre d'autres mains. Pour une fois, j'étais d'accord avec lui. Pas de témoins, pas de risques.

Je fis disparaître les corps, et me figeais en entendant la porte de la mine s'ouvrir. Ils étaient là.

Me cachant dans l'ombre, mon regard tomba sur le corps du premier gobelin que j'avais tué. Je n'avais pas pensé à cacher celui-là.

Si cela ne me posa au départ pas de problème particulier, je compris que cela deviendrait une grosse erreur quand je vis qui accompagnait ce groupe.

Alzena.

Vous apprécierez bientôt la légendaire hospitalité des Nains, clama la voix d'un nain qui ne semblait pas encore avoir vu l'état des lieux. Un bon feu, une bière de malt, une viande rôtie à l'os. Ceci est la demeure de mon cousin Balin. Et ils appellent cela une mine ? Une mine ?

Ce n'est pas une mine, murmura une autre voix masculine, moins bourrue. C'est un tombeau !

Il y eu un instant de silence, avant que je n'entende un bruit sourd.

Non, cria le nain que je vis se précipiter sur un squelette. Non !

Ce sont des Gobelins ? demanda une voix masculine bien plus douce.

Oui, répondit la voix froide et anxieuse d'Alzena. Oui, ce sont des gobelins.

Je la vis soudainement arrêter son regard sur le corps du gobelin que j'avais tué, et je devinais que les évènements se mettaient en place dans sa tête. Elle releva les yeux, et je la vis scruter les ténèbres.

Allons à la trouée du Rohan, décréta l'un des hommes. Nous n'aurions jamais dû venir ici !

Je vis les autres tirer leurs épées, et je m'apprêtais à sortir de l'ombre quand je perçus la menace. Levant un sourcil au moment où un hurlement retentissait, je vis le porteur de l'anneau être entraînée par une pieuvre.

Soupirant, je me fis la réflexion que j'allais devoir plonger pour récupérer ce maudit anneau. Et que j'allais sans nul doute devoir la tuer pour y parvenir car ces créatures n'étaient pas réputées pour leur loyauté. Pas plus que les araignées à ma connaissance.

Ignorant si je devais me sentir soulagée ou non, je vis les autres réussir à sauver le hobbit, et ils se précipitèrent tous dans la mine, suivit de la créature. Grimaçant, je la vis faire s'effondrer les fondations de la porte, et tout s'effondra.

Adossée au mur, j'attendis que le groupe reprenne ses esprits et que les torches s'allument. Je fronçais les sourcils en constatant la présence du magicien.

Nous n'avons plus le choix, confirma Gandalf à voix basse. Nous devons affronter les ténèbres de la Moria. Soyez sur vos gardes, il y a des êtres plus anciens et répugnants que les Orcs dans les profondeurs du monde…

Mais mon attention était concentrée sur Alzena qui avait vrillé son regard dans les ténèbres. Elle ne me voyait pas, mais elle me sentait. Nous y étions.

- Larishka, fit-elle, tendue

- Bien joué, répondis-je lentement dans le silence lugubre des lieux.

Je vis ses compagnons se redresser en position de combat, et je sentis la fureur déferler dans mes veines. Elle s'était ainsi trouvé des amis, après m'avoir condamnée et abandonnée aux ténèbres.

- Montrez-vous, ordonna l'autre homme que je n'avais pas encore entendu en sortant son épée de son fourreau. Ne soyez pas lâche.

- La lâcheté…, murmurais-je dans un sourire. Quel mot étrange.

Mais je me décidais à m'avancer dans la lumière. Je voulais en finir, et rapidement.