Mes petits chats,

Je vous propose la suite de "L'affaire Philippe Delveau" dans laquelle Dean et Sam progressent encore, où un nouveau personnage fait son apparition et le début de l'esquisse d'une solution commence à s'esquisser. Suspense… :)

Sans plus attendre, je vous laisse découvrir les lignes ci-dessous. J'espère qu'elle vous plaira.

En vous souhaitant une bonne lecture,

ChatonLakmé

PS : crée des bugs dans les fichiers Word à la publication (mots sautés, lettres manquantes…). Je pense avoir corrigé toutes les erreurs mais n'hésitez pas à me signaler ce que vous pourrez trouver.


Les Jayhawks sont un club omnisports de l'université du Kansas situé à Lawrence. Ses équipes de football américain et de baseball sont réputées.

Wallmart est le nom d'une chaîne de supermarchés américains créée en 1962.

Godzilla est une sorte de reptile préhistorique devenu géant à cause de l'activité nucléaire américaine dans l'océan Pacifique. Créé en 1954, il a fait l'objet depuis d'une infinité de déclinaison au cinéma, à la télévision dans des jeux vidéos, en manga etc. Omniprésent dans la culture nippone (et occidentale depuis la relance de la franchise dans les années 2010), il est une métaphore du traumatisme de l'archipel après les bombardements d'Hiroshima et Nagazaki en 1945.

Teen Titans Go ! est une série d'animation au court format distribué par Warner Bros. Animation. Elle raconte le quotidien d'une bande de super-héros adolescents menée par Robin, l'acolyte de Batman sur un ton parodique.

Les grenouilles humaines de Loveland sont un hoax fameux de cryptozoologie dont la présence est signalée pour la première fois en 1955. Il s'agit de grenouilles bipèdes à taille humaine, aperçues sur le bord des routes.

Le buggy est un véhicule motorisé tout terrain léger à deux places, né en Californie dans les années 1960. Des constructeurs proposent toujours des modèles mais les plus recherchés sont les éditions anciennes, telles que celles de la marque allemande Volkswagen construites dans les années 1970.

Le Vertigo Tour est une tournée mondiale du groupe de rock U2 réalisée entre le 28 mars 2005 et le 6 décembre 2006 lors de 131 concerts à guichets fermés. Il s'agit de la deuxième tournée la plus rentable de la décennie, derrière celle des Rollings Stones qui a rapporté près de 500 millions de dollars.


L'affaire Philippe Delveau

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Dixième partie


Butler, Pennsylvanie, mardi 10 octobre


— « Cas ? Tu es là ? »

Dean entrouvre la porte d'entrée et y passe la tête.

La maison est silencieuse mais bien habitée, il flotte encore dans l'air de discrètes odeurs de cuisine. Le châtain sourit avec satisfaction. Bien, Castiel continue donc à suivre leurs indications, il s'alimente au moins un peu.

Derrière lui, Dean sent son frère se hausser légèrement sur les pieds pour regarder par-dessus son épaule.

— « Entre Dean. Castiel doit être à l'arrière de la maison, il n'a pas dû nous entendre. On ne peut pas rester dans l'embrasure comme ça, c'est suspect… »

Le jeune homme roule des yeux mais un couple âgé en train de marcher sur le trottoir leur jette un drôle de regard alors il s'exécute avec la nonchalance parfaite d'un familier du propriétaire de la maison.

Le châtain referme avec soin derrière son cadet, tourne la clé dans la serrure par précaution et pose le trousseau sur le petit guéridon non loin. Cela lui fait une drôle d'impression, celle de rentrer chez lui et de faire les mêmes petits gestes familiers que ceux de ses parents après quarante-et-un ans de mariage. Le trousseau de clés toujours au même endroit, dans la coupelle en céramique de l'entrée le porte-manteau avec leurs affaires respectives, John sur la patère de gauche, Mary sur celle de droite. Les chaussures sagement alignées dans le petit meuble dédié.

Il n'y a rien de tout cela dans l'entrée de Castiel, vaste comme la moitié de son premier appartement, mais Dean ressent un peu la même chose.

Quand il observe ses parents depuis le canapé du salon dans la maison familiale, il entend toujours les mêmes mots quand ils se retrouvent : « Je suis rentré » suivi d'un « Bon retour mon amour. »

Le silence du vestibule a quelque chose de troublant. Non pas qu'il espère que Castiel lui dise la même chose ni avec ce sourire si particulier qui lui donne envie d'effleurer sa bouche pour le sentir sur sa peau.

— « Dean ? »

Le châtain opine et précède Sam dans le couloir en direction du jardin d'hiver. Il lève brièvement les yeux sur les photos posées sur la commode, sur Castiel si beau dans son smoking ou dans son magasin d'antiquités l'homme après lequel il court et pour lequel il n'a pas encore de solution.

Dean se renfrogne.

L'enthousiasme de la journée précédente a cédé la place à un autre type de frustration et la solution la plus probable qui se dessine devant Sam et lui lui donne envie de se jeter dans la piscine du Clarence Inn pour y crier tout son saoul sous l'eau. Ce ne serait pas un échec mais presque c'est même certain pour son égo.

Le jeune homme entre dans le jardin d'hiver et cherche Castiel du regard. La pièce est vide mais une porte-fenêtre est grande ouverte. Dean s'avance, balaye le jardin des yeux avant de rire. Il descend les quelques marches et le traverse.

Le long de la palissade à droite, Castiel est en train de se battre avec un grand drap blanc pour l'étendre sur une longue corde à linge. Le jeune homme l'entend grommeler, pester car il ne parvient pas à le faire correctement le vent joue malicieusement dans les plis. À son ton et à ses gestes un peu saccadés, Dean comprend qu'il est en train de se fatiguer. Il ramasse gentiment les pans qui traînent dans l'herbe avant de le débarrasser. Quand leurs regards se croisent, Castiel écarquille les yeux de surprise avant de rougir un peu. Le châtain sourit.

— « Salut Cas. Sam et moi on s'est permis d'entrer, tu ne répondais pas. »

— « Vous avez bien fait, je n'entends rien quand je suis dans le jardin. »

Les doigts du brun se serrent machinalement sur le drap pour le retenir. Dean le tire doucement vers lui pour lui demander de le lâcher.

— « Laisse-moi faire et va plutôt t'asseoir. Tu as l'air fatigué. »

— « Tu n'as pas à m'aider pour ça », marmotte-t-il en cédant, les sourcils froncés. « … C'est tout le linge de lit de ma chambre principale. Je ne voulais plus dormir dans les mêmes draps… »

Dean hoche lentement la tête. Inutile de lui rappeler que le jour précédent, il lui affirmait encore qu'il s'installait dans une des chambres adjacentes parce qu'il ne pouvait plus dormir dans cette chambre de toute évidence le brun n'a pas suivi ses propres conseils.

Les deux hommes se regardent en silence, longuement le châtain a toujours le drap dans les mains, roulé en boule contre son torse. John et Mary se chamaillent aussi gentiment quand il est question de lessives à suspendre. Chaque a sa méthode, très opposée.

Dean sent ses oreilles chauffer. Il se racle la gorge.

— « … Est-ce que tu as bien dormi ? », lui demande-t-il maladroitement.

Castiel élude en haussant légèrement les épaules. Le châtain se tourne vers la corde à linge et commence à déplier le drap humide dessus. Lui non plus, pas vraiment. Le brun récupère le petit panier avec les pinces et les lui tend l'une après l'autre avec soin. C'est très… domestique.

Le jardin est agréablement silencieux, on entend à peine la circulation sur Belmond Road. Sam rit discrètement dans son dos mais Dean décide de l'ignorer pas Castiel, il est très poli.

— « Bonjour Sam. »

— « Bonjour Castiel. Je vois que Dean est bien occupé, je peux aller dans ta chambre ? », dit le blond avec malice.

— « Je ne veux pas retenir Dean. Je vais finir ça et il pourra venir avec toi. »

— « Tu ne finis rien du tout, je vais le faire », répète le châtain d'un air un peu borné. « Sammy, monte. Je te rejoins. »

Son frère roule des yeux et roucoule quelques mots avant de disparaître dans la maison.

Castiel tente de l'aider mais il ronchonne. Le vent fait claquer les pans du drap le brun semble avoir des bras et des jambes en plomb. Après s'être acharné une interminable minute, les bras levés vers la corde à linge, il finit par rendre les armes. Castiel accroche le panier des pinces à linge dans le creux du coude de Dean et va s'asseoir sur le pas de la porte-fenêtre ouverte.

Le châtain ricane tandis qu'il termine d'étendre le linge éclatant de blancheur. Satisfait, il rejoint Castiel qui se frotte les yeux. Ils sont rouges mais sa peau un peu blême.

— « À quel point dors-tu mal ? »

— « … Je dors vraiment très mal, c'est comme si je n'étais pas à l'aise dans mon propre corps. … J'ai pris beaucoup trop de douches depuis dimanche pour me sentir en paix avec ma conscience écologique… », admet le brun en passant une main lasse dans sa nuque.

Appuyé d'une épaule contre la porte-fenêtre, Dean acquiesce lentement. Il croise les bras sur son torse.

— « Est-ce que tu as des nouvelles de Jessica ? », demande doucement Castiel pour changer de sujet.

— « Elle a renoncé à appeler la police. Sam a longuement discuté avec elle, nous lui avons expliqué en détail ce que nous faisons mais sans trop parler de toi. Tu lui as expliqué toi-même la situation mais le contrat que nous avons signé ensemble n'est pas caduque pour autant. »

Le prétexte est trop beau. Dean n'a pas envie de le faire mais autant prendre les devants, il a déjà l'impression de voir l'air raisonnable et un peu professoral de Sam pour le convaincre : « Tu sais que j'ai raison, nous devons l'appeler pour qu'il nous aide. »

Le châtain baisse les yeux sur ses pieds, il joue distraitement avec un caillou du bout de la chaussure.

— « … Cas, tu te rappelles que les termes du contrat nous interdisent de divulguer des éléments personnels concernant ton affaire mais qu'ils ne nous contraignent pas à un silence absolu. Tu étais d'accord avec ça, n'est-ce pas ? » Le brun acquiesce et Dean le remercie d'un sourire un peu crispé. « … Sam et moi allons peut-être devoir nous adresser à un autre chasseur. Ce n'est pas certain mais je préfère t'en parler dès maintenant. Un autre regard pourrait nous… aider. »

— « Vous avez besoin d'aider pour comprendre les symboles gravés sur le lit ? »

Le jeune homme acquiesce d'un air raide. Ouais, bingo. Vous avez touché le gros lot et le droit de rejouer.

Sam et lui sont en roue libre depuis deux jours et sans plus de résultats. Dean ne veut pas y penser mais solliciter un autre avis s'est transformé d'une possibilité vaguement consciente à ce qui ressemble fort à une nécessité de plus en plus indispensable. C'est une des raisons pour lesquelles il a mal dormi.

Ça et cette foutue chanson d'amour.

Le châtain a beau lutter de toutes ses forces, la fredonner plusieurs fois par jour, il sent que la mélodie exacte lui échappe. Il le faisait encore la nuit passée, sous la douche puis allongé dans son lit, les mains sous sa tête et les yeux rivés sur le plafond de la chambre. Dean s'est enregistré avec son portable mais à l'écoute, il sait que ce n'est plus exactement ça. Cela le fait se sentir un peu misérable. Cette chanson dans une autre langue est le seul autre élément tangible que presque trois semaines de travail leur ont apporté comme indice. C'est si peu. Dean est le seul à l'avoir entendu et il est en train de l'oublier. Bordel.

Castiel étouffe un bâillement dans le creux de sa main.

— « Cela ne me dérange pas, je me souviens très bien des conditions rédigées par Sam. »

Le brun lui sourit doucement mais Dean garde les yeux baissés. Il y a les conditions et… le reste.

— « Est-ce que tu es toujours d'accord pour que nous utilisions dans ce cadre les photos que nous avons prises hier ? »

— « Celles de la chambre et du lit ? »

— « … Et les tiennes, celles que j'ai faite de ton corps, si c'est nécessaire », avoue Dean d'un air un peu gêné.

— « Oh. »

Une ombre envahit les prunelles bleues de Castiel et le châtain se sent un peu coupable. Il sait combien le jeune homme se sent mal à l'aise avec son apparence, combien il est pudique aussi. Pendant son examen, le brun a gardé bravement les bras le long de son corps alors qu'il était évident qu'il voulait plus que tout se cacher. Ses côtes un peu trop visibles, sa taille fine, ses clavicules trop saillantes, sa peau translucide. Ses tétons si roses par comparaison, d'une teinte si tendre et chaude. Les fins poils sombres sur son bas-ventre.

Dean déglutit et enfonce sa tête entre ses épaules. Il voit le brun bailler une nouvelle fois, plus longuement et se pincer l'arête du nez.

— « … Je te l'ai dit Dean, j'ai confiance en toi. J'ai toujours confiance en toi », répète finalement Castiel. « Si tu le juges nécessaire, alors fais-le. J'espère juste que la personne à laquelle tu penses ne les gardera pas. … Je n'aimerai pas ça. »

— « Elle ne le fera pas mais je m'en assurerai », lui dit le châtain.

— « Je te remercie. »

Castiel appuie sa tête contre le chambranle de la porte-fenêtre et ferme les yeux. Sa respiration se fait plus lente, ses épaules s'abaissent un peu.

— « Est-ce que tu veux que je sorte ton fauteuil dans le jardin ? Le soleil est agréable et tu n'as pas réellement besoin d'être avec nous là-haut », propose gentiment Dean.

— « Tu me gâtes trop… », marmonne le brun en hochant lentement la tête.

Dean s'empresse de s'exécuter.

Castiel s'y installe lourdement et soupire d'aise quand il cale ses reins contre le dossier, les mains sur les accoudoirs. Il ferme les yeux et lève légèrement la tête pour sentir les rayons chauds sur son visage.

À cet instant, le brun est douloureusement beau.

Dean reste debout à côté du fauteuil sans dire un mot, appuyé d'une main contre le haut du dossier. Juste là, à le regarder. Une fois, le châtain regardait avec John un match des Jayhawks de l'université du Kansas et son père s'était endormi peu avant la fin du jeu. Accompagné de Sam, Mary était revenue des courses du grand Wallmart dans la banlieue sud de Lawrence. Elle l'avait réveillé d'un baiser. « Je suis rentrée. » « Bon retour mon amour ». Ouais, juste ça.

— « … Je vais rejoindre Sam », chuchote le châtain après une longue minute.

— « Hum hum. »

Cela sonne déjà adorablement endormi et Dean sourit affectueusement.

— « Tu as ton portable avec toi ? Tu peux m'envoyer un message si tu as besoin de quelque chose. »

— « Je peux encore me lever et venir te voir », proteste Castiel en rouvrant les yeux, un peu vexé. « Tout ira bien. Je monterai vous rejoindre plus tard. »

Dean hoche la tête et rentre dans la maison.

Sur le pas de la porte, il jette un dernier regard au brun. Castiel a de nouveau fermé les yeux, les mains croisées sur son ventre. Il a la tête légèrement penchée sur le côté, appuyée contre le dossier. Dean est persuadé qu'il va s'assoupir, il préfère s'éloigner rapidement pour ne pas être tenté de rester avec lui. Ça a l'air tranquille, doux et tellement normal. Pas de drame ni de fantôme ni de nuit hantée. Ça a l'air bien.

Le châtain grimpe les escaliers quatre à quatre et entre dans la chambre.

Sam est assis en tailleur sur le parquet, le couvre-lit rejeté sur le matelas pour dégager les deux symboles, les mains croisées devant sa bouche et ses coudes sur ses genoux. Il semble en proie à la plus grande des réflexions.

Dean traverse la pièce et s'assoit sur le lit, juste à côté de lui. L'épais matelas tressaute légèrement, l'édredon retombe sur les symboles. Son frère grommelle.

— « Certains travaillent quand d'autres sont en train de s'amuser », lui dit-il en repoussant une nouvelle fois l'épaisse couverture. « Où est Castiel ? »

— « Il fait la sieste dans le jardin en plein soleil. Tu as trouvé quelque chose ? », répond Dean en s'appuyant sur ses bras tendus derrière lui.

Sam secoue lentement la tête, les yeux fixés vers le cadre de lit.

— « Je suis désolé mais rien de plus par rapport à hier. … Il peut s'agir de tellement de choses, de symboles magiques ou religieux de toutes les parties du monde. Ce n'est vraiment pas ma spécialité Dean. »

— « … Ni la mienne. »

Le châtain se mord les joues de frustration. Il serre et desserre ses doigts dans les draps défaits, les enfonce dans le matelas. Ça a quelque chose d'un peu intime car en voyant le lit en désordre, Dean est à présent sûr que Castiel y a passé au moins une partie de la nuit. Les oreillers et le traversin sont disposés à la diable et cela donne l'impression que le dormeur vient tout juste de se lever le châtain est presque surpris de ne pas sentir le matelas encore tiède sous ses mains. Ou de sentir un corps à la peau lisse et chaude. À la poitrine soulevée par une respiration lente et profonde.

Dean se redresse brusquement et se laisse tomber sur le parquet à côté de son frère. C'est plus prudent.

Penché en avant, les yeux plissés en direction des symboles, il remarque que les traits de Sam sont tirés et ses tempes un peu moites. Le châtain essuie lui-même son front d'un revers de la main.

— « L'atmosphère dans cette chambre est détestable. L'air est poisseux. Je comprends pourquoi Castiel se sent obliger de prendre douche sur douche depuis deux jours », grogne-t-il en retirant sa veste.

— « Je ne suis pas sûr que ce soit parce qu'il transpire pendant son sommeil. Je le ferai aussi si je voyais mon corps briller comme un sapin de Noël sous une lampe UV. … Je suis désolé pour lui mais je trouve ça vraiment dégoûtant », note son frère, à nouveau plongé en pleine réflexion.

— « Je m'arracherai aussi la peau avec une éponge. Bon sang, Cas porte Ses marques partout », renchérit Dean d'un air sombre. « … Il L'a encore senti quand il dormait chez Carol. Il m'a montré des traces de doigts sur sa hanche. Il ne s'arrêtera jamais Sam. »

Son frère hoche lentement la tête avant d'ébouriffer ses cheveux d'un geste fébrile.

— « Je sais. Le sel moisit de plus en plus vite, Ses marques n'ont jamais été aussi proches du lit. Il progresse malgré tout ce que nous faisons pour l'en empêcher. » Le blond frotte son visage à deux mains. « … Je ne me suis jamais senti aussi inutile de toute ma vie. Je suppose qu'il est parfois nécessaire d'être un peu humble parce que toutes ces choses nous dépassent mais c'est… vraiment désagréable. »

Dean se penche légèrement vers lui et le bouscule affectueusement de l'épaule.

— « Cas compte sur nous, ce n'est pas le moment de flancher Sammy », lui dit-il.

— « Il compte sur toi, tu es son héros en armure étincelante », lui répond son frère en ricanant.

— « Bitch. »

— « Jerk. Arrête de te moquer de moi et de Jessica et je ferai de même », grommelle Sam avant de soupirer lourdement. « … Je regarde ces symboles à en avoir mal à la tête mais leur forme ne m'évoque rien. »

— « Est-ce que tu as cherché d'autres traces sur le lit ? En dessous peut-être ? Il sait écrire, nous l'avons déjà vu faire. »

— « Il n'y a rien. Je me suis déjà glissé dessous pour regarder le sommier pendant que tu jouais au parfait petit mari d'intérieur. »

— « La ferme », grogne Dean en rougissant.

Sam lui adresse un sourire narquois et il lui donne un vigoureux coup de coude dans les côtes.

Le châtain récupère le carnet de bord que son frère garde à côté de lui et l'ouvre à la page où il a croqué les deux symboles Sam les a esquissés hier dans leur chambre d'hôtel avant de parcourir plusieurs encyclopédies sur les mythes et la magie en ligne.

— « Une croix et un cœur… Quelque chose en rapport avec la religion chrétienne peut-être ? Le premier symbole ressemble un peu à un autel », tente-t-il.

— « C'est possible mais dans une variante liée à des réminiscences de paganisme dans ce cas. Autant dire que cela nous donne autant de possibilité que de confessions et d'églises différentes », marmotte son cadet.

Un silence désagréable envahit la chambre.

Dean pianote nerveusement sur sa cuisse dans un rythme staccato. Sam plisse encore les yeux jusqu'à les réduire à deux petites fentes. Cela lui fait froncer le nez et le châtain esquisse un sourire. La mine de Sammy-très-concentré est aussi mignonne que quand il avait huit ans et qu'il débattait avec lui sur les super-pouvoirs de Spider-Man.

« Dean, ce n'est pas possible. »

« L'araignée est radioactive Sammy. On a regardé Godzilla ensemble, tu te souviens ? Les rayons atomiques, ça fait des trucs dingues, hein. C'est possible. »

« … Quand même, je ne comprends pas comment ça peut modifier l'ADN de Spider-Man. Est-ce que tu sais que la morsure d'une araignée ne contient qu'un tout petit peu de venin ? C'est vraiment rien du tout. »

« J'ai été piqué par une guêpe et ça fait un mal de chien. »

« La guêpe n'est pas une araignée. … Viens regarder la télé avec moi, c'est l'heure de Teen Titans Go ! »

Le châtain glousse légèrement, Sam lui jette un drôle de regard.

— « Les premiers symboles sont aussi vieux que les premières traces de l'humanité », reprend-il en serrant et desserrant lentement ses doigts entre eux. « … Castiel ne peut pas continuer à nous entretenir financièrement pendant des semaines le temps que l'on trouve ce dont il s'agit. Dean, nous devons appeler Bobby. »

— « Tu rends les armes avant même d'avoir essayé. »

— « Tu sais que j'ai raison », lui rétorque-t-il. « Tu as envie de montrer à Castiel combien tu es professionnel et brillant mais nous avons besoin d'aide. Il comprendra. Il n'est pas non plus spécialiste de toutes les formes d'art de toutes les époques. Personne ne peut pas tout savoir sur tout. »

Dean crispe ses doigts dans les longs poils de la descente de lit malgré le sourire réconfortant de son frère.

— « … Je peux citer l'ensemble de la discographie de AC/DC dans l'ordre parfait de sa parution. Ça fait plus deux cents chansons. »

— « C'est un talent rare mais parfaitement inutile », lui répond Sam du tac-au-tac. « Sois raisonnable Dean. Nous avons deux pistes et elles sont trop maigres pour que nous nous permettions de continuer à avancer à l'aveugle. »

Le jeune homme se retient de dire qu'ils feraient mieux de se concentrer sur les symboles gravés sur le lit plutôt que sur la chanson. Il l'oublie, il ne peut rien y faire et il doute de s'en souvenir soudainement sous la douche alors qu'il se savonnera les – Bordel de bordel.

— « Tu as promis à Castiel de l'aider… »

Dean se mord les joues mais finit par hocher la tête sans envie.

Sam lui donne un petit coup de coude dans les côtes en guise d'encouragement. Il sait combien c'est difficile pour son aîné de demander de l'aide. Dean croit qu'il doit pouvoir se débrouiller seul dans toutes les situations possibles et imaginables, qu'il n'est pas faillible. Le châtain sait que son frère se moque de ça et que sa confiance en lui est la même que quand il lui apprenait à faire du vélo sans petites roulettes en lui promettant qu'il le rattraperait toujours. Rien n'a changé, les choses sont juste différentes. Les enjeux aussi.

— « Tu as son numéro ? »

— « Il est dans le répertoire de mon portable », grogne Dean en refermant brusquement le carnet. « Cas est déjà au courant du plan, je lui ai demandé son autorisation pour envoyer les photos à Bobby. Y compris celles de son torse. … Il est d'accord à condition qu'il ne les garde pas pour lui. »

— « Vraiment ? »

— « … Il le fait parce qu'il a confiance en moi. »

Le jeune homme sourit d'un air un peu triste. Ouais. Dommage que Dean s'en montre indigne après presque trois semaines à lui répéter qu'il bottera Son gros cul surnaturel.

Sam déplie ses longues jambes et prend appuie sur son épaule pour se relever. Il s'étire, récupère le carnet de ses mains avant de le poser sur le lit.

— « Il est seize heures, Bobby doit être encore au garage. Nous pouvons l'appeler maintenant ou lui laisser un message », dit-il en le regardant dans les yeux. « Aller Dean. On ne baisse pas les bras, tu te souviens ? »

Le châtain se lève à son tour et lui adresse un geste obscène en guise de réponse.

Il sort son portable de sa poche, ouvre sa liste de contacts. Il est bien là – Bobby Singer – entre le numéro de sa pizzeria préférée située à quelques dizaines de mètres de son appartement à Kansas City et celui de cette vague cousine du côté maternel à qui il envoie un message par an pour souhaiter de bonnes fêtes de fin d'année.

Sam sort son ordinateur portable de sa sacoche et va s'installer dans le petit salon installé dans l'embrasure du bow-window. Son frère pianote avec dextérité sur le clavier, ouvre sa boîte mail et le dossier consacré à l'affaire de Castiel avant de lui jeter un regard entendu. Il est prêt, c'est quand il veut.

Dean marche jusqu'à la fenêtre la tonalité de l'appel en cours résonne dans le combiné.

S'appuyant d'une épaule dans la large embrasure, il enfonce une main dans la poche de son pantalon. Un déclic. Le jeune homme se redresse inconsciemment. Ne pas être avachi, avoir le dos droit et les épaules bien carrées. Bobby Singer a cet effet-là sur lui.

« Allô ? »

— « Bobby ? C'est Dean et Sam Winchester. Tu te souviens ? Nous sommes les frères de – »

« Je me souviens de toi, tu pensais que les grenouilles humaines de Loveland existaient réellement. Je suis au moins heureux de t'avoir appris ça à défaut d'avoir réussi à te convaincre qu'un carrot cake est une aberration. On ne met pas de légume dans un dessert. »

Le jeune homme ricane. Il articule exagérément « Loveland » à son frère et Sam pouffe à son tour d'un air un peu gêné. Lui aussi y croyait un peu avant de rencontrer le chasseur plus expérimenté à l'éternelle casquette vissée sur le crâne. Il hausse les épaules. Mea culpa.

« Quelles nouvelles du côté des bébés chasseurs Winchester ? »

— « … Sam et moi voulons juste savoir comment tu vas ? », tente Dean d'un ton nonchalant.

Son frère roule des yeux et fait un petit geste de la main pour lui dire de se presser et de ne pas perdre de temps. Le châtain se renfrogne et s'appuie plus lourdement contre le mur. De toute manière, Bobby n'est pas là pour le voir.

« Dis-le à d'autres, idjit (Son rire est rauque dans le combiné.) Quel problème vous amène à m'appeler alors que tu étais le premier à me dire que ton frère et toi n'aviez pas besoin d'aide ? Notre rencontre date peut-être d'il y a trois ans mais pour moi, vous êtes toujours les mêmes jeunes puceaux du surnaturel qu'à cette époque. Qui d'autres pourrait vraiment croire aux grenouilles humaines de Loveland sinon ? »

Le jeune homme rougit de gêne. Il fuit le regard de Sam qu'il sent lui brûler le visage en une interrogation silencieuse.

Dean se détourne légèrement et observe Belmont Road par le bow-window. Finley est en train de jouer avec une grosse balle colorée dans le jardin de la famille Moore. Il la fait voler devant lui, shoote habilement dedans et la transporte d'un bout à l'autre de la clôture. Le châtain s'attend à voir le jouet éclater d'un instant à l'autre.

— « Excuse-nous d'avoir l'esprit ouvert. Nous venions d'affronter notre premier loup-garou quand on s'est rencontré à Lewistown et Sam pensait encore que c'était une créature de jeux vidéo », grommelle-t-il.

Bobby renifle dans le combiné, c'est autant un acquiescement qu'une moquerie affectueuse. Dean sourit en coin tandis que son frère s'offusque bruyamment à côté de lui.

Le jeune homme fixe à nouveau Finley. Le beagle a commencé à creuser un trou dans le beau massif fleuri devant la galerie du perron. Les feuilles tremblent et les fleurs tombent en pluie sur l'herbe. Il grimace légèrement. Carol va être hors d'elle.

Le vieil homme marmonne des choses inintelligibles à son oreille, quelque chose qui ressemble à une gronderie teintée d'une vague exaspération pour leur naïveté.

Dean croise les bras sur son torse et l'écoute en silence. Même déformée par l'appel téléphonique, il reconnaîtrait la voix et le timbre de Bobby n'importe où. Il y a des choses qu'on n'oublie pas comme leur première rencontre devant le poste de police de Lewistown où Dean et Sam trépignaient de parvenir à parler au responsable de l'affaire de meurtre qui ensanglantait la tranquille petite ville du Montana d'une manière particulièrement répugnante.

Un buggy des années 1970 particulièrement racé s'était garée le long du trottoir dans un ronronnement de moteur presque sensuel. Bobby était descendu, silhouette massive habillée de vêtements de chasse et d'une paire de rangers en cuir. Dean rageait contre le policier au comptoir d'accueil qui refusait de leur donner la moindre information. Juste quelques mots échangés avec lui, une présence écrasante et une voix rauque Bobby était entré dans le commissariat comme un VIP tandis que le châtain avait eu l'impression de rencontrer un foutu super-héros. Quand il avait appris que l'homme était chasseur sur le temps libre que lui laissait son activité de mécanicien de voitures de collection, ça avait été plus que ça comme rencontrer le héros de toute son enfance. Bien mieux que Superman ou Batman, même sa voiture était plus cool que la Batmobile.

Bobby avait aussi haussé un sourcil appréciateur devant la carrosserie acérée de l'Impala. Qui aurait pu prévoir que quelques heures à peine après, rassemblés pour brûler le cadavre de la créature, ils discuteraient piston et pare-chocs dans l'odeur écœurante de la chair brûlée.

Sam et lui apprenaient en même temps qu'ils n'étaient pas les seuls chasseurs sérieux de manifestations surnaturelles. Un moment pareil ne peut pas s'oublier.

« Je sens que quelque chose te turlupine Dean. Aller, crache le morceau. Pourquoi appellerais-tu un vieux grincheux comme moi sinon ? »

Le châtain se mord les joues.

À leur première rencontre, les lèvres sur le col de sa bière, le vieux chasseur leur a avoué être veuf avec une telle pudeur que Sam et lui ont soupçonné une histoire tragiquement surnaturelle sans oser l'interroger. Le blond est allé visiter le site internet du garage Singer et la casse automobile associée. Une accumulation de voitures désossées attendant une autre vie de pièces détachées ou une compression dans la grande benne mécanisée en guise de sort final. Bobby a des employés mais il est seul. Pas d'enfants, pas de famille.

Dean ouvre la bouche avant de pincer les lèvres. Ce qu'il pourrait répondre à Bobby sonnerait faux. Les frères Winchester ne peuvent pas dire qu'ils pensent souvent à l'homme à la casquette. En réalité – passée l'excitation de rencontrer un véritable interlocuteur pour parler sorcières et cercles de sel – ils se sont concentrés sur autre chose alors dire que Sam et lui pourraient passer à l'occasion à Sioux Falls dans Dakota du Nord pour le voir et boire une bière serait un mensonge.

Chacun sa vie, chacun son quotidien, seulement des compagnons d'infortune. Quand on vit dans un pays de près de dix millions de km² et qu'on est toujours par monts et par vaux, rien ne favorise vraiment le maintien des liens. Même quand on s'apprécie.

« … Il n'y a rien de mal à demander de l'aide gamin. On n'est rien l'un pour l'autre mais ça ne nous empêche pas de nous soutenir quand c'est nécessaire. Les chasseurs sérieux ne sont pas aussi nombreux que cela pour se permettre de faire tout le temps cavalier seul. »

— « Est-ce que ça veut dire que tu nous appelleras si tu es un jour en difficulté ? », le taquine le châtain.

« Tu es né des siècles trop tard pour ça. Alors ? »

Dean rit légèrement. Il jette un regard à Sam. Son frère attend patiemment qu'il se lance, les doigts au-dessus du clavier, sans impatience ni agacement. Juste un sourire aux lèvres en guise d'encouragement. Le jeune homme se redresse. Ok.

— « Sam et moi sommes sur une affaire à Butler, en Pennsylvanie. … On est complètement dans l'impasse », avoue-t-il.

« D'accord. Reprends depuis le début mais sois concis, garçon. N'oublie pas, les impressions parasitent souvent les faits. Commence par le début. »

Le châtain hoche la tête. Il se lance. Il raconte leur rencontre avec Carol puis avec Castiel, l'existence du carnet de santé tenu par la jeune femme et cite de mémoire quelques dates et quelques faits à titre d'exemple. Dean poursuit avec leurs recherches à la Butler Area Public Library, l'étude de la collection d'objets d'art du brun. La séance de spiritisme et leur rencontre avec Lui. L'espoir depuis qu'ils ont trouvé les symboles gravés sur le lit.

Le châtain grimace en s'entendant avouer ainsi leur échec.

Un long silence s'installe dans le combiné tandis qu'il reprend sa respiration.

« … Elle est pas banale ton histoire. »

— « Pas banale ? » Dean ricane d'un air sombre. « Rien dans cette histoire ne se passe bien. On aurait déjà dû trouver l'identité de cette chose mais elle nous balade. »

« Restes concentrer, tu commences à surinterpréter ce que tu vois. »

— « Bobby, Il s'est moqué de nous ! Il a ri pendant la séance de spiritisme, Il a chantonné comme s'Il faisait une agréable partie de pêche à Lake Arthur », siffle le châtain en se redressant brusquement.

« Pourquoi Lake Arthur ? »

— « Ce n'est pas le sujet. Il a gravé Sa marque partout dans la chambre de Cas, jusqu'au cadre de son lit et uniquement du côté où il dort. Il le veut. »

« … Attends une minute, je prends de quoi noter. (Le jeune homme entend un léger grésillement dans le combiné, le bruit de chose que l'on déplace puis un froissement de papier.) Quoi d'autres, Dean ? »

Sam lui fait signe de continuer, Dean s'exécute. C'est absurde mais il a l'impression que le vieux chasseur a déjà les réponses qu'ils cherchent. Pourquoi a-t-il tant rechigné à appeler Bobby au juste ? Ah oui, peut-être cette histoire de chevalier en armure étincelante…

— « Cas a aussi des marques sur le corps. Il les lui fait pendant la nuit, peu importe qu'il dorme chez lui ou ailleurs. »

« Des marques visibles à l'œil nu ? »

— « Oui mais c'est encore pire sous lumière bleue. On a passé sa chambre aux UV il y a deux jours, elle brillait comme une boîte de nuit disco. … Je n'avais jamais vu ça. Sammy va t'envoyer des photos par mail. »

Il jette un regard à son frère qui hoche la tête. Le cliquetis des touches de l'ordinateur est un bruit continu tandis que Bobby marmonne dans le combiné. Dean a envie d'éclater de rire quand il entend en bruit de fond le petit bourdonnement caractéristique du routeur ADSL. Qui peut encore travailler avec des outils pareils et penser être connecté au monde ? Même au fin fond du Wyoming avec leur portable comme routeur, Sam parvient à faire mieux.

« Continue, gamin. »

Dean passe une main lourde dans sa nuque.

— « L'argent s'oxyde, y compris celui de la médaille que j'ai faite bénir pour Cas. Les plantes meurent… Le sel moisit », souffle-t-il.

Le silence dans le combiné semble durer un siècle.

« Ce n'est pas possible gamin. Le sel ne devait pas être pur, il ne – »

— « Sam t'envoie la photo du cercle qui entoure le lit de Cas, on l'a refait hier. Il a moisi Bobby. On le bénit systématiquement depuis deux semaines jours mais ça ne change rien. Il moisit de plus en plus rapidement », répond brusquement le châtain.

Le vieux chasseur renifle à la remontrance mais n'ajoute rien. Dean entend les touches de la souri tandis que Bobby ouvre successivement les mails de Sam. Il tape nerveusement du pied sur le parquet. La connexion internet en bas débit rend l'attente interminable.

« … Merde Dean. Le sel est complètement pourri. Vous avez cherché une cause plus naturelle ? Il y a toujours des tas de saloperies dans une vieille baraque. »

— « Cas nous a donné les diagnostics de sa maison quand il l'a acheté. Les experts n'ont pas trouvé d'amiante ou de plomb, il n'y a pas non plus d'infestation et probablement pas plus de nuisibles qu'il y en a dans une autre vieille bâtisse. La maison est saine. »

Bobby marmonne une nouvelle fois dans sa barbe.

« Envoie-moi immédiatement les photos des symboles que vous avez trouvés. Je dois les voir. »

Le ton est sans réplique, Sam s'exécute déjà avec efficacité. Quelques cliquetis de touches supplémentaires de part et d'autre du combiné. Dean sursaute légèrement de surprise. Bobby vient de jurer avec la puissance d'un moteur de Chevrolet sport.

— « C'est à cause d'eux qu'on t'appelle », reprend-il prudemment. « Leur forme ne nous évoque rien et les pistes sont trop nombreuses. Nous sommes déjà à Butler depuis presque trois semaines et – »

« Et toute cette histoire pue complètement Dean. Sam et toi êtes bien protégés ? »

— « On sort toujours couvert », ricane Dean.

Sam roule des yeux d'un air exaspéré tandis que Bobby étouffe un rire grinçant dans le combiné.

« Arrête de te foutre de moi idjit, je ne parle par des capotes que tu gardes dans ton portefeuille. »

— « … Il ne s'en est jamais pris à nous mais oui, nous avons ce qu'il faut. »

« Faites immédiatement bénir vos médailles de protection par un prêtre, l'effet sera plus puissant. Même si vous avez l'impression de ne pas être réellement utile, vous contrecarrez Ses projets. Il veut cet homme, le propriétaire de la maison, et Il le considère déjà comme sien. Il pourrait vouloir vous éloigner physiquement de lui. »

— «Il voudrait essayer de nous faire fuir ? Il nous a déjà fait le coup de la porte qui claque et de la croix qui se renverse. Je sais que tu penses que nous sommes toujours deux niais mais il en faut un peu plus pour nous effrayer », dit Dean d'un ton moqueur.

« Je suis sérieux, gamin. (Bobby gronde et le jeune homme n'a plus envie de rire.) Les marques dans la chambre indiquent qu'Il est vraiment en colère. Il est assez puissant pour marquer le corps de votre client alors qu'Il n'est à ses côtés que depuis quatre mois. C'est très rapide. Tu es toujours un puceau mais je suis sûr que tu sais combien c'est mauvais. »

Le châtain se mord les joues. Inutile de le répéter, c'est déjà parfaitement réel dans son esprit.

— « On ne sait même pas ce qu'Il est ni qui Il est », marmotte-t-il avec dépit.

« Vous ne le savez pas pour le moment. Ces symboles sont sa première erreur et votre meilleure piste. »

— « Est-ce que tu sais ce dont il s'agit ? »

Dean fait un signe de main vers Sam pour attirer son attention et il met le haut-parleur de son portable. Il pose l'appareil sur la table avant de s'y appuyer à deux mains. Bobby respire dans le combiné, le son est un peu rauque et éraillé. Dean ronge son frein, les poings serrés sur le plateau.

— « Bobby ? », s'impatiente-t-il un peu.

« … Ça ressemble un peu à des vévés vaudous, des symboles dessinés par les prêtres – les hougan – sur les lieux de passage des Iwa, des esprits. Je ne suis pas certain. (Il hésite.) Ce n'est pas non plus ma spécialité. »

Du vaudou ?

Dean jette un regard en coin à son frère. C'est inédit dans leur carrière de chasseurs. Bobby a raison, ils sont encore tellement… innocents le mot puceau ne franchira jamais la barrière de ses lèvres. Jamais.

Le châtain déglutit.

— « Ça n'a pas l'air d'être une bonne chose », dit-il lentement.

« Le vaudou est une religion. Il n'est ni bon ni mauvais, le message qu'il délivre vient du prêtre qui officie et de ses adeptes. »

— « Ça n'a rien de différent avec les églises d'aujourd'hui », grogne Dean sans pouvoir s'en empêcher.

Sam lui jette un regard noir, Bobby baragouine quelque chose de très réprobateur et le jeune homme enfonce sa tête entre ses épaules. Son frère n'aime rien de ce qui pourrait s'apparenter à de l'intolérance le vieux chasseur est un grand croyant malgré les horreurs qu'il a déjà eues à affronter. D'accord, il a été trop loin. Mea culpa.

— « Je suis désolé. »

« Excuses acceptées même si tu pourrais y mettre un peu plus du tien, idjit. Je connais un professeur à l'université du Wisconsin-Milwaukee qui a travaillé sur les liens entre christianisme et paganisme à l'époque moderne, je vais lui montrer tes photos. »

— « Merci Bobby », dit gentiment Sam.

— « Et pour le reste ? On attend que tu nous fasses signe ? », trépigne Dean avec frustration.

« L'histoire de la maison et des différents propriétaires n'a rien donné de concluant, pas plus que les objets d'art, c'est bien ça ? Est-ce que vous avez fouillé du côté de l'histoire personnelle de… Castiel ? Bordel, quel drôle de prénom… »

— « Son prénom est parfait », siffle le châtain avec morgue. « Cas nous a parlé de sa vie avant qu'il emménage à Butler, de son métier, les gens qu'il fréquentait. Selon lui, personne n'a de raison de lui vouloir du mal. »

Bobby claque sa langue contre son palais.

« Cette chose le veut pour elle seule, pas pour lui faire du mal. J'ai l'impression qu'elle veut plutôt le posséder et pas dans le sens biblique du terme. (Un silence) Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une vengeance ou d'une façon de lui causer du tort. »

— « Castiel a perdu son meilleur ami dans un accident de voiture, c'est la raison pour laquelle il a quitté New York. Il s'appelait Gabriel. »

— « Sam ! »

— « Tu ne l'aides pas en faisant penser que Castiel vit dans un monde en sucre et qu'il chevauche des licornes », lui rétorque son frère en fronçant les sourcils. « C'est quelqu'un de bien Bobby, il lui est juste arrivé un truc vraiment moche. Ça l'a bouleversé et il en souffre encore. Il avait un petit-ami aussi là-bas, ils se sont quittés parce qu'il n'a pas voulu le suivre à Butler. »

Dean rougit de colère et de gêne mais Sam le fait taire d'un sourcil levé particulièrement impérieux.

— « Gabriel était à ses côtés, nous l'avons entendu pendant la séance de spiritisme. Il était terrifié par l'Autre, il a voulu nous prévenir mais Il l'a chassé. Je n'arrive pas à établir le contact avec lui depuis », reprend le blond en se penchant sur le téléphone.

« D'accord. Donc, votre client au prénom bizarre est triste, il se sent seul et il est vulnérable. Je suis sûr que ce que vous cherchez se trouve dans ses affaires personnelles. Tout ça me paraît trop intime… »

— « On ne va pas aller mettre la main dans ses caleçons pour vérifier », grommelle le châtain en rougissant légèrement.

Sam ricane, le sourire et le regard malicieux. Son aîné le fusille quand même de son plus beau regard noir.

« … Foutu puceau, c'est exactement ce que vous allez faire. Ce que vous chercher lui appartient et il doit probablement se trouver dans la chambre, c'est là où Sa manifestation est la plus forte. Cette chose ne sort pas de nulle part. Fouillez partout et faites-le bien. Si vous voulez l'aider, comprendre ces symboles sur son lit n'est pas suffisant. Je vous recontacte quand j'en sais plus. Soyez prudent, gamins. »

— « Toi aussi. »

Bobby marmonne quelque chose de vague à propos de l'expérience conférée par l'âge et raccroche. Dean range son portable dans la poche de son jean tandis que son frère ferme lentement le couvercle de l'ordinateur. Il noue ses doigts ensemble et s'étire, les bras devant lui.

— « Est-ce que tu vas annoncer la bonne nouvelle à Castiel ? »

Le châtain est déjà dans le couloir mais il lui adresse quand même un doigt d'honneur par dignité.

Dean dévale les escaliers, traverse le jardin d'hiver et rejoint le brun dans l'herbe. Le jeune homme dort, un très léger ronflement aux lèvres. Sa respiration est lente et profonde, apaisée. Il est beau, il sent la maison, les « Je suis rentré » et les « Bon retour (ajouter le petit mot affectueux adéquat) »

Dean s'en veut vraiment de devoir le réveiller pour lui demander ça.

— « Cas ? … Cas ? », l'appelle-t-il doucement.

Il secoue délicatement son épaule, le coton de son polo est tiède sous ses doigts. La respiration du brun a un raté, Castiel fait un petit bruit adorable alors qu'il rouvre brusquement les yeux. Son regard est un peu flou, il tourne mollement la tête autour de lui. Dean remarque que ses cheveux noirs forment des épis sur le côté qu'il appuyait contre le dossier du fauteuil.

— « Dean ? »

— « Excuse-moi Cas. Sam et moi venons d'appeler l'autre chasseur. … Il nous a suggéré une piste intéressante. »

— « Est-ce que c'est une bonne chose ? »

— « Ouais…en quelque sorte. Bobby pense que ce que nous cherchons est un objet qui t'appartient personnellement, quelque chose auquel tu serais attaché. Ça pourrait être dans ta chambre. »

— « … Je ne vois pas très bien ce dont il pourrait s'agir. »

— « Je sais. C'est pour ça que Sam et moi devons le chercher par nous-même. Nous devons fouiller ta chambre Cas. Je viens te demander l'autorisation », achève le châtain avec gêne.

— « … Tu dois regarder partout ? »

— « Nous ne pouvons pas prendre le risque de manquer ce que nous cherchons. Je suis désolé… »

Castiel se mord les joues et baisse les yeux sur ses genoux. Il fronce les sourcils, mâchonne un peu. Dean observe distraitement le roulis des muscles de sa mâchoire et la ligne des tendons sous la peau fine.

— « C'est d'accord », souffle finalement le brun après un long silence. « Tu as déjà des photos étranges de moi à demi-nu, je suppose que c'est peu de chose. »

— « Ne plaisante pas avec ça Cas. J'aimerais vraiment que les choses se passent différemment mais c'est un peu compliqué. Je t'assure que tu ne verras même pas que nous avons ouvert tes tiroirs. »

Le châtain effleure un épi qui pointe sur son crâne sans oser le lisser correctement. Castiel lui sourit d'un air un peu tordu. Dean enfonce ses mains dans ses poches et regagne le jardin d'hiver.

— « Je suis désolé », répète-t-il sur le seuil.

.

Dean lui sourit gentiment avant de disparaître une nouvelle fois dans la maison. Le brun le suit du regard, le ventre un peu serré. Il enfonce ses ongles dans le rotin des accoudoirs de son fauteuil.

Sa main frôle son avant-bras avant de courir sur le dos de la sienne. Il effleure délicatement ses jointures puis glisse Ses doigts entre les siens. Une étreinte tendre. Un souffle à son oreille. Des ongles qui s'enfoncent dans sa chair tendre de sa paume.

« Tu ne le retiens pas. Tu lui permets de tout voir de toi, ton intimité la plus profonde. »

Il caresse son torse par-dessus sa chemise jusqu'à toucher son aine et son entrejambe.

Castiel déglutit avant de se cambrer imperceptiblement. Il exhale un souffle tremblant, serre ses cuisses l'une contre l'autre.

« Il va voir tous tes secrets honteux. Plonger les mains dans ton être. »

Le brun secoue la tête, la gorge serrée.

« Il va te juger. Je suis le seul à pouvoir tout accepter de toi. Retiens-le. Interdis-le de faire ça. Il va tout faire pour nous séparer. Il te veut du mal. »

— « Dean est déjà dans ma chambre », souffle le jeune homme.

« Tu peux encore t'opposer à lui. »

Sa main caresse tendrement son aine, flatte son bas-ventre. Ses doigts se glissent doucement sous sa chemise pour toucher sa peau nue.

« Il n'a rien à faire dans notre chambre, c'est l'endroit où je t'aime. Mon amour, interdis-le-lui. Ordonne-lui de ne pas le faire. »

Castiel ferme fort les yeux. Il secoue une dernière fois la tête, les lèvres si pincées qu'elles forment une ligne exsangue.

Il siffle de rage à son oreille et enfonce Ses ongles dans son aine.

Le brun hoquette de douleur.

Il a disparu.

Le jeune homme se recroqueville un peu sur lui-même et noue ses doigts entre eux sur ses genoux. Il tourne légèrement la tête sur le côté pour guetter le retour de Dean. Son aine le brûle.

.

Dean essuie son front humide d'un revers de main. Il vient de refermer le dernier tiroir de la commode, les tee-shirts aussi parfaitement rangés qu'avant qu'il ne les retire tous pour les observer avec soin. Non loin de lui, Sam termine de regarder sous tous les meubles de la chambre. Quand il se relève, ses genoux sont gris de poussière et il est bredouille. Dean jure entre ses dents serrées.

— « Il n'y a rien dans les vêtements », dit-il d'un air sombre.

Sam ébouriffe ses cheveux avec frustration.

— « Je vais dans la salle de bain. »

Le châtain opine distraitement. Il regarde la grande armoire voisine avant de se rappeler qu'il l'a déjà fouillé jusqu'à l'indiscrétion.

Le jeune homme balaye la pièce des yeux puis emboîte le pas à Sam pour l'observer. Son frère est à nouveau à quatre pattes, ratissant le moindre centimètre carré de carrelage avec la plus grande célérité. Il se relève, déplie son grand corps dans un grognement puis entreprend la fouille méthodique du contenu du meuble à vasques. Il plonge sa main dans les tiroirs et palpe jusqu'au fond des placards. Rien. Toujours rien. Sauf peut-être un flacon de produit cosmétique oublié et un coton-tige ayant roulé hors de son emballage. Rien d'intéressant donc.

Dean soupire et se détourne. Il marche jusqu'au lit dont il défait dans des gestes un peu brusque les draps et la courte-pointe. Le jeune homme glisse sa main entre le matelas et le cadre en bois. Nouvel échec, il ne récolte qu'une écharde qui vient se planter douloureusement dans son index droit. Le châtain siffle d'agacement et de douleur. Sa chair pulse désagréablement mais il l'oublie pour s'attaquer aux tables de chevet.

Celle de gauche est vide, elle se trouve du côté inoccupé du lit. Dean étudie avec plus d'attention la table de droite. Quelques livres, un carnet et un stylo. Un paquet de mouchoirs. Des préservatifs et du lubrifiant dans le tiroir au bouton en cuivre. Tout au fond, sagement rangé dans son emballage en carton, un sextoy pour les plaisirs en solitaire. Le châtain sent ses joues flamber.

— « Tu as quelque chose ? »

— « Non, rien de bizarre à signaler », baragouine-t-il rapidement.

Dean pose un doigt sur le paquet de préservatifs, le fait glisser sur le fond du tiroir pour mieux le voir. Il lit la marque et les caractéristiques. Effet seconde peau c'est aussi comme ça que le châtain les apprécie. Mince, ça tord quelque chose dans son ventre. Castiel est un homme gentil, il doit prêter une grande attention à son partenaire mais il y a aussi ce sextoy qui a quelque chose de mutin, de sensuel et –

Sam revient vers lui, le parquet craque doucement sous ses pieds.

Le châtain s'empresse de refermer le tiroir et tâtonne dans l'autre en dessous. Celui-ci est un peu plus encombré. Il y a de petits objets un peu oubliés, un chargeur de portable qui n'est plus celui du brun, une plaquette de paracétamol périmée.

Quelque chose de rectangulaire au fond.

Une boîte.

Un coffret.

Dean hausse un sourcil. Il touche un peu plus l'objet. Froid, probablement en métal, avec un décor. De petite taille, plutôt un écrin dont le couvercle légèrement bombé est orné de… quelque chose. Une pierre peut-être.

Le jeune homme referme les doigts dessus et tire. Il ne vient pas. Le tiroir tremble un peu sur sa glissière. Dean fronce les sourcils. Advienne que pourra. Il s'en empare à deux mains et force dessus. Le meuble tremble. Il force encore, plus fort. Le tiroir sort brusquement dans un grand craquement un peu inquiétant.

— « Dean ? Qu'est-ce que tu fais ? »

— « … J'ai trouvé Sam. »

Le châtain déglutit. Il a cassé le tiroir – rien de grave, il le réparera – mais surtout, il a trouvé.

Entre deux traverses disloquées en bois, il tient dans ses mains un petit coffret en argent ciselé. Celui-ci est si oxydé qu'il a fusionné avec l'angle du tiroir, formant un tout à la fois terne et pulvérulent. À ce stade, la surface est constellée de sulfure d'argent formant un résidu grumeleux. Les objets alentours n'ont pas souffert. Le coffre est comme un étrange morceau de corail greffé à son support. Indivisible.

Dean n'en croit pas ses yeux. Ils l'ont enfin trouvé il le sent dans ses tripes et ça n'a rien avoir avec les préservatifs seconde peau et le sextoy de Castiel.

Sam cligne des yeux.

— « Bobby avait raison. C'était là, dans la table de chevet de Castiel », souffle-t-il.

— « Oui, au plus près de lui », ajoute Dean en plissant les yeux. « Il y a une serrure mais elle est inutilisable. … Je ne peux pas l'ouvrir à mains nues. »

— « Ça ressemble à un coffret à bijoux. »

Le châtain hoche la tête. Oui, probablement c'est trop petit pour contenir un –

Il cligne les yeux.

— « Une bague… Bordel Sam, c'était une bague. Cas a dit qu'il portait une avant, quand je lui ai demandé pourquoi il n'avait plus la mienne. Il semblait étonné de ne plus l'avoir au doigt », souffle-t-il.

— « Une bague est un bijou très personnel, surtout chez un homme. Bon sang, tu l'as trouvé », renchérit son cadet dans un rire, une main dans ses cheveux.

Dean sourit d'un air bravache et Sam le bouscule amicalement d'un coup d'épaule.

— « Refaisons le lit et retournons voir Castiel. Nous avons encore du travail mais ça n'a jamais senti aussi bon. »

— « Quoi donc ? »

— « La victoire Sammy ! La victoire ! »

Le jeune homme ricane avec satisfaction, l'air vaguement hystérique d'un méchant de série B.

Son frère roule des yeux, lui prend le coffret des mains et le pose sur la table de chevet avant de commercer à refaire le lit.

Dean s'exécute à son tour. Penché sur le matelas, les mains dans les draps, il sent un courant d'air glacé lui lécher la nuque, semblable à deux bras hérissés d'aiguilles gelées qui l'enlacent.

C'est presque douloureux mais il continue à sourire d'un air immensément satisfait.

Va te faire voir.

Winchester : 1 – Enfoiré invisible et pervers : 0.

.

Il s'agit bien d'une bague. Depuis le début, il s'agit d'une bague – Dean sait que c'est ça – un anneau au diamètre étroit fait pour être porté au petit doigt de la main.

Le jeune homme fronce les sourcils.

C'est une chevalière en or, orné d'une pierre sombre et plate gravée d'armoiries à moitié effacées. La devise inscrite en dessous dans un ruban semble être en français mais le châtain n'est pas très sûr de lui, elle est presque aussi peu lisible que l'écusson qu'elle orne.

Avec l'autorisation de Castiel, un peu nerveux, Dean a forcé la serrure du coffret.

À l'intérieur, il a trouvé quelques objets en métal vulgaire, des souvenirs sans valeur, transformé en un amas compact et indivisible. La bague les a complètement oxydé, envahis par sa pourriture.

Quand il a poussé le couvercle orné d'un morceau de lapis lazuli en cabochon, la chevalière brillait comme un diamant dans un morceau de charbon, presque arrogante dans son éclat précieux.

Le jeune homme croise les mains devant son menton et appuie ses coudes sur ses genoux. Non loin de lui, Castiel est assis dans le canapé, raide et les épaules contractées. Il fixe la bague sans ciller depuis de longues minutes, muet. Dean a remarqué qu'il ne l'a pas touché depuis qu'il l'a posé sur la table basse, peu après leur arrivée avec Sam le brun a juste semblé être agité d'un lourd frisson avant de se figer.

Il passe une main dans sa nuque.

— « C'est ce qu'on cherchait Cas. »

Le brun plisse les yeux, penche légèrement la tête sur le côté.

— « Comment le sais-tu ? »

— « Le coffret est oxydé d'une manière anormale et Sam l'a testé avec de l'eau bénite. C'est ça qui te fait du mal ou plutôt, la personne qui y est liée. »

Castiel noue ses doigts sur ses genoux, si serrés entre eux que ses jointures blanchissent un peu.

— « Est-ce que cette chevalière est à toi ? », demande Sam.

— « … Ce n'est pas un objet de famille. Je l'ai acheté à un antiquaire à Downtown Memphis lors d'un voyage. Je la destinais à un client qui collectionne les bijoux anciens pour hommes mais je l'ai… gardé. Je n'ai pas pu m'en séparer. »

Le brun pince les lèvres tandis que les deux frères se jettent un regard en coin. Oui. Oui. Dean se racle la gorge.

— « Est-ce que tu l'as déjà porté ? »

— « Oui, au début. Je la mettais au petit doigt, c'est comme ça que les hommes portaient leur chevalière au XIXe et au XXe siècle. »

— « Pourquoi as-tu arrêté de le faire ? Elle semble être enfermée dans ce coffret depuis un bout de temps. »

— « … Je ne sais pas vraiment », répond Castiel en se mordant les joues. « J'ai commencé à me sentir mal, à être malade. J'oubliais de la mettre le matin quand je me levais. Je l'ai juste… rangé. »

Dean lève un sourcil dubitatif. Oubliée dans un tiroir serait plus exact, bien que rangée dans un précieux coffret ciselé. C'est une démarche contradictoire.

Castiel garde les yeux rivés sur la chevalière, hésite, avant de tendre la main vers elle.

— « C'est dommage de l'avoir oublié, elle est vraiment belle. C'est un peu comme la revoir dans la vitrine de cet antiquaire… », souffle-t-il.

Le châtain se mord les joues et éloigne lentement le bijou de lui, sans animosité ou méchanceté. Peu importe le regard un peu noir de Castiel, c'est pour son bien, juste pour son bien.

— « Qu'est-ce que tu peux nous dire à son sujet ? »

Le brun suit la chevalière du regard tandis que Dean la place encore plus loin devant lui, hors d'atteinte. Castiel fronce les sourcils d'un air sombre. Quelque chose d'ombrageux, de sauvage, passe soudain dans ses yeux bleus, leur donnant une teinte de ciel d'orage.

— « Pas grand-chose », marmonne le brun de mauvaise grâce. « Elle date de la fin du XIXe siècle, elle est en or 14 carats et elle a probablement été réalisée en France, ses poinçons sont français. »

— « C'est peu de choses comparées à toutes les notices que tu as rédigées sur les œuvres de ta collection. »

Le brun hausse les épaules.

— « Je ne voulais pas la vendre, elle était pour moi. Quand je l'ai vu dans cette vitrine, c'est comme si elle m'était destinée… »

— « C'est déjà un bon début », tempère Dean en jetant un regard entendu à son frère. « Est-ce que tu pourrais nous donner le nom du vendeur ? Nous allons tenter d'en savoir plus grâce à lui. »

Castiel prend son portable sur la table basse et navigue rapidement sur internet. Après quelques secondes, il montre l'écran à Dean.

— « C'est ce magasin. Je l'ai acheté il y a six mois, au milieu du mois de mars. »

Le site internet est un peu racoleur, la police de caractère franchement emphatique et les photos montrent des mises en scène d'un goût de nouveaux riches.

Dean hausse un sourcil, il peine à imaginer Castiel flâner dans cette boutique. Même sans être un expert, le châtain sait que les prix des œuvres sont prohibitifs. Leur qualité laisse à désirer, plutôt des petits maîtres et des artistes d'un rang inférieur aux splendeurs que vend Castiel dans sa propre maison.

— « Le propriétaire s'appelle Gordon Clay, il est spécialisé en arts du XIXe et du XXe siècle », ajoute le brun en montrant la photo de l'homme.

Elle accompagne une biographie trop longue pour être honnête et l'homme à des faux airs d'Elvis Presley.

Dean esquisse un sourire narquois tandis que Sam note avec soin le numéro de téléphone et les informations complémentaires données par le brun.

Le châtain se les remémore rapidement. Une bague ancienne en or avec des armoiries et une devise. En français. Comme la chanson.

Le jeune homme fronce les sourcils. C'est peut-être un hasard mais si seulement il parvenait à s'en souvenir…

La sonnette de la porte d'entrée retentit soudain dans la maison suivie d'un bruit de clés que l'on tourne. Le châtain tend le cou en direction du vestibule.

— « Cassie ? C'est Carol. »

— « Entre, nous sommes dans le salon bleu. »

La jeune femme apparaît dans l'embrasure de la pièce, un sac en toile à la main. Elle embrasse doucement le brun sur les deux joues et salue les frères d'un sourire.

— « Vous êtes toujours là, hein ? », les taquine-t-elle. « Cassie, j'ai retrouvé certaines de tes affaires dans la chambre d'ami. Tu es parti tellement vite il y a deux jours que tu les as oubliées. Everett a aussi fini de lire ce roman policier dont il te parlait à Lake Arthur. Il m'a demandé de te l'apporter. »

La blonde lui tend le sac avec un sourire d'excuse.

— « Finley a trouvés tes vêtements sous ton lit avant moi, il a déchiré un de tes tee-shirts en jouant. Je suis désolé, il ne fait jamais ça d'habitude. Je te rembourserai ce qu'il a détruit bien entendu. »

— Je n'avais pas remarqué. Qu'est-ce qu'il manque ? », répond Castiel en posant le sac entrouvert sur ses genoux.

— « Le tee-shirt du concert de U2. »

Une étincelle de peine luit brièvement dans les yeux du brun.

— « C'était un cadeau de Gabriel, je l'adorais », dit-il doucement.

— « Et c'est un objet de collection ! Vertigo Tour était une tournée de légende, la deuxième plus rentable des années 2000. Carol, ton chien est un criminel ! », s'exclame Dean avec indignation.

Bon sang, le châtain vénère ce tee-shirt depuis qu'il a vu Castiel le porter un matin. Sam et lui étaient venus lui rendre visite un peu trop tôt, ils avaient trouvé le brun encore en vêtements de nuit avec un pantalon de jogging bas sur ses hanches. Pieds nus. Dean avait trouvé la vision charmante de si bon matin. Castiel était beau. Il aime aussi U2, Dean regrettera probablement toute sa vie de ne pas avoir obtenu de billets, même de dernière catégorie.

Il observe le tee-shirt que Castiel vient de déplier devant lui. Il est ravagé, le coton complètement déchiré. Finley n'a pas joué avec, il s'est acharné dessus.

Le châtain pince les lèvres.

Il marque le brun, Sa présence pourrait être sensible jusque dans ses affaires, comme un parfum malodorant qui aurait fait réagir le beagle. C'est territorial et franchement répugnant.

Un coude sur le bras du canapé, son menton dans sa paume, Dean écoute distraitement Carol, Castiel et Sam débattre de musique. Leurs goûts respectifs et leurs arguments sont si opposés que c'est presque amusant.

Il pianote du bout des doigts sur sa cuisse, les yeux rivés sur la chevalière. Il sent que son frère et lui sont proches, qu'il ne manque qu'une pièce du puzzle pour attraper enfin le bout de ficelle de la pelote. En le déroulant lentement, ils trouveront la solution au bout du labyrinthe, comme un fil d'Ariane.

À côté de lui, Castiel abandonne le débat quand Sam et la jeune femme s'enthousiasment en même temps sur la discographie de Madonna, l'air un peu fatigué et surtout complètement perdu.

Dean ricane.

Les deux hommes écoutent en silence la discussion, plongés dans leurs pensées. Le châtain songe à au professeur de Wisconsin-Milwaukee et à la probabilité que le vieux chasseur le rappelle rapidement avec des informations.

Il entend une mélodie fredonnée en sourdine, quelque chose de très lointain comme une radio allumée. Le jeune homme marmonne à son tour quelques notes avant de se figer.

C'est la chanson, Bordel, c'est elle.

Dean tourne brusquement la tête vers Castiel. Le brun est en train de feuilleter avec intérêt l'épais livre de poche prêté par Everett, il dodeline légèrement de la tête. Carol rit joyeusement.

— « Je suis sûre que ce n'est pas une chanson de Madonna, Cassie. »

— « Non, c'est encore mieux. Cas, qu'est-ce que tu es en train de fredonner ? », dit Dean en se redressant dans le canapé.

— « Je ne sais pas, c'est juste une chanson comme ça… »

— « Ses paroles sont en français ? »

Castiel le regarde d'un air surpris et hoche la tête.

— « … Oui, je l'ai entendu une ou deux fois. »

— « Où ça ? Où l'as-tu entendu, Cas ? »

— « Certainement pas au Giant Eagle Supermarket, le propriétaire ne passe que de la musique country. »

— « Carol, s'il te plaît. C'est important », grince Dean. « Cas, où était-ce ? »

Le brun enfonce légèrement sa tête entre ses épaules, gigote imperceptiblement, l'air mal à l'aise. Le jeune homme enfonce ses ongles dans ses paumes pour ne pas l'attraper par les épaules, le faire cesser et l'obliger à parler.

— « … C'était dans un rêve. Je m'en souviens quand je me réveille, comme si quelqu'un me l'avait chanté à l'oreille », avoue le brun d'un air gêné. « J'aime bien la mélodie, je la trouve jolie. Elle parle d'amour. »

— « Tout le monde aime qu'on lui chante des mots d'amour », renchérit son amie avec conviction.

Dean a la gorge sèche. Il crispe ses doigts sur l'accoudoir, il sent le regard de Sam lui brûler le visage. Le jeune homme hoche imperceptiblement la tête. C'est cette chanson, l'air lui revient parfaitement à présent. Il fredonne à son tour, le ton parfaitement juste, et le brun lui sourit joliment.

— « Tu veux bien la chanter Cassie ? J'ai toujours trouvé que tu avais une jolie voix quand tu chantes avec Tom et Julia. »

— « Ils m'apprennent les génériques de leurs dessins animés préférés… »

— « Tu es quand même très bon et je n'ai jamais entendu parler français. J'ai toujours trouvé que c'était une langue très sexy. »

Carol fait danser ses sourcils d'une manière amusante, le jeune homme hésite avant de s'exécuter, un peu maladroit.

Dean s'empresse de prendre son portable pour ouvrir l'application de reconnaissance vocale qu'il a acheté un peu plus tôt. Elle a été sans effet avec ses pathétiques entreprises mais avec Castiel… Il colle presque l'appareil contre sa bouche, sent le souffle chaud de sa respiration. Le brun l'éloigne d'un geste gêné.

— « Laisse-moi faire Cas, je sais ce que je fais. Chante s'il te plaît. »

— « Si tu m'enregistres pour te moquer de moi, je – »

— « Tu penses réellement que je pourrais faire ça avec toi ? »

Les deux hommes se regardent en silence – longuement – puis Castiel secoue lentement la tête. Il se racle la gorge et reprend avec application, la voix un peu plus claire. Dean trépigne d'impatience à ses côtés. C'est ça, c'est ça, c'est ça. … Et oui, le français est une jolie langue sexy surtout dans la voix grave et rauque du brun.

— « Fascination de Maurice de Féraudy. Elle a été composée en 1905 », lit-il sur son écran.

— « Ce n'est définitivement pas Madonna », s'esclaffe Carol.

Castiel se contente de hausser les épaules, un sourire un peu timide aux lèvres. Il baisse les yeux sur ses genoux, continue à feuilleter le roman. La chanson toujours accrochée à ses lèvres.

Je t'ai rencontré simplement

Et tu n'as rien fait pour chercher à me plaire

Je t'aime pourtant

D'un amour ardent

Le châtain relève lentement les yeux sur Sam. Ils doivent appeler Bobby en urgence. Son frère acquiesce en silence.

Enfin.


Tadam ! Ces lignes closent cette première partie de l'enquête des frères Winchester. Je précise que je détaillerai dans les parties suivantes de nombreux éléments à peine esquisser ici mais je ne peux le faire dès maintenant sans prendre le risque de trop vous en dévoiler.

Concernant la chanson de Maurice de Féraudy (1859-1932, acteur et dramaturge actionnaire à la Comédie française), elle existe belle et bien. J'ai fais de longues recherches pour trouver un titre ancien, en français, dont les paroles correspondaient à ce que je voulais retranscrire dans mon histoire. J'ai lu plusieurs versions, j'ai choisi la plus récurrente d'entre elles pour retranscrire les paroles. Pour les plus curieux/curieuses d'entre vous, elle est écoutable sur Internet.

La suite dans deux semaines, comme d'habitude. Pour votre plaisir (j'espère) petit teaser pour patienter :

— « Cas. Sam et moi, nous devons aller à La Nouvelle-Orléans."