Chers tous,
Je publie aujourd'hui pour vous la première partie de ma nouvelle histoire "L'affaire Philippe Delveau".
J'ambitionnais la publication d'une troisième fanfiction avec celle-ci et "L'homme de la plage", sans compter un récit de Saint-Valentin que j'espère pouvoir vous proposer prochainement. Le planning étant trop serré et le travail de correction trop chronophage, j'ai décidé de me restreindre aux deux longues histoires déjà citées ci-dessus (selon un rythme hebdomadaire). Je garde l'autre pour la fin de l'année 2024.
Quoi qu'il en soit, j'espère que cette nouvelle partie vous plaira. Nos héros font leur apparition à Butler :)
Encore une fois, n'oubliez pas que je n'ai jamais regardé la série diffusée à la télé et que Dean et Sam ont le caractère que je leur ai imaginé, nourri de mes lectures sur ce site mais sans doute un peu différent du canon. J'espère que cela ne vous dérangera pas. Personnellement, ils me plaisent comme ça :)
Avant de vous laisser en leur compagnie, je vous suggère la lecture des quelques notes ci-dessous. Pour les plus pressés, bonne lecture et à dans quinze jours pour la suite !
Bien à vous,
ChatonLakmé
PS : la maison de Castiel telle que je l'ai décrite n'existe pas. Elle est composée de multiples maisons victoriennes que j'ai pu voir sur Internet. Si le coeur vous en dit, je vous invite à faire une rapide recherche d'images dans un moteur de recherche en ligne pour avoir quelques repères visuels. Cela n'engage que votre curiosité :)
Gene Simmons (de son vrai nom Chaim Witz ou Eugene (Gene) Klein) est un bassiste, chanteur, compositeur et acteur, connu pour être un des membres permanents du groupe de hard rock Kiss. Sa langue, longue de 17 cm, est reconnue comme le symbole du groupe.
La Shelby Cobra est une voiture de sport de marque anglo-américaine, produite à mille exemplaires entre 1962 et 1966. Elle est une des voitures de marque américaine les plus chères sur le marché des ventes aux enchères.
Un Historic district (pour Historic districts in the United States) désigne une zone dont les bâtiments, les ressources archéologiques ou autres types de propriétés sont reconnus comme étant d'importance historique ou architecturale. La zone peut être créée par le gouvernement fédéral, étatique ou local. Cette qualification, inscrite au National Registrer of Historic Places quand elle est décidée au niveau fédéral, est purement honorifique. Elle ne contraint pas les propriétaires en termes de travaux si ce n'est au niveau local. En effet, les municipalités protègent leur patrimoine historique en réglementant les modifications, démolitions et autres travaux qui pourraient être fait sur le district.
L'université de Stanford est une université privée située dans la Silicon Valley en Californie. Il s'agit d'un des établissements d'études supérieures les plus prestigieux au monde.
Gatsby le Magnifique est un roman de l'écrivain américain F. Scott Fitzgerald, publié en 1925 et adapté plusieurs fois au cinéma. Le personnage éponyme, mystérieux et qui attire l'attention du narrateur, est réputé pour les fêtes extraordinaires qu'il donne dans sa propriété, à l'image de la démesure des Années folles.
Un Bed & Breakfast désigne un mode d'hébergement en maison d'hôte dans lequel les clients louent une chambre chez l'habitant, parfois avec petit-déjeuner. Le terme s'est étendu à une catégorie d'hôtel de style plutôt familial.
GI Joe est un personnage de soldat décliné en figurine articulée à partir de 1964 par la marque Hasbro. L'univers de jeu s'inspire de l'armée.
La Big Butler Fairgrounds est une des plus grandes fêtes foraines permanentes de l'ouest de la Pennsylvanie. Destinée principalement aux familles, elle rassemble des feux d'artifices, des jeux de fêtes foraines, des derbies de démolition, des concerts et des démonstrations de monster trucks.
Le Powerball est une loterie américaine inter-États créée en 1988 et dont le premier tirage a eu lieu en 1992. Jouée dans quarante-quatre États, elle constitue en un jeu à double bouliers (inédit) et permet des sommes parmi les plus élevées des loteries nationales. En 2020, le record a été d'un gain unique de 2, 04 milliards de dollars, remporté par un ticket unique en Californie.
La tachycardie est un symptôme médical se traduisant par un rythme cardiaque qui peut être rapide ou irrégulier, sans lien avec l'âge ou le niveau d'effort ou d'activité physique du patient. Elle peut être d'originel multifactorielle (alcool, tabac, troubles émotionnels, médicaments, grossesse etc.). Si la plupart du temps, le symptôme est inoffensif, il peut aussi être le signe de troubles cardiaques nécessitant une prise en charge médicale.
Les plantes dites sensitives dont des plantes capables d'une réaction à un stimuli extérieur en réalisant un mouvement. Il s'agit par exemple des feuilles qui se referment sur elles-mêmes quand on les effleure.
L'affaire Philippe Delveau
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Première partie
Butler, Pennsylvanie, jeudi 21 septembre
Un coude nonchalamment appuyé contre la portière et la fenêtre ouverte, Dean fredonne les paroles du vieux tube de rock que crachotent les enceintes un peu grésillantes de l'Impala.
Remontant N Main Street à l'entrée du centre-ville historique de Butler, il arrête souplement la voiture à un feu rouge.
La berline a un imperceptible balancement sur son châssis, presque sensuel.
Le châtain sourit. Il aime ça.
Alors que les accords de guitare de Back in Black de AC/DC débutent, Dean voit un groupe d'adolescents sur le trottoir relever la tête avec intérêt. Un petit blond malingre lui adresse un signe des cornes très enthousiaste en tirant la langue comme Gene Simmons. Le jeune homme éclate de rire. Ce n'est pas le bon musicien, pas même le bon groupe mais il lui répond de la même manière. Dean s'épargne seulement la grimace. Il n'a plus quinze ans et ce qui paraît amusant sur un visage juvénile ne flatte plus vraiment les traits d'un quarantenaire, même jeune et foutrement séduisant.
À côté de lui, Sam baisse le volume de l'antique lecteur de cassettes pour mettre un peu en sourdine la voix de Brian Johnson. Son frère le remarque à peine. Par la fenêtre entrouverte de sa portière, il a relancé l'Impala dans la circulation et continue à faire le signe des cornes à ses jeunes admirateurs.
— « J'adore cette ville ! », s'exclame Dean en posant enfin ses deux mains sur le volant.
— « Nous pouvons encore nous arrêter si tu veux. Tu as peut-être envie de leur proposer de boire un milkshake à la fraise plus tard dans un diner du centre-ville », lui répond Sam d'un ton pince-sans-rire.
Le jeune homme lui donne un coup de coude dans les côtes et le blond ricane. Les yeux rivés sur son portable, il se redresse soudain et pointe un doigt sur leur gauche.
— « Tourne là-bas au prochain embranchement. Nous ne sommes plus très loin. »
Dean obtempère docilement, sa concentration retrouvée. Alors qu'ils s'engagent sur E Brady Street, il roule distraitement des épaules sous son blouson en cuir pour les décontracter un peu.
Sam et lui viennent de la banlieue de Los Angeles où une affaire les retenait encore il y a deux jours. À peine le temps de prendre une douche convenable, de faire une lessive dans une laverie automatique et de dormir comme un mort pendant huit heures. Le châtain conduit depuis plus de neuf heures maintenant, depuis qu'ils ont quitté leur motel minable en Iowa sur la route 44. Il a hâte d'arriver.
L'Impala file toujours sur E Brady Street, Dean tend légèrement le cou pour observer plus attentivement les alentours.
Butler, Pennsylvanie, est une bien jolie petite ville. Bien plus pittoresque que Hesperia et ses pavillons construit dans les années 1980. C'est peut-être à cause de cette physionomie urbaine sans charme et l'ennui qui semble suinter de son centre-ville que cette gamine de vingt ans a jugé bon d'invoquer un démon pour tenter de raviver son histoire d'amour avec son ancien petit-ami. Grave erreur. Un démon des enfers se contrefout de rendre service et crache sur l'amour. Il a par contre un goût immodéré pour le sang, les larmes et le drame.
Hesperia est une ville moche qui cachait des trucs encore plus laids.
Dean regarde avec grand intérêt la devanture d'une tarterie à l'auvent rayé vert et blanc, joliment calligraphié au nom de l'enseigne.
Il claque sa langue contre son palais. Butler est décidément bien plus prometteur.
Rapidement, les commerces cèdent le pas à une zone résidentielle.
Le châtain siffle d'un air appréciateur tandis qu'il contemple les trottoirs. Les maisons individuelles sont cossues, les jardins bien entretenus et parmi elles, le jeune homme remarque des demeures anciennes aux toitures pointues et aux façades ouvragées. Sam marmonne aussi d'un ton admiratif, les yeux rivés sur les façades.
—« Il y avait déjà de beaux immeubles du début du siècle en centre-ville mais ces maisons sont extraordinaires », note-t-il avec un plaisir évident.
Dean ricane.
— « Pendant que je boirai mon milk-shake en débattant des meilleurs groupes de rock de tous les temps, tu voudras peut-être faire une petite visite touristique de Butler, appareil photo en bandoulière et casquette sur le nez », lui dit-il d'un ton nonchalant. « N'oublie pas ton cahier pour prendre des notes et de mettre de la crème solaire sur tes joues. »
Sam l'ignore en reniflant de dédain mais le châtain sourit. Il ressent d'une manière presque physique le contentement de son frère à l'idée de passer quelques jours dans cette belle petite ville d'à peine quinze mille habitants. Peut-être pourront-ils en profiter un peu plus longtemps une fois leur affaire achevée. Dean aime lui faire plaisir et de son point de vue Sam mériterait bien plus encore car il donne beaucoup de lui à chaque fois. Même s'il ne le veut pas vraiment. C'est plus fort que lui, c'est en lui et on ne peut pas lutter contre quelque chose qui fait partie de soi. Le châtain pense se rapprocher de cette sensation quand il se retrouve en tête-à-tête avec une tarte aux cerises. Il est juste moins héroïque que son cadet.
Sam a cessé de marmonner, il s'extasie à présent à haute voix devant une grande bâtisse colorée. L'Impala continue sa route, Dean n'a que le temps d'apercevoir une galerie extérieure ciselée comme une dentelle et une tourelle crânement coiffée d'un petit bulbe.
Il jette un regard au portable de son frère, posé sur ses genoux. L'application d'itinéraire symbolise leur route vers la maison de leur cliente d'un gros trait bleu et le jeune homme se repère rapidement avant de tourner au nord sur leur N Monroe Street. Il ne pensait pas que c'était possible mais après quelques minutes, le quartier devient plus cossu encore, les demeures plus imposantes avec de belles voitures garées dans des allées couvertes de gravier.
Cette fois, c'est lui qui siffle bruyamment de contentement en voyant les courbes sensuelles et luisantes d'une magnifique Shelby Cobra de 1962. Cette voiture coûte plus d'argent qu'il ne pourra en gagner dans toute une vie. Et toutes les autres.
— « Cet endroit est magnifique », souffle Sam en s'agitant sur le siège passager. « Je sais que c'est mal mais je suis vraiment heureux que pour une fois, notre esprit frappeur ne hante pas une maison de banlieue ou un sordide bâtiment officiel. Tu as vu le palais de justice du comté ? On dirait un château. »
— « Ouais, un peu comme celui de Harry Potter », le taquine gentiment Dean en hochant la tête.
— « Tu sais que Butler compte même un Historic district ? », reprend son frère sans noter sa boutade. « Il rassemble près de cent trente édifices et couvre plus de cent ans d'histoire de l'architecture, de 1828 à 1952. C'est très important pour une ville d'à peine plus de dix mille habitants. »
Le châtain acquiesce distraitement, concentré sur l'application et son itinéraire. Il ne peut s'empêcher de sourire. Sam a fait des recherches sur l'histoire de la ville, comme l'élève consciencieux et sage qu'il semble toujours être même s'il a quitté les bancs de Stanford il y a des années. Dean trouve toujours ça touchant et il aime le voir aussi enthousiaste. Aussi vivant. Les ombres qui entourent son frère se dissipent un peu, ses traits s'apaisent et sa peau prend cette couleur dorée dont Mary Winchester dit qu'elle ressemble à du miel. Sam a l'air plus jeune, plus léger et c'est bien. C'est important alors qu'il y a tellement de laideurs dans leur vie.
— « Tu exagères un peu », le contredit-il un peu en revenant à leur conversation. « Nous avons eu cette histoire de poltergeist dans ce charmant pavillon de banlieue en Californie. Il avait une vraie et belle rampe en bois pour l'escalier. »
Sam appuie son menton dans sa paume, son coude sur la portière, et ricane.
— « Tu parles. Il était coincé entre une friche industrielle et le John Wayne Airport-Orange County. La pelouse du jardin était brûlée par le soleil et la cuisine était en formica. Une horreur », grommelle-t-il. «Butler n'a rien à voir avec ça. »
Le blond désigne d'un signe de tête une belle demeure couleur de brique avec des huisseries blanches et des haut pignons qui évoquent vaguement une architecture de chalet à l'européenne. L'ensemble est baroque mais étrangement séduisant. Il a un goût de vieux continent et de riches fortunes à la Gatsby le Magnifique.
Dean est un homme avec une grande imagination, il lui faut peu de choses pour se faire des romans. Il racontait déjà des histoires à Sam quand il était petit garçon pour l'endormir. Elles sont juste devenues un peu plus sombres avec les années et parfois, elles ne finissent pas très bien.
Le châtain se mord légèrement les joues, une petite moue aux lèvres.
— « … Je le reconnais. Mais l'aéroport porte le nom de John Wayne et ça, c'est cool. Et il y avait des palmiers partout. C'était encore plus cool. »
Sam ricane doucement, un sourire aux lèvres. Il lui tape légèrement l'épaule pour attirer son attention et lui montre quelque chose sur sa droite. Le panneau de rue est vert avec une écriture blanche, la police de caractère est banale. Dean trouve ça laid dans un quartier aussi cossu. Une fois, il a vu dans un film qui se déroulait à Paris que les plaques des rues étaient émaillées en bleu et blanc. Ça, ça aurait été mieux pour Butler. Et parfaitement en accord avec l'ambiance un peu européenne de ses rues.
— « Belmont Road, on est arrivé », lui indique son frère. « Nous allons au numéro 375. »
Dean acquiesce, il se souvient. Il contient son envie d'appuyer un peu plus sur la pédale d'accélération alors qu'ils roulent au pas dans une rue pourtant déserte. Enfin, la fin de leur voyage.
Le châtain compte avec soin les chiffres sur les boîtes aux lettres et les maisons. Après quelques minutes, il claque sa langue contre son palais de satisfaction. Belmont Road est une rue interminable.
— « Sam, c'est là », dit-il en désignant une maison sur la gauche.
Il opère un souple demi-tour dans l'allée de garage d'une maison voisine pour se garer dans le bon sens devant le lieu de leur rendez-vous.
Dean coupe le contact, le moteur ronronne une dernière fois avant de se couper. Il sourit et pose le bout de ses doigts sur le volant. Juste une dernière fois avant de sortir de l'Impala. C'est presque une caresse tendre mais que peut-il y faire ? Il adore cette voiture et il n'y a nulle part ailleurs où il se sent plus à sa place que sur le siège au cuir un peu fatigué dont la mousse a pris la forme de son corps avec les années. C'est juste… sentimental.
— « Dean ? On peut y aller ? »
Le châtain sort sur le trottoir. Il s'étire longuement, les bras étendus au-dessus de lui et la tête en arrière avant de grogner de contentement.
— « Bon sang, neuf heures de conduite depuis le Davenport. C'était long », soupire-t-il en pressant sa nuque un peu raide.
— « Notre Bed & Breakfast a des chambres avec baignoire », lui rappelle son frère en haussant un sourcil suggestif.
- « C'est ce que tu as demandé quand tu as réservé ? »
- « Non. Je ne pensais pas que tu aurais besoin de ton petit confort. »
Le châtain roule des yeux. Avec un peu de chance…
Sam ouvre la portière arrière pour récupérer sur la banquette un vieux sac en bandoulière.
— « Si tu acceptais d'équiper ta voiture avec un vrai GPS qui s'actualise tout seul, nous ne nous serions probablement pas trompés de route dans la banlieue de Chicago et nous aurions gagné du temps », lui fait remarquer le blond en passant la lanière à son épaule. « J'ai repéré un panneau indiquant notre hôtel en centre-ville, c'est au moins une chose que nous ne chercherons pas. »
— « Jamais je n'installerai quelque chose d'aussi laid sur le tableau de bord de Baby », proteste-t-il en lui jetant un regard noir. « Il y a de la perfection dans ses lignes parfaitement rectilignes, artistiquement contrebalancées par ses cadrans ronds et – »
— « Oui oui », élude Sam en le bousculant gentiment de l'épaule. « Viens Roméo, ta Juliette mécanique peut vivre sans toi pendant une heure ou deux. »
Le blond lui fait un clin d'œil par-dessus son épaule tandis qu'il remonte la petite allée menant à la maison.
Les mains dans les poches, Dean le suit d'un air un peu bougon. Son regard acéré étudie déjà l'environnement autour d'eux. Il guette le moindre signe, la moindre marque, le moindre… quoi que ce soit. Il observe les plantations devant le perron et les jardinières aux fenêtres pour repérer des plantes propres à la sorcellerie et aux invocations. Le châtain ne voit rien. Dans l'allée menant au garage à double portes il y a un très beau SUV haut de gamme. La pelouse, couverte de jouets d'enfants multicolores, est coupée bien à ras derrière la petite palissade peinte en blanc.
Dean fonce les sourcils.
Les affaires impliquant des tous petits sont toujours difficiles à traiter. Non pas que le jeune homme s'imagine particulièrement avec une famille et fasse une sorte de transfert. Il est juste monstrueux de voir le mal souiller l'innocence.
Le châtain lève les yeux sur la maison.
Elle est charmante. Perron menant à une véranda à demi ouverte, couleur bleu layette et fenêtres aux huisseries blanches. Sur le côté, il remarque une étrange excroissance sur la façade, entièrement vitrée et soutenue par deux poutres solides. Cela fait comme une cabane perchée, remplie de coussins. Il se dit qu'il aurait adoré avoir une chambre pareille quand il était enfant. Même si la maison dans les arbres construite par John quand il avait dix ans est toujours très honorable.
— « Le coin est vraiment sympa », dit-il en tournant la tête autour de lui. « … Et il y a des enfants. »
— « J'ai vu. Joli camion de pompier d'ailleurs. »
La voix de Sam est un peu sombre malgré la boutade et Dean lui pince gentiment les reins. Son frère lui jette un regard reconnaissant par-dessus son épaule. Ils n'aiment pas les affaires avec des enfants. Trop peur d'échouer.
Les deux hommes montent les marches du perron. Sous la véranda ils remarquent des figurines de GI Joe, abandonnées à côté d'une voiture télécommandée.
Dean sourit.
— « Tu te rappelles ? On avait les mêmes quand on était petit. »
— « Ils étaient à toi mais je voulais à tout prix jouer avec alors tu as accepté qu'on se raconte des histoires ensemble et tu as fini par me les donner », acquiesce le blond avec nostalgie.
— « Je suis un frère aîné exceptionnel. » Le jeune homme lui donne une tape vigoureuse dans le dos, faisant grogner son frère car la lanière de son sac tombe sur son épaule. « Aller Sammy, ça va bien se passer. Tu as vu le quartier et le SUV dans l'allée ? Notre cliente a les moyens. »
— « Nous nous faisons rémunérer au forfait, cela n'a rien à voir avec leur niveau de revenus. »
— « Une fois cette affaire finie, nous pourrions peut-être prendre quelques jours de vacances dans le coin. Lake Arthur est à une vingtaine de minutes en voiture, comme la Big Butler Fairgrounds », l'ignore Dean. « Ça pourrait être bien. »
Le blond passe une main dans ses cheveux.
— « … Il y a un remarquable musée d'arts asiatiques dans le centre-ville. Et toutes les maisons anciennes du Historic district », ajoute-t-il doucement.
— « Eh bien nous ferons tes visites avant de faire les miennes, qui ressemblent bien plus à des vacances soit dit en passant », lui répond Dean en roulant des yeux.
Devant la porte, il jette un regard en coin à son reflet dans la fenêtre la plus proche, ajuste sa veste en cuir sur ses épaules et recoiffe ses mèches châtaines du bout des doigts.
— « Tu es ridicule… », marmotte Sam en appuyant sur la sonnette.
— « Mrs Moore avait une jolie voix au téléphone », lui rétorque Dean avec une décontraction parfaitement étudiée.
— « C'est sans doute la même que celle qui a charmé son mari dont le nom est inscrit sur la boîte aux lettres et qui ravit ses enfants quand elle leur raconte des histoires le soir. »
— « Rabat-joie… », grommelle Dean en enfonçant ses mains dans ses poches. « Qui te dit qu'elle n'a pas besoin d'un peu de frisson dans sa vie de femme aisée et mariée ? »
Sam lui jette un regard noir, lourd de menaces auquel le châtain répond d'un sourire charmant. C'est aussi cela qui fait de lui est un frère aîné exceptionnel, il manie la taquinerie fraternelle à un niveau professionnel.
— « Cesse de faire comme si tu étais un tombeur de ces dames. Nous sommes entre nous et je sais que tu préfères les hommes », ricane Sam. « Il ne t'est arrivé qu'une seule fois une histoire et notre cliente t'a habilement persuadé qu'elle était un succube. … Elle t'a quand même séduit comme si tu avais encore quinze ans. Tu es un vrai cœur qui s'ignore, Dean. »
Le blond papillonne exagérément des yeux vers lui. Dean veut s'offusquer bruyamment, avec toute la verve haute en couleur des Winchester qui fait encore grimacer sa mère, quand la porte s'ouvre brusquement devant eux. Un petit garçon aux boucles noires jaillit le perron et heurte les longues jambes de Sam. Le blond le rattrape gentiment par le bras pour le garder debout.
— « Est-ce que tu vas bien ? », lui demande-t-il gentiment. « Tu es très fort, tu m'as presque fait tomber. »
L'enfant le regarde d'un air un peu interdit. Il cligne des yeux, fait aller et venir son regard du bout de ses pieds au sommet de son crâne et cela semble être comme regarder une montagne.
— « Je… Je voulais chercher mes GI Joe. Ils sont juste là, je les ai oubliés et… Maman ! », appelle-t-il soudain. « Maman ! »
Le châtain entend un bruit de pas précipités dans la maison, le parquet qui craque. Sam lâche le bras de l'enfant mais ce dernier, plutôt que de se précipiter sur ses jouets, fait un pas en arrière. Une jeune femme blond cendré, avec un balayage à trois cents dollars, apparaît dans l'embrasure de la porte. Il se jette dans ses jambes, enfouissant son visage dans sa cuisse. Elle fronce les sourcils mais c'est insuffisant pour la rendre laide. Elle a un beau visage et porte un léger maquillage qui met en valeur ses yeux noisette. Vraiment une jolie femme.
— « Bonjour. Est-ce que je peux vous aider ? », leur demande-t-elle d'un ton poli mais méfiant.
Le parquet craque à nouveau, à peine un petit chuintement. Une petite fille se fond presque contre elle, ses petites mains enroulées autour de l'ourlet de son haut. Dean lui sourit mais elle se cache un peu plus contre sa mère.
— « Mrs Moore ? », lui demande-t-il d'un air avenant. « Je m'appelle Sam Winchester et voici mon frère Dean. Vous avez pris contact avec nous il y a quelques jours à propos d'une recherche. Une recherche particulière. »
Son frère est calme mais prudent.
Leurs clients oscillent souvent entre l'espoir de trouver enfin de l'aide, le désespoir d'être trompé par des charlatans et la honte de croire à quelque chose de surnaturel. Parfois, il y a quelque chose qui tient un peu de l'hystérie à leur première rencontre. Des larmes, des cris, de la colère même s'ils ne sont coupables de rien. Une fois, une femme s'est même évanouie devant eux comme si Dean et Sam étaient des représentants du Powerball venus lui remettre le chèque du vainqueur de la loterie.
C'est souvent ainsi que les choses se passent mais à chaque situation, il y a un contre-exemple.
Comme maintenant.
La jeune femme écarquille brusquement les yeux. Sa réserve fond comme neige au soleil. Elle pâlit, ses épaules s'affaissent mais ses doigts se crispent sur le montant de la porte et ses jointures blanchissent.
Dans son regard noisette, il y a quelque chose que les deux frères connaissent bien mais qui les désarçonne un peu par son intensité. L'incrédulité et soudain l'espoir. Brûlant. Dévorant. Absolu.
— « … Vous êtes vraiment venus », souffle-t-elle d'une voix à peine perceptible.
Dean sait qu'il doit être patient car la première prise de contact face-à-face est toujours un moment très particulier mais il fronce les sourcils.
Mrs. Moore avait l'air réellement troublé au téléphone, réellement défaite et démunie. Cela n'avait rien d'un canular mais il y a de remarquables menteurs. Malgré leur expérience, Sam et lui se sont parfois fait avoir. Pourquoi les avoir contactés si elle ne pensait pas les voir un jour devant sa porte ?
Le jeune homme passe une main un peu agacée dans sa nuque.
Bon sang, il a envie de prendre un bain à leur hôtel et de manger une tarte. Voire les deux en même temps.
— « Nous avions bien rendez-vous aujourd'hui, n'est-ce pas ? », lui demande-t-il, à son tour sur la défensive.
Sam lui jette un regard noir pour lui intimer silencieusement de rester calme. Dean prend sur lui et se retient de croiser les bras sur sa poitrine. Il sait que cela fait vraiment mauvais genre pour une première rencontre.
La jeune femme semble soudain revenir à elle. Elle se mord si fort les lèvres que le châtain pense un instant qu'il va voir une goutte de sang y perler mais, aussi rapidement qu'elle s'était effondrée, la blonde se reprend.
— « Excusez-moi, je ne voulais pas être désagréable », dit-elle d'un ton un peu gêné. « C'est juste que c'est tellement… fou. Toute cette histoire est dingue. Et oui, nous avons bien rendez-vous aujourd'hui. Je… » Elle rit d'une voix un peu étranglée et passe une main dans ses longs cheveux blonds pour les rejeter en arrière. « … Je suis désolé, je suis tellement perdue… »
Son regard se voile et Dean s'adoucit.
Ce n'est pas une plaisanterie. Il sait reconnaître la peur, la vraie.
Le châtain sait qu'il se souviendra toute sa vie du visage déformé jusqu'à la laideur de Sam lors de leur première affaire. Sans doute qu'il n'avait pas une autre tête alors qu'ils se tenaient l'un à côté de l'autre, l'un contre l'autre, dans ce trou de verdure sur le campus de Stanford. Avec le temps, le jeune homme a appris. Maintenant, l'appréhension a cédé le pas à ce frémissement que provoque son instinct de chasseur. C'est exactement ce qu'il sent dans ses reins à cet instant, même s'il est à peine perceptible.
— « C'est la raison pour laquelle mon frère et moi sommes venus », reprend gentiment Sam d'une voix apaisante. « Quelle que soit la raison qui vous a poussé à prendre contact avec nous, nous avons vu suffisamment de choses pour pouvoir vous aider. »
La blonde se mord les joues et pianote du bout des doigts sur le chambranle de la porte. Dean voit une alliance ornée d'un diamant briller à son annulaire gauche. Un très beau diamant. Et gros. Il n'est pas un expert en pierres précieuses mais il sait que ce n'est pas un zircon. La belle maison, le gros SUV dans l'allée. Tout ça…
Elle hésite avant de leur adresser un sourire un peu maladroit.
— « … Merci, je suppose », lui répond-elle d'un air gêné. « Et ce n'est pas pour moi, c'est pour… Mon dieu, c'est pour lui. Juste pour lui… »
Alors qu'elle frottait doucement son visage contre sa jambe d'un air câlin, la petite fille sort de son giron.
— « C'est pour Cassie ? », demande-t-elle timidement en regardant sa mère.
— « Oui mon ange », lui répond la blonde avec un sourire.
Un autre frottement sur le parquet et un chien aux oreilles tombantes, au museau pointu et au poil tricolore enfouie sa tête dans la petite main de la fillette. Cette dernière couine doucement de joie et se baisse pour le serrer fort dans ses bras.
Dean devine qu'elle lui murmure des choses à l'oreille et il hausse un sourcil. … Cassie est un beagle ? En voyant l'air mi-figue mi-raisin de son frère, le châtain a envie de rire mais c'est un rire un peu jaune. Il a quand même conduit pendant presque deux pour venir à Butler depuis Los Angeles. Il trouve que les chiens sont sympa mais ce sont des chiens…
— « Entrez », les invite finalement la jeune femme en s'effaçant du passage.
Sam essuie avec soin ses pieds sur le paillasson, Dean le suit après avoir fait de même. Dans l'entrée, le petit garçon les observe avec le même air un peu éberlué et le châtain lui fait un clin d'œil.
— « Sympa le tee-shirt », lui dit-il d'un ton malicieux en regardant l'image de Spider-Man.
Le petit garçon cligne des yeux avant de rougir violemment, Dean étouffe un rire derrière une petite toux pour ne pas le vexer. Il ne s'imagine pas vraiment père mais les enfants, c'est quand même sympa.
Sur les pas de Sam, le jeune homme entre dans la maison, l'œil toujours alerte.
La demeure est aussi plaisante à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Guidés par leurs hôtesses, les deux frères traversent un petit vestibule avant de gagner un grand salon sur la gauche. Le mobilier est de goût, les murs peints de couleurs claires avec des œuvres encadrées et un pan couvert d'un luxueux papier peint à motifs, très épais. Il y a des vases avec des fleurs et des plantes vertes dans de grands pots en céramique. Le soleil filtre à travers les fins voilages de la fenêtre et couvre les surfaces d'une fine poussière d'or. Il sourit. C'est une maison qui sent bon le foyer, avec ses livres pour enfants oubliés sur le canapé et l'odeur de gâteau qui flotte dans l'air. Le frémissement dans ses reins se met doucement en sourdine. Il ne voit pas non plus de tension dans la ligne solide des épaules de son frère. Sam lui adresse un imperceptible signe de la tête qui confirme son impression. Il ne sent rien non plus.
Sur un signe de Mrs Moore, les deux frères s'assoient dans le canapé, devant un gros bouquet de tulipes dans un vase un cristal et les photos de famille disposées sur la table basse. Depuis le seuil du salon, les enfants les observent toujours avec curiosité, serrés autour du beagle.
Dean hausse un sourcil.
Cassie a vraiment une tête sympathique. Quand il croise ses yeux sombres et veloutés, le chien bat vigoureusement de la queue et trottine jusqu'à lui avec intérêt. Le châtain cajole gentiment sa jolie tête fine et intelligente et le gratte derrière les oreilles, le faisant se tortiller d'aise contre lui. Oui, vraiment sympa. Tellement sympa qu'il finit par sauter amicalement sur ses genoux pour lui lécher le visage.
Sam grimace de dégoût mais Dean le remarque à peine.
Dans son enthousiasme, le chien est en train de lui écraser les parties génitales. Comme ses coups de langue, il y met beaucoup d'entrain. Et il est un peu trop gros, comme tous les animaux de compagnie adorés de leurs maîtres. Le gras de l'amour.
— « Finley, doucement… », le gronde leur hôtesse en l'attrapant par le collier pour le faire descendre. « Je suis désolée, il est toujours très enthousiaste quand il rencontre des inconnus. … Vous lui plaisez beaucoup. Est-ce que je peux vous offrir quelque chose ? Un café peut-être ? »
Dean acquiesce en grimaçant légèrement. Il a mal et bien besoin d'un coup de fouet caféiné pour délasser un peu son corps fourbu. Son frère accepte avec un mot de remerciement.
Les deux frères suivent leur hôtesse du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse en direction de la cuisine. Ils écoutent attentivement les petits bruits domestiques qui leur parviennent, ponctués par le bruissement d'une conversation et les couinements du chien.
— « Finley, hein ? », rit le blond en haussant un sourcil.
— « Toi aussi tu as cru que c'était Cassie », lui rétorque Dean en le bousculant vigoureusement. « … Alors Sammy ? Tu sens quelque chose avec tes antennes ? »
— « Arrête de dire ça, je n'ai pas d'antennes paranormales », grommelle son frère en lui jetant un regard noir. « Il n'y a rien dans cette maison. Tu as observé le comportement du chien ? Les animaux sont plus sensibles que nous aux entités et Finley a l'air parfaitement équilibré et sympa. Il ne serait pas venu vers nous sinon, il aurait protégé ses petits maîtres. On voit qu'il les adore. »
Le châtain acquiesce, il pense la même chose. Sam et lui ont même vu des hamsters et des reptiles qui restaient terrés dans leur cage, complètement prostrés parce qu'ils sentaient quelque chose. Le seul comportement étrange du beagle a été la manière dont il a joyeusement piétiné les parties intimes de Dean. On aurait pu croire que cela l'amusait, c'est en tout cas son avis.
Le châtain se retient de se caresser discrètement l'entrejambe pour apaiser la douleur, ça pulse encore désagréablement.
— « Est-ce que ça pourrait être quelque chose d'encore trop faible pour être perceptible ? », tente-t-il en serrant prudemment les poings sur ses genoux. « Les activités des entités ont plusieurs niveaux d'intensité. Cela pourrait être le début. »
Sam réfléchit un instant avant de secouer la tête.
— « Je ne pense pas. Mrs Moore avait l'air vraiment mal quand nous nous sommes parlés au téléphone la première fois. Elle avait peur, exactement comme lorsqu'elle a compris qui nous étions. » Le blond passe une main dans sa nuque. « Il y a quelque chose mais je ne sais pas encore quoi. »
— « Si elle nous consulte pour aider un membre de sa famille sans que le principal intéressé ne soit là, c'est mauvais signe », grimace Dean en se penchant en avant, les coudes sur ses genoux. « Si nous prenons l'affaire, nous devons être soutenus par tous ceux qui sont concernés. »
Le châtain est un peu distrait quand leur hôtesse revient dans le salon, chargée d'un plateau couvert d'un service à café et surtout, d'un plat à cake contenant un carrot cake couvert de crème monté. Le jeune homme s'empresse de lui faire de la place sur la table basse et accepte une part avec un vrai sourire de plaisir. S'il entame le gâteau avec enthousiasme et savoure le goût de l'excellent café, Sam ouvre plutôt son sac pour en sortir un carnet et un stylo.
La jeune femme s'assoie à leur droite dans un large fauteuil. Elle donne un morceau de cake aux enfants qui tournent autour d'eux avec envie, roule une grosse boulette de pâte pour le beagle avant de se servir à son tour. La tasse et l'assiette restent devant elle sur la table basse, aussitôt oubliées. Elle tire un peu nerveusement sur les manches de son haut.
— « Merci de nous accueillir avec autant de gentillesse », lui dit le blond d'un air engageant. « … Est-ce que vous vous sentez prête à nous parler de la raison pour laquelle vous nous avez contactés ? »
Encore hésitante, la blonde caresse gentiment les boucles sombres du petit garçon s'est rapproché pour prendre un morceau de gâteau. Il regarde Dean avec le plus grand intérêt et bombe imperceptiblement le torse quand ce dernier le regarde. Le motif de Spider-Man se tend un peu sur sa maigre poitrine d'enfant.
— « Mon ange, tu veux bien aller jouer dans ta chambre avec ta sœur ? », lui demande-t-elle doucement.
— « On était en train de jouer dans le jardin avec Fin' », boude-t-il un peu.
— « Je préfère que vous alliez dans ta chambre », répète-t-elle. « Je ne vais pas pouvoir être avec vous alors je compte sur toi pour veiller sur Julia. Tu peux faire ça pour moi ? »
L'enfant fronce un peu le nez mais il finit par acquiescer.
Un sourire un coin, Dean le regarde couper deux autres parts de cake, servir sa petite sœur avant de quitter le salon, leurs mains liées et le beagle trottinant sur leurs talons. Oui, vraiment sympa.
Le châtain hésite un instant avant de prendre un autre morceau sous le regard goguenard de son frère.
Mrs Moore ne le remarque pas.
Elle suit les enfants du regard, les écoute monter l'escalier avant de soupirer. Elle remonte familièrement ses genoux pour les ramener contre sa poitrine, emmêle ses doigts et les serre convulsivement entre eux.
Les deux frères lui laissent le temps dont elle a besoin. Ils savent que les premiers mots sont les plus difficiles.
— « … J'ai fait des recherches sur le net. Je suis allée sur des forums, des blogs, des sites spécialisés mais je n'ai lu que des ramassis de conneries, des fantasmes délirants qui faisaient coïncider les extraterrestres, les pyramides d'Égypte et les croix celtiques d'Irlande. J'ai voulu tout arrêter plusieurs fois puis je suis tombée sur ce site, le forum Supernatural », dit-elle en les regardant. « Il était très difficile à trouver et j'ai rencontré des gens moins… qui m'ont semblé plus raisonnables que les autres. Je crois… »
Sam hoche la tête pour l'encourager à continuer. Dean se renfrogne un peu sur le canapé et se venge sur sa part de gâteau d'un vigoureux coup de fourchette.
Internet les documente utilement pendant leurs affaires mais il est un fléau pour ceux qui tentent de trouver des réponses. S'il n'y avait que les mauvaises informations, ils pourraient faire avec. Mais il y a aussi les charlatans, parfois bien intentionnés, et, bien plus néfastes, les escrocs qui monnayent des conseils et des solutions aussi fantaisistes que l'origine supposée des mégalithes en Europe. Satan est forcément à la botte des grands patrons de la bourse de New York pour les aider sinon comment expliquer leurs bénéfices records ? Foutus complotistes.
— « Au fil de mes discussions avec d'autres membres, votre nom est apparu. Quand mon profil a été accepté par les administrateurs du site, je l'ai lu de plus en plus souvent. Je pense qu'on me faisait confiance maintenant que j'étais membre agréé… », poursuit la jeune femme. « Vous êtes tellement difficiles à trouver que j'ai cru en vous, plus que les autres je suppose. Quand un modérateur m'a donné votre numéro de téléphone, je vous ai juste… appelé. »
Les deux frères échangent un regard. C'est cohérent. Et sincère. Ils connaissent aussi ce forum et s'ils n'y vont pas, ils savent que certains de leurs anciens clients comptent parmi ses membres. Supernatural est un peu un groupe de parole et un endroit pour trouver de l'aide. Sa discrétion est sans doute la preuve la plus éclatante de son sérieux.
— « Dean et moi ne sommes pas visibles sur Internet pour protéger notre activité », lui explique Sam en buvant une gorgée de café. « Si vous n'étiez pas sérieuse dans vos intentions, vous auriez abandonné bien avant qu'on ne vous donne le moyen de nous contacter. Ce n'est pas une méthode pour nous faire désirer mais parce que nous voulons aider les gens qui en ont vraiment besoin, vous comprenez ? »
Mrs Moore hoche lentement la tête et se mordille les joues.
— « Je me suis acharnée parce que je sais que cela va mal finir. Je le sens », souffle-t-elle d'une petite voix. « Ça dure depuis des mois mais ces derniers temps, c'est… pire. C'est grave, vous comprenez ? … Il va mourir si personne ne l'aide et je… Bon sang, je dois avoir l'air d'une folle, n'est-ce pas ?
La blonde passe une main dans ses longues mèches. Elle tremble un peu. Dean se redresse contre le dossier du canapé.
— « Ne sous-estimez pas votre intuition. Si quelque chose vous met mal à l'aise, vous devez vous faire confiance », lui dit-il d'une voix ferme et assurée. « Sam et moi sommes là pour vous aider à comprendre mais vous êtes la seule à pouvoir nous aiguiller. Vous savez ce qu'il en est de… tout ça, Mrs. Moore. »
— « Carol s'il vous plaît », le corrige-t-elle rapidement.
La jeune femme se recroqueville un peu sur elle-même et enfouie son visage dans ses genoux remontés.
Le châtain se tait mais il le sent. Ce frisson familier qui renaît dans son ventre et qui le chatouille.
Ils y sont, ils progressent vers le deuxième palier de difficulté. Mettre des mots sur l'indicible ou sur ce qui ressemble à de la folie est aussi un aveu et c'est douloureux.
À côté de lui, Sam ouvre discrètement son carnet et annote la page de droite de quelques mots. C'est le début de son schéma de pensée pour formaliser leurs premières données de leur affaire.
— « Vous nous avez fait venir pour une tierce personne, n'est-ce pas ? », lui demande ce dernier. « C'est elle qui est en danger selon vous ? »
— « C'est Cassie… », acquiesce-t-elle après un court silence. « Castiel est quelqu'un d'extraordinaire, une des meilleures personnes que j'ai jamais rencontrées et le meilleur des voisins. Il a emménagé à Butler il y a environ quatre mois. Nous avons sympathisé et depuis, il habite presque avec nous. Il est presque comme mon petit frère. » Elle rit doucement. « Je crois que ma petite fille a un peu le béguin pour lui, comme la moitié des femmes de Belmont Road. »
Sam écrit quelques mots, fait une flèche avant de mordiller le bout de son crayon.
— « Est-ce qu'il y a quelque chose de particulier à nous dire à propos de sa maison ? »
Carol hausse un sourcil avant de rire. C'est un son léger et frais, franchement amusé aussi et cela semble lui faire du bien.
— « Il habite la maison en face de la nôtre. »
Dean et Sam échangent un regard un peu incertain et la jeune femme rit plus fort. Elle se lève souplement et marche jusqu'à la grande fenêtre avant d'en écarter le rideau.
— « Il habite cette maison-là », appuie-t-elle ses mots à dessein, un sourire malicieux aux lèvres.
Les deux frères la rejoignent avant de se sentir franchement ridicules une fois devant la fenêtre. Dean et Sam ont vu de belles demeures quand ils traversaient Butler mais ils n'ont pas remarqué celle-là. Comment ont-ils pu la manquer ?
Majestueuse. Splendide. Elle est gris anthracite et blanche, à deux étages. Les quelques marches du perron mènent à une large galerie fermée par une balustrade en bois mais le soubassement et les colonnes qui la soutiennent sont en pierre. Au premier étage, il y a un balcon couronné d'une frise délicatement sculptée et dans l'angle gauche, une tour octogonale à deux niveaux. Le dernier étage est orné de larges fenêtres qui montent presque jusqu'au pignon sur la rue. Les façades latérales sont animées de bow-windows. L'ensemble est digne, élégant et étonnamment moderne malgré ses formes anciennes. À l'arrière, Dean devine un jardin qu'il imagine agréable. Elle ressemble à une dame vénérable, assise dans un confortable fauteuil pendant qu'elle contemplerait les alentours d'un air tranquille. Il hoche imperceptiblement la tête. Oui, c'est vraiment une belle demeure et d'un prix dont le châtain n'osera pas formuler le montant à voix haute.
— « C'est une maison victorienne. Une très belle maison », note Sam avec attention.
Carol hoche la tête. Tenant toujours le rideau, elle esquisse un petit sourire.
— « C'est la plus belle de Butler même si celles du centre-ville sont plus décorées. Quand je la regarde, je me sentais toujours apaisée. C'était comme si elle veillait sur toute notre rue », dit-elle lentement. « … Maintenant, elle me met mal à l'aise. »
— « Est-ce que vous connaissez un peu son histoire ? », lui demande Dean en fronçant les sourcils, fouillant le bardage en bois et les fenêtres avec indiscrétion. « Les vieilles maisons peuvent être « habitées ». Le spiritisme était une activité courante dans la haute société et la bourgeoisie du début du siècle. Beaucoup de séances étaient animés par des imposteurs mais dans certains cas, des entités ont pu se manifester et rester attachées au lieu. »
La blonde écarquille les yeux. Le rideau lui échappe et il tombe dans un léger bruissement pour leur cacher la vue. Dean le regrette, il voulait encore observer la demeure. Le voisin doit être une star de cinéma pour habiter un endroit pareil. Ça l'intrigue.
— « … Vous êtes sérieux ? Vous êtes vraiment sérieux ? Ça pourrait être une histoire de… maison hantée ? Une vraie histoire de… ? … Castiel était antiquaire avant de s'installer à Butler », dit-elle d'un ton incrédule.
Dean claque légèrement sa langue contre son palais. CQFD. C'est presque trop facile. Une très vieille maison bourgeoise. Un homme familier des objets d'art anciens. Qui s'est sans doute installé avec sa propre collection. Cela fait un énorme assemblage de coïncidences et un chemin de briques jaunes qui leur montre le chemin à suivre.
Carol retourne s'asseoir dans le salon, suivi par les deux frères.
Sam écrit frénétiquement dans son carnet.
— « Je ne me souviens pas d'avoir jamais entendu quoi que ce soit de morbide à propos de cette maison, nous n'aurions pas acheté en face si cela avait été le cas », reprend-elle, les sourcils froncés par la concentration. « … Je crois que Castiel l'a étudié un peu par intérêt personnel mais je ne peux pas vous en dire plus. »
— « Votre voisin a emménagé il y a quatre mois donc », enchaîne le blond. « Les choses semblaient bien se passer au début alors qu'est-ce qui a changé selon vous ? »
La jeune femme remonte à nouveau ses genoux contre sa poitrine. Elle baisse un instant les yeux sur son café à présent froid, se mordre nerveusement les joues en hésitant. Carole passe une main fébrile dans ses cheveux puis appuie son menton sur ses bras noués devant elle et l'y frotte doucement.
Dean se redresse imperceptiblement, plus attentif que jamais.
Ils y sont. Ils vont rentrer dans le cœur du sujet.
À côté de lui, il sent que Sam fait la même chose, carnet bien calé sur ses genoux et stylo en l'air.
— « Il n'y avait rien au début », reprend-elle lentement. « Castiel allait très bien, il était très actif. Puis il a commencé à être un peu fatigué et à perdre du poids. Il ne voulait pas m'inquiéter alors il me disait qu'il dormait mal mais ce n'était pas ça… Il a progressivement arrêté de faire du sport parce qu'il s'essoufflait trop rapidement alors qu'il accompagnait mon mari chaque semaine pour aller courir. … Il a complètement arrêté il y a environ deux mois. »
— « Parce qu'il était trop fatigué ? », tente le blond.
La jeune femme esquisse un sourire triste et crispé.
— « Pas seulement. Son corps ne le suit plus, il ne le supporte tout simplement plus. » Carol déglutit. « La dernière fois qu'il a fait une sortie, Everett et lui se sont arrêtés au bout de la rue et Castiel ne parvenait même plus à tenir debout. … Il a fait un malaise dans le salon quand mon mari l'a ramené ici pour lui offrir un verre d'eau. »
Sam tapote légèrement du bout de son stylo sur la page annotée tout en hochant la tête.
Dean se penche légèrement vers lui pour lire par-dessus son épaule. Ils ont déjà vu ces symptômes dans d'autres affaires, ils ne sont pas rares. Fatigue, sommeil difficile, malaise, perte de poids a écrit son frère. Plutôt communs dans leurs affaires surnaturelles.
— « Courir à jeun peut tout à fait provoquer un malaise vagal. C'est plus impressionnant que grave, il s'agit juste une baisse de la glycémie », tente-t-il de la réconforter. « Il suffit parfois de quelque chose de très anodin pour avoir une faiblesse. »
— « Je sais ! Je sais tout ça ! », s'exclame Carol en crispant ses doigts dans ses cheveux. « Mais il est resté si longtemps inconscient… Il ne réagissait à rien, il était juste allongé sur le parquet et il était tellement pâle. Nous avons appelé les pompiers et les enfants pleuraient en demandant si Cassie était mort. Finley aboyait comme un fou, c'était… horrible. »
Cette fois, Sam tend une main pour presser gentiment son genou. La hôtesse aussi est très blanche, les lèvres exsangues. Elle le remercie d'un faible sourire. Trop fragile au goût de Dean qui se penche sur la table basse pour lui tendre son assiette intouchée depuis qu'ils se sont installés dans le salon. Il l'invite à manger un peu d'un signe de la tête un peu bourru et la blonde s'exécute lentement, faisant revenir un peu de couleurs sur son visage.
— « Excusez-moi », dit-elle en reposant son assiette à moitié mangée devant elle. « C'est arrivé il y a quelques semaines mais c'est encore très vif dans mon esprit. J'ai eu vraiment peur en le voyant tomber. »
Les deux frères éludent d'un petit signe nonchalant. Elle les remercie d'un sourire un timide et se love à nouveau confortablement dans le large fauteuil.
— « Une santé un peu fragile n'est pas très surprenante chez un homme d'un certain âge », reprend Dean.
— « Castiel a à peine quarante ans », proteste Carol en secouant la tête et sa couronne blonde ondule autour de sa tête. « Je ne m'inquiéterai probablement pas autant si je ne le connaissais pas depuis qu'il s'est installé à Butler mais je sais à quoi il ressemblait avant… tout ça. »
— « Tout ça quoi ? », insiste Sam.
— « Je n'en sais rien ! » La jeune femme lève les yeux au ciel. « Il y a eu tant d'autres choses après son malaise… Il en a fait d'autres et sa santé a continué à se dégrader. Il est toujours pâle, comme anémié, et des cernes gros comme des soutes à bagages sous les yeux. Il maigrit, sa masse musculaire a fondu et il a développé des troubles cardiaques. »
Dean hausse un sourcil. Ça, c'est un peu nouveau dans le schéma symptomatique que Sam et lui connaissent. La blonde opine farouchement.
— « Il va à l'hôpital de Butler depuis des semaines sans succès. Son médecin lui a donné un bouton d'alerte qu'il porte toujours avec lui, attaché à un cordon autour de son cou. » Carol se mord les joues. « … Il a l'air d'un vieux monsieur. »
Le châtain est un peu décontenancé. Ce que leur cliente le rend un peu dubitatif. Une telle dégradation de santé, aussi rapide, est assez inédite pour lui faire se poser quelques questions.
— « Ce médecin lui a conseillé des examens je suppose. »
— « Des tas d'examens. Et des médicaments qui font ressembler la salle de bain de sa chambre a un magasin de bonbons. Cela ne donne rien. »
La jeune femme s'assombrit. Elle s'empare brusquement de son assiette pour achever sa part de gâteau en quelques vigoureuses bouchées.
— « Le seul effet positif a été ce bouton d'alerte que le Dr Lauwers l'a obligé à prendre », reprend-elle en retirant une miette à la commissure de ses lèvres. « … Castiel a pu l'utiliser quand il a fait de la tachycardie un soir seul chez lui. Il a été hospitalisé pendant quatre jours. »
Carol déglutit difficilement, les larmes aux yeux. Tachycardie. C'est grave et donc vraiment mauvais.
Dean essuie ses mains un peu moites sur son jean tandis qu'il jette en coin à son frère. Ce dernier a oublié son carnet sur ses genoux, son stylo manquant de tomber de ses longs doigts.
— « Et à votre connaissance, il n'a jamais eu de problèmes cardiaques », suppose doucement Sam.
— « Vous connaissez énormément de malades du cœur capables de courir un marathon en moins de trois heures ? », lui demande la blonde d'un ton un peu narquois. « Castiel avait une forme olympique. »
Dean calcule rapidement. Cela fait une moyenne de seize kilomètres/heure. Loin des coureurs les plus rapides qui parviennent à finir les quarante-deux kilomètres en deux heures mais c'est quand même très honorable.
Son frère lui jette un regard en coin. Il confirme, c'est mauvais.
Les deux frères gardent un silence prudent. En face d'eux, Carol claque sa langue contre son palais d'agacement avant de sauter en bas de son fauteuil.
— « J'ai quelque chose pour vous », leur dit-elle rapidement.
Elle marche jusqu'à une commode non loin d'eux, ouvre un tiroir et en sort un carnet qu'elle tend immédiatement à Sam. Le cahier est simple, à spirales avec une couverture légèrement cartonnée ornée d'un motif un peu kitsch de licorne.
Dean se rapproche de son frère pour le consulter avec lui.
C'est un agenda, transformé en carnet de suivi médical. Les pages sont renseignées depuis le mois de juillet, les marges remplies d'annotations. Sam le feuillette lentement. Plus les semaines passent, plus les feuilles sont couvertes de remarques. Le nombre de rendez-vous pour des examens médicaux est aussi très impressionnant.
— « Castiel n'est pas au courant que je tiens ce carnet », avoue Carol en se tordant légèrement les mains. « Je l'ai commencé après son malaise dans le salon. Je ne l'espionne pas mais je voulais garder une trace de ses symptômes. J'espérais trouver une récurrence, quelque chose qui aurait pu nous échapper pour expliquer son état. J'ai retranscrit aussi de petites choses de sa vie quotidienne, des repas, des… Tout ce qui pourrait avoir de l'importance. »
Le blond opine lentement tandis que Dean continue à feuilleter encore quelques pages. Il prend des notes mentales de choses que la jeune femme ne leur a pas signalé. Les saignements de nez intempestifs. Le tremblement des mains. Les doigts toujours froids. Entre autres choses.
Le châtain fronce les sourcils.
Une telle accumulation de symptômes en aussi peu de temps, c'est impressionnant. Et c'est vraiment mauvais. Sam tressaute un peu nerveusement de la jambe. Ouais, vraiment vraiment mauvais.
— « Vous n'avez rien remarqué d'autre ? Quelque chose qui sortirait vraiment de l'ordinaire ? », lui demande-t-il.
— « Rien. Les jours passent et c'est toujours la même chose. Castiel sourit et tente de me rassurer mais il est en train de devenir l'ombre de lui-même. Quand je quitte sa maison, j'ai toujours le ventre tordu par l'angoisse. Il me salue depuis le seuil et me dit qu'il a hâte de me revoir, de voir les enfants et Finley mais c'est… »
La jeune femme se mord les joues et regarde nerveusement dans leur direction. Dean l'invite à poursuivre d'un sourire encourageant. Il a refermé le carnet et le garde sur ses genoux, caressant distraitement la couverture de son pouce.
— « C'est comme s'il était entouré d'ombres », avoue-t-elle dans un souffle. « C'est stupide parce que c'est juste que la maison est ancienne et que l'éclairage est particulier mais quand je le vois comme ça, j'ai envie de courir vers lui pour le tirer par la main et l'éloigner. … J'ai l'impression de le laisser en danger. Je sais qu'il est en danger. »
Carol relève brusquement la tête et plante son regard noisette dans le leur d'un air de défi.
— « Il y a quelque chose dans cette maison qui est en train de le dévorer », achève-t-elle soudain avec courage.
Dean jette un regard à Sam qui acquiesce discrètement. Bien. Enfin les mots qu'ils attendaient depuis le début de leur conversation et la raison de leur venue à Butler. Tout a du sens, même les détails les plus infimes et en apparence insignifiants. Dévorer. C'est un terme extrêmement fort. Il a quelque chose d'organique, de primitif et d'instinctif. Et une fois encore, il est question de la maison.
Le châtain se penche pour déposer avec soin le carnet sur la table basse. Il sent le regard de leur hôtesse lui brûler le visage tandis qu'elle tire nerveusement sur une longue mèche et l'enroule autour de son doigt.
— « … Castiel le sait aussi. »
Le jeune homme se cale contre le dossier du canapé et, les jambes écartées, il noue ses mains sur ses genoux avant de plonger son regard dans le sien. Il est à présent temps d'entamer la seconde partie de leur entretien. Passer les impressions, s'intéresser à la victime elle-même.
— « Que pense votre ami de ce qui lui arrive ? », l'interroge-t-il et à côté de lui, Sam reprend son stylo. « Vous dites qu'il sent également que quelque chose ne va pas mais c'est pourtant vous qui nous avez contacté. Il n'est donc pas au courant de votre démarche ou il ne l'approuve pas. »
— « Il pourrait être trop timide pour le faire », lui rétorque la blonde du tac-au-tac.
Dean esquisse un rictus. C'est vrai et ce serait sans doute mignon mais aucun d'entre autour de cet excellent carrot cake n'est dupe. Carol soutient son regard quelques secondes avant de baisser les yeux sur ses genoux.
— « Il ne sait que vous êtes là, ni même que je vous ai appelé pour parler de lui », reconnaît la jeune femme d'un air gêné. « Castiel n'est pas opposé à… tout ça. Il a l'esprit ouvert mais il n'a plus confiance. »
Dean renifle discrètement de mépris. Cela sent la consultation de mauvais sites et la rencontre de mauvaises personnes.
— « Il est pudique sur ce qu'il ressent mais je sais qu'il a peur. Il sait que ce qui lui arrive est anormal et personne ne peut lui expliquer ce qui est en train de lui arriver », souffle-t-elle. « Quand il est rentré de son hospitalisation, il était épuisé et il m'a avoué qu'il avait fait des recherches pour essayer de comprendre. »
— « S'il y a bien un autre fléau que les sites consacrés au surnaturel, ce sont bien ceux qui parlent de maladies », grogne légèrement Sam.
Carol secoue lentement la tête.
- « Ce n'est pas ce que Castiel cherchait. L'hôpital de Butler est petit mais il a de bons médecins et aucun d'entre eux n'a pu poser un diagnostic sur son état. Il a cherché… ailleurs », reprend-elle d'un air sombre. « Il m'a raconté qu'il avait parfois l'impression de sentir comme une présence à côté de lui. Je l'ai indiqué dans le carnet à chaque fois qu'il a eu le courage de m'en parler. »
Le châtain est un peu vexé. Parmi la masse d'informations consignées sur les pages de l'agenda, il n'a pas relevé ce détail à l'importance capitale. La présence. C'est un terme au moins aussi fort que Dévorer.
— « Votre ami a consulté des parapsychologues ou des chasseurs de fantômes », conclue Sam sans méchanceté.
— « Il a été escroqué par des parapsychologues, des chasseurs de fantômes et par beaucoup d'autres spécialistes auto-proclamés », le corrige la jeune femme avec colère. « Je suppose que certains étaient plus sincères que les autres mais Castiel a seulement été profondément déçu. Et à chaque fois qu'ils partaient, il a fait une rechute terrible les jours suivants. Comme si ça se vengeait. »
— « Si cette maison vous met mal à l'aise, avez-vous essayé d'en éloigner votre ami ? », lui demande Sam. « Si la cause est réellement l'habitation et ce qu'il a pu s'y passer, une distanciation physique pourrait être un moyen d'atténuer le mal. Même si ce n'est que temporaire. »
Carol fronce les sourcils et crispe ses doigts autour de ses chevilles. Elle acquiesce lentement.
— « J'invite Castiel à dîner dès que possible et parfois, je lui propose de rester dormir même s'il habite de l'autre côté de la rue. Quand il est rentré de l'hôpital, il a accepté de loger ici pendant quelques jours. Je ne voulais pas qu'il reste seul en cas de rechute et Castiel ne semblait pas avoir très envie de rentrer non plus », souffle-t-elle. « Nous n'y sommes allés qu'une seule fois pour qu'il récupère quelques affaires. Finley était avec nous et il n'a même pas voulu entrer. »
Nouveau regard en coin entre les deux frères. La présence du beagle est une bonne chose quand il ne monte pas sur Dean et lui écrase les testicules. Il serait probablement très intéressant d'observer les réactions de Finley un peu plus tard. Sam le note dans un coin de son carnet.
— « Son séjour ici a eu une incidence sur son état ? », reprend le blond.
— « Nous avions convenu que Castiel resterait une petite semaine parmi nous, il n'a tenu que deux jours », répond Carol en grimaçant. « Je pensais qu'il dormait mieux mais une nuit, je l'ai trouvé dans le salon en train d'observer sa maison par la fenêtre. Il ne m'a même pas entendu quand je me suis approchée et que je l'ai appelé. Castiel était comme figé, il semblait à peine respirer et son regard était si fixe. … Il m'a fait peur. Cassie est rentré chez lui dès le lendemain en me disant qu'il devait rentrer. Pas qu'il le voulait. J'ai encore l'impression d'entendre sa voix, rauque et absente. Je ne suis même pas certaine qu'il me parlait réellement. »
Dean passe une main lourde dans sa nuque avant de la masser du bout des doigts. Oui, tous les mots sont importants. Il reprend le carnet pour le compulser à nouveau.
— « C'était il y a sept semaines, à la fin du mois de juillet », le renseigne la jeune femme.
Le châtain tend le cahier à Sam pour qu'il le lise en même temps que lui. Les annotations des jours suivants sont effrayantes. Ils ne savent pas encore ce dont il s'agit mais cette chose semble réellement s'être vengée sur sa victime. Il y a tellement de symptômes que les notes s'étalent partout sur les pages, occupant le moindre espace libre.
Quand Dean lit que le voisin était incapable de garder la moindre nourriture et avait la peau si pâle qu'on pouvait voir le dessin de ses veines, il sent son ventre se pincer d'inquiétude. Outre le fait que lire ce carnet lui semble soudain très indiscret, cette appréhension élude presque le bourdonnement familier de la chasse qui chauffe normalement doucement ses reins.
— « Castiel a utilisé deux fois son bouton d'alerte la semaine qui a suivi », chuchote Carol d'une voix un peu faible. « Son état s'est un peu stabilisé après avant de recommencer à se dégrader. »
Dean acquiesce lentement. Il donne le carnet à Sam qui note rapidement quelques éléments chronologiques puis ils échangent quelques mots à voix basse. La jeune femme les regarde sans rien ajouter mais elle tressaute nerveusement d'une jambe sur son fauteuil.
— « Est-ce que vous allez l'aider ? », demande-t-elle finalement et sa voix sonne comme fêlée. « … Vous avez noté beaucoup de choses dans votre carnet… »
Sam hoche lentement la tête et lui montre celui à la couverture-licorne d'un geste.
— « Est-ce que nous pouvons conserver celui-ci pendant quelques jours ? », lui répond-il. « Il est riche d'informations et nous avons besoin d'un peu de temps pour l'étudier. Vos informations couvrent plus de deux mois et nous pourrons faire des recoupements avec nos propres observations. »
Carol hésite un instant avant d'acquiescer mais sa réticence est évidente. Dean se penche en avant pour prendre une autre part de carrot cake.
— « Nous ne parlerons pas de ce que vous avez écrit à d'autres personnes. Tout ce que nous ferons restera confidentiel dans le cadre de cette affaire et nous vous le rendrons dès que nous n'en aurons plus l'utilité. C'est une promesse », la rassure-t-il en plantant son regard dans le sien. « Nous avons vraiment besoin de ce que vous avez noté sur votre ami. »
— « C'est comme son carnet de santé. Il y a des choses très intimes sur sa vie… », murmure-t-elle avec gêne.
— « Je sais mais je vous promets que nous ne le montrerons jamais à une tierce personne », répète le châtain avec assurance. « Et il va de soi que nous n'émettrons aucun jugement. Sur quoi que ce soit. »
Dean lui jette un regard entendu. Leur hôtesse ne peut pas savoir tout ce à quoi Sam et lui ont pu être confrontés au cours de leurs enquêtes. Personne ne peut l'imaginer excepté eux. Lutter contre le surnaturel, c'est bien souvent plonger dans l'âme humaine jusque dans ses recoins les plus sombres. L'horreur ne vient pas toujours d'où l'on pense. Quand cela les touche trop, que c'est trop difficile, les deux frères reprennent la route pour retrouver la maison familiale à Lawrence, Kansas. Ils ont chacun un appartement mais rien ne vaut les soirées passées en compagnie de John et Mary Winchester, à compulser les albums photos et à manger des tartes pour oublier. Avant que tout ne recommence.
— « … Je doute que vous trouveriez quoi que ce soit à redire au quotidien de Castiel. Il est l'homme le plus raisonnable et le plus honnête que je connaisse », sourit-elle doucement avant de se mordre les joues. « … Est-ce que je dois quand même continuer à noter ce que je vois ? »
Dean et Sam échangent un regard. Ils n'ont pas besoin de parler pour se comprendre et se mettre d'accord. Ils prennent cette affaire. Le châtain sourit à leur hôtesse qui semble suspendue à leur réponse et secoue lentement la tête.
— « Vous pouvez le faire si cela vous rassure mais à partir de maintenant, Sam et moi allons les observer directement », lui dit-il et il voit son frère hocher la tête à ses côtés.
La jeune femme les observe d'un air interdit. Cela dure une seconde avant qu'un sourire lumineux n'inonde soudain son visage. La ligne crispée de ses épaules s'adoucit, elle déplie ses jambes devant elle et Dean la voit esquisser un geste vers Sam, probablement pour serrer une de ses mains dans les siennes avec reconnaissance.
Il esquisse un sourire en voyant son frère lui répondre d'un air un peu gêné.
Le blond est toujours mal à l'aise quand il perçoit l'espoir de leurs clients. Cela le frappe, littéralement, comme un coup de poing dans le plexus solaire et l'assomme un peu. Sam est comme une grande sensitive qui frémit quand on touche ses feuilles.
Carol hésite puis se rassoit droite sur son fauteuil. Elle crispe ses doigts sur la toile de son jean à défaut de serrer celle du jeune homme.
— « Alors vous restez ? Vous restez vraiment pour lui ? », leur demande-t-elle dans un souffle.
Nouveau regard en coin. Les deux frères hochent la tête en même temps et la blonde se mord les joues, les yeux un peu brillant.
— « Nous restons à condition que votre ami accepte notre présence et notre aide », acquiesce Sam et leur hôtesse grimace un peu. « Nous ne pouvons pas travailler sans lui. Il ne le sait pas encore, mais il détient probablement déjà les réponses. Dean et moi devons juste les trouver. Ce carnet de santé est un excellent début mais nous devons aussi avoir accès aux résultats de ses examens médicaux et nous ne pouvons pas vous demander de les lui voler pour qu'il ne soit pas au courant. Ce serait malhonnête et ce n'est pas ainsi que mon frère et moi travaillons. »
La jeune femme tire sur le bout de ses manches.
— « …Vous êtes vraiment très différents des gens que Castiel a déjà invité à venir le voir », leur dit-elle en esquissant un rictus. « J'ai… envie de vous faire confiance. »
Carol a presque l'air surprise par son aveu et s'excuse d'un sourire maladroit. Sam griffonne encore quelques mots dans son carnet de bord, Dean est déjà passé à autre chose.
— « Nous pensons tous les deux que notre invisibilité sur internet est la meilleure preuve de notre sérieux », lui explique-t-il. « Nous espérons que votre ami pensera la même chose de nous. »
— « … Je ne sais pas si Castiel a encore de l'espoir », avoue la blonde d'un air sombre. « C'est pour cela que j'ai pris l'initiative de vous contacter, je pense qu'il aurait jeté votre numéro en me disant que c'était inutile. Mais ce jour-là, quand je vous ai appelé, je revenais de chez lui. Il avait à peine réussi à se lever du canapé pour me raccompagner jusqu'à sa porte. Je n'ai pas hésité, je ne peux pas me le permettre. Castiel est mon meilleur ami et je ne le veux pas le perdre. »
Sa voix faiblit un peu à ses derniers mots.
Sam est toujours concentré sur son carnet et Dean détourne le regard quand la jeune femme prend un mouchoir dans la boîte cachée sous le plateau de la table basse. Il préfère donner le change en regardant par-dessus l'épaule de son frère. Comme à son habitude, les notes sont parfaitement ordonnées et parfaitement prises, de cette écriture ronde un peu scolaire que Sam a toujours eu. En haut à droite, les premiers détails donnés par leur cliente. À gauche, les quelques éléments de langage que Dean a aussi remarqué. En bas, les symptômes décrits avec une petite frise chronologiques, accompagnés par des schémas dont le châtain ne perçoit pas encore la logique. Sam a toujours été très intelligent et il ne s'agit pas que d'un constat né de sa légitime fierté de frère aîné.
Le blond l'interroge du regard et Dean hausse les épaules.
Non, il n'a pas envie d'aller à leur hôtel et de remettre au lendemain la suite de leur entretien. La baignoire et la tarte peuvent attendre. Le frisson dans ses reins est trop fort, il remonte trop haut le long de son dos. La chasse l'appelle et son instinct est à présent pleinement réveillé.
Sam acquiesce très discrètement, un léger sourire aux lèvres.
La traque commence. Et ils doivent intervenir vite.
En face d'eux, la jeune femme se mouche discrètement.
— « Comment envisagez-vous les choses dans les jours à venir ? », leur demande-t-elle en essuyant une dernière fois ses yeux.
— « Est-ce qu'il serait possible de rencontrer le propriétaire dès maintenant ? », demande Dean à brûle-pourpoint.
— « … Castiel n'est pas au courant de votre venue, j'espérais pouvoir lui en parler avant et organiser une rencontre quand il serait prêt. Ou que je l'aurais au moins prévenu. »
Sam range avec soin les deux cahiers dans sa sacoche avant de la poser sur ses genoux. Il arrange délicatement le rabat dessus et croise sagement ses mains autour.
— « Je pense qu'il ne vous en voudra pas de vous préoccuper de sa santé », la réconforte-t-il gentiment. « Dean et moi pouvons rester sur le trottoir et attendre un signe de votre part si vous le souhaitez. Nous patienterons le temps qu'il faut mais mon frère a raison. Nous devons faire la rencontre de votre ami au plus vite. Votre agenda nous dit que nous n'avons pas de temps à perdre. »
— « Il est chez lui ? », renchérit Dean.
Carol acquiesce lentement avant de jeter un regard à sa montre.
— « Castiel ne sort presque plus, il n'en a plus vraiment la force. … Mon mari ne va pas tarder à rentrer. Si vous avez un peu de patience, nous pouvons attendre son retour et je lui confierai les enfants. Je ne peux pas les laisser seuls et je ne veux pas non plus les emmener avec nous. »
Les frères acquiescent, c'est légitime. Dean se ressert donc une nouvelle fois une part de carrot cake et Sam roule les yeux d'un air vaguement exaspéré.
L'atmosphère est un peu plus légère dans le salon et à l'étage, ils entendent Finley japper joyeusement et les enfants crier de joie. Carol fronce légèrement les sourcils et se lève souplement.
— « Je vais les voir une seconde, je ne serai pas longue », leur explique-t-elle rapidement avant de baisser les yeux sur le gâteau. « Est-ce que vous souhaitez vous resservir une dernière fois ? Je vais emballer le reste pour l'apporter à Cassie, c'est son gâteau préféré. »
Le châtain en a envie, il a toujours envie de manger un dessert, mais cette fois, il considère en avoir assez. Il refuse poliment mais dès que leur hôtesse quitte le salon, il termine la part de Sam. Son frère n'est pas un grand bec sucré.
— « C'est mauvais hein ? », dit Dean en se léchant les doigts avec gourmandise.
Sam emmêle ses doigts sur sa sacoche et fronce les sourcils.
— « C'est très mauvais », le corrige-t-il d'un air entendu. « Il y a tellement de coïncidences qu'on pourrait en faire un cas d'école mais la dégradation de son état de santé est si rapide… Je ne doute pas que les médecins de Butler sont compétents mais j'ai hâte de voir les résultats de ses examens médicaux de mes propres yeux et de le rencontrer pour faire mon propre diagnostic. Tout est… trop. »
C'est un peu décousu mais ça a du sens pour Dean. Il pense exactement la même chose. Trop rapide, trop fort, trop dévorant, trop épuisant, trop tout.
Le châtain repousse son assiette vide sur la table basse.
— « Ouais… La fatigue et le sommeil perturbé, on connaît. Mais c'est la première fois qu'une manifestation altère jusqu'au fonctionnement du cœur et des organes. » Le châtain masse sa nuque du bout des doigts. « Bon sang, ce mec courrait des marathons et maintenant, il fait de la tachycardie Sam… »
— « Ce n'est pas exactement ce que Carol nous a dit », le corrige son cadet avec un sourire. « Tu n'as pas de problèmes cardiaques et tu n'es pas non plus en mesure de courir quarante-deux kilomètres Dean… »
Le châtain lui donne un vigoureux coup de coude dans les côtes et Sam ricane.
Ils sont en train de relire leurs notes quand ils entendent une voiture ralentir devant la maison et s'engager dans l'allée du garage.
Le ronronnement du moteur fait hausser un sourcil appréciateur à Dean.
— « Cette chose en face doit être une vraie saloperie », reprend-il en guettant le bruit dans la rue. « Tu as ta médaille ? »
Sam hoche la tête. Il tire sur la fine chaînette attachée autour de son cou et sort de l'encolure de son vêtement son médaillon en argent. Celui-ci est frappé à l'effigie de saint Michel, l'archange tueur de serpents et éternel combattant des démons. Dean lui montre machinalement la sienne, identique et agrémenté de sa petite croix de baptême en or.
— « Nous les avons faites bénir avant de quitter Hesperia, n'est-ce pas ? », se rappelle-t-il. « Cela devrait suffire pour le premier contact. »
Dean entend le bruit d'une portière que l'on referme puis des pas dans l'allée.
Il se lève souplement du canapé en même temps que Sam alors que Carol descend rapidement, les enfants et Finley sur les talons. La porte est à peine ouverte que ces derniers se jettent sur le nouvel arrivant avec des cris de joie. Le beagle aboie joyeusement et brusquement, la maison est envahie de joie et de chaleur.
Un homme vêtu d'un costume gris à fines rayures, Julia dans les bras, apparaît dans l'embrasure du salon.
Tourné vers sa femme qu'il embrasse tendrement, grattant affectueusement le beagle d'une main, il ne les remarque pas. Le châtain la voit lui murmurer quelques mots à l'oreille et son mari se crispe légèrement. Dean inspire profondément. C'est le moment de faire son plus beau sourire et pour Sam, d'avoir l'air le plus adorablement charmant et inoffensif que possible. Un peu comme Finley qui est en train de se rouler aux pieds du nouvel arrivant.
L'homme dépose lentement sa fille sur le sol avant de se tourner vers eux. Il les salue d'un signe de tête, prudent et réservé. Son costume est définitivement haut de gamme et Mr Moore est indéniablement séduisant. La petite ride de contrariété qui plisse son front et son air sombre ne parviennent pas à le rendre moins attirant. Il semble hésiter un instant puis traverse finalement le salon pour venir à leur rencontre, une main tendue devant lui. Il leur adresse un sourire un peu gêné.
— « Bonjour, Everett Moore », se présente-t-il et Dean s'empresse de le saluer car sa voix est rauque et que cela le rend un peu faible. « Vous êtes là pour Castiel n'est-ce pas ? Ma femme m'a rapidement expliqué… Excusez-moi, je suis plus courtois d'habitude mais toute cette histoire me met un peu mal à l'aise. »
— « Vous n'avez pas à vous expliquer », lui répond gentiment Sam en lui serrant à son tour la main. « Mon frère et moi n'allons pas vous déranger plus longtemps, nous allons rendre visite à votre voisin, votre épouse a accepté de nous accompagner. »
— « C'est bien. » Everett hoche la tête et retire machinalement sa veste de costume. « Faites… ce que vous pouvez pour l'aider. Castiel est quelqu'un de bien et il est très malade. Vraiment très malade. Nos joggings ensemble me manquent. »
Le jeune homme a un sourire un peu nostalgique et Dean se mord les joues. Ce voisin que la blonde leur a présenté comme si solitaire est vraiment très aimé. Il hoche la tête.
— « Ce ne sera peut-être pas aussi rapide que vous l'espérez mais nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour ça. Sam ? »
Le blond passe rapidement la lanière de sa sacoche sur son épaule et acquiesce. Une dernière poignée de mains et ils quittent le salon pour gagner l'entrée. Carol s'empare d'un gilet accroché au porte-manteau de l'entrée et embrasse une nouvelle fois son mari. Ce dernier a posé une main tendre sur sa hanche, il semble au moins aussi inquiet qu'elle et Dean l'entend lui chuchoter d'être prudente, qu'il ne veut pas qu'il lui arrive quoi que ce soit.
Sam est déjà sur le perron et le châtain s'empresse de retenir Finley par le collier quand celui-ci bondit joyeusement devant eux.
— « Fin' a envie d'aller voir Cassie… », marmonne le petit garçon dans les jambes de son père. « Je peux venir aussi ? Cassie aime bien me raconter des choses sur tous les vieux trucs qu'il y a chez lui et j'aime bien l'écouter. Et il adore Fin'. Il m'aime beaucoup aussi. »
— « Et moi aussi ! », s'exclame sa sœur.
Carol sourit tendrement tandis que son mari les tient contre lui. Il remercie Dean d'un sourire quand celui-ci lui amène aussi Finley. Vraiment charmant, son sourire. Et beaux yeux marrons, doux et chauds.
— « Tu ne peux pas le voir maintenant mon grand », lui répond gentiment son père. « Peut-être plus tard. Nous allons l'inviter à dîner à la maison dans la semaine. »
Son épouse acquiesce. Un dernier baiser et elle quitte la maison. Les mains un peu crispées sur le plat à cake, elle descend l'allée puis traverse la rue d'un air sombre.
Sam et Dean la suivent sans mot dire. Ils s'autorisent juste à jeter un dernier regard admiratif à la façade depuis le trottoir avant de monter les marches du perron. Sous la galerie, le châtain contemple aussi l'Impala en coin, juste pour le plaisir. La voiture d'Everett, garée à côté du SUV de sa femme, est une très belle berline. Sa Chevrolet, avec sa longue ligne racée, a quand même de l'allure et ça le rend fier.
Carol sort un jeu de clés de son gilet et ouvre la porte en invitée familière. Elle leur demande de la suivre d'un regard mais sur le seuil, Dean retient un instant son frère par le bras.
— « Sammy. S'il y a quoi que ce soit, que tu te sens mal, tu me promets de sortir de là », dit-il avant de froncer les sourcils. « … Tiens, prends aussi ma médaille et ma croix. Juste au cas où. »
— « Ne sois pas aussi mélodramatique », ricane Sam en retenant son geste. « Garde la tienne et sois juste attentif, comme tu l'es d'habitude. »
— « Toi aussi », lui rétorque Dean d'un ton un peu vexé. « Si ton antenne surnaturelle perçoit quelque chose, dis-le-moi immédiatement. »
Le jeune homme passe une main affectueuse dans les longues mèches claires de son cadet qui proteste et roule des yeux d'un air exaspéré.
Sam se recoiffe d'un geste un peu coquet et le bouscule pour entrer.
Dean le suit en ricanant avec satisfaction.
Rire n'est pas une mauvaise chose quand il s'agit de rencontrer le mal et la laideur.
