La lumière douce de l'aube effleurait la cour, teintant de rose pâle les pierres claires de Fondcombe. Une brume légère flottait encore dans l'air, mais le ciel annonçait une journée claire. Le groupe se rassemblait lentement, chacun vérifiant une dernière fois ses affaires ou ajustant son équipement.
Azraël, adossé à une colonne, observait le ciel avec un calme apparent, bien qu'au fond, une certaine tension l'habitait. Il avait passé la nuit à réfléchir, à peser chaque décision, et maintenant qu'il était sur le point de partir, il s'efforçait de garder ses pensées en ordre. Il savait que ce voyage ne serait pas simple, mais c'était une chance d'en apprendre davantage sur lui-même, sur l'entité, et sur son rôle dans cette quête.
Un peu à l'écart, Frodon échangeait ses adieux avec Bilbon. Le vieil hobbit semblait à la fois fier et inquiet, son regard brillant d'émotion. Avec des gestes un peu tremblants, Bilbon tendit un paquet enveloppé avec soin.
– Ma vieille épée, dit-il en souriant doucement. Dard. Prends-la, tiens.
Il mit délicatement l'épée entre les mains de Frodon. Ce dernier, curieux, tira lentement la lame de son fourreau, admirant son éclat argenté à la lumière pâle de l'aube.
– Elle est si légère, murmura Frodon, émerveillé.
– Oui… Forgée par les elfes, ajouta Bilbon avec une pointe de fierté. La lame devient bleue lorsque des orques sont proches.
Puis, comme s'il venait de se souvenir de quelque chose d'encore plus précieux, Bilbon sortit une cotte de mailles scintillante, faite d'un métal pâle et lumineux.
– Du mithril, dit-il avec un sourire satisfait. Aussi léger qu'une plume ! Et aussi dur que les écailles d'un dragon. Porte-la, elle te protègera.
Frodon sourit, mais son expression devint rapidement plus grave. Il commença à détacher les boutons de sa chemise, révélant l'Anneau suspendu à une chaîne autour de son cou.
Les yeux de Bilbon s'agrandirent en voyant le bijou.
– Oh… Mon vieil Anneau, souffla-t-il en se frottant nerveusement les mains. J'aimerais tellement le tenir une dernière fois.
Frodon hésita, son regard oscillant entre l'Anneau et son oncle. Lentement, il referma sa chemise, dissimulant à nouveau l'objet.
À cet instant, le visage de Bilbon se transforma brièvement en quelque chose d'horrible, marqué par une convoitise intense. Il fit un pas vers Frodon, mais s'arrêta aussitôt en voyant le jeune hobbit reculer d'un geste instinctif.
Bilbon se détourna, portant une main tremblante à son visage, les épaules secouées par un sanglot.
– Je suis désolé, dit-il d'une voix brisée. Désolé du fardeau que je t'ai laissé…
Frodon resta immobile un instant, son regard empli de tristesse et de compréhension, avant de poser une main réconfortante sur l'épaule de son oncle.
Pendant ce temps, Gandalf rassemblait les membres de la Communauté autour de lui, sa voix grave et posée donnant les dernières instructions pour leur départ. Les hobbits, pour la plupart silencieux, échangeaient des regards nerveux, mais une étincelle de détermination brillait dans leurs yeux.
Aragorn s'approcha d'Azraël, son pas mesuré mais assuré. Il s'arrêta à quelques mètres de lui, observant un instant l'homme adossé à la colonne de pierre, les yeux levés vers le ciel comme s'il cherchait des réponses dans l'immensité bleu pâle de l'aube.
– Tu es prêt ? demanda Aragorn d'une voix calme mais teintée de gravité.
Azraël détourna enfin son regard des nuages, un sourire en coin étirant ses lèvres.
– Aussi prêt que possible, répondit-il en croisant les bras, son ton empreint d'une légèreté qui contrastait avec la tension ambiante.
Aragorn ne sembla pas convaincu et haussa légèrement un sourcil.
– Ce n'est pas une simple promenade que nous entamons, Azraël. Une telle route exige bien plus que d'être "prêt".
Azraël étouffa un léger rire, secouant la tête avant de répondre :
– Prêt ou pas, cela ne changera rien. On avance, c'est tout. Le luxe des hésitations appartient à ceux qui ont le temps… et moi, je n'ai pas l'impression d'en avoir beaucoup, déclara-t-il en s'écartant de la colonne pour faire face à Aragorn.
Le rôdeur le fixa, ses yeux gris brillant d'une intensité tranquille.
– Peu de gens le réalisent avant d'être mis à l'épreuve, dit-il doucement. Mais parfois, reconnaître qu'on ne peut tout prévoir est le premier pas vers la force.
Azraël pencha légèrement la tête, analysant les paroles d'Aragorn comme un jeu d'échecs, chaque mot une pièce placée avec soin.
– Peut-être, admit-il enfin. Mais je sais une chose : je n'ai pas l'intention de faillir. Pas pour moi. Pas pour eux.
Aragorn posa une main ferme mais amicale sur l'épaule d'Azraël, une lueur d'approbation dans son regard.
– Alors tu es plus prêt que tu ne le crois.
Ils échangèrent un bref sourire, puis Aragorn se tourna pour rejoindre le reste de la Compagnie. Azraël, lui, souffla doucement, ses doigts effleurant machinalement la poignée d'Excalibur comme pour puiser un peu plus de cette force qu'il venait d'évoquer.
Lorsque Frodon rejoignit le groupe, le silence s'installa. Gandalf leva son bâton et déclara d'une voix solennelle :
– Le temps est venu. En route.
D'un pas décidé mais discret, la Communauté franchit les arches de pierre de Fondcombe, s'enfonçant dans les ombres bleutées des bois environnants. Ainsi débutait leur périlleux voyage, et derrière eux, Fondcombe semblait les observer en silence, ses murs millénaires comme un témoin de leur départ vers l'inconnu.
Le voyage à travers l'Eriador plongea la Communauté dans un paysage à la fois majestueux et inquiétant, où la nature semblait sauvage et indomptée.
Les forêts profondes s'étendaient sur des kilomètres, leurs arbres anciens aux troncs épais et noueux formant une voûte dense au-dessus des voyageurs. La lumière du jour perçait à peine à travers le feuillage enchevêtré, ne laissant qu'un tapis d'ombres mouvantes. Le sol, tapissé de feuilles mortes et de fougères, était parfois truffé de racines imposantes qui rendaient leur progression plus ardue. Les bruissements des branches, le chant lointain des oiseaux et le murmure discret d'un ruisseau formaient une symphonie constante, bien que souvent troublée par un silence soudain, presque menaçant, qui les obligeait à tendre l'oreille.
En sortant des bois, le groupe atteignit des vallées isolées, ciselées par des rivières aux eaux claires mais glaciales, qui serpentaient à travers des prairies vallonnées. Les collines environnantes, couvertes d'une herbe sèche et dorée, semblaient infinies, dévoilant un horizon austère où le vent soufflait librement, emportant avec lui les murmures d'un passé oublié. Parfois, des formations rocheuses s'élevaient comme les vestiges de tours naturelles, offrant à Gandalf et à Aragorn des points d'observation cruciaux pour vérifier qu'ils n'étaient pas suivis.
Au fil des jours, le terrain devint plus rude. Les sentiers herbeux laissèrent place à des pistes de terre battue parsemées de pierres tranchantes, forçant les membres de la Compagnie à choisir chaque pas avec soin. Les collines rocailleuses, bien que modestes en hauteur, s'étiraient comme une barrière naturelle. De temps en temps, de larges plateaux permettaient une vue imprenable sur les alentours, où rien d'autre que la nature sauvage ne semblait exister. Mais ces espaces ouverts, bien qu'imposants, les exposaient à des yeux espions, qu'il s'agisse d'oiseaux tournoyant haut dans le ciel ou d'ombres furtives glissant entre les rochers.
Les nuits, elles, apportaient un froid mordant. Les étoiles brillaient comme des diamants dans un ciel d'encre, et leur éclat semblait à la fois réconfortant et lointain. Les feux de camp étaient rares, par peur d'attirer l'attention des ennemis. Ils se contentaient de se blottir dans leurs manteaux, écoutant les craquements de la nuit et guettant d'éventuels bruits suspects.
La traversée de l'Eriador rappelait à chacun que la Terre du Milieu était vaste, magnifique, mais aussi terrifiante dans son immensité et ses mystères. Une beauté âpre qui s'accompagnait d'une vigilance constante, car chaque bosquet ou sommet pouvait dissimuler un danger tapi dans l'ombre.
Le vent, plus froid et plus incisif à mesure qu'ils progressaient sur les hauteurs, frappait le flanc de la falaise où la Communauté de l'Anneau avait trouvé un endroit étroit mais sûr pour se reposer. Le précipice, à seulement quelques mètres de là, dévoilait une vue vertigineuse sur une vallée brumeuse en contrebas. Les parois rocheuses autour d'eux formaient un abri partiel contre les rafales, et la lumière pâle de l'après-midi peignait des ombres longues sur la pierre grise.
Chacun dans le groupe semblait absorbé par ses occupations, cherchant à oublier l'inconfort et le danger. Boromir, toujours plein d'énergie, avait pris sur lui de donner une leçon de combat à Merry et Pippin, leur apprenant à manier leurs petites épées.
– Allez, suivez mon mouvement ! dit-il en se plaçant face aux hobbits. Bloquez, puis ripostez. Voilà, comme ça !
Les deux hobbits s'appliquaient, mais leurs mouvements restaient maladroits. Merry faillit trébucher sur un caillou, tandis que Pippin s'emmêlait les jambes dans une tentative de feinte. Aragorn, appuyé nonchalamment contre une roche, regardait la scène en fumant sa pipe.
– Bougez vos pieds, dit-il calmement, l'air amusé. Ne laissez pas votre épée vous contrôler.
À quelques pas de là, Azraël était resté silencieux, les bras croisés, adossé à une colonne de pierre naturelle qui semblait avoir résisté à l'érosion des siècles. Ses yeux perçaient, émeraudes vifs, observant les gestes de Boromir avec une intensité inhabituelle. Il étudiait chacun de ses mouvements comme pour les mémoriser, bien qu'il n'intervienne pas.
Finalement, il se détacha de sa position et alla s'installer sur une large pierre isolée à proximité du flanc de la falaise. Il s'allongea lentement, posant une main derrière sa tête, tandis que l'autre reposait sur le pommeau d'Excalibur. Il ferma les yeux, mais son esprit était bien trop agité pour trouver le repos.
Depuis leur départ de Foncombe, les nuits courtes et les dangers constants rendaient difficile tout contact prolongé avec l'entité qui partageait son âme. Il avait des questions qui le brûlaient, mais aucune opportunité pour trouver des réponses. Cela le rongeait. Cette absence de progression le rendait presque aussi nerveux que la méfiance implicite de certains membres du groupe.
Plus loin, Gandalf, assis sur un rocher un peu en hauteur, semblait réfléchir en silence, son bâton posé à côté de lui. Sam préparait un repas simple à l'aide d'une petite marmite, son attention divisée entre les provisions et son maître. Frodon, assis à côté de lui, regardait l'horizon, ses traits tendus par le poids de sa mission.
Boromir éclata soudain de rire en feignant d'être désarmé par un coup maladroit mais chanceux de Merry.
– Bravo, petit ! Mais ne baisse pas ta garde si vite, tu n'auras pas toujours un adversaire aussi indulgent, dit-il avec un sourire malicieux.
Aragorn secoua doucement la tête en soufflant un nuage de fumée. Azraël ouvrit un œil, observant la scène avec un mélange d'amusement et de lassitude, avant de murmurer pour lui-même :
– Si seulement c'était toujours aussi simple.
Un peu plus loin derrière, Gandalf et Gimli échangeaient à voix basse, bien que leur ton devienne parfois plus animé. Legolas, toujours vigilant, restait silencieux à proximité, surveillant les environs d'un regard perçant.
– Si vous me demandiez mon avis, grommela Gimli, s'arrêtant brusquement devant Gandalf, bien que ce ne soit pas le cas, je dirais que nous empruntons le chemin le plus long !
Il tapota sa hache d'une main ferme, ses sourcils broussailleux froncés dans une expression de mécontentement.
Gandalf leva un sourcil et tira calmement sur sa pipe, ses yeux scrutant un point imaginaire dans la vallée en contrebas. Après un moment, il détourna le regard de Gimli et expira un nuage de fumée qui se dissipa dans le vent froid.
– Gandalf, dit Gimli en croisant les bras avec une détermination farouche, nous pourrions passer par les mines de la Moria.
À l'entente de ces mots, le visage du vieux magicien changea imperceptiblement. Une ombre passa dans son regard, et il se redressa légèrement.
– Mon cousin Balin, continua Gimli avec un ton légèrement orgueilleux, nous accueillerait royalement.
Gandalf serra les lèvres, son expression devenant grave, presque dure.
– Non, Gimli, répondit-il, sa voix rauque mais ferme. Je n'emprunterai la route de la Moria que si je n'ai pas d'autre choix.
Ses mots tombèrent comme un avertissement, empreints d'un poids que seul lui semblait porter. Gimli, un instant décontenancé, ouvrit la bouche pour répliquer mais se ravisa, captant l'intensité dans le regard de Gandalf.
Legolas se détourna de la conversation, sa silhouette élancée se mouvant avec une grâce silencieuse. Il avança de quelques pas et se hissa sur un rocher, prenant de la hauteur. Ses bottes effleurèrent la pierre rugueuse sans un bruit tandis que ses yeux perçants d'elfe scrutaient l'horizon. Là, dans le ciel, une forme grise approchait, semblable à un nuage mouvant. Mais quelque chose clochait.
De l'autre côté du campement, Boromir donnait un coup d'épée amical mais précis sur la main de Pippin, désarmant le hobbit.
— Ah ! Désolé ! s'exclama-t-il en souriant.
Il n'eut cependant pas le temps de réagir davantage : dans un élan soudain, Pippin lui asséna un coup de pied dans le tibia, profitant de son déséquilibre pour, avec l'aide de Merry, le plaquer au sol. Les deux hobbits riaient aux éclats, fiers de leur manœuvre.
— Pour la Comté ! s'exclamèrent-ils en chœur.
Aragorn, appuyé sur une pierre, tira sur sa pipe, amusé par la scène. Un sourire discret effleura également les lèvres d'Azraël qui s'était relevé précipitamment au premier cri de Boromir. Ce moment de légèreté fut cependant de courte durée.
Un peu plus loin, Frodon et Sam avaient remarqué le mouvement soudain de Legolas, ainsi que de Gandalf et Gimli, désormais tournés vers le ciel. Ils suivirent leurs regards et aperçurent alors la masse sombre qui avançait vers eux.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda Sam en plissant les yeux.
— C'est rien, ce n'est qu'un p'tit nuage, déclara Gimli d'un ton désinvolte.
Les autres, alertés par le changement d'attitude, s'étaient levés ou retournés vers l'horizon. Boromir, tenant encore Merry contre lui, s'approcha d'Aragorn.
— Qui avance bien trop vite, dit-il prudemment.
— Et contre le vent, ajouta Azraël, qui venait de sauter sur une pierre près de Sam pour mieux observer.
Un silence tendu s'installa. Puis Legolas contracta la mâchoire et lâcha d'une voix grave :
— Des Crébains du Pays de Dun !
Aragorn réagit immédiatement.
— Cachez-vous ! lança-t-il en saisissant son épée laissée à terre.
Boromir repoussa Merry et Pippin vers Frodon et Sam, tandis qu'Azraël attrapait leurs capes pour les frotter rapidement contre la poussière, avant de les jeter sur eux. Tous se dispersèrent, se cachant sous des rochers ou dans de légers creux naturels.
Azraël, lui, n'eut qu'une fraction de seconde pour réagir. Il bondit en arrière, puis se laissa tomber sur le flanc de la falaise, plantant son couteau dans la paroi pour ralentir sa chute. Ses muscles se contractèrent sous l'effort, son souffle était court, mais maîtrisé. Il sentit aussitôt ses bottes heurter une étroite corniche, à peine assez large pour y poser l'avant du pied.
Là, suspendu dans le vide, il se colla contre la pierre froide et rugueuse, rabattant sa cape sombre autour de lui. Il s'efforça de ralentir sa respiration, d'apaiser les battements frénétiques de son cœur.
Au-dessus de lui, le bruissement des ailes se fit plus distinct. Une ombre passa furtivement sur la roche, puis une autre. Ils arrivaient. Il osa lever légèrement la tête.
Les Crébains tournaient au-dessus du campement, une nuée noire et sinistre. Leurs silhouettes contrastaient avec le ciel grisâtre du matin, leurs cris rauques résonnant dans le silence oppressant. Ils balayaient la zone de leurs yeux perçants, cherchant tout mouvement suspect. Azraël resta parfaitement immobile, chaque muscle tendu comme un arc prêt à se rompre.
La prise de son couteau dans la pierre était précaire, et il le savait. Ses doigts glissèrent légèrement sous l'effet de la sueur qui perlait sur sa paume. Sous ses pieds, une racine tordue dépassait du roc, un fragile soutien auquel il n'osait accorder qu'une confiance limitée.
Les secondes s'étirèrent, semblables à une éternité.
Puis, après de longs instants d'attente insupportable, un cri perçant fendit l'air. Un battement d'ailes plus puissant. Les Crébains prirent de la hauteur, décrivant un dernier cercle menaçant avant de s'éloigner à toute vitesse vers l'est.
Le silence était revenu. Les battements d'ailes s'étaient éloignés peu à peu, jusqu'à ne devenir qu'un murmure indistinct dans le vent. Pourtant, la Communauté resta figée un instant de plus, comme si le simple fait de bouger pouvait soudainement ramener les Crébains sur eux.
Puis enfin, Gandalf se redressa lentement, secouant un peu sa robe pour en chasser la poussière.
— Bien, grogna-t-il. Nous avons eu de la chance cette fois-ci.
— Si on peut appeler ça de la chance, maugréa Gimli en époussetant sa barbe.
Lentement, les autres commencèrent à émerger de leurs cachettes, s'étirant ou vérifiant leurs affaires. Merry et Pippin échangeaient des regards complices, fiers d'avoir échappé à la menace, tandis que Legolas scrutait toujours l'horizon d'un air préoccupé.
Mais Sam, lui, restait immobile, serrant dans sa main un fourreau vide. Un pressentiment mauvais lui tordait l'estomac.
— Vous croyez qu'il est…
Il ne finit pas sa phrase. Il n'osait pas. Parce que si jamais il prononçait ces mots, ils risquaient de devenir vrais.
Boromir, jusque-là silencieux, s'avança prudemment. Son regard suivit celui de Sam jusqu'au bord de la falaise. Il fronça les sourcils. Il avait vu Azraël se jeter sur les Hobbits pour les mettre à l'abri, et ensuite… ensuite, il avait disparu. Juste avant que les oiseaux n'arrivent.
Aragorn s'approcha à son tour, posant une main sur l'épaule du Gondorien.
— Tu l'as vu ?
— Il s'est jeté de la falaise, répondit Boromir d'un ton grave.
Pippin, qui venait d'entendre cela, ouvrit de grands yeux horrifiés.
— Quoi ?! Mais il n'était pas si désespéré que ça !
— Ce n'est pas ce qu'il veut dire, Pippin, le corrigea Merry.
— Alors qu'est-ce qu'il veut dire ?!
Avant que Boromir ne puisse répondre, un bruissement soudain fendit l'air.
Puis, une cape noire et une épée vinrent s'écraser contre lui.
— Qu'est-ce que… ?!
Aragorn attrapa de justesse l'épée dans son fourreau avant qu'elle ne glisse sur la pierre. Tous les regards se tournèrent instinctivement vers la source de ce projectile impromptu.
Une voix sarcastique s'éleva aussitôt du vide sous leurs pieds.
— Est-ce qu'au lieu de vous regarder bêtement, vous pourriez me filer un coup de main ? Parce que si j'essaye de remonter seul, j'ai une chance sur deux de finir en pulpe au fond du ravin.
Boromir, toujours un peu sous le choc, s'avança vivement et se pencha au-dessus du précipice. Son regard croisa celui d'Azraël, qui était suspendu dans le vide. Son couteau profondément enfoncé dans la roche était sa seule véritable prise, et son autre main crispée sur une racine à l'apparence plus que douteuse.
— Comment tu fais pour parler aussi calmement ?! s'exclama Boromir.
— Oh, je panique intérieurement, mais je me dis que c'est pas très utile, alors autant essayer une autre approche, répondit Azraël avec un sourire en coin.
Aragorn roula des yeux et s'agenouilla aux côtés de Boromir.
— Tiens bon, on va te remonter.
— Ah bah non, j'avais prévu de rester là encore un moment, tiens, juste histoire d'apprécier la vue, répondit Azraël avec un sarcasme non dissimulé.
Boromir grogna.
— Si t'as encore assez de souffle pour faire de l'esprit, c'est que t'es pas si mal là où tu es.
— J'ai aussi assez de souffle pour t'insulter si tu préfères, Boromir.
— Tu veux peut-être que je te lâche dans le vide pour t'apprendre le respect ?
— Ah, parce que tu comptes me lâcher un jour ? J'ai cru comprendre que tu tenais à moi maintenant.
— Oh, par les Valar… souffla Aragorn en secouant la tête. Boromir, attrape son bras.
Le Gondorien ne se fit pas prier. Il attrapa fermement les avant-bras d'Azraël, sentant immédiatement à quel point l'homme était léger. C'était presque déconcertant. D'un effort coordonné avec Aragorn, ils le hissèrent enfin sur la terre ferme.
Azraël roula souplement sur le sol, prenant quelques secondes pour retrouver son souffle avant de se redresser et de s'épousseter.
— Alors ? Pas trop difficile ?
— Tais-toi, grogna Boromir.
— Sérieusement, je suis impressionné. Tu as des bras d'acier sous cette armure.
— Je vais finir par te jeter moi-même dans le vide si tu continues.
— C'est noté, je prends des notes, répondit Azraël en hochant la tête avec sérieux.
Merry et Pippin regardaient la scène avec fascination.
— Il est plus insupportable que nous, remarqua Merry.
— Je suis impressionné, ajouta Pippin.
Sam, lui, s'approcha et tendit le fourreau du couteau à Azraël avec une mine soulagée.
— Tenez, vous avez laissé ça derrière vous.
Azraël prit l'objet avec un léger sourire.
— Merci, Sam.
Aragorn, qui observait la scène avec amusement, se redressa et rangea son épée.
— Bien, maintenant que tout le monde est en un seul morceau, nous devrions repartir.
Gandalf acquiesça.
— Ces oiseaux reviendront peut-être avec des renforts. Nous devons nous éloigner d'ici au plus vite.
Tous hochèrent la tête, récupérant leurs affaires pour reprendre la route. Mais alors que Boromir passait à côté d'Azraël, il le regarda un instant, avant de lâcher à voix basse :
— Pourquoi tu as fait ça ?
Azraël tourna la tête vers lui, un sourire amusé au coin des lèvres.
— Fait quoi ?
— Mettre les Hobbits à l'abri en premier. Tu aurais pu te cacher.
Azraël haussa les épaules.
— Instinct. Et puis… je crois que je commence à les apprécier, ces petits monstres.
Boromir le fixa un instant, puis soupira en secouant la tête.
— Tu restes un mystère.
— J'essaie, répondit Azraël en lui donnant une tape sur l'épaule.
Boromir grogna, mais il ne put empêcher un petit sourire d'apparaître sur son visage.
Merry et Pippin échangèrent un regard avant d'éclater de rire. Malgré la tension persistante, la Communauté reprit sa marche avec un peu plus de légèreté.
Aragorn jeta un dernier regard vers Azraël, puis vers Boromir, et secoua discrètement la tête en souriant.
Le voyage avait été long et harassant, et la tension causée par leur récente rencontre avec les Crébains pesait encore sur leurs esprits. Le groupe avait progressé aussi vite que possible, se tenant à couvert dans les zones boisées et évitant les espaces ouverts. La tombée du jour approchait quand Gandalf leur indiqua une zone couverte, un petit renfoncement abrité par de hauts rochers, suffisamment dissimulé pour qu'ils puissent y passer la nuit sans craindre d'être repérés.
Azraël fut l'un des premiers à atteindre le campement improvisé. Il balança sa cape sur le sol avec nonchalance, posa délicatement son épée à côté, puis s'écroula de tout son long sans même prendre la peine d'aménager un coin plus confortable. Son escapade risquée au bord de la falaise avait épuisé ses forces, et maintenant que l'adrénaline avait quitté son corps, il ressentait toute la fatigue accumulée. Il ne prit même pas la peine de se retourner ou d'ajuster sa position ; en quelques instants, il s'était endormi, son souffle régulier contrastant avec la tension encore palpable du reste du groupe.
Aragorn, qui s'affairait à vérifier le périmètre, s'arrêta un instant en le voyant ainsi étalé sur le sol. Il haussa un sourcil avant d'échanger un regard avec Gimli, qui venait d'arriver à son tour.
— Voilà un homme qui sait profiter des rares instants de repos, souffla le nain avec un léger ricanement, croisant les bras sur sa poitrine.
Aragorn esquissa un sourire amusé.
— Ou bien il est simplement à bout. Ce n'est pas tous les jours qu'on joue avec la mort en s'accrochant à une falaise.
Gimli hocha la tête, jetant un regard en direction d'Azraël.
— J'ai vu bien des hommes dans ma vie, mais celui-là est… étrange.
— Tu n'es pas le seul à le penser, admit Aragorn en retournant vers les hobbits, qui commençaient à organiser le camp.
De leur côté, Merry et Pippin, sous l'œil attentif de Boromir, tentaient tant bien que mal d'allumer un feu sans attirer l'attention. Sam, quant à lui, s'occupait des provisions, préparant un repas aussi consistant que possible avec les moyens du bord. Gandalf était assis non loin de là, sa pipe aux lèvres, observant la scène d'un air pensif.
Frodon s'approcha de lui, intrigué.
— Gandalf, penses-tu que les Crébains nous aient repérés ?
Le vieil homme souffla un nuage de fumée avant de répondre :
— Difficile à dire, mon garçon. Mais nous devons supposer que oui et agir en conséquence.
Boromir, qui était en train de couper du bois pour le feu, renifla avec scepticisme.
— Nous avançons en rampant comme des ombres, évitant tout combat, toute route, toute civilisation. À ce rythme, nous mourrons de faim avant d'avoir atteint le Mordor.
Legolas, qui s'était jusqu'alors tenu à l'écart, observant les alentours, intervint d'une voix calme.
— Nous survivrons. Tant que nous restons discrets, nous gardons une chance. Sauron nous cherche, mais il ne sait pas où nous sommes précisément.
— Pas encore, corrigea Aragorn en revenant vers eux. Il s'accroupit près de Boromir et Merry, tendant la main pour récupérer l'un des morceaux de bois. Mais nous devons rester vigilants. Le moindre bruit, la moindre imprudence, et ils sauront où frapper.
Boromir jeta un regard en direction d'Azraël, qui n'avait toujours pas bougé.
— Cet homme… Il a mis les hobbits à l'abri avant lui-même. Je l'ai vu.
Aragorn hocha la tête.
— Il n'est pas aussi imprudent qu'il en a l'air.
Gimli haussa un sourcil.
— Ou alors il est tout simplement fou. Ce qui expliquerait bien des choses.
Cela arracha un rire étouffé à Merry et Pippin, tandis que Sam secouait la tête en soupirant.
— Tout ce que je sais, c'est que je ne voudrais pas être suspendu à une falaise comme lui l'était.
Aragorn se leva et jeta un dernier regard à Azraël. Il se demanda brièvement quel genre d'homme il était vraiment, puis chassa cette pensée. Ils allaient bientôt affronter le Col de Caradhras, et il aurait bien d'autres occasions d'observer la véritable nature de leurs compagnons de route.
Azraël se redressa brusquement, repoussant d'un bras l'importun qui s'amusait à lui tripoter les cheveux. Son souffle était encore rapide, son corps tendu d'un mélange de confusion et d'agacement. Il jeta un regard circulaire autour de lui et poussa un long soupir à fendre l'âme. L'étendue sombre et nébuleuse de son esprit l'entourait à perte de vue, les ténèbres se mouvant doucement, presque vivantes.
Il se tourna vers l'entité, qui l'observait avec une curiosité presque enfantine. Ses yeux — ou plutôt les flammes d'absinthe qui lui servaient d'iris — dansaient d'une lueur espiègle, comme si elle se délectait de sa frustration.
Azraël plissa les yeux et croisa les bras, le détaillant avec suspicion, comme s'il réfléchissait à la meilleure façon de lui faire regretter son existence.
— Écoute, je veux bien qu'on soit, théoriquement, la même personne, mais… ne me tripote pas comme si j'étais un vulgaire chiot, grogna-t-il en agitant une main devant lui.
L'entité baissa légèrement la tête et haussa les épaules, adoptant cette posture faussement blessée qu'Azraël commençait à bien connaître. Comme à chaque fois, il sentit la culpabilité s'infiltrer dans son esprit, subtile et insidieuse. Il roula des yeux.
— Bon, d'accord… J'ai rien dit. Fais ce que tu veux.
Aussitôt, l'autre se redressa et s'approcha joyeusement, son énergie presque contagieuse. Azraël secoua la tête avec un léger sourire avant de s'étirer. Il pensa distraitement qu'un rocher pour s'asseoir serait une bonne idée, et aussitôt, il sentit une surface dure dans son dos.
Il cligna des yeux et tourna la tête. Un rocher venait d'apparaître derrière lui, comme invoqué par sa seule pensée.
L'entité s'arrêta net et tourna lentement son regard enflammé vers lui. L'éclat dans ses yeux s'intensifia, vibrant d'une excitation à peine contenue.
— Oh non… ne me regarde pas comme ça, soupira Azraël. J'imagine que je viens de faire quelque chose de très important, c'est ça ?
L'entité hocha vigoureusement la tête, et Azraël sentit un frisson parcourir son échine. Il ne savait pas encore ce que cela signifiait, mais une chose était sûre : il venait d'accéder à quelque chose qu'il ignorait jusque-là.
Avant qu'il ne puisse poser d'autres questions, l'entité s'approcha encore et saisit doucement ses mains et le fixa dans les yeux de manière encore plus intenses. Azraël arqua un sourcil.
— Une autre énigme ? Sérieusement ? gémit-il en basculant la tête en arrière. Je commence à me demander si ton but ultime n'est pas simplement de me rendre fou…
Il se força à réfléchir, cherchant un lien avec leur précédente conversation. Une phrase lui revint soudainement.
— Attends une seconde… On est dans mon esprit, n'est-ce pas ?
L'entité hocha lentement la tête, les flammes d'absinthe dansant comme si elle souriait.
— Par les Valar… souffla Azraël en se massant les tempes. Tu ne pouvais pas être plus clair la première fois ? Enfin… Non, en fait, connaissant ta manière de fonctionner, je suppose que c'est trop demander.
Il fixa à nouveau l'entité, une pensée naissant dans son esprit.
— Donc… si je veux que tu parles, tu le feras ?
L'autre sembla réfléchir, avant d'incliner la tête d'un air incertain.
— Génial. Ni toi ni moi ne savons si c'est possible. Et vu comment ce monde fonctionne, si je me plante en essayant, je risque de provoquer quelque chose de complètement aléatoire, c'est ça ?
L'entité haussa les épaules avant d'hocher un petit peu la tête.
— Formidable… marmonna Azraël. On y va encore plus à l'aveugle que depuis le début.
Il se renfrogna légèrement, mais au fond, il ne pouvait s'empêcher d'être intrigué. Il avait désormais une piste, une possibilité.
Il planta son regard dans celui de l'entité, déterminé.
— Très bien… Essayons.
Azraël ferma les yeux, prenant une profonde inspiration. Il tenta de faire le vide dans son esprit, d'éloigner toute distraction, tout doute. Il se concentra uniquement sur une pensée simple, un souhait clair et précis : faire parler l'entité.
Le silence s'étira, presque pesant. Il ne se passa rien.
Il se mordit l'intérieur de la joue et recommença, poussant ses pensées plus loin. Cette fois, une image se forma dans l'obscurité de son esprit : un reflet de lui-même. Un double, mais différent. Plus jeune, plus… insouciant ? Non. Pas exactement. Il avait quelque chose d'inquiétant, d'insaisissable.
Ses yeux.
Les flammes d'absinthe qui, d'ordinaire, brillaient d'une intensité étrange, étaient cette fois encore plus vives, plus profondes. Comme si elles renfermaient des secrets anciens et des vérités qu'Azraël n'était pas encore prêt à entendre. Il frissonna malgré lui.
Il continua, encore et encore, repoussant ses limites, creusant dans cette connexion entre eux. Il ignorait combien de temps il s'acharnait ainsi, sa respiration devenant saccadée sous l'effort mental. Le vide l'entourait, froid et insondable, jusqu'à ce qu'il sente soudain une main tapoter doucement son épaule.
Un contact.
Son cœur rata un battement. Il rouvrit brusquement les yeux.
Là, face à lui, se trouvait son propre visage. Mais ce n'était pas un simple reflet. Ce double était bien réel.
Il était presque lui… mais pas tout à fait. Un peu plus jeune, un peu plus fin, un sourire plus large et plus assuré. Pourtant, ce qui captait toute son attention, c'étaient ces yeux. Ces flammes d'absinthe, crépitant d'une intensité presque irréelle.
Azraël sentit son souffle se coincer dans sa gorge.
— …Par les Valar…
L'entité inclina la tête avec amusement, puis ouvrit enfin la bouche.
— Cela fait bientôt deux heures que tu te concentres pour me donner un corps et une voix, dit-elle d'un ton léger, presque taquin.
Sa voix. Elle était semblable à la sienne, mais plus fluide, plus mélodieuse. Comme un murmure porté par le vent.
Azraël déglutit avec difficulté, incapable de détourner les yeux. Il avait réussi.
L'entité leva une main et effleura doucement sa joue, un geste presque tendre.
— Je pense que tu devrais partir pour manger et ensuite te reposer, continua-t-elle. Je te promets de t'expliquer le plus de choses possible la prochaine fois.
Un vertige s'empara de lui. Tout devint soudainement trouble. Le décor vacilla, se brisa en éclats d'ombres mouvantes.
Il chutait.
Dans un silence absolu, il se sentit aspiré dans un vide infini, incapable de se raccrocher à quoi que ce soit. L'entité le regarda disparaître, son sourire énigmatique toujours plaqué sur les lèvres.
Puis tout devint noir.
La Communauté était rassemblée autour d'un feu maigre, dont la lueur vacillante projetait des ombres incertaines sur les visages fatigués. La flamme, bien que modeste, offrait une chaleur bienvenue dans l'air froid qui enveloppait leur campement. Ils avaient trouvé refuge dans une petite dépression du terrain, abritée par d'imposants rochers couverts de mousse et de lierres secs. Plus loin, des arbres dénudés se découpaient en silhouettes fantomatiques sous la lumière des étoiles.
Le silence régnait sur le groupe, brisé seulement par le crépitement du bois consumé et le bruit discret des couverts frappant contre les assiettes en métal. Chacun mangeait en silence, absorbé par ses pensées ou simplement trop épuisé pour converser.
De temps à autre, des regards furtifs étaient lancés en direction d'Azraël, qui dormait toujours un peu à l'écart, le dos tourné au reste du groupe. Son sommeil semblait profond, son souffle régulier, bien que son visage reste partiellement dissimulé sous sa cape sombre. Sa position, pourtant, ne témoignait pas d'un repos véritablement détendu – son corps était recroquevillé sur le côté, comme s'il était prêt à bondir à tout instant.
Quand tout le monde eut fini son repas, Sam jeta un regard inquiet vers l'assiette qu'il avait préparée pour leur dernier compagnon. Il hésita, observant les flammes comme si elles allaient lui fournir une réponse.
— Il va laisser son repas refroidir… marmonna-t-il pour lui-même.
Legolas, qui avait jusque-là observé la scène en silence, se leva avec une grâce fluide et silencieuse. Il s'empara de l'assiette et, sans un mot, se dirigea vers Azraël. Ses pas étaient légers, à peine audibles sur la terre dure et parsemée de petites pierres.
Alors qu'il s'accroupissait pour déposer l'assiette à côté du dormeur, tout bascula en un instant.
Dans un sursaut fulgurant, Azraël se réveilla, ses instincts aiguisés prenant immédiatement le dessus. Son bras jaillit comme un serpent, agrippant fermement le poignet de l'elfe avant même que ce dernier ne puisse réagir pleinement. Dans le même mouvement, il fit pivoter sa hanche et balaya d'un coup sec la cheville de Legolas avec son pied.
L'elfe, pourtant, n'était pas un adversaire ordinaire. Son équilibre naturel et son agilité légendaire lui permirent d'éviter de justesse une chute humiliante. Son autre main se posa légèrement au sol pour absorber le choc, et il pivota avec souplesse, évitant de se retrouver à terre. Malgré cela, le coup d'Azraël l'avait bel et bien pris par surprise.
Le silence qui suivit fut presque palpable.
Azraël, encore embrouillé par son réveil brutal, scrutait Legolas de ses yeux sombres, son souffle rapide. L'espace d'un instant, ses pupilles semblaient presque briller sous la lumière vacillante du feu. Mais très vite, il cligna des yeux, retrouvant ses esprits et relâcha immédiatement la pression sur le poignet de l'elfe.
— … Bordel, grogna-t-il en passant une main sur son visage, encore à moitié dans les brumes du sommeil.
Legolas, quant à lui, ne bougea pas tout de suite. Il observa Azraël avec une curiosité nouvelle, massant légèrement son poignet avant de redresser la tête, l'ombre d'un sourire au coin des lèvres.
— Je vois que tu ne perds pas tes réflexes, même dans ton sommeil, fit-il remarquer d'un ton tranquille.
Azraël roula sur le dos en poussant un long soupir avant de se redresser sur ses coudes, jetant un regard las autour de lui. Il vit alors l'assiette posée non loin et fronça légèrement les sourcils.
— … Tu voulais me nourrir ou m'assassiner dans mon sommeil ?
Legolas arqua un sourcil, croisant les bras devant son torse.
— Je doute que déposer un repas à côté de toi puisse être considéré comme une tentative d'assassinat. Mais si cela t'inquiète, je peux toujours m'assurer que la nourriture n'est pas empoisonnée avant que tu ne la touches.
Azraël esquissa un sourire en coin et se frotta l'arrière du crâne avant de lâcher un rire bref et rauque.
— Non merci, je vais survivre.
Tout autour, la Communauté observait la scène avec un mélange d'amusement et d'exaspération. Aragorn, qui avait suivi l'échange en silence, secoua la tête en soupirant.
— Essaie d'éviter de tuer tes compagnons de voyage, Azraël. Nous avons besoin de toutes nos forces pour la suite du voyage.
Azraël haussa les épaules avant de prendre l'assiette et de commencer à manger avec une nonchalance feinte.
— La prochaine fois, qu'on me réveille normalement ou pas du tout, mais merci quand même pour la nourriture, marmonna-t-il entre deux bouchées.
— Normalement ? s'étonna Merry. Je ne suis pas sûr que tu sois capable d'avoir un réveil normal, vu la façon dont tu dors.
— Je dors très bien, répliqua Azraël en plissant les yeux vers lui.
— Ah bon ? Parce que vu d'ici, on aurait dit que tu te préparais à attaquer un orque dans ton sommeil, plaisanta Pippin en pouffant.
L'ambiance, qui avait été lourde et pesante après leur fuite des Crébains, s'était considérablement détendue. Gandalf, qui observait la scène de loin en tirant paisiblement sur sa pipe, laissa échapper un nuage de fumée avant de murmurer, presque pour lui-même :
— Au moins, la route ne sera pas totalement dénuée de divertissement.
Le vent souffla légèrement sur le campement, faisant crépiter les braises du feu. La nuit serait longue, mais pour un court instant, la Communauté trouva un semblant de légèreté dans la rudesse du voyage.
L'aube étendait une lumière pâle sur les sommets enneigés, peignant le paysage de teintes froides et argentées. Le vent siffla entre les roches, soulevant de légers tourbillons de neige poudreuse autour de la Communauté. Chacun s'affairait à ses derniers préparatifs, ajustant sangles et capes, vérifiant une dernière fois que rien n'avait été oublié.
Azraël, qui avait veillé tard la nuit précédente pour inspecter le périmètre, était l'un des derniers à quitter l'abri rocheux. Il observa d'un œil critique leur ancien refuge avant de grimper lestement sur un rocher. Sans un mot, il poussa une pierre stratégique, déclenchant un éboulement contrôlé.
Un grondement sourd résonna alors que des blocs de pierre se détachaient et roulaient en contrebas, dissimulant les traces de leur passage sous une couche chaotique de roches et de neige.
— Comme ça, ils auront encore moins de raisons de penser qu'on a été là, déclara-t-il en sautant agilement sur le sol.
Aragorn hocha la tête en signe d'approbation, et le groupe reprit la route en direction du Col de Caradhras.
Le sentier s'élevait progressivement, et la neige devint de plus en plus profonde à mesure qu'ils grimpaient. Chaque pas était une lutte contre la mollesse du sol glissant, et le soleil, haut dans le ciel, se reflétait impitoyablement sur l'immense étendue blanche, éblouissant les voyageurs.
— Par tous les diables… râla Gimli en plissant les yeux sous ses épais sourcils. On ne voit rien avec toute cette réverbération !
— C'est bien la première fois qu'un nain se plaint de trop de lumière, fit remarquer Legolas avec un sourire en coin.
Gimli renifla bruyamment mais ne répondit pas, préférant concentrer son énergie sur la tâche ardue de ne pas s'enfoncer jusqu'aux genoux à chaque pas.
Frodon, qui marchait prudemment à quelques pas devant Aragorn, perdit soudain pied. Son équilibre trahi par une plaque de neige trop glissante, il chuta en avant et roula sur quelques mètres avant de heurter les jambes du rôdeur.
— Doucement, jeune hobbit, dit Aragorn en s'accroupissant pour l'aider à se relever.
Il tapota la cape du semi-homme pour en faire tomber la neige, tandis que Frodon lui-même s'occupait de secouer les flocons accrochés à sa veste. Mais à ce moment-là, son cœur se serra.
L'anneau.
Sa main se porta aussitôt à sa poitrine, tâtant l'étoffe de son haut avec une panique grandissante. Il tira légèrement sur le col pour vérifier, mais la chaîne n'était plus là.
Son souffle se coupa lorsqu'il aperçut l'anneau au sol, à quelques pas de lui, scintillant d'un éclat trompeusement inoffensif sur le manteau blanc de neige.
Avant qu'il ne puisse réagir, Boromir s'était déjà avancé.
Le Gondorien s'accroupit lentement, ses doigts s'enroulant autour de la fine chaîne qui retenait le bijou maudit. Lorsqu'il se redressa, l'anneau pendait à quelques centimètres de ses yeux, captant la lumière du soleil et la reflétant en éclats dorés sur son visage.
Un silence pesant s'abattit sur la Communauté.
Azraël, qui s'était retourné en entendant la chute de Frodon, vit la scène et son regard s'assombrit instantanément. Ses doigts glissèrent instinctivement jusqu'au pommeau de son épée, une tension soudaine raidissant ses épaules.
Boromir fixait l'anneau avec une fascination grandissante. Ses traits s'étaient durcis, son expression oscillant entre l'émerveillement et un désir trouble, à peine contenu.
— Boromir ? appela prudemment Aragorn, brisant le silence de sa voix grave.
L'homme du Gondor cligna des yeux, comme s'il sortait d'un rêve, mais il ne lâcha pas l'anneau pour autant.
— C'est une étrange fatalité… murmura-t-il. Que nous devions éprouver tant de peurs et de doutes… pour une si petite chose.
Il fit un pas en arrière, ses doigts se refermant légèrement sur la chaîne.
Ce fut l'instant qu'Azraël choisit pour agir.
Dans un mouvement aussi rapide que précis, il dégaina son épée et fit claquer la pointe de la lame contre l'anneau, envoyant une légère vibration dans l'air. Avec une habileté maîtrisée, il effectua un geste précis du poignet et décrocha la chaîne des mains de Boromir.
L'anneau retomba dans la neige avec un son presque insignifiant, mais le contact entre Excalibur et le métal maudit ne passa pas inaperçu.
Une onde de frissons parcourut le corps d'Azraël.
Il se figea, son souffle se coupant un instant alors qu'une douleur sourde s'infiltrait dans son crâne. C'était fugace, mais puissant. Comme si une force invisible avait tenté de l'agripper, d'explorer ses pensées, de le sonder jusqu'au plus profond de son âme.
Son expression ne trahit rien, seul un léger tic à la mâchoire témoigna du malaise qui l'avait traversé.
L'anneau, désormais plus proche de Frodon, scintillait innocemment dans la neige.
Boromir, quant à lui, semblait troublé, comme s'il réalisait seulement maintenant ce qu'il venait de faire. Il détourna les yeux, la tension retombant légèrement, mais le malaise demeurait.
Aragorn posa une main ferme sur l'épaule du Gondorien, un regard à la fois sévère et compatissant dans ses prunelles grises.
— Ne laisse pas l'anneau te séduire, avertit-il doucement.
Boromir ouvrit la bouche comme pour protester, puis se ravisa. Il hocha lentement la tête, mais son expression disait qu'il n'était pas totalement certain de pouvoir s'en détourner aussi facilement.
Azraël, toujours en retrait, resserra légèrement sa prise sur son épée avant de la rengainer, préférant ne rien ajouter. Il savait déjà que cela ne servirait à rien.
Frodon, tremblant légèrement, s'empressa de récupérer l'anneau et de le remettre autour de son cou, le dissimulant sous sa tunique.
Un silence lourd plana quelques instants sur le groupe. Puis, Gimli grogna en tapotant la neige sur son armure.
— Voilà une bien belle perte de temps, grommela-t-il. Continuons avant que cette maudite tempête ne nous engloutisse tous.
Legolas acquiesça en scrutant l'horizon.
— Les nuages s'amoncellent… Nous devrions nous hâter.
Le groupe se remit en route, l'incident semblant clos. Pourtant, Azraël n'avait pas oublié la sensation qu'il avait éprouvée lorsque sa lame avait effleuré l'anneau.
Le vent hurlait entre les pics acérés des montagnes, soulevant des flocons qui fouettaient les visages des membres de la Communauté. La neige, d'abord une simple gêne, était devenue un ennemi redoutable. Elle tombait en rafales, s'accumulant en lourds monticules, ralentissant leur progression et rendant chaque pas plus difficile que le précédent.
Aragorn et Boromir avançaient en tête, tenant fermement dans leurs bras chacun deux hobbits à moitié ensevelis. La neige leur montait jusqu'aux reins, et ils devaient lutter pour ne pas perdre pied. Derrière eux, Gimli avançait avec la détermination d'un roc, bien qu'il fût presque invisible sous l'épais manteau blanc. Seuls les mouvements de son casque dépassaient encore de temps à autre.
Azraël, quant à lui, faisait de son mieux pour ne pas rester coincé, mais la neige lui arrivait déjà au niveau des côtes, rendant sa progression laborieuse. Chaque pas était une épreuve, chaque inspiration brûlait sa gorge gelée. Il n'avait jamais eu à lutter contre une telle tempête, et pourtant il n'était pas le plus à plaindre.
Seul Legolas marchait sans effort apparent, ses pas légers ne s'enfonçant pas dans la poudreuse. Il progressait avec une aisance presque irréelle, dépassant les autres sans peine. Azraël le regarda avec une pointe de jalousie, bien qu'il n'ait ni le souffle ni l'envie de faire un commentaire.
Soudain, une voix sinistre, portée par le vent, s'éleva au-dessus d'eux.
— J'entends une voix… une voix sinistre dans les airs, déclara Legolas en relevant la tête, ses sens elfiques captant quelque chose que les autres percevaient à peine.
Azraël frissonna. Il avait entendu aussi, un murmure profond, grave, tissé d'un mal ancien. Un frisson non lié au froid lui parcourut l'échine.
Gandalf, en tête du groupe, se redressa immédiatement. Il planta son bâton dans la neige et scruta les hauteurs avec un regard alerte.
— C'est Saroumane ! cria-t-il pour couvrir le vent.
À cet instant, un craquement sinistre résonna à travers la montagne.
Un grondement sourd se fit entendre, répercuté par les parois rocheuses. Le sol sous leurs pieds vibra imperceptiblement avant qu'une série de pierres massives ne commence à se détacher des hauteurs.
— Attention ! hurla Aragorn.
D'énormes rochers dévalèrent la pente, heurtant la neige avec une force terrifiante. Certains blocs étaient assez grands pour écraser un homme d'un seul coup. La Communauté se dispersa dans un chaos relatif, tentant de se protéger du mieux possible.
Azraël plongea sur le côté, roulant dans la neige avant de se plaquer contre un rocher pour éviter un bloc qui passa à quelques centimètres de lui. Gimli esquiva une pierre de justesse en se jetant derrière un amoncellement de neige durcie. Legolas, toujours alerte, sauta agilement hors de la trajectoire d'un rocher, atterrissant en douceur à quelques mètres de là.
Aragorn et Boromir, toujours chargés des hobbits, se contentèrent de se baisser et de prier pour que rien ne les atteigne.
Un souffle de magie fit vibrer l'air.
Gandalf, debout face au vide, sa silhouette battue par la tempête, leva son bâton. Ses lèvres murmurèrent des paroles anciennes, sa voix résonnant comme un écho dans le vent.
Mais Saroumane, du haut de sa tour d'Isengard, contre-attaquait.
Un autre grondement se fit entendre. Puis, dans un éclat aveuglant, un éclair fendit le ciel et vint frapper la falaise juste au-dessus d'eux.
La montagne, en réponse, rugit une dernière fois.
Et tout s'effondra.
Le monde devint un tourbillon blanc.
Un mur de neige se détacha de la pente et déferla sur eux comme une vague monstrueuse.
— Accrochez-vous à la paroi ! hurla Aragorn en se plaquant contre la roche.
Azraël n'eut pas le temps de réfléchir. Il se colla contre le mur glacé et s'y agrippa de toutes ses forces, sentant la pression écrasante de la neige l'envahir. Pendant une seconde, il eut l'impression d'être aspiré, emporté dans un néant gelé.
Puis, tout s'arrêta.
Le silence s'abattit brutalement sur la montagne.
Le premier à émerger fut Legolas. Avec une fluidité presque irréelle, il envoya valser un énorme bloc de neige d'un geste puissant et bondit hors de l'amas blanc, secouant ses cheveux clairs.
Un à un, les autres suivirent.
Gimli émergea en grondant, secouant sa barbe couverte de neige. Aragorn et Boromir, après avoir vérifié que les hobbits étaient toujours en vie, se relevèrent en grognant sous le poids de leurs capes détrempées.
Azraël mit plus de temps. Une sensation oppressante l'enveloppait encore alors qu'il se frayait un chemin vers la surface. Une main puissante le saisit par l'épaule et le tira brusquement hors de la neige. Il leva les yeux vers Boromir, qui hocha simplement la tête avant de s'éloigner.
Le regard d'Azraël dériva vers Gandalf.
Le mage semblait épuisé. Son bâton tremblait légèrement dans sa main, et son visage était marqué par l'effort qu'il venait de fournir pour résister à Saroumane.
Boromir fut le premier à briser le silence.
— Il faut rebrousser chemin. La montagne nous refuse le passage. Passons par la Trouée du Rohan, par l'Ouest.
Aragorn se retourna vivement.
— Non ! La tension dans sa voix était palpable. Cela nous rapprocherait trop d'Isengard… Trop près de Saroumane.
— Alors passons sous la montagne ! intervint Gimli en frappant son poing ganté contre sa paume. Par les Mines de la Moria.
Un silence pesant s'installa.
Gandalf ne répondit pas immédiatement. Son regard se perdit dans le lointain, comme s'il pesait chaque option.
Puis, lentement, il tourna la tête vers Frodon.
— C'est au Porteur de l'Anneau d'en décider.
Tous les regards se posèrent sur le hobbit.
Frodon, tremblant encore de froid, scruta ses compagnons avec une panique visible. Il savait ce que cela signifiait.
Finalement, il inspira profondément et prononça les mots qui scelleraient leur destin.
— Nous passerons… par les Mines.
Un frisson parcourut la Communauté.
L'ombre de la Moria s'étendait déjà sur eux.
Bonjour ou Bonsoir,
Comment allez-vous ? J'espère que ce chapitre vous à plus. Il y a beaucoup d'élément mais c'est normal, je voulait que le prochain chapitre soit baser exclusivement sur les Mines de la Moria.
Merci à toute les personnes qui ont laisser une review. Je vous souhaite une bonne journée ou soirée.
A la prochaine fois.
