Mes petits chats,
Suite de "L'affaire Philippe Delveau" dans laquelle Dean et Sam progressent encore un petit peu dans leur enquête. J'espère qu'elle vous plaira :)
Bonne lecture et à bientôt,
ChatonLakmé
Le National Assessment of Educational Progress (abrégé en NAEP) est un test scolaire national destiné à fournir un état des connaissances des étudiants américains à différents niveaux de leur scolarité. Créé en 1969 et notamment géré par le National Center for Education Statistics (NCES), il évalue principalement les connaissances en mathématiques, en lecture, en sciences et en écriture. Il peut être périodiquement enrichi par l'évaluation d'autres disciplines telle que les arts plastiques ou la géographie.
I Wish (sous-titré I Wish, Faites un vœu dans la version française) est un film d'horreur sorti au cinéma en 2017. Il raconte l'histoire d'une lycéenne à la vie sociale un peu contrariée qui parvient à améliorer son quotidien grâce à une vieille boîte à musique chinoise avant que la magie ne se retourne contre elle. Ce n'est pas un chef d'œuvre cinématographique, vous pouvez sincèrement vous en passer…
A titre tout à fait anecdotique anecdotique, les noms des artisans d'art cités ci-dessous sont bien réels tout comme le modèle de pendule dit "temple de l'Amour" que je trouve, personnellement, assez charmant :)
L'affaire Philippe Delveau
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Neuvième partie
Butler, Pennsylvanie, dimanche 8 octobre
Dean gare souplement l'Impala le long du trottoir devant la maison de Castiel. Dans son rétroviseur intérieur, il voit le break Toyota de Jessica ralentir et se ranger à son tour un peu plus loin dans la rue.
Le châtain retire ses lunettes de soleil, les coince dans l'encolure de son tee-shirt. Il regarde la maison de Carol et fronce les sourcils.
— « Quel air sombre… Je pensais que tu serais ivre de joie de revenir ici », ricane Sam à ses côtés.
— « … Cas nous attend déjà sous le porche. »
— « Réjouis-toi, le plaisir est donc partagé. »
Dean hausse légèrement les épaules, il pianote nerveusement des doigts sur le volant avant de sortir brusquement de l'Impala. La portière claque derrière lui.
Le jeune homme traverse la rue puis remonte l'allée vers le perron. Il sourit à Tom et Julia qui jouent dans l'herbe avec des Lego et flatte gentiment Finley derrière les oreilles. Sa gentillesse est distraite et inquiète le châtain ne voit que Castiel. Ce dernier est assis dans la nacelle en osier sous le porche, les mains sagement liées sur son ventre. Le sac de voyage que Dean a porté pour lui il y a quatre jours est à ses pieds, bien fermé.
Quand il s'est garé sur Belmont Road, le jeune homme est certain d'avoir vu le brun se balancer doucement du bout du pied.
À présent, il est hiératique, le dos trop droit contre le dossier tressé agrémenté de coussins.
Dean monte lentement le perron. Castiel ne le salue pas, il se baisse précipitamment pour s'emparer des lanières de son sac. Le châtain lui adresse un sourire un peu tordu en guise de bonjour. L'impatience qu'il lit dans le regard bleu est moins flatteuse, moins dirigé vers lui.
Castiel a hâte de rentrer chez lui. Avec l'Autre.
Il y a quatre jours, le brun paniquait, agrippé à son blouson. À présent, Dean est certain que même son lit – dont il a comblé Son mot qui ressemble à une malédiction – lui manque. Il a déjà étendu si fort ses liens autour de lui, Castiel n'en a même pas conscience. Le châtain se mord douloureusement les joues.
— « Salut Cas. »
— « Bonjour Dean. »
Le brun le regarde et cligne des yeux avant de sourire. Le jeune homme s'apaise un peu. Ce sourire réel fait juste pour lui, il le connaît bien. Peu importe la manière dont Castiel serre nerveusement ses doigts autour des anses de son sac Dean peut l'ignorer encore un peu. Ou pas.
— « Tu attends depuis longtemps dehors ? », lui demande-t-il d'un air taquin.
— « … Pas beaucoup. Je surveillais Tom et Julia. »
Pieux mensonge. À la manière dont il détourne brièvement le regard, juste une fraction de seconde, Dean sait que Castiel ne lui dit pas la vérité. Il le rejoint sous le porche et passe une main dans sa nuque il peut essayer de faire comme si cela n'avait pas réellement d'importance. Ce n'est pas la faute du brun. Ce dernier se balance inconsciemment d'un pied sur l'autre, comme un enfant qui tente de contenir son excitation une frénésie que démentent ses cernes bleutés et sa pâleur. Castiel a besoin de quitter la maison de Carol, Dean le lit dans la moindre tension de son corps trop mince. Alors, à regret, il prend le sac dans sa main pour le soulager, leurs doigts s'effleurant brièvement sur les anses, et le pose derrière lui sur l'assise de la nacelle. Un court répit.
Le brun jette un regard en coin au bagage avant de relever les yeux sur lui. Dean lui sourit gentiment, d'une manière rassurante. Castiel tire distraitement sur la manche de son polo, enroulant ses longs doigts dans le tissu. Ballet fascinant. Leurs yeux se rencontrent.
— « … Tu as plus de taches de rousseur », remarque-t-il doucement.
— « Tu as un coup de soleil dans le cou et sur les oreilles », lui rétorque Dean du tac-au-tac.
Les deux hommes se jettent un regard en coin avant de rire doucement. Le tressautement nerveux du corps de Castiel s'apaise c'est avec un immense plaisir que de le voir se rasseoir tranquillement sur la nacelle. Plus d'impatience ni d'urgence à rentrer, Dean prend ça comme une victoire.
— « L'après-midi à Lake Arthur semble t'avoir réussi. C'était bien ? », renchérit-il en s'appuyant contre la rambarde.
Le châtain tente de ne pas étouffer de tendresse quand Castiel effleure son front et ses joues d'un geste à la fois gêné et coquet. Le brun lui jette un regard en coin.
— « … Tu sais que je n'ai pas vraiment eu le choix, n'est-ce pas ? »
— « Oui, Sam me l'a dit hier », acquiesce-t-il. « Je n'avais pas non plus envie d'aller la première fois en colonie de vacances à Perry Lake quand j'avais huit ans mais mes parents ne m'ont pas laissé le choix et j'y suis retourné avec bonheur jusqu'à mes dix-huit ans. Je ne me suis jamais autant amusé que pendant les étés passés là-bas. »
— « Passer deux mois au bord d'un lac ne m'aurait pas dérangé non plus, j'adore nager. Les bords Lake Arthur sont moins pittoresques. Everett et Tom voulaient qu'on aille pêcher entre hommes, heureusement il n'y avait plus de matériel à louer. J'ai eu chaud et j'ai encore l'impression de sentir la vase. »
Castiel renifle doucement. Dean hausse un sourcil avant de s'esclaffer affectueusement.
— « Mais tu as passé un bon moment, n'est-ce pas ? »
— « … C'est vrai. J'ai un peu dormi à l'ombre d'un grand sapin, c'était comme faire la sieste dans mon jardin », reconnaît le brun en souriant.
— « C'était comme faire la sieste en mieux », insiste le châtain.
Il ne veut pas parler de la maison de l'autre côté de la rue. Castiel hausse légèrement les épaules, ses doigts effleurent encore son cou un peu rougi.
— « … Je suis certain que tu aurais aimé aller pêcher », marmotte le brun en s'affalant contre le dossier.
En s'affalant. Dean se sent presque extatique et il acquiesce vigoureusement. Bien entendu que cela lui plairait, il l'a proposé à Sam à leur arrivée à Butler. … Doit-il oser ? Peut-être.
— « Tu n'aimerais pas essayer ? », demande-t-il d'un ton nonchalant. « Mon frère serait un horrible partenaire de pêche, il n'a pas énormément de patience pour ce type d'activité et j'ai toujours entendu dire que c'est mieux en bonne compagnie. »
— « … Je ne sais pas si je suis la meilleure personne pour partager ça avec toi mais ça pourrait être bien. Si tu veux… », répond Castiel en lui jetant un regard en coin.
Dean s'esclaffe joyeusement, heureux de voir le brun mordre à l'hameçon. Il s'est un peu renseigné sur Lake Arthur pendant l'après-midi – juste histoire de savoir comment le brun s'occupait – il a plus ou moins imaginé son après-midi parfait au bord de l'eau.
— « J'aurai de la patience pour deux. On louerait deux cannes à pêche, j'amènerai une radio crachotant du vieux rock et une glacière avec de la bière c'est bien assez pour qu'on passe un excellent moment Cas. »
— « … J'ai l'impression que tu me parles de tes souvenirs en colonie de vacances. »
— « J'étais mineur, je ne buvais pas de bière », rappelle-t-il à Castiel en souriant en coin.
Le brun lui jette un regard si éloquent que Dean éclate de rire. D'accord, l'eau de Perry Lake avait la température idéale pour garder au frais les bouteilles de Boulevard Brewery brassé au Kansas pendant qu'il chahutait avec ses amis. C'est un jeune moniteur qui les leur avait achetées avec un sourire de connivence – pas beaucoup plus âgé qu'eux Dean pense qu'il l'avait fait pour lui et ses yeux verts. Il le trouvait plutôt cool aussi, il avait un anneau à l'oreille droite et il fumait.
Le châtain jette un regard à Sam par-dessus son épaule.
Planté devant la maison de Castiel, son frère est plongé dans une vive discussion avec Jessica. À la manière dont il agite les mains et à ses éclats de voix, il devine que le couple est plongé dans un commentaire architectural ou historique sur la demeure quelque chose de suffisamment prenant pour les tenir à distance et lui permettre de rester seul avec le brun.
Dean se réinstalle confortablement contre la rambarde. Castiel se décale un peu sur la banquette en une invitation silencieuse. Il refuse en souriant. Il préfère rester debout et que le brun le voit plutôt que sa maison de l'autre côté du trottoir.
— « … Ça pourrait être bien, j'aime bien boire de la bière », reprend finalement le brun.
— « Moi aussi. Ça sera très bien Cas ! Sam fera des trucs ennuyeux avec Jessica en ville pendant que nous nous amuserons à Lake Arthur ! »
Castiel rit doucement et hoche la tête. Il recommence à se balancer dans la balancelle du bout des pieds, une jambe familièrement passée sous ses fesses et les mains nouées sur son ventre.
Dean se mord les lèvres. C'est cet homme qu'il devrait laisser à cette chose qui roucoulait dans le vieil enregistreur ? Qu'il devrait raccompagner chez lui en faisant semblant de ne pas voir que le brun attend ce moment qui devrait le terrifier ?
Le châtain fronce les sourcils. Jamais de la vie. Jamais s'il n'y est pas contraint et forcé. …Ils doivent pourtant y retourner pour l'affronter et utiliser la lampe ultraviolet de Jessica mais bon sang, Dean aimerait vraiment que les choses se passent autrement.
Castiel continue à se balancer distraitement, il se décale encore un peu contre le dossier et lui jette un regard sous ses longs cils noirs. C'est tentant, le châtain hésite même s'il est persuadé que le balancement lui donnerait un peu mal au cœur.
Il entend Sam et Jessica se rapprocher, s'extasiant encore sur le décor autour des fenêtres et les vitraux de style Art Nouveau de la porte il ignore même ce que cela veut dire. Le jeune homme refuse une nouvelle fois l'invitation en grimaçant légèrement. Leurs voix deviennent plus précises, Castiel tend légèrement le cou pour regarder par-dessus la rambarde de la galerie.
— « Sam et Jessica arrivent. Nous en reparlerons plus tard, n'est-ce pas ? », demande-t-il doucement.
— « Ouais, quand tu veux. … Quand on aurait fait ce qu'on a à faire. »
Le châtain jette un regard éloquent à Castiel mais ce dernier ne réagit pas. Il suit le couple du regard avant de s'égarer à nouveau vers sa maison. Le brun cesse de se balancer. Il cherche distraitement de la main son sac de voyage, caresse la toile épaisse du bout des doigts, un léger sourire ourlant ses lèvres fines. Un sourire de plaisir bientôt satisfait.
Dean sent sa poitrine se pincer désagréablement.
Castiel semble avoir oublié sa présence, bourdonnant presque de plaisir à l'idée de rentrer chez lui. Merde. Merde.
Jessica monte les marches du perron et le rejoint, un beau sourire aux lèvres. Dean voit sur son visage le moment exact où elle le regarde vraiment et que l'inquiétude l'étreint. La blonde n'a pas vu Castiel et la dégradation de son état physique depuis quatre mois. Elle inspire profondément, un peu pâle.
Face à d'elle, le brun s'est levé dans une tentative touchante de faire meilleure impression.
— « Bonjour Jessica, tu es très en beauté. Il t'est arrivé une bonne chose dernièrement ? »
— « Ouais, quelque chose comme un petit béguin », ricane Dean d'un air sombre.
Sam lui jette un regard noir et salue Castiel d'un signe de tête avant de venir lui serrer chaleureusement la main. Toujours à quelques pas, Jessica ne bouge pas.
— « Lake Arthur semble avoir été une très bonne idée, tu as un peu bronzé. Tu as même pris un coup de soleil, un peu comme Dean depuis qu'il barbote dans la piscine du Clarence Inn. »
Castiel presse doucement ses doigts autour de ceux du jeune homme mais il regarde Dean.
— « Dean est déjà parfaitement bronzé, il a juste plus de taches de rousseur sur les joues et jusque sur les tempes », note-t-il un peu distraitement.
— « Il en a même à des endroits qui ne voient jamais le soleil », ricane Sam.
Son frère sent ses oreilles chauffer et il lui donne un rude coup dans les côtes en représailles. Les deux hommes chahutent un peu, se sifflant des insultes de gamins et Castiel sourit encore.
Jessica reste silencieuse. Elle ne participe pas à la conversation, elle ne sourit pas non plus quand Sam se redresse finalement, conscient de s'être donné en spectacle devant elle comme un adolescent pas vraiment séduisant.
— « C'est… Mince, Castiel… », souffle-t-elle douloureusement.
Dean roule les yeux au ciel. C'est trop emphatique, trop dramatique à son goût il préférerait qu'il passe rapidement à la suite.
Le brun passe une main dans sa courte barbe de trois jours puis dans sa nuque d'un air gêné. Dean a l'impression d'entendre le frouch frouch suggestif de sa main dans les poils durs sur sa mâchoire il a brièvement envie de faire la même chose. Il préfère croiser ses bras sur son torse, c'est plus prudent.
— « Je vais bien. Je dors mieux et je me sens un peu plus alerte depuis quelques jours. C'est plus… impressionnant que réellement grave », tente-t-il maladroitement de la rassurer.
Oh le mensonge. La manière dont Jessica hausse son sourcil droit lui indique qu'elle n'en croit effectivement pas un mot. Sa courbe incroyablement haute et arquée semble même le défier d'oser continuer à lui raconter des histoires. Le brun baisse les yeux sur ses pieds et triture nerveusement la lanière de son sac de voyage. La jeune femme ouvre la bouche, des milliers de questions aux lèvres, mais Dean lui jette un regard noir qui la fait se raviser.
— « … J'espère que tu te remettras très vite. Je n'ai pas encore eu l'occasion de te faire visiter les réserves du Maridon comme je te l'avais proposé », dit-elle lentement.
— « J'y compte bien. Et j'ai aussi très envie de retrouver tout mon sex-appeal », la taquine gentiment Castiel.
Le cœur n'y est pas et le silence qui tombe entre eux est un peu gênant.
Dean préfère bouger, changer de position pour ne pas répondre quelque chose qui serait plus mortifiant encore.
Castiel a encore tout son sex-appeal.
Bien sûr qu'il va bientôt aller mieux parce qu'ils vont écraser La-Chose-Dont-Ils-Ne-Peuvent-Pas-Parler devant Jessica.
Le brun finit par récupérer son sac de voyage sur la nacelle, il passe la lanière à son épaule. C'est le signal du départ. Dean le voit traverser le proche pour aller toquer doucement à la fenêtre de la cuisine. Celle-ci s'ouvre, il reconnaît la voix de Carol tandis que le brun lui explique qu'il rentre chez lui. Le châtain fronce les sourcils et claque sa langue contre son palais d'agacement. Il déteste l'entendre dire ça.
Dean s'éloigne de la rambarde, il traîne un peu des pieds et rejoint Sam et Jessica en bas du perron. La jeune femme lui jette un regard noir, le châtain se contente de hausser légèrement les épaules.
— « Pourquoi vous ne m'avez rien dit ?! », siffle-t-elle.
Son ton est accusateur mais son visage complètement défait. L'effet est un peu étrange, ça ne l'embellit pas vraiment. Dean juge plus diplomatique de ne pas rire il a l'impression que la blonde n'hésitera pas à lui donner un très douloureux coup de pied dans le tibia en représailles. Ou qu'elle refusera de partager avec lui sa part de tarte s'ils retournent déjeuner chez American Diner. Si Dean jouait un peu moins la malice pour oublier ses propres appréhensions, il pourrait reconnaître que la surprise de Jessica est légitime. Il ne connaissait pas Castiel et pourtant, le rencontrer après l'avoir vu en photo et en smoking a été un choc. La blonde a déjà été proche de lui, comme deux connaissances partageant des centres d'intérêt communs. S'il s'agissait de Sam ou de Mary dans la même situation, le jeune homme aurait probablement ce même air de stupéfaction et d'anxiété qui rend un peu laid.
— « Pourquoi vous n'avez rien dit bon sang ?! Il est tellement… Il est si – »
— « Il est toujours le même, Cas est juste un peu fatigué », la coupe le châtain, ses yeux rivés sur le brun qui discute à la fenêtre.
— « Il n'est pas fatigué, il est épuisé. Et il a tellement maigri. Je ne suis pas férue de mode mais je peux voir qu'il flotte dans ses vêtements. » La blonde se mord les joues. « … Il était si séduisant. »
— « Il est toujours très séduisant », répète Dean en plongeant ses yeux dans les siens. « À force de travailler dans ton musée, tu n'as jamais eu de petit coup de fatigue, entourée de tous ces vieux trucs poussiéreux ? La maison de Cas ressemble à un musée, ce n'est pas très différent. »
La jeune femme lui jette un regard tellement glacial qu'il pense brièvement avoir perdu pour toujours toute chance de manger une autre tarte à l'œil.
— « Ne te fous pas de moi. Sa collection est toute sa vie, ça n'a rien à voir. » Ses yeux verts s'embuent soudain de larmes. « Il… Il est malade et il fait expertiser sa collection pour prendre ses dispositions ? Vous travaillez pour un notaire en vue de la rédaction de son testament, c'est ça ? »
— « Quoi ? Non, pas du tout ! », proteste vigoureusement Sam en prend sa main dans la sienne. « Dean et moi travaillons sur la provenance de sa collection et rien d'autre, je te le jure, Jess. C'est vrai que Castiel ne va pas très bien, j'aurai dû t'en parler. »
— « Et qu'est-ce que tu aurais bien pu lui dire ? Ne le prends pas mal Jessica mais ce n'était pas à nous de t'entretenir de l'état de santé de Cas, c'est personnel. Nous ne faisons que travailler pour lui. Tu es un de ses amies, tu aurais pu prendre de ses nouvelles. »
— « Dean… », grince son cadet.
— « Tu appelles souvent les gens pour qui tu travailles par un surnom très affectueux ? J'ai cru aussi t'entendre dire qu'il était très beau alors n'essaye pas de me faire croire que vous n'êtes que deux relations d'affaires », lui rétorque la blonde du tac-au-tac.
Ce n'est pas exactement ce qu'il –
Le châtain roule des yeux et remonte sur le perron d'un pas vif. Il n'a pas envie d'entendre ça que Sam se débrouille pour se faire pardonner avec ses yeux de cocker et cette voix douce qu'il prend inconsciemment pour charmer son vis-à-vis. Cette colère lui paraît assez ridicule quand on considère le fait que tout de ce qu'ils ont raconté à la jeune femme depuis leur première rencontre est faux. Qu'elle leur en veille pour ça est un détail insignifiant. Dean hausse les épaules. Oui, qu'il se débrouille elle est son coup de cœur après tout.
Tandis qu'il s'approche de Castiel, il voit le brun s'agiter un peu, tirer nerveusement sur la lanière de son sac passée à son épaule. Dean a à peine le temps d'apparaître dans l'embrasure de la fenêtre qu'on l'interpelle vigoureusement.
— « Ah, Dean ! Essaye de le convaincre, toi ! Cassie veut rentrer chez lui alors qu'il devrait rester encore quelques jours à la maison avec nous. »
— « Je vais bien Carol. Je ne vais pas emménager ici alors que j'habite de l'autre côté de la rue, c'est ridicule », marmotte le brun.
— « Tu tremblais comme une feuille quand Dean t'a amené ici il y a quatre jours. J'ai eu tellement peur que j'ai cru que je devais te conduire à l'hôpital. » La jeune femme fronce les sourcils. « … Je pense toujours que c'est le cas. »
Dean tend familièrement la main par la fenêtre et s'empare habilement d'un biscuit posé dans une assiette. Délicieux goût de gingembre et d'épices, il en prend un autre et le tend immédiatement à Castiel. Le brun commence à le grignoter du bout des dents, les sourcils toujours froncés et l'air un peu buté. C'est mignon.
— « Cas n'est pas seul et aller à l'hôpital ne l'aidera pas. »
— « Il serait plus loin encore de cette maudite maison. Le Butler Memorial Hospital est à un kilomètre et demi de notre quartier. »
Le jeune homme jette un regard en coin à Castiel, juste à temps pour le voir se gratter distraitement la hanche. Dean engloutit un autre biscuit d'un air sombre. Ouais, complètement inutile. C'était une possibilité mais Castiel gratte encore et encore Dean est certain qu'Il l'a suivi chez Carol.
— « Ça ne changera rien, la distance n'est pas une composante de l'état de Cas. Il est avec lui, nous avons pu le constater il y a quatre jours. Maintenant que nous avons une piste, nous allons pouvoir avancer. Jessica va nous aider à étudier les œuvres de la collection, j'ai l'intuition que c'est là que nous trouverons la clé de toute cette affaire », répète-t-il d'un air entendu.
Carol pâlit un peu. Castiel se sert un autre gâteau sans rien ajouter, les yeux baissés sur l'assiette en porcelaine qu'il fixe comme si elle avait quelque chose d'important à lui apprendre.
Dean hésite mais il doit le faire. Il lui donne un petit coup d'épaule taquin pour attirer son attention.
— « C'est comme ça que les choses vont se passer. Une fois que tout sera fini Cas et moi irons pêcher à Lake Arthur pendant toute une journée », dit-il d'un ton malicieux.
— « Cassie déteste la pêche. Il était presque physiquement soulagé quand Everett n'a pas pu louer de matériel hier. »
Le brun enfonce légèrement sa tête entre ses épaules, le cou un peu plus rouge sous son coup de soleil. Il termine son biscuit d'une grande bouchée, salue son amie et descend rapidement les marches du perron. Dean le regarde faire, un sourire affectueux aux lèvres. Ah bon ? Il n'aime pas ça mais il serait prêt à essayer avec lui ? C'est cool, le châtain remplira la glacière de bouteilles de bonne Yuegling Lord Chesterfield Ale de Pennsylvanie. Il préfère la Boulevard Brewery du Kansas mais on fait des choses stupides quand on a le béguin.
Dean prend une pleine poignée de biscuits et Carol roule des yeux.
— « Pars avec l'assiette. Tu seras obligé de repasser ici pour me la rendre et je te harcèlerai de questions jusqu'à ce que tu me dises ce que je veux savoir », lui dit-elle en poussant le plat vers lui.
— « Je ne peux pas rien te raconter, je suis lié par contrat à Castiel. Tu étais là quand il l'a signé », répond-il en acceptant le cadeau.
Les yeux noisette de Carol flamboient brièvement de colère alors qu'elle éloigne l'assiette de lui. Plus rapide, Dean a déjà attrapé le bord.
— « Vous avez pourtant une autre partenaire dans votre enquête. Pourquoi elle et pas moi ? »
Le châtain la regarde, Carol ne lâche pas. Elle le défit du regard et il lève un sourcil vaguement moqueur.
— « Tu penses réellement que Jessica connaît la véritable raison de notre venue à Butler ? », ricane-t-il. « Nous lui avons dit que Sam et moi travaillons sur la collection de Castiel, elle a juste des connaissances qui pourraient nous être utile… Sam craque aussi un peu sur elle et je suis un grand frère attentionné. »
La blonde fronce les sourcils, hésite un instant avant de lui abandonner l'assiette de biscuits. Un pli un peu amer se creuse à la commissure de ses lèvres.
— « Peux-tu au moins me promettre que tu prendras soin de lui ? J'ai beaucoup aimé l'avoir à la maison, les enfants étaient ravis, mais il n'était pas réellement avec nous. Il n'arrêtait pas de regarder sa maison et quand je l'appelais, il ne m'entendait pas une fois sur deux… »
Le châtain jette un regard de l'autre côté de la rue.
La porte de la maison est restée ouverte sur Castiel, Sam et Jessica. Elle est comme une bouche au rictus moqueur, celle qui chantonnait sur l'enregistrement. Ou une gueule largement ouverte pour avaler toute chose qui la traverserait.
Carol passe une main nerveuse dans ses longs cheveux blonds.
— « Je vais faire ce qu'il faut. Je veux que Cas et moi on s'ennuie ensemble en allant pêcher à Lake Arthur », répond-il finalement.
— « N'oublie pas ton maillot de bain quand le moment sera venu, Cassie est bien meilleur nageur que pêcheur et il a le corps sculpté par la natation… Il avait le corps sculpté par la natation », souffle la jeune femme.
Dean acquiesce avec raideur.
L'assiette dans les mains, il dévale le perron, traverse la rue et s'engouffre dans la maison. Il entend leurs voix à tous au fond, du côté du jardin alors le châtain pose avec soin le plat sur une commode et les rejoint rapidement.
Dans le couloir qui mène au jardin d'hiver, il entend soudain une porte grincer longuement. Le châtain se retourne. C'est celle de l'entrée qui se referme lentement avant de claquer seule, comme poussée par une main invisible. La mise en scène est vaniteuse, inutilement grandiloquente. Dean étouffe un atroce juron entre ses dents et entre dans le jardin d'hiver.
Baignée de soleil, la pièce montre dans un réalisme cru et sans concession le mal qui envahit lentement la maison. Castiel effleure d'un doigt les feuilles noircies et pourrissantes d'un grand yucca dans son pot de porcelaine. Les plantes vertes alentour montrent toutes des états de décomposition plus ou moins avancés. Celles encore vertes et bien portantes ne sont qu'en sursit le mal progresse et fait mourir le vivant.
— « J'adorais ce yucca, je suis venu de New York avec. Carol m'avait dit qu'elle en prendrait soin mais il est mort », souffle-t-il d'une voix peinée.
Jessica cherche un peu inutilement une pousse encore vivace dans l'amas noir et marbré de moisissures blanchâtres avant de grimacer de dégoût. Il n'y a rien à sauver.
Tandis que Sam et la blonde aident gentiment Castiel à prendre soin des maigres débris de son jardin intérieur pour lui faire plaisir, Dean retourne dans l'entrée d'un pas de tempête.
— « Putain d'enfoiré », siffle-t-il devant la porte.
Les étroites fenêtres ornées de vitraux qui entourent le chambranle ressemblent à des yeux plissés par un rire tandis que le bouton en cuivre au centre du vantail est un gros nez rond presque comique. Le jeune homme ouvre son blouson, sort la petite fiole d'eau bénite qu'il garde toujours sur lui depuis quinze jours et l'asperge vigoureusement en psalmodiant.
Dean retourne dans le jardin d'hiver, attrape par son tronc trop sec un grand palmier, ouvre une porte-fenêtre et le jette sans ménagement dans le jardin. Castiel, une jardinière dans les mains, le dévisage avec surprise et une pointe d'admiration. Même mort, l'arbre est lourd et encombrant.
— « On a du travail », dit-il en refermant brusquement la baie vitrée derrière lui.
Personne ne songe à répliquer que la grande Monstera deliciosa pourrait peut-être être sauvé si elle était rempotée maintenant.
.
Dean y a mis du sien.
Vraiment.
Le plan d'action de Sam et Jessica en tête, c'est lui qui a pris les choses en main pour débuter leur travail. Le jeune homme a réparti les tâches de chacun, il les a guidés dans la maison d'un pas conquérant en brandissant leur carnet de bord.
À présent, deux heures plus tard, il est assis sur un canapé dans le salon vert du rez-de-chaussée, complètement perdu.
Jessica est penchée sur une pendule qu'elle commente à grand renfort de sourires et de gestes. La terrasse, en marbre blanc veiné de gris, porte une architecture de fantaisie ornée de guirlandes de fleurs en bronze doré. Au sommet, un Amour joufflu et nu est assis sur la corniche, balançant ses petites jambes dodues dans le vide, un arc à la main. La pendule elle-même est composée d'un cadran rond couvert d'émail blanc sur lequel se détachent des chiffres romains en émail noir et des aiguilles dorées. Elle est suspendue à l'architecture, sous une arcade à colonnes cannelées décorée encore de fleurs et d'oiseaux en porcelaine.
Dans cette débauche dorée et sucrée, le châtain a repéré deux tourterelles minuscules qui se bécotent dans un bouquet de roses.
La jeune femme a expliqué qu'il s'agissait d'un modèle inspiré de l'antique et dit « temple de l'Amour ». Sans doute, c'est très possible il suppose que l'architecture ressemble à une sorte de temple plus qu'à une montagne de crème chantilly aux couleurs de bonbon. Dean trouve que l'ensemble est atrocement kitsch mais il cache soigneusement qu'il ne mettrait jamais une horreur pareille dans son appartement urbain et industriel à Kansas City. Non loin de lui, Castiel sourit aux paroles de Jessica. Ses yeux bleus sont étonnamment brillants, ses joues sont un peu colorées et il feuillette régulièrement un gros volume ouvert entre ses mains un de ces luxueux catalogues de son ancienne galerie que le brun lui a déjà montré.
Castiel semble immensément heureux de partager sa passion avec la jeune femme alors Dean fait contre mauvaise fortune bon cœur.
Depuis deux heures.
Il écoute le couple échanger avec ardeur et hoche régulièrement la tête d'un air inspiré quand son regard croise celui du brun. Peu importe qu'il ne comprenne rien de ce qu'ils se racontent, il peut encore faire semblant. Sam tente aussi de maintenir l'illusion mais Dean comprend sans peine qu'il est aussi perdu que lui dans le débat des deux professionnels sur les pendules françaises du XVIIIe siècle et leurs systèmes d'horlogerie. Dean se contente de faire aussi bien qu'il le peut quand Castiel le regarde.
En dehors de ces moments – très réguliers et toujours accompagnés d'un sourire stupide de sa part parce que le brun est vraiment séduisant quand le sang lui monte ainsi aux joues de plaisir – le châtain s'ennuie ferme et se sent profondément inutile.
Il raye progressivement la liste complète des œuvres de la collection du jeune homme au fur et à mesure de leur progression dans les pièces de la maison. Son frère est en charge de la lampe ultraviolet, une mission qu'il prend particulièrement au sérieux dès que Jessica lui demande de l'utiliser. Mais même s'il y met du cœur, Dean ne peut que remarquer que ces gestes ne sont pas des plus orthodoxes pour un homme sensé s'y connaître un peu en œuvres d'art. Il pointe parfois des endroits un peu improbables des meubles et des objets pour trouver des marques d'artisans ou de marchands. Dean a appris qu'à l'époque moderne, on les appelait « marchands merciers » et que leur importance est connue de tout amateur d'art. Il a eu l'impression que Jessica insistait un peu sur ses mots, comme pour lui rappeler que c'est aussi ce qu'il est censé être.
Le jeune homme pose sa cheville sur son genou, y crochète ses doigts tandis qu'il tressaute nerveusement du pied. Son frère et lui doivent jouer plus serré que ça. La blonde regarde encore son cadet avec des yeux énamourés mais Dean constate qu'à chaque nouvelle bizarrerie de Sam, elle plisse un peu plus les yeux. Elle lève aussi un sourcil ce sourcil avec cette courbe qui signifie qu'elle a des doutes.
Le jeune homme se rembrunit. Jessica est trop fine d'esprit lui demander son aide n'était probablement pas la meilleure des idées mais il est trop tard pour lui dire de partir à présent. Castiel semble plus heureux qu'il ne l'a jamais été depuis des jours. Il en a même oublié la mort du gros yucca que Dean a aussi jeté un peu plus tôt pour lui, cassant les branches trop sèches pour le faire entrer dans la grosse poubelle ménagère. Castiel n'était pas là pour voir la manière dont il bandait les muscles de ses bras et de son torse d'une manière assez seyante. C'est dommage.
Dean sourit. Le brun rayonne et il est beau. Ça le distrait un peu.
— « Je n'ai vu une pendule pareille que dans mes livres d'histoire de l'art. Le modèle est proche de celui commandé par le roi Louis XV pour ses appartements à Versailles, n'est-ce pas ? », souffle Jessica avec admiration.
Castiel hoche la tête en souriant et bon sang, il est tellement séduisant.
— « Les arts décoratifs ne sont pas ta spécialité et pourtant ta mémoire est excellente. Sans vouloir paraître prétentieux, je suis surpris par l'étendue de tes connaissances. »
— « Tu n'es pas prétentieux. Si Jessica est comme Sammy, elle doit passer toutes ces soirées à lire des livres ennuyeux et ces week-ends à visiter des musées », ne peut s'empêcher de dire Dean.
Son frère le fusille du regard et marmonne des choses peu amènes entre ses dents serrées. Le château hausse un sourcil. De quoi se plaint-il au juste ? Il semble que tout ce que son frère a appris – et qu'il ne pouvait guère que replacer lors d'épiques parties de Scrabble – plaise énormément à la blonde. Cette dernière presse gentiment son avant-bras pour lui demander d'éclairer la pendule à la lampe UV.
— « Certains trouvent que l'intelligence est une chose extrêmement séduisante, Dean. N'est-ce pas Castiel ? », répond nonchalamment Jessica.
Outch. Ça, c'est un coup bas. Le brun hausse légèrement les épaules, les yeux baissés sur le catalogue.
— « Je ne me suis jamais réellement posé la question mais je suppose que c'est le cas. Parmi d'autres choses », répond-il doucement.
— « Hum. Sam est allé à Stanford, dans quelle université as-tu été accepté Dean ? », poursuit-elle sans pitié.
Cette fois, le jeune homme la fusille du regard, toute envie de rire envoler. Ça commence à aller un peu trop loin à son goût. Les plaisanteries sont bien plus amusantes quand Sam en est l'objet il ne trouve rien d'hilarant à parler de ses études supérieures honorables mais réalisées dans une université de seconde zone. Il a eu un diplôme pratique pour commencer à travailler le plus tôt possible, c'est un choix de carrière comme un autre. Le châtain sait depuis qu'il a quinze ans que Sam est plus brillant que lui, quand son cadet s'est distingué au NAEP en huitième année. Il vit bien avec mais cela ne l'empêche pas de garder une petite appréhension quand il est confronté à des personnes qu'il juge plus intelligentes que lui des gens comme Castiel qui sont capables d'écrire de longs articles scientifiques sur l'art français ou toutes les différentes sortes de pièces de vaisselle en Europe. Soyons sérieux, le châtain a feuilleté un des catalogues rédigés par le jeune homme pour s'occuper les mains un peu plus tôt. S'il n'y avait pas eu les photographies imprimées en pleine page sur ce beau papier glacé, il aurait sans doute ignoré la moitié du contenu de la notice.
— « Le nom de l'université ne signifie pas grand-chose. J'ai connu beaucoup de gens diplômés des meilleures écoles quand je travaillais à New York, qui n'étaient pas particulièrement brillants. Dean sait faire des choses incroyables. Des choses bien mieux qu'eux », ajoute Castiel.
— « Ouais, sans doute… »
Jessica ricane et jette un regard malicieux à Sam. Le jeune homme se contente d'allumer la lampe UV sans rien ajouter. Il balaye avec soin la pendule du faisceau lumineux puis la blonde s'empare du lourd objet pour le retourner et observer le dos.
— « Ce qui nous intéresse se trouve plutôt à l'intérieur. Castiel ? Est-ce que je peux l'ouvrir pour regarder le mécanisme ? Je crois que tu as indiqué le nom de l'horloger dans ta notice. C'est – »
— « Le Roy. Cas a noté Pierre Le Roy, Paris, 1765 », la renseigne Dean, les yeux baissés sur la liste.
— « On prononce Le Roi. C'est l'un des plus fameux horlogers du XVIIIe siècle, comme Bernard Van Riesen Burgh pour l'ébénisterie », le corrige Jessica.
Le jeune homme lui jette un regard franchement noir il a aussi mal prononcé son nom un peu plus tôt. Il a surtout été incapable de comprendre de qui il s'agissait car Castiel avait inscrit sur sa notice un simple « BVRB » comme auteur du petit secrétaire à abattant disposé dans un salon adjacent. Bernard Van Riesen Burgh est aussi un artisan très célèbre, Jessica le lui expliqué en appuyant tellement son propos que ça en a été presque gênant.
Sam lui jette un regard compatissant. Dean fait de même quand il voit son frère ne pas réussir à ouvrir la trappe tandis que la blonde discute avec Castiel. Il fronce tout de même les sourcils. Sam et lui doivent vraiment faire mieux, l'honneur des Winchester est en jeu.
— « C'est vraiment une pendule Le Roy, son état est parfait », souffle la blonde avec admiration en observant le mécanisme.
— « Elle n'a jamais été restaurée », renchérit Castiel avec une pointe de fierté. « Quand je l'ai racheté à son propriétaire, j'ai juste fait dépoussiérer les bronzes. Gabriel et moi n'étions pas d'accord sur sa provenance mais je suis persuadé qu'elle a été commandée par un membre de la très haute aristocratie, peut-être même par la famille royale elle-même. »
— « Comment pourrais-tu t'en assurer ? », lui demande Dean avec curiosité.
— « Je devrais aller à Paris pour consulter les archives de la Maison du Roi. Elles sont conservées aux Archives nationales de France. Je n'ai jamais trouvé l'occasion de le faire malgré mes séjours là-bas. »
— « Tu es déjà allé à Paris ? »
— « C'est une des grandes capitales du marché de l'art. J'ai beaucoup de collègues et de clients là-bas », explique doucement Castiel.
— « Et tu parles français ? »
— « Je me débrouille. »
Oh.
Jessica hausse un sourcil moqueur vers lui. Oui il sait, l'intelligence et son pouvoir de séduction. Dean se retient de lui faire un doigt d'honneur parce qu'il déteste avoir tort.
La blonde retourne à l'étude de la pendule tandis qu'il coche la notice. Objet ausculté, ils peuvent passer au suivant. Encore. Le châtain feuillette rapidement les pages restantes. Ils vont bientôt monter à l'étage pour se pencher sur les œuvres qui meublent les chambres et les pièces annexes.
Dean fronce les sourcils et tressaute nerveusement de la jambe sur son genou.
Du coin de l'œil, il voit que Sam utilise une nouvelle fois la lampe UV sur la pendule avec discrétion. Les deux frères échangent un regard et le châtain s'assombrit un peu plus. Aucune trace surnaturelle non plus sur elle. Comme sur les… dizaines d'objets qu'ils ont déjà passé en revue. Merde. Ils n'avancent pas. Dean et Sam sont en train d'apprendre suffisamment de choses pour pouvoir briller dans une réception mondaine mais ils ne savent toujours pas ce qui les importe réellement. Les œuvres de la collection de Castiel sont belles, parfois de provenance prestigieuse mais horriblement banales pour leur sujet. Sur chacune d'entre elle, Sam a tracé un discret signe de croix de son ongle en murmurant une prière de Révélation. Sans succès. Les deux frères ont juste laissé des traces, infimes, sur les beaux objets patiemment rassemblés par le brun. Dean espère un peu stupidement que Castiel ne les remarquera jamais.
Il observe Jessica refermer avec soin la petite trappe de la pendule et la replacer correctement sur le marbre de la commode.
— « Qu'elle est l'œuvre suivante, Dean ? »
Le châtain saute sur ses pieds et s'étire dans un grognement d'aise.
— « Il n'y a plus rien au rez-de-chaussée, la suite se trouve à l'étage », indique-t-il.
Castiel acquiesce lentement. Il traverse la pièce pour aller replacer le catalogue sur l'étagère d'une belle bibliothèque en acajou puis gagne le couloir en direction de l'escalier. Dean lui emboîte immédiatement le pas.
— « Est-ce que ça va ? Tu as l'air fatigué. »
— « Je vais bien. Carol a une famille nombreuse et un peu bruyante, nous nous déplaçons aussi à quatre dans la maison. Je n'ai plus l'habitude d'être aussi entouré », dit le brun en se pinçant l'arête du nez.
– « Nous pouvons faire une pause. »
— « Je préférerais qu'on termine. » Le jeune homme se penche légèrement vers lui tandis qu'il monte les marches. « Est-ce que Sam et toi avez senti quelque chose ? »
Dean secoue la tête, les lèvres pincées. Castiel esquisse un sourire et serre doucement son avant-bras. Le châtain a envie de prendre sa main dans la sienne pour la serrer aussi c'est à lui de le rassurer, c'est son rôle, sa mission.
— « Ce n'est pas grave, il nous reste encore de nombreux objets à étudier », souffle le brun. « … Et je pensais ce que j'ai dit tu sais. Tu fais des choses extraordinaires. »
— « Je sais surtout cocher assez proprement cette liste interminable », grommelle Dean en agitant la liasse de feuilles.
Castiel rit et le bouscule malicieusement de l'épaule tandis qu'ils montent ensemble le grand escalier.
Les deux hommes remontent la galerie du palier, le bruit de leurs pas étouffé par l'épais tapis qui couvre le parquet. Ils s'arrêtent devant la porte de la chambre du brun. Dean l'a soigneusement refermé après avoir camouflé Ses marques sur le cadre de lit et jeté les morceaux de miroir brisé. Il esquisse un rictus en voyant le discret signe de croix qu'il a tracé en bas du chambranle une autre vaine tentative de le contenir, ça le met vraiment en colère.
Le brun reste figé, les yeux rivés sur la poignée en cuivre. Il crispe spasmodiquement les doigts sur son pantalon.
— « Tu peux attendre en bas. Ça me fait mal de le dire mais Jessica nous est d'une aide précieuse », dit doucement Dean.
Castiel sourit mais il a l'air un peu absent. Les voix de Sam et Jessica dans l'escalier le font cligner des yeux plusieurs fois comme s'il sortait d'un songe. Le brun ouvre lentement la porte. Dean jette un regard par-dessus son épaule dans la cage d'escalier, ils n'ont pas beaucoup de temps.
— « Cas, il faut briser le cercle de sel autour de ton lit avant que Jessica le voie. … Cas ? »
Le brun acquiesce lentement.
Sur le seuil, il se balance doucement d'un pied sur l'autre, le regard dans le vague. Dean pose une main sur son épaule pour l'éloigner doucement et entrer devant lui. Il efface le cercle du pied, balaye rapidement le sel sous le lit.
Quand il essuie aussi les signes protecteurs tracés à la craie, un frisson désagréable descend le long de son dos. Le sel a disparu mais la trace du cercle protecteur est encore visible sur le parquet, une trace plus sombre et malsaine. Dean aperçoit des filaments de moisissures entre les lames malgré son nettoyage attentif de la chambre après la séance de spiritisme. La pourriture s'étend et il étouffe un juron entre ses dents.
Le parquet du couloir craque un peu, le châtain balaye la pièce du regard, à peu près satisfait.
Il suit Castiel des yeux.
Le brun est entré sans bruit dans sa chambre. Il va et vient d'un meuble à l'autre, les effleure doucement et replace distraitement des bibelots. C'est comme s'il se réappropriait les lieux, un peu timide mais sans appréhension réelle. Il devrait pourtant, il a fait une crise d'angoisse la dernière fois qu'il est entré ici. Dean fronce les sourcils. Castiel est redevenu l'homme qui l'attendait avec impatience sous le porche de la maison voisine, son sac sagement fermé et prêt à ses pieds pour rentrer chez lui.
Soudain, le brun se fige.
Ses joues pâles se colorent un peu tandis qu'il marche jusqu'au lit et enfouie ses mains dans les draps. Avec stupeur, le châtain le voit refaire le lit avec empressement, tirant sur le linge et les oreillers pour les arranger. Il rit sans pouvoir s'en empêcher. Castiel lisse avec soin le couvre-lit pour en effacer des plis imaginaires, toujours gêné par son désordre apparent. Dean y a bien pensé un peu quand il travaillait dans la chambre le jour précédent mais il n'a pas osé. À cet instant, le brun a des pudeurs adorables.
— « C'est défait », dit-il un peu stupidement.
Le châtain remarque que le plaid est mal mis de l'autre côté, il tire dessus pour l'aider quand Sam et Jessica les rejoignent. Le châtain se fige, les mains toujours posées sur la courtepointe comme s'il faisait d'une chose particulièrement déplacée. Son cadet esquisse un sourire amusé et papillonne exagérément des yeux. Jessica est déjà en train d'étudier avec attention le crucifix que Dean a placé en face du lit pour protéger Castiel à leur arrivée à Bulter.
— « Tu n'es obligé de rester si ça ne va pas Cas », dit Dean en se rapprochant de lui.
— « Pourquoi ça n'irait pas ? Je suis rentré chez moi », répond le brun d'un air surpris.
Le jeune homme acquiesce d'un air raide et rejoint Sam et Jessica. La mâchoire contractée, il se contient de renverser le mobilier de la chambre, d'ouvrir toutes les portes et les tiroirs, de soulever le moindre objet pour en épier les détails jusqu'à l'indiscrétion.
Caché derrière les rideaux qui encadrent le bow-window, le sel dans la coupelle a moisi. La pourriture s'étend en filaments blanchâtres et cotonneux sur la porcelaine jusqu'au parquet et le long de la plinthe du mur.
Derrière lui, Castiel sourit doucement, si petit assis son grand lit en acajou. Une proie prise dans un filet.
Dean bouscule un peu la blonde pour la faire se presser, elle proteste et tous deux se disputent, mettant Sam au supplice de voir deux personnes qu'il adore se montrer aussi chien et chat.
Le châtain n'est pas mauvais garçon mais il accueille la distraction avec bienvenue.
.
Quand Dean revient des toilettes dans le jardin d'hiver, il est surpris d'y trouver uniquement Castiel. Le brun, assis dans un des fauteuils en rotin, mange avec application une part de tarte à la banane pour laquelle il a patienté vingt minutes dans la tarterie sur W Jefferson Street. Il flotte dans l'air un agréable parfum de sucre, de fruits, de chocolat et de café. Dean a pourtant l'impression de sentir encore la moisissure suintante de la chambre du brun.
— « Où sont les tourtereaux ? »
Le jeune homme se laisse à moitié tomber sur la banquette voisine de Castiel, terminant d'essuyer ses mains humides sur son jean. Le monde survivra bien à ce geste un peu trop familier, Dean est fatigué et franchement à cran. Il prend son assiette à dessert avec enthousiasme. Castiel a déposé sur le bord les grosses noix de pécan caramélisées de sa part pour lui, il aime un peu moins ça quand Dean pourrait en vivre en intraveineuse. Il sourit, son premier vrai sourire depuis des heures.
— « Ils sont dans le jardin », répond Castiel en montrant une porte-fenêtre entrouverte d'un signe de tête.
Il est particulièrement concentré à lécher la crème sur sa cuillère sans se tâcher et c'est adorable.
Le châtain se relève en grommelant pour s'approcher.
Le couple est un peu plus loin, en proie à une vive discussion. Cela pourrait être un échange passionné mais Sam semble mal à l'aise. La blonde a des gestes brusques qu'il tente maladroitement d'apaiser. Quand elle hausse le ton, Dean fronce les sourcils. Quelque chose se tord dans le creux de son ventre – instinct – et ce qu'il lui souffle n'est pas rassurant.
Castiel bouge sur son fauteuil, le rotin craque dans un petit bruit doux.
— « Quelque chose ne va pas ? »
— « Ils se disputent comme deux amoureux », élude le châtain d'un ton un peu gouailleur. « Il s'est passé quelque chose pendant que je n'étais pas là ? »
— « Jessica interrogeait ton frère sur le travail que vous faites pour moi et le projet de livre dont vous avez parlé à son grand-père puis elle est sortie dans le jardin. Sam l'a suivi. » Le brun lève les yeux sur lui. « … Elle est intelligente tu sais. »
— « Ouais, je l'ai compris », marmotte-t-il.
— « Personne n'aime apprendre qu'on lui ment délibérément. »
— « Qu'est-ce que nous étions censés faire ? » Dean lui jette un regard. « Nous sommes liés par contrat avec toi, nous ne pouvions pas lui dire la vérité. Sans compter que nous n'avons pas besoin que des rumeurs commencent à courir à Butler à ton sujet. »
Castiel lui sourit gentiment tandis qu'il grignote un morceau de croûte avec les doigts. Le châtain remarque que le caramel qui couvre les pommes rend ses lèvres un peu luisantes de sucre. Il les lèche distraitement d'un petit coup de langue rose. Dean enfourne une grande bouchée de sa propre part et mâche avec conviction.
— « Vous n'avez pas non plus besoin qu'on parle de toi et de Sam. Votre discrétion est votre sécurité. »
— « Même si nous lui avions dit la vérité, rien ne nous assure que Jessica nous aurait cru. C'est plus simple de mentir. »
— « … Vous m'avez convaincu pourtant », lui rappelle doucement Castiel.
Dean esquisse un sourire et hoche la tête. Touché. Le brun picore les dernières miettes de tarte dans son assiette avant de la poser sur un guéridon voisin.
— « Est-ce que tout cela a servi à quelque chose ? Cette journée ? », demande-t-il finalement après un silence.
Le châtain s'accoude à la porte-fenêtre, son assiette vide à la main. Il enfonce légèrement sa tête entre ses épaules de dépit.
— « Non. À rien », avoue-t-il d'un ton grinçant.
— « … Ce n'est pas grave Dean. Je suis certain que Sam et toi avez encore beaucoup d'autres pistes, je suis patient. »
Adorable certitude. Castiel le dévisage sans douter, les mains croisées sur son ventre. Il a l'air moins hanté qu'à leur arrivée et bon sang, Dean veut y croire mais ce n'est pas si simple. Le jeune homme lui jette un regard par-dessus son épaule et le brun lui sourit gentiment.
— « Tu veux encore de la tarte ? »
Dean s'esclaffe, la gorge un peu serrée. Cet homme est incroyable et bon sang, il est vraiment en train de craquer un peu pour lui sans rien faire pour l'empêcher.
Il est sur le point d'accepter mais la discussion dans le jardin se transforme en éclats de voix. L'agitation de Jessica est bruyante, même à quinze mètres, et son frère semble de plus en plus gêné. Au cours d'une longue diatribe dont il n'arrive pas à arrêter le flot, leurs regards se croisent. Sam balbutie un mot à la blonde avant de venir vers lui. La jeune femme tente de le retenir vivement, sans succès. Elle crie de colère et Dean hausse un sourcil. Impressionnant.
— « Nous avons un problème, Dean. Est-ce que tu peux venir m'aider ? », demande-t-il depuis le jardin.
— « C'est ta copine Sammy, pas la mienne. »
— « Je n'ai pas envie de rire. Viens. Tout de suite. »
Sam est agité, le regard sombre et les épaules raides. Dean jette un regard de regret vers la tarte aux pommes et pose son assiette à côté.
— « Excuse-moi Cas, je reviens vite. »
— « Je te coupe une autre part. »
Le châtain sourit et emboîte le pas à son cadet.
En les voyant revenir ensemble, Jessica se braque. Les bras croisés sur sa poitrine, les dents serrées, elle fronce les sourcils et ses yeux flamboient. Attitude de méfiance classique, l'affaire s'annonce serrée.
— « Faire venir ton frère ne rend pas votre histoire moins suspecte Sam », attaque-t-elle immédiatement.
— « Quelle histoire ? »
Dean lui adresse son plus charmant sourire. Mauvaise stratégie. L'espace d'une seconde, il pense vraiment que la blonde va lui jeter quelque chose à la figure de colère.
— « Ne te fous pas de moi ! », siffle-t-elle d'un air menaçant. « Si vous êtes tous les deux des experts engagés par Castiel pour travailler sur sa collection, je suis la fille cachée du président Bush. Vous vous débrouillez à peu près en histoire mais je suis persuadée que vous êtes tout à fait incapable d'écrire un livre. »
— « Tu n'es pas obligé de nous insulter. »
— « Dean, la ferme », répond Sam en se pinçant l'arête du nez. « Jessica, nous – »
— « Vous n'avez pas la moindre idée de ce dont Castiel et moi avons parlé toute la journée. Sam ne cherche pas les marques de marchands au bon endroit sur les objets, tu ne sais pas les manipuler et Dean, tu écorches la moitié des noms d'artistes que tu lis », le coupe sans pitié la jeune femme. « Vous ne savez pas du tout ce dont il s'agit. »
Dean se contente de hausser les épaules d'un geste un peu bravache. Il ne peut pas s'en empêcher, c'est comme ça qu'il fait face aux difficultés depuis toujours et là, toute de suite, elles ont la taille du Mont Baker dans l'État de Washington – 3287 mètres d'altitude.
Le châtain jette un regard en coin à son frère. Sam semble se décomposer sous les accusations. Son frère est un boy-scout dans l'âme, il n'aime pas le mensonge et se faire prendre à défaut par la fille qui le fait craquer le blesse. Piégé entre son devoir et ce qu'il ressent pour Jessica c'est mélodramatique à souhait. Tellement Sam.
Dean soupire et passe une main lasse dans sa nuque.
— « Bon sang, arrête de faire comme si ça n'avait pas d'importance ! », explose la blonde en pointant un doigt accusateur sur lui. « Vous m'avez menti et vous mentez aussi à Castiel. Il ne va pas très bien, tu as très bien pu le charmer pour obtenir Dieu sait quoi. »
— « Je ne suis pas un gigolo, merci bien », grogne-t-il en fronçant les sourcils.
Jessica ne l'écoute pas. Elle secoua la tête, ses boucles blondes volent autour d'elles comme les serpents sur la tête de Méduse. Dean n'aime pas les serpents.
— « Nous avons renvoyé un gardien qui avait volé un objet fr quelques dizaines de dollars dans une de nos réserves l'année dernière. La collection de Castiel vaut une véritable fortune, je suis persuadée que vous en avez parfaitement conscience », reprend-elle d'un air mauvais.
Cette fois, Dean se braque. Il peut être agaçant, exaspérant parfois mais malhonnête, jamais Mary et John Winchester ne les ont pas élevés comme ça. Exception faite quand il leur faut mentir pour une bonne cause. Merde, tout est si compliqué.
La jeune femme passe une main dans ses cheveux, tire nerveusement sur une longue mèche.
— « … Je vais prévenir la police. Je vais les appeler et je vais ramener Castiel chez son amie pour l'éloigner de vous. »
Le châtain la fusille si fort du regard que Jessica a un imperceptible mouvement de recul. Sam s'interpose doucement entre eux et lève les mains en signe d'apaisement.
— « Je pense que nous avons besoin de reprendre les choses depuis le début et – »
— « Nous protégeons Cas ! Tu n'as pas la moindre idée de ce que nous faisons réellement pour lui », gronde Dean d'un air menaçant.
— « Alors expliquez-moi et arrêtez de me mentir ! Sam, je pensais que tu – » La jeune femme se mord les joues et crispe les poings. « Expliquez-vous bon sang ! »
Son frère lui jette un regard de martyr et Dean jure bruyamment. Il ne veut pas que Sam soit triste mais il doit rester loyal envers Castiel. Que pourraient-ils réellement raconter à la blonde ? Qui pourrait croire à la réelle raison de leur venue à Butler ?
— « Dean, s'il te plaît »…, souffle son frère.
Dean se crispe. Ils travaillent en équipe, c'est moche de lui laisser seul la responsabilité de se prononcer sur la suite. Sam a ses yeux de chiot qui brillent et il a l'air si déconfit devant son béguin. Son petit frère n'a pas eu de vrai béguin depuis des années et le châtain est un grand frère attentionné, il est –
Et merde.
— « Sam, nous avons signé le contrat », refuse-t-il et ça fait mal de voir Sam vaciller un peu.
— « Qu'est-ce que vous avez signé ? C'est quoi ce contrat ? Vous avez convaincu Castiel de le faire aussi ? Merde, vous pourriez être accusé d'abus de faiblesse, il tient à peine debout tout seul ! »
— « Cas n'est pas impotent ni infirme », siffle le châtain.
— « Dis-le à d'autres Dean, je t'ai vu l'aider à monter l'escalier. » Jessica déglutit, le souffle court avant de sortir son portable de la poche de sa veste. « Pourquoi êtes-vous ici ? Qu'est-ce que vous lui voulez ? Je vous jure que je vais appeler la police si vous ne m'expliquez rien. Et si vous vous approchez de moi, je hurle. »
Dean soupire et passe une main lasse dans sa nuque. Il commence à avoir mal à la tête.
— « Tu as invité Sammy à déjeuner et tu le dévorais des yeux il y a encore une heure. Tu ne penses pas que tu dramatises un peu ? », demande-t-il avec agacement.
La jeune femme rougit violemment tandis que son frère jure entre ses dents et lui jette un regard très noir.
Le châtain hausse les épaules. Quoi ? Il ne va pas accepter de continuer à se faire insulter, la pas-encore-copine de Sam a quand même sous-entendu qu'il était un de ses arnacoeurs comme en raffolent les émissions de faits divers.
La porte-fenêtre coulisse doucement dans son dos, il tourne la tête. Castiel descend lentement les petites marches pour les rejoindre.
— « Vous parlez très fort, vous allez attirer l'attention des voisins », dit-il en souriant doucement.
Dean esquisse un geste pour venir vers lui – l'aider peut-être parce que les gestes du brun sont vraiment lents et précautionneux – mais il sent qu'on le retient. Jessica l'a attrapé par le poignet et elle serre, fort. Ses yeux verts brûlent de la volonté farouche de l'empêcher de faire quoi que ce soit de mal. Ils se ressemblent un peu sur ce point.
— « Tu ne dois pas rester ici, Castiel. Dean et Sam – »
— « Ils sont là pour m'aider. Je suis heureux de t'entendre prendre aussi vigoureusement ma défense mais ils sont vraiment là pour moi. »
Le jeune homme marche vers eux, dénoue lentement ses doigts sur le bras de Dean. La blonde le dévisage d'un air parfaitement interdit. Castiel la regarde et elle rougit un peu. Ouais, les yeux surnaturellement bleus du brun ont ce pouvoir.
— « … Je – Excuse-moi mais ils ne sont pas historiens ni historiens de l'art ni experts en… quoi que ce soit », souffle-t-elle.
Dean grogne de désapprobation mais son frère lui donne un coup de coude dans les côtes pour le faire taire.
Castiel se tient dans une nappe de soleil, les rayons dans les yeux. Il esquisse une légère moue et se décale vers l'ombre agréable d'un arbre, entraînant gentiment la jeune femme avec lui.
— « … Pourquoi sont-ils ici, Castiel ? Je suis très inquiète pour toi. Tu es tellement pâle… Et si maigre. Tu es malade », souffle-t-elle d'une voix douloureuse.
— « C'est vrai. Je suis malade mais personne n'est en mesure de me dire ce que j'ai. J'ai vu beaucoup de spécialistes et j'ai fait au moins autant d'examens médicaux mais mon état continue à se dégrader. »
La blonde fronce les sourcils.
— « Ne me dis pas qu'ils sont médecins, je ne te croirai pas. Je suis sûre que Dean ne sait même pas écrire tachycardie. Sam, peut-être que oui », grince-t-elle.
Le châtain ouvre la bouche de stupeur tandis que sa poitrine se serre désagréablement. Dean voit dans son regard que Jessica regrette ses paroles spontanées lui aussi mais il a le droit d'être vexé. Un peu blessé aussi. Sam semble avoir envie de disparaître sous terre, toute la misère du monde sur ses épaules.
— « Cela ne te ressemble pas d'être médisante. »
La jeune femme rougit un peu de confusion. Elle enfouie ses mains dans les poches de sa veste.
– « Je veux juste… » Jessica inspire lentement. « Qu'est-ce qu'il se passe Castiel ? S'il te plaît… »
Castiel cherche un instant le regard de Dean et ce dernier hausse les épaules. Le brun est libre de dévoiler ce qu'il désire, il est leur client.
— « … Ce qui me rend malade est dans cette maison et Dean et Sam le cherchent pour moi », explique-t-il prudemment.
— « Ils sont experts en diagnostic alors ? Ils cherchent du plomb et de l'amiante ? »
— « Pas exactement. Ils cherchent une chose. Qui a été mais qui n'est plus. En quelque sorte. »
Un autre regard et Dean acquiesce lentement. C'est maladroit mais effectivement, c'est à peu près ça.
— « Ils cherchent quelque chose de mort. Carol les a appelés pour m'aider, j'ignorais qu'ils viendraient à Butler pour moi. »
Jessica cligne les yeux. Elle les dévisage tour à tour, Sam semble avoir envie de lui offrir un chiot et un chaton dans un panier enrubanné pour se faire pardonner. Elle plisse légèrement les paupières.
— « … Quelque chose de mort ? », répète-t-elle lentement.
Dean croise les bras sur sa poitrine. Jessica a l'esprit vif mais – La jeune femme écarquille soudain les yeux.
— « … Tu n'es pas sérieux ? Ils chassent les… fantômes ? »
Le châtain se ravise. Elle a vraiment l'esprit acéré. Et une bonne dose d'absence totale d'a priori. C'est assez admirable. Jessica garde le silence, les yeux rivés sur Castiel. Pas de cri, pas de protestations outrées, pas de rires moqueurs ou hystériques. Il hausse un sourcil. Oui, c'est assez remarquable.
La blonde tourne la tête vers Sam, l'ignorant complètement mais Dean ne s'en offusque pas. Il est tenté de dire que le plus difficile est passé, au moins elle ne parle plus d'appeler la police.
— « … C'est vrai ? », demande-t-elle.
Son frère acquiesce timidement. Il sort leur carnet de bord de sa sacoche, lui demande silencieusement l'autorisation et Dean hoche la tête. Sam tend le volume à Jessica qui s'en empare avec réticence.
— « Castiel dit la vérité. … Et je n'ai pas toujours menti, je suis vraiment allé à Stanford », dit-il avec gaucherie.
La jeune femme lui sourit d'un air un peu tordu avant de s'isoler au fond du jardin pour se plonger dans la lecture du carnet.
Le silence est pesant, Dean se demande si Castiel lui a déjà coupé cette part de tarte qu'il lui a promis. Le brun rentre dans le jardin d'hiver puis revient s'asseoir au bord. Il tient une tasse à café dans une main et une assiette dans l'autre qu'il tend au châtain. Dean sourit et le rejoint, s'asseyant à ses côtés au soleil. Non loin d'eux, Sam tourne un peu en rond, nerveux et inquiet, les yeux rivés sur la jeune femme. Jessica va et vient dans le jardin, compulsant leurs recherches dans un silence pesant. Dean attend que le temps passe en mangeant de cette délicieuse tarte aux pommes et noix de pécan, la chaleur du corps de Castiel irradiant doucement contre lui.
— « … Vos recherches historiques sont très impressionnantes, c'est du bon travail », admet-elle avant réticence. « Mais vous avez aussi menti à mon grand-père. »
— « Gary est quelqu'un de bien mais nous n'avions pas le choix. Nous traitons des affaires compliquées qui concernent des gens qui n'ont souvent pas la moindre envie d'attirer l'attention sur eux. Quel autre choix cela nous laisse-t-il ? », demande doucement Sam. « … Est-ce que tu veux toujours appeler la police ? »
Dean roule des yeux. Compter sur son frère pour remettre ses grands pieds dans le plat quand il ne faut pas. Jessica se mord les joues, lui rend le carnet.
— « Tu leur fais vraiment confiance ? », dit-elle en regardant Castiel.
Le brun boit une gorgée de thé et pose la tasse sur ses genoux. Dean trouve dans la tarte un énorme morceau de pommes – particulièrement fondant, caramélisé et délicieux – il le pousse doucement sur le bord de l'assiette pour Castiel qui adore ça. Le jeune homme le prend avec sa cuillère à café et se lèche distraitement les lèvres.
— « J'ai vu des choses Jessica », dit-il doucement. « Depuis que Sam et Dean sont là, je vais un peu mieux parce qu'ils ont trouvé des moyens de Le repousser. Je ne te demande pas de les croire sur parole mais de leur accorder le bénéfice du doute. »
Ah, un autre gros morceau de pomme. Dean recommence et Castiel lui sourit joliment. La jeune femme les observe en silence, soupire et ébouriffe ses mèches blondes d'un geste nerveux.
– « … À l'ouverture du Maridon Museum, nous exposions un très beau coffret chinois d'époque Qing – »
— « Comme dans I Wish ? », remarque Dean avec un sourire goguenard.
Jessica et Sam le fusillent du regard et le jeune homme lève les épaules en ricanant. Castiel penche légèrement la tête.
— « Est-ce que c'est un film ? », demande-t-il en regardant le châtain.
— « Un très mauvais film. Je l'ai peut-être encore sur une clé USB si tu veux qu'on le regarde un de ces soirs. »
— « J'aimerai bien. »
La blonde claque sa langue contre son palais d'agacement.
— « Je disais donc que ce coffret était présenté dans la même vitrine avec des objets en bronze. Le métal s'est corrodé sans qu'on ne puisse expliquer la raison », reprend-elle en défiant d'un regard Dean d'oser encore l'interrompre. « Nous les avons remplacés avec d'autres objets en bois, ils se sont abîmés aussi. Le coffret a été remis en réserve, dans un contenant seul et parfaitement hermétique. … Un des employés a dit qu'il avait vu des choses dans la pièce quand il faisait ses rondes de sécurité. »
— « Nous pourrions t'aider pour ça, Dean et moi avons eu notre lot d'objets anormaux », dit timidement Sam.
— « … C'est ce que vous cherchez dans la collection de Castiel ? »
— « Tu as lu le carnet, tu sais que c'est notre piste la plus probable à présent », lui rappelle le châtain.
La jeune femme se renfrogne un peu et jette un regard peu amène à Sam.
— « La lampe UV était donc plus que bienvenue », comprend-elle avec une pointe d'amertume. « Est-ce que vous avez remarqué des choses qui sortent de l'ordinaire ? »
Dean se mord les joues pour ne pas lui rétorquer qu'elle est la seule à avoir proposé son aide ce serait sans doute assez malvenu et Sam lui en voudrait encore plus de ne pas l'aider à arranger les choses avec la jolie blonde. Il hausse légèrement les épaules.
— « Ça pourrait être mieux mais on peut modifier la fréquence d'onde de ta lampe à UV, j'ai envie de tester quelque chose. … Nous ne t'obligeons pas à rester si tu n'en as pas envie. »
Jessica lui jette un regard noir.
— « Cette lampe est un outil professionnel qui m'a coûté une fortune alors elle ne va nulle part sans moi. J'accepte de la prêter pour autre chose uniquement si Castiel est d'accord avec ce que vous proposez. Castiel ? »
Le brun se gratte distraitement la joue et la mâchoire. C'est mignon.
— « À quoi penses-tu ? »
— « J'aimerais balayer toute ta chambre avec les différentes fréquences. »
— « On a déjà étudié le mobilier », lui rappelle Jessica.
— « Toute la chambre signifie les murs, le parquet et le plafond », répond Dean d'un ton un peu professoral.
La jeune femme cligne des yeux avant de ricaner d'un air moqueur.
— « … C'est ridicule. Qu'est-ce que tu espères voir ? Du slime vert fluorescent ? »
— « La saga Ghostbuster est un fléau », soupire le châtain d'un air de tragédien.
— « Ghosbuster est une excellente saga parce qu'elle se passe au cinéma. … Pourquoi veux-tu retourner dans la chambre ? »
Le châtain tourne la tête vers Castiel. Le brun passe une main dans sa nuque et presse ses doigts sur la chair. Dean se demande s'il sent encore Sa morsure sur lui.
— « … Parce que c'est dans ta chambre qu'on L'a vu et que le sel a moisi », dit-il doucement.
— « Le sel ne moisit pas. »
— « Eh bien il moisit dans cette foutue maison donc on va dans la chambre et on ratisse toutes les surfaces possibles avec ta lampe magique », grogne Dean.
Sam hoche la tête vers elle avec un sourire encourageant. La blonde hésite encore, elle recommence à marcher arpenter le jardin.
— « … Vous rendez visite à Castiel presque tous les jours. Si on voit quelque chose, ça pourrait être l'œuvre l'un d'entre vous. »
— « Je ne m'introduis pas dans sa chambre en catimini », s'énerve Dean.
Pour la première fois depuis le début de leur dispute, son frère esquisse un sourire malicieux un sourire un peu trop identique à celui de Jessica. Le châtain lève les yeux au ciel, claque ses paumes sur ses cuisses avant de se lever. Castiel récupère de justesse son assiette qui tangue, ses doigts effleurent son jeans.
— « Merci Cas. On y va. »
Le brun se redresse à son tour puis rentre à sa suite dans le jardin d'hiver. Il pose la vaisselle sur le guéridon Jessica lui emboîte le pas d'un air un peu incertain.
— « Tu n'es pas obligé de nous accompagner Cas », dit gentiment Dean.
— « Bon sang, tu le maternes tellement que c'est presque ridicule », soupire la blonde en quittant la pièce vers le vestibule.
Sam ricane derrière elle.
Le couple monte déjà l'escalier, les marches craquent sous leurs pieds. Dean et Castiel les retrouvent dans la chambre. Le châtain ferme les rideaux du bow window pour la plonger dans une relative obscurité. Sur le seuil, Jessica paramètre son appareil avant que Sam ne ferme avec soin la porte sur eux et ne calfeutre le seuil à l'aide sa veste. Il abandonne sa sacoche dans un coin mais garde son portable à la main. Dean sort aussi le sien, il règle l'appareil photo en mode nocturne. Il plisse les yeux pour distinguer la silhouette un peu vague de la jeune femme non loin de lui.
— « Tu allumes quand tu veux. »
— « Castiel ? »
— « Fais-le Jessica, s'il te plaît », acquiesce le brun.
Dean se raidit un peu. Il a l'impression que l'air devient plus épais dans la grande pièce, comme quelque chose d'un peu poisseux. Le jeune homme sent une moiteur désagréable couvrir ses épaules et son tee-shirt coller à sa peau. Il roule des épaules sous sa veste, les sens aux aguets. Il entend la jeune femme marmonner quelque chose d'inintelligible non loin de lui avant qu'un faisceau bleuté n'éclaire soudain le parquet à leurs pieds. Il dessine un léger va-et-vient sur une petite surface avant de s'étendre un peu autour d'eux.
Dean baisse les yeux sur ses chaussures bleues.
— « Il n'y a rien d'étrange », dit la blonde.
Jessica a délicatement maquillé ses yeux mais sous la lumière UV, elle brille comme un personnage de jeu vidéo psychédélique. Le jeune homme se mord les joues pour ne pas éclater de rire. À côté de lui, Castiel étouffe un petit bruit mignon en serrant les dents tandis que Sam contemple la jeune femme avec tendresse.
— « Éclaire aussi les murs et le plafond », insiste le châtain.
— « C'est ridicule, tu ne me feras jamais croire que – Seigneur… »
Les paroles de Jessica s'achèvent dans une sorte de hoquet étranglé.
La lampe levée vers le plafond, elle éclaire toute la chambre.
La pièce plongée dans le noir brille comme un ciel constellé d'étoiles mais ces astres n'ont rien de poétique ou de fascinant. Ce sont des griffures, des raclements, des écorchures qui constellent les murs, le plafond et le parquet. Les marques ressemblent à des plaies à vif. Diffuses sur le pourtour de la chambre, elles sont de plus en plus importantes – frénétiques – à proximité du grand lit en acajou de Castiel. Autour de celui-ci, une zone parfaitement vierge forme un no man's land délimité par le cercle de sel. Dean l'a balayé mais il transparaît dans la lumière bleue, un anneau noir et sale.
Le châtain déglutit. La concentration des marques est terrifiante, comme si un animal avait gratté le sol – rodé – avec fureur. Il passe une main sur son front, à peine surpris de sentir sa peau humide de sueur.
— « Merde », siffle-t-il.
La lampe dans la main de la blonde vacille un peu, faisant disparaître les traces, ces balafres qui ressemblent à des marques de griffes. Comme celles qui ont gravé Ses mots sur le cadre de lit en acajou. Ses griffes. Un animal marquant son territoire.
Dean mitraille la pièce avec son portable, aidé par Sam qui s'est emparé de la lampe pour l'éclairer correctement. Le châtain réalise aussi plusieurs photos panoramiques pour pouvoir reconstituer l'ensemble de la chambre et son horrible décor en version numérique.
Il regarde avec attention autour de lui pour être certain de ne rien oublier quand son regard s'accroche au cadre de lit. MIEN. Les lettres qu'il pensait avoir comblé si habilement ressortent à nouveau comme une blessure sur le bois.
Castiel inspire brusquement à côté de lui. Dean s'agenouille devant le lit, son portable devant lui pour prendre un autre cliché. À genoux sur le parquet, il commence à faire lentement le tour du meuble, suivi par Sam qui braque toujours la lampe devant eux.
— « C'est impossible. C'est… Ce n'est pas possible », balbutie Jessica dans leur dos.
— « Tu penses toujours que Sam et moi avons pu faire ça sur notre temps libre ? », ricane le jeune homme d'un ton aigre.
Rien du côté gauche, il reprend son observation attentive de l'autre côté du lit. Le côté où dort Castiel. Dean sent une goutte de sueur couler dans son cou jusqu'au col de son tee-shirt, il songe brièvement que lui dort toujours du côté gauche. … Ils ne se gêneraient pas dans un lit.
— « Ça ne me fait pas rire. Il y a des marques jusque sur le plafond, personne ne peut avoir fait ça », siffle la blonde.
Dean acquiesce mollement. Il l'a déjà dit à la blonde, ils ne sont pas des menteurs.
À quatre pattes sur le parquet, il continue à observer le lit, s'aidant d'une main pour tenter de sentir la moindre altération dans le bois. Sur le côté, en dessous, du côté du sommier à lattes il s'enhardit même à glisser la main sous le matelas pour être sûr. Les genoux douloureux, il serre les dents quand enfin, il le voit.
— « Putain d'enfoiré, t'as enfin fait une erreur. Sammy, rapproche-toi par ici et éclaire-moi mieux », grogne-t-il de satisfaction.
Son cadet s'exécute en silence, légèrement penché en avant au-dessus de lui.
— « Qu'est-ce que tu as vu ? »
Dean soulève le couvre-lit puis le matelas d'une épaule pour lui montrer une partie du sommier, très proche de la tête de lit au plus proche de Castiel quand il s'endort.
Sam plisse légèrement les yeux.
Ce sont deux symboles discrets, d'une taille modeste quand on les compare aux stigmates qui marquent toute la pièce. L'un représente une sorte de croix posée sur un socle, décoré autour de losanges et de points. Des étoiles ornent les branches de la croix et le piédestal. L'autre est un cœur stylisé décoré des mêmes motifs dans un ordre un peu différent.
Dean grogne de contentement.
— « On a enfin un truc Sammy », souffle-t-il en regardant son frère. « Cas, on a quelque chose. »
Le châtain cherche le jeune homme du regard avant de se figer.
Inutile de laisser son regard s'habituer à l'obscurité, Castiel, debout dans un coin de la chambre, brille comme un extraterrestre. Plus justement, ce sont les parcelles de peau découvertes par ses vêtements qui luisent. Dean déglutit.
— « Cas… »
— « Dean ? »
Le jeune homme penche légèrement sa tête sur le côté mais le châtain n'a pas envie de sourire. Il se relève, frotte ses genoux et replace machinalement le couvre-lit avant de le rejoindre.
— « … Tu ne vois pas ? … Cas, tu as aussi des traces sur le corps… », dit-il doucement.
Le brun fronce les sourcils puis baisse les yeux sur ses avant-bras. S'il manifeste une réaction de frayeur, celle-ci est absorbée par le hoquet d'effroi que Jessica tente d'étouffer derrière sa main.
— « Tu en as aussi… Partout… », souffle-t-elle d'une voix tremblante.
Dean pose une main sur l'épaule du brun, le fait tourner sur lui-même pour observer son dos. Sur sa nuque, il voit à nouveau Sa morsure comme si la peau n'avait jamais cicatrisé. Il tire légèrement sur le col de son polo et devine d'autres trace sous le coton. Il fait à nouveau tourner Castiel vers lui et plonge ses yeux dans les siens. Le brun penche à nouveau la tête sur le côté, si touchant que Dean éprouve l'envie irrépressible de le serrer contre lui. Peut-être pour le protéger aussi de Lui en faisant barrière de son propre corps.
— « Cas, est-ce qu'on peut… ? »
Le châtain désigne Sam et la lampe d'un signe de tête. Castiel acquiesce lentement mais il tremble un peu tandis qu'il met ses bras le long du corps. Le blond pointe la lumière sur lui avec discrétion. Dean ne voit que la morsure et des marques fluorescentes sur le cou fin du brun – des taches un peu rondes qui ressemblent à des suçons – et des griffures sur ses poignets, juste à la lisière du col de son polo.
— « Il faudrait que tu te déshabilles », souffle Dean. « Tu peux fermer les yeux si tu ne veux rien voir… »
— « … Je ne suis pas très… J'ai beaucoup perdu de ma forme physique Dean… »
— « Ce n'est pas grave Cas, tu restes le beau gosse de Belmont Road », répond le châtain en souriant d'un air taquin parce que Dieu sait que c'est vrai. « Nous n'allons pas te juger. Tu te souviens ? Sam et moi ne jugeons jamais personne. »
Les doigts du brun sont un peu gourds sur les petits boutons de l'encolure mais il s'acquitte de sa tâche avec application. Sous la lumière bleutée, sa peau a une pâleur irréelle. Derrière lui, Dean croit entendre Jessica pleurer.
— « Dean, je… »
— « Ferme les yeux Cas, ça va aller. Est-ce que tu m'autorises à prendre des photos ? »
— « … De moi ? »
— « Oui, de toi. Sam et moi en avons besoin pour notre documentation. Si tu veux, Jessica peut se retourner pour ne pas te voir. »
La blonde ne proteste pas. Elle hoche la tête, les lèvres si pincées qu'elles ne forment plus qu'une très fine ligne. Dean voit les larmes briller sur son visage tandis qu'elle se détourne.
Castiel retire finalement sa chemise et la dépose soigneusement sur son lit avant de leur faire face. Il contient bravement son envie de se cacher derrière ses bras croisés pour ne pas montrer son torse malingre, le relief de ses côtes qui se dessine d'une manière crue sous la lumière rasante.
Dean a envie de l'envelopper dans ses bras et de le cacher à la vue du reste du monde.
— « Nous n'en avons pas pour longtemps Cas. Sam, vite. »
Son frère tourne lentement autour du brun pour éclairer son torse puis son dos. Castiel se laisse observer, les yeux fermés si fort que son nez se fronce légèrement. Il serre les poings, la tête légèrement baissée. Le jeune homme respire d'une manière un peu saccadée et sa peau se couvre de chair de poule.
— « Je fais vite Cas, je fais vite », répète Dean en suivant le mouvement de son frère.
Si Castiel a froid, lui a très chaud. La sueur coule dans son dos.
Bordel.
Le brun porte sa médaille et sa bague, pourtant Il l'a marqué encore. Sur sa hanche droite, Dean voit des empreintes d'ongles plus récentes que toutes les autres. Sur ses clavicules, autour des tétons bruns et mignons, les marques semblent encore humides comme des traînées de baisers ou le chemin d'une langue mutine. Le châtain continue de prendre les photos mais il se sent un peu nauséeux et sale. Tout cela semble obscène.
Bien malgré lui, son œil se forme lentement, s'habitue et lit la carte du corps du brun. Il n'a aucune difficulté à dresser une chronologie de Ses attouchements et de quantifier l'importance de Ses marques, les plus profondes – les plus possessives – puis les autres, presque tendres comme une caresse délicate sur sa peau.
Castiel garde les yeux rivés sur ses pieds, les poings serrés.
Quand Dean lui demande d'un ton gêné s'il peut poser un doigt sur lui en guise d'échelle à côté de plusieurs griffures, le jeune homme accepte mais il frissonne violemment sous son toucher. Le châtain déglutit légèrement.
— « Ok, ça suffit », croasse-t-il en rangeant son portable dans la poche de son jean. « Sam, éteint la lampe et rouvre les rideaux. On s'arrête pour aujourd'hui. »
Son frère acquiesce Jessica est déjà à côté du bow-window, le visage toujours pudiquement tourné vers le mur pour ne pas voir Castiel à demi-nu.
Le châtain récupère le polo posé sur le lit et aide le brun à se rhabiller.
Il est en train de l'ajuster sur ses épaules quand soudain, la lumière du jour inonde à nouveau la chambre. L'horreur s'efface aussi vite qu'elle était apparue, le soleil de l'après-midi emportant avec lui les balafres menaçantes du plafond et des murs. C'est rapide mais pas assez. Sam n'a pas encore éteint la lampe quand le brun rouvre les yeux. Dean le sent se crisper douloureusement contre lui. Son polo baille encore largement sur son torse trop mince, vaste étendue de peau nue ravagée. Castiel effleure les traces de Ses doigts sur sa hanche, Dean fronce les sourcils et la repousse doucement. Il ferme rapidement les pans du vêtement sur lui et commence à le reboutonner avec soin.
— « Ne regarde pas Cas », lui dit-il, la mâchoire contractée.
— « … Il est partout sur moi… », chuchote Castiel.
— « Plus pour très longtemps. »
— « … Il m'a encore touché cette nuit, Dean. »
Le châtain se mord douloureusement les joues tandis qu'il boutonne le polo jusqu'au col. Castiel ressemble à un séminariste ou à un professeur d'université un peu coincé, Dean n'a toujours pas retrouvé l'envie de rire. Il tire le coton sur ses épaules.
— « Je te promets que ce sont les dernières fois », répète-t-il dans un grondement.
Le brun acquiesce lentement et crispe ses doigts sur le haut de la boutonnière de sa chemise.
— « Je croyais que la médaille devait Le tenir éloigné mais ça ne fonctionne pas », souffle le brun en le regardant
— « Je sais Cas. »
— « Il m'a suivi jusque chez Carol. »
— « Je sais, je suis désolé. » Dean passe une main fébrile dans sa nuque. « Tu dois tenir bon encore un peu. Nous avons une piste maintenant, une vraie. »
— « … J'ai confiance en toi. »
C'est un souffle discret mais la voix est assurée ou à peu près. Castiel a confiance en lui. Ça sonne aussi comme un « encore confiance » ou « toujours confiance ».
Dean s'assombrit. Il sait que Sam et lui mettent trop de temps, il le sait. Le châtain voit l'ourlet du polo rebiquer légèrement sur le côté, il le remet correctement et lisse doucement le tissu.
— « Sam et moi avons a trouvé quelque chose sur le cadre de ton lit. Nous allons devoir faire des recherches mais cet enfoiré a enfin fait une erreur, Cas. »
— « Le lit date des années 1890, ça peut être beaucoup d'autres choses. »
Dean arrange le côté opposé du col d'un geste un peu brusque. Ses doigts effleurent le cou nu et l'arête de la mâchoire du brun. Castiel ne cille pas.
— « Je sais que c'est Lui. Est-ce que tu veux voir à quoi ça ressemble ? Tu verras que ça n'a rien d'une marque d'usure ou de la trace d'un accident. »
— « … Je préférerais sortir de la chambre si tu veux bien. »
Le châtain cherche Sam du regard. Son frère est avec Jessica dans l'embrasure du bow-window, très proches l'un de l'autre. La jeune femme est pâle, un mouchoir dans les mains et Sam lui frotte gentiment le dos pour la réconforter. Dean s'en veut un peu de troubler leur tendre réconciliation mais Castiel est plus important. Il pose une main sur ses reins pour le guider vers la porte.
— « Sammy ? Tu veux bien refaire le cercle de sel autour du lit et vérifier les protections ? Je redescends avec Cas dans le jardin. Jessica ? Tu viens avec nous ? »
La jeune femme hésite un instant avant de secouer la tête, les doigts crispés sur le mouchoir. Une boucle se coince d'une manière amusante derrière son oreille, Sam la remet délicatement en place.
— « Je ne peux pas laisser Sam seul ici. Je reste avec lui, on redescendra ensemble. »
Le sourire de son frère est si doux quand il la regarde que Dean baisse brièvement les yeux sur Castiel. Il tient toujours le jeune homme par la hanche, non loin de la porte de la chambre. Il ne peut pas s'en empêcher. Castiel ne cille pas, il ne s'éloigne pas de lui ni ne se rapproche. Il semble un peu absent mais ses doigts ne cessent de gratter les marques des ongles imprimées sur sa hanche.
Sam prend gentiment la main de la blonde dans la sienne.
— « Ça va aller. Tu devrais sortir de la maison un instant. »
— « Je ne vais pas faire ça. Tu as vu ce qu'il y a sur les murs ? Toutes ces traces comme si un animal sauvage s'était déchaîné ? … Castiel a les mêmes sur le corps et il ne peut pas les avoir faites seul. Il ne peut pas… », proteste la blonde.
La jeune femme jette en regard en coin à Dean puis à sa main posée sur le bas du dos du brun. Il tente de paraître aussi nonchalant que possible mais il sent ses oreilles chauffer un peu quand même. Il sait parfaitement à quoi ces marques ressemblent, merci bien. C'est impressionnant car elles sont très nombreuses mais une étude plus attentive montrerait qu'elles sont toutes relativement superficielles. Des traces de doigts, d'ongles, de fluide que Dean préfère de toute son âme interpréter comme de la salive surnaturelle. De suçons et de baisers. Des traces d'amour. Si elles n'étaient pas devenues fluorescentes sous la lumière bleue, le brun aurait peut-être été le sujet d'amicales taquineries à l'occasion d'une réunion entre amis – s'il avait des amis à Butler autre que la famille Moore – le genre de choses qui rend les gens un peu gênés ou un peu vantards. Mais toute la chambre brille comme une boule à facettes disco horrifique alors non, Dean n'y est pour rien. Il n'est pas comme ça avec Castiel. C'est un autre qui le touche et qui goûte sa peau pendant la nuit.
Le jeune homme crispe inconsciemment ses doigts sur la hanche du brun. Merde.
— « Sam a des choses importantes à faire ici. Tu ne pourras pas l'aider, tu risques même de le déconcentrer. »
— « Dean… »
— « Tu es terrifiée et tu te serres contre lui, ne pense pas que je n'ai rien vu », sourit le châtain en haussant un sourcil entendu.
Sam enfonce légèrement sa tête entre ses épaules tandis que la blonde le défie d'un regard d'ajouter autre chose. Dean hausse les épaules d'un air de « Fais ce que tu veux » et pousse gentiment Castiel vers le palier.
Ils sont très près de la porte quand celle-ci claque bruyamment devant eux. Les murs tremblent, les cadres accrochés aux murs tombent sur le parquet et se brisent dans un fracas de verre. Le crucifix en ivoire posé sur le dessus de la commode tangue dangereusement. Comme au ralenti, le châtain voit le clou fixant la partie supérieure de la croix sauter, l'objet saint se retourne très lentement sur le fond en velours.
Jessica hoquette de stupeur.
Le Christ tête en bas, les bras étendus en martyr sur les branches de la croix inversée. Celle de saint Pierre, signe d'humilité devant Dieu mais aussi celle du Mal, dont la tête ne pointe pas vers le royaume du Ciel mais vers les Enfers comme pour en montrer la direction.
Dean roule des yeux mais il tire un peu plus Castiel vers lui. Tellement cliché.
Jessica est à nouveau pâle comme la mort, elle serre la main de Sam à la briser le châtain voit son frère grimacer légèrement. Dean pose la main sur la poignée de la porte mais celle-ci résiste. À contre-cœur, il doit lâcher Castiel, la prendre à deux mains et la faire sérieusement branler sur ses gonds pour l'ouvrir enfin. C'est si brusque que le jeune homme manque de tomber en arrière.
Il a l'impression d'entendre un rire moqueur résonner dans la cage d'escalier.
Dean le hait.
— « On se retrouve dans le jardin », dit-il en jetant un regard vers le couple.
Dean n'attend pas de réponse, il redescend avec Castiel et l'aide à se rasseoir dans son fauteuil. Le brun s'y laisse presque tomber.
Le jeune homme jette un regard à la tarte aux pommes, il reste un tout petit morceau et l'excitation renouvelée de la traque, le bourdonnement fébrile qu'il sent dans son ventre, lui donne faim. Enfin un élément tangible sur lequel concentrer leurs efforts. Le lit est peut-être ancien mais Dean sent dans ses tripes que ces symboles ne sont pas un simple ornement ou la marque d'un propriétaire passé, un peu comme les initiales brodées sur des slips et des chaussettes quand on est enfant. Dean était fier des siennes quand il avait huit ans et qu'il était allé en colonie pour la première fois. Mary l'avait écrit au feutre sur des étiquettes Superman. Ça l'avait immédiatement propulsé comme le petit garçon le plus cool de la cabane numéro cinq du camp de vacances de Perry Lake.
Le châtain esquisse un sourire nostalgique.
— « À quoi penses-tu ? », demande doucement Castiel.
— « Je vais enfin trouver qui Il est et je vais Le renvoyer d'où Il n'aurait jamais dû sortir », lui répond-il d'un ton un peu crâne en s'asseyant sur la banquette voisine. « Est-ce que tu veux retourner chez Carol pour la nuit ? »
— « … Tu penses aux cadres qui sont tombés et à la croix renversée ? »
— « … Entre autres choses », admet Dean en grimçant.
Plutôt mourir que de reparler avec Castiel des traces sur son corps et d'évoquer son intimité avec Lui ; la seule idée des photos dans son portable tord déjà désagréablement son ventre. Le brun hésite avant de hausser les épaules.
— « Je vais aller m'installer dans la chambre voisine. Je ne veux pas partir, c'est chez moi Dean. Il ne me laisse pas non plus en paix quand je suis loin alors autant rester ici. J'aime cette maison. … Et Gabriel est là pour veiller sur moi. »
Le châtain lui répond d'un sourire un peu tordu. Il en parlera à Sam, peut-être que son frère acceptera d'essayer à nouveau d'entrer en contact avec lui mais rien n'est moins sûr. Gabriel sait qui Il est, il Le côtoie depuis quatre mois. Il Le terrifie. Gabriel peut être en train de se terrer quelque part à moins qu'Il ne l'ait chassé de la maison. S'il a raison sur ce dernier point, Dean se sentira un peu coupable car c'est leur faute à Sam et à lui d'avoir cherché la confrontation avec l'Autre. Gabriel aimait sincèrement Castiel et le brun était si heureux de le savoir encore à ses côtés. À cause d'eux, Gabriel est peut-être réellement parti pour toujours.
Dean pose ses coudes sur ses genoux et croise les mains devant lui.
— « Sam et moi allons travailler à renforcer les protections de toute la maison. Est-ce que nous pouvons revenir demain ? Nous allons devoir passer un moment dans ta chambre sur ces symboles », dit-il.
Castiel hoche machinalement la tête avant de laisser son regard se perdre dans le jardin.
Le châtain jette un coup d'œil derrière son épaule, guettant le retour de son frère et de Jessica. Sa jambe tressaute nerveusement sur le sol.
Aller, vite, un cercle de sel et une prière de bénédiction ne prennent pas tant de temps que cela et les deux frères ont besoin de dresser leur nouveau plan de bataille. Il pense avoir les choses en main et pouvoir se moquer d'eux par des tours de passe-passe ? Dean a hâte de lui montrer la détermination des Winchester et de pouvoir dire enfin Son nom.
Cette fois, il ne tient plus et prend la dernière part de tarte. Castiel refuse d'un signe de tête quand il lui propose de partager et rit doucement. Ça résonne dans le jardin d'hiver comme quelque chose de vivant, de chaud.
Ce rire a le pouvoir d'effacer pour un bref instant tout ce qu'ils ont vu pendant cet après-midi de cauchemar.
