La fibre paternelle ?

Assis dans son habituel fauteuil dans le salon près de la cheminée, Nott Senior poussa un soupir d'agacement. Cela faisait au moins une bonne heure que son fils hurlait à pleins poumons. Sa mère n'arrivait pas à le calmer.

-Qu'est-ce qu'il a? Questionna le vieil homme en détachant son regard de la Gazette du Sorcier qu'il était en train de lire.

-Ce sont ses dents qui poussent qui lui font mal…Est-ce que tu peux le prendre un instant? Je vais chercher de quoi le soulager.

Le vieil homme se retrouva subitement avec le nourrisson qui pleurait dans ses bras. Instinctivement, le bébé se saisit d'un de ses doigts pour le fourrer dans sa bouche et apaiser ses gencives douloureuses. Le vieil homme grimaça de dégoût mais le laissa faire. Si c'était le prix à payer pour quelques minutes de paix…

Il fut cependant soulagé quand sa femme revint avec un petit pot d'onguent et une petite chouette en caoutchouc.

-Est-ce que tu peux le tenir le temps que je lui mette l'onguent?

Obéissant, le vieil homme s'installa sur le canapé avec son fils dans les bras, l'empêchant de se tortiller tandis que sa femme appliquait une sorte de pâte sur les gencives du bébé.

-L'apothicaire m'a dit que c'était très efficace…Expliqua-t-elle.

-Je l'espère bien…grogna son mari.

Alors qu'Elyra reprenait Théodore dans ses bras tout en lui donnant la petite chouette en caoutchouc à mordiller, il songea que s'occuper d'un enfant était loin d'être la chose la plus simple du monde. Cependant, il pouvait s'estimer heureux. Le bébé avait fait ses nuits rapidement et pleurait assez peu mais depuis quelques semaines les pleurs s'intensifiaient laissant les jeunes parents désemparés.

Après le dîner, Elyra semblait nerveuse et son mari savait exactement pourquoi.

-Nous avons suivi les recommandations du médecin à la lettre, il n'y a pas de raison pour que ça recommence…tenta-t-il de la rassurer.

-Je sais mais j'ai horreur de le voir souffrir et d'être impuissante.

Le soir venu, alors qu'ils dormaient tous les deux profondément, des pleurs stridents les réveillèrent en sursaut.

-Je t'avais dit que ça allait recommencer…marmonna Elyra en se levant du lit pour aller chercher Theodore qui dormait maintenant dans sa chambre.

Mal réveillé, Nott Senior attendait la suite des évènements qu'il commençait à bien connaître, même un peu trop à son goût. Elyra fut de retour dans la chambre, le bébé se tordant de douleur dans ses bras.

-Les dents le jour et le ventre la nuit…grogna-t-il en voyant sa femme s'installer de nouveau dans le lit en berçant le bébé et en lui murmurant des paroles douces.

Depuis quelques temps, après ses biberons du soir le nourrisson avait de douloureuses coliques qui le faisait hurler à pleins poumons.

Le vieil homme savait ce qui lui restait à faire et à son tour se leva du lit puis sortit de la pièce, jetant au passage un œil à la pendule qui indiquait deux heures du matin.

Lorsqu'il revint avec une bouillotte tiède dans les mains, sa femme semblait avait réussi à apaiser le bébé en lui massant délicatement le ventre. Il tendit la bouillotte à sa femme qui s'en empara et l'appliqua sur l'abdomen du nourrisson.

Le vieil homme fut soulagé quand ces douleurs infantiles cessèrent enfin au bout de quelques semaines.

Théodore était maintenant âgé d'un an et tentait de se mettre debout sous le regard attentif de son père. Le petit garçon fit une première tentative et chuta sur l'épais tapis du salon. Il fit une seconde et troisième tentative et chuta de nouveau. Au bout de la sixième, fatigué, il leva les yeux vers son père qui l'observait et qui lui intima:

-Recommence…

S'agrippant à la petite table en bois qui se trouvait dans le salon, le petit garçon parvint à se mettre debout et à faire trois pas avant de chanceler de nouveau. Il réessaya de nouveau avec pour but de rejoindre son père qui ne faisait rien pour l'aider mais qui commenta simplement:

-Tu es tenace et j'espère que tu garderas ce trait de caractère…

Après une bonne demi-heure, Théodore parvint jusqu'à son père et lui tendit les bras pour qu'il le prenne sur ses genoux. Le vieil homme hésita un instant. Il aimait profondément son fils mais ne voulait pas trop le gâter de peur d'en faire un enfant dépendant et peu autonome, ce que sa femme lui reprochait souvent. Il finit par le prendre sur ses genoux.

Le petit garçon lui offrit un sourire de ses petites dents toutes neuves, ce qui arracha au vieil homme un sourire attendri. Son fils sur ses genoux, il reprit le journal qu'il était en train de lire tout en disant à Théodore:

-Tu sais presque marcher, il va falloir apprendre à parler maintenant…

Plus les mois passaient et plus le caractère du petit garçon s'affirmait. Le vieil homme s'estimait heureux car son fils était doté d'un caractère plutôt facile et se montrait agréable à vivre. Il n'avait jamais fait de caprices pour l'instant comme c'était le cas pour certaines progénitures d'autres familles comme il l'avait entendu dire…

Cependant, une chose l'exaspérait chez Théodore. Le petit garçon était sans arrêt en quête d'affection et ne cessait de le suivre à la trace lorsque Elyra était occupée. Il avait d'ailleurs eu de nombreuses disputes avec sa femme à ce sujet.

-Tu câlines trop cet enfant! Je veux qu'il soit débrouillard et indépendant, ce n'est pas comme ça que tu vas l'aider à l'être…Lui avait-il reproché.

-Et toi tu ne lui donne pas assez d'affection. Tu le repousse sans arrêt quand il vient te voir! Je t'assure que cela ne l'empêchera pas de développer ses qualités, bien au contraire! Il n'a qu'un an et demi!

Le vieil homme poussa un soupir, les marques d'affections étaient loin d'être sa tasse de thé et à vrai dire il n'en voyait pas vraiment l'intérêt.

-Il a sa dose avec toi…répliqua-t-il.

-Oui mais souvent c'est toi qu'il réclame…se radoucit sa femme.

-Je vais y réfléchir…marmonna-t-il en guise de réponse pour avoir la paix.

Un soir alors qu'il lisait tranquillement dans son fauteuil, le petit garçon s'approcha de lui.

-Tu n'es pas déjà au lit? Le questionna-t-il.

En guise de réponse, Théodore lui tendit les bras pour qu'il le prenne. En poussant un soupir, le vieil homme s'exécuta et prit son fils sur ses genoux. Ne sachant que faire, il observa un moment le petit garçon blotti contre sa poitrine, suçant son pouce, en lui caressant distraitement les cheveux. Théodore n'avait qu'un an et demi mais il était le portrait craché de mère avec ses cheveux noirs et ses yeux bleus.

Ainsi, Nott Senior avait pris l'habitude, le soir, avant que le petit garçon n'aille se coucher de le prendre avec lui sur le fauteuil devant la cheminée. Il en profitait pour l'instruire en peu, lui parlant de leurs ancêtres, du monde magique, de Poudlard…

Ce rituel dura deux ans, jusqu'au soir où le vieil homme décréta que son fils âgé de maintenant trois ans était trop vieux pour ce genre de chose. Comme à son habitude, le petit garçon s'approcha de lui pour qu'il le prenne mais se vit brutalement repousser:

-Tu es trop vieux Théodore pour ce genre de chose maintenant…

-Maman dit qu'il n'y a pas d'âge…répondit-il d'une toute petite voix.

-Et bien vas donc voir ta mère! l'envoya-t-il promener.

Le vieil homme lut une grande déception dans les yeux de son fils lorsque celui-ci sorti de la pièce cherchant probablement sa mère.

Lorsqu'il monta à son tour se coucher, il eut la mauvaise surprise de voir que son fils se trouvait dans le lit parental, pleurant à chaude larmes dans les bras de sa mère qui tentait de le consoler du mieux qu'elle le pouvait.

Il jeta un regard éloquent à sa femme lui expliquant silencieusement qu'il était hors de question que le petit garçon vienne dormir avec eux dans leur lit. Elyra se leva, toujours son fils dans les bras et l'emmena dans sa chambre qui se trouvait juste à côté.

-Je crois qu'il faut que nous ayons une discussion…dit-il à sa femme lorsque celle-ci fut de retour.

Celle-ci poussa un soupir et lui dit en pesant ses mots:

-Tu lui as fait beaucoup de peine tout à l'heure…

-Peut-être mais il faut qu'il s'endurcisse un peu, le monde qui l'entoure ne sera pas aussi prévenant avec lui que tu ne l'es. Tu es en train de le rendre bien trop sensible, maintenant il se met à pleurnicher pour un rien! s'exaspéra le vieil homme.

-Sensible, il l'a toujours été, c'est dans sa nature…

-Et bien justement! Je ne veux pas que cela soit un frein plus tard pour lui! D'ailleurs, il marche et parle correctement. C'est le temps d'être intransigeant sur ses manières à table pour qu'il puisse venir avec nous rapidement aux réceptions auxquelles nous sommes invités.

Ne voulant pas contrarier son mari, plus qu'il ne l'était déjà, Elyra hocha la tête. De toute manière, Théodore n'aurait pas le choix que de passer par là. Il était impensable pour son mari que leur fils n'ait pas une éducation irréprochable.