Mes petits chats,
Je vous propose aujourd'hui la suite de "L'Affaire Philippe Delveau" qui inaugure la troisième partie de cette histoire. Comme annoncé lors de la publication précédente, elle se délocalise à La Nouvelle-Orléans pour la suite de l'enquête de Dean et Sam, laissant Castiel seul à Butler. Que va-t-il donc se passer ? A vous de lire pour le découvrir.
J'ai changé la description de la chevalière achetée par Castiel faite dans la partie précédente. En faisant des recherches plus approfondies, j'ai trouvé qu'une bague seulement en or était peu adéquate avec l'époque choisie. Elle est donc en or et ornée d'une pierre semi-précieuse gravée d'armoiries. Cela ne change rien du tout dans le déroulé de mon histoire mais l'art est dans les détails et j'aime les détails, c'est ce qui fait une bonne histoire crédible selon moi :)
J'aimerai vous soumettre une question de forme sur laquelle je ne parviens pas à trancher de manière satisfaisante. J'hésite sur la meilleure manière de distinguer les dialogues des personnages et les paroles de l'entité (je garde la police en italique). Entre guillemets ? Avec tiret et guillemets ? Sans aucun signe de ponctuation ? Vos retours seront tous appréciés et humblement étudiés.
Je vous souhaite une bonne lecture,
ChatonLakmé
Roberto Longhi (1890(1970) est un célèbre historien de l'art italien, spécialisé en peinture européenne des XVe et XVIe siècles, qui a contribué à faire redécouvrir des peintres un peu oubliés aujourd'hui mondialement reconnus.
Le scone est un petit pain d'origine écossaise, devenu un incontournable du tea time britannique, que l'on tartine généralement de crème et de confiture. Ils sont très appréciés dans le monde anglo-saxon de manière générale.
Le chrisme est une représentation symbolique du Christ née aux débuts du christianisme.
Juste un petit mot pour recontextualiser l'histoire de la Louisiane. La région a fait partie de la Nouvelle-France, une colonie française fondée au XVIIe siècle sous le règne de Louis XIV, au début peuplée par des Français déportés. Essentiellement agricole et sans attrait économique suffisant pour la France de Napoléon Ier, elle est vendue en 1803 aux États-Unis. Les habitants y développent alors de florissantes activités sucrière et cotonnière grâce aux travails des esclaves emmenés d'Afrique par bateau. La Louisiane reste encore aujourd'hui très fortement imprégnée par sa culture française (noms de lieux, patronymes de familles descendants des premiers colons français et dites Cajuns ou Créoles, langue.)
Le Historic New Orleans Collection est une structure créée en 1966 regroupant un musée, un centre de recherches dit Williams Research Center et une maison d'édition. Elle a pour vocation l'étude et la préservation de l'histoire et de la culture de La Nouvelle-Orléans.
La Nouvelle-Orléans possède une très riche culture gastronomique aux multiples influences. Vous pouvez y déguster entre autres mets des pralines (une confiserie à base de noix de pacane, de beurre et de sucre caramélisé), de la soupe de tortue, du jambalaya (une sorte de paella à base de riz et de protéines animales), du blackened fish (une méthode de préparation du poisson inspirée par la meunière en France) ou encore des huitres dite Rockefeller (des huitres en sauce).
Le Gilded Age désigne les années 1865-1901 de l'histoire des États-Unis, marquée par une grande prospérité, un frénétique développement économique et l'émergence de très grandes fortunes. Dans les arts décoratifs et l'architecture, il se traduit par le goût dit Rothschild, du nom de la famille éponyme, caractérisé par une réinterprétation (très chargée) du XVIIIe siècle français.
L'affaire Philippe Delveau
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Onzième partie
Butler, Pennsylvanie, jeudi 12 octobre
— « Cas. Sam et moi, nous devons aller à La Nouvelle-Orléans. »
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Le brun, assis sur un des canapés du rez-de-chaussée, a les mains nouées sur ses genoux. Il observe d'un air absent la grande bibliothèque sur sa gauche, laisse errer son regard sur les titres imprimés sur les tranches. En bout de rangée, à hauteur de ses yeux, il remarque un volume sur la peinture italienne du XVe siècle écrit par Roberto Longhi.
Castiel hausse un sourcil. Il l'avait oublié il pourrait le relire.
Un bruit sourd provenant de la pièce du dessus résonne soudain et il lève la tête. Le brun entend un raclement sur le parquet, des bruits de pas. Il serre plus fort ses doigts entre eux.
— « Cas. Sam et moi, nous devons aller à La Nouvelle-Orléans. »
Le départ est prévu pour aujourd'hui. Les deux frères se sont présentés tôt dans la matinée, ils sont en train de renforcer les protections de sa chambre en vue de leur absence.
Castiel inspire profondément et se pince l'arête du nez, fort et presque douloureusement.
Dean quitte Butler.
Comme dans les rêves qu'il a fait les nuits dernières.
Comme quand Il l'étreint tendrement en lui susurrant à l'oreille qu'il n'a pas besoin du châtain. N'est-Il pas toujours là, présent pour lui ?
Il tressaute nerveusement du pied sur le tapis.
Le brun ne veut pas que Dean parte.
Les deux frères feront le trajet dans l'Impala, avalant les presque deux mille kilomètres le plus rapidement possible une conduite d'au moins dix heures avant de faire une halte dans la banlieue de Hunstville, Alabama, pour la nuit. Dean et Sam veulent arriver à La Nouvelle-Orléans en début d'après-midi le lendemain pour commencer au plus vite leurs recherches. Voyager en avion aurait raccourci leur séjour d'au moins deux jours mais le châtain en a une peur panique, même si Castiel lui a proposé avec candeur de l'installer en business class.
Le brun a souri affectueusement avant de comprendre ce que cela signifiait réellement pour lui une absence prolongée de deux jours supplémentaires.
Il a légèrement pâli.
Il n'a pas envie de savoir Dean loin de la – de sa maison, même si c'est pour mieux revenir avec des réponses.
Le jour précédent, Sam s'est longuement entretenu avec Gordon Clay, le propriétaire du magasin d'antiquités où Castiel a acheté la chevalière il y a quelques mois. Le brun a souri quand Dean lui a expliqué que l'homme s'est montré étonnamment loquace son frère a prétendu travailler pour un prestigieux musée souhaitait se renseigner sur la provenance de la bague en vue de son acquisition. Peu importait le nom de l'institution, il devait rester confidentiel le temps des tractations avec l'actuel propriétaire.
Flatté dans son égo, Mr. Clay a été d'une grande fatuité mais il a généreusement parlé. Le précédent vendeur habitait à Albuquerque au Nouveau-Mexique, il avait acheté la chevalière lors d'une vente aux enchères en 1984.
Bien entendu, il pourrait se renseigner pour eux sur son historique si le musée voulait bien citer son nom et sa modeste contribution dans son communiqué de presse une fois la transaction réalisée.
Sam a accepté avec des mots charmants.
La chevalière a donc appartenu à cet homme jusqu'à son décès ses enfants la lui ont ensuite vendu au poids de l'or. Mr. Clay a retrouvé la trace d'un autre propriétaire qui l'avait en sa possession entre 1951 et 1962 ce n'est pas très clair. Son histoire reste inconnue entre sa date de création, vers 1889, et le milieu du XXe siècle.
L'antiquaire n'est pas parvenu à identifier précisément les armoiries gravées sur la sardoine. Le catalogue de la vente de 1984 faisait un rapprochement avec une lettre à en-tête datée du 3 juin 1876, apportée par le vendeur comme une preuve d'authenticité. Les armoiries pouvaient correspondre. La courte notice citait la famille de Blagny, des Créoles français installés en Louisiane depuis le début du XIXe siècle.
Mr. Clay leur a scanné la page en question. Castiel a reconnu que l'hypothèse était crédible il se serait peut-être égoïstement abstenu s'il savait que cela signifiait le départ de Dean.
C'est stupide.
Bien.
La Louisiane donc.
Son histoire et sa culture très françaises. Ses traditions vaudou.
Direction le sud des États-Unis.
CQFD.
C'était hier mais le brun rumine encore l'annonce de Dean avec anxiété. La seule chose qui le rassure un peu est que le jeune homme semble aussi peu satisfait à l'idée de partir que lui.
Un nouveau raclement sur le parquet à l'étage, plus fort et qui semble faire un peu trembler la maison. Des bruits de pas à nouveau. Une conversation très étouffée mais dans laquelle résonnent les jurons fleuris de Dean.
Castiel sourit doucement, un petit pli un peu fragile à la commissure de ses lèvres.
Quelques jours d'absence, c'est peu de choses dans une vie. Quand on a, comme lui, peur et le corps un peu faible, c'est une éternité. Le jeune homme dort mal dans son lit mais il dort mal aussi dans les chambres d'ami, alors il est resté.
Une porte claque à l'étage, le parquet craque dans le couloir puis dans l'escalier. Dean taquine son frère de sa belle voix grave de barryton.
Castiel s'appuie sur l'assise et se lève lentement du canapé. Il frotte distraitement sa hanche et ses reins du plat de la main.
Le jeune homme ne se regarde plus nu dans le miroir de la salle de bain mais il sait qu'Il l'a encore touché. Cette nuit, Il l'a possessivement étreint. Il a enfoncé ses ongles dans sa chair pour le retenir quand dans son rêve, Dean lui tournait le dos et partait sans un salut. Castiel était dévoré par l'envie – le besoin – de le rattraper, de le toucher pour le retenir, même si cela signifiait Le mettre en colère. Il le renversait alors dans les draps et lui volait son souffle en l'embrassait, le rendant suffoquant. Le brun s'est réveillé avant que Dean ne se soit retourné vers lui, le cœur serré et le corps douloureux.
Castiel traverse le salon pour rejoindre le vestibule. Une main sur la rampe, Dean est arrêté au milieu des escaliers et regarde son frère avec insistance.
— « Tu es sûr que tu as bien tracé le cercle ? Tu as dû te contorsionner pour pouvoir le dessiner sous le lit », dit-il.
— « Pour l'amour de Dieu Dean, je sais ce que je fais », grommelle Sam en levant les yeux au ciel.
— « S'il y a la moindre erreur dans les symboles ou la prière en latin, il sera complètement inefficace. »
— « …Tu deviens blessant. Si tu as si peu confiance en moi, tu aurais dû le faire toi-même. Je sentais ton regard sur moi au moindre de mes gestes et ton souffle dans ma nuque j'avais l'impression de voir papa qui me surveillant quand j'apprenais à faire du vélo sans petites roulettes. »
— « Hé ! », proteste son frère d'un air vexé.
Le blond ricane d'un air satisfait.
Dean énumère toutes les raisons pour lesquelles il pense être différent de John Winchester et en oublie la dernière marche. Le jeune homme trébuche maladroitement, crispe ses doigts sur la rambarde pour se retenir. Castiel marche déjà vers lui pour l'aider. Dans un certain désordre de bras et de jambes, le châtain finit par refermer son bras autour de sa taille alors qu'ils basculent ensemble. Ses muscles se contractent brusquement sous son tee-shirt, tout son corps se bande dans l'effort. Le brun a le visage à moitié enfoui dans son vêtement. Il se fige. Son parfum. L'odeur de Dean, un mélange de déodorant, d'after-shave et de lui. Castiel déglutit légèrement tandis que le jeune homme le serre plus fort contre lui pour leur éviter la chute. Il frissonne au contact qui presse le bas de son dos, là où Il l'a touché aussi et où il a un peu mal.
Le brun gigote pour se dégager de l'étreinte. Ça le gêne. Dean pose lentement ses deux pieds sur le parquet, son souffle effleure son cou.
— « Ça va, Cas ? Excuse-moi, j'ai la sale manie de ne pas toujours regarder où je marche quand je descends un escalier. »
— « Papa fait la même chose, il s'est déjà cassé la cheville comme ça », ajoute nonchalamment Sam en passant à côté d'eux.
— « La ferme Sammy. »
Dean a les oreilles un peu rouges.
Castiel rit doucement tandis qu'il arrange sa chemise un peu froissée par leur étrange pas-de-deux. Le châtain le guide gentiment vers le salon. Sam est en train de changer le sel des coupelles posées aux quatre coins de la pièce, la dernière à protéger. Dean le rejoint et le brun s'assombrit un peu. Les deux frères sont rapides, efficaces. Ils se déplacent dans la pièce et œuvrent en commun sans même avoir besoin de se voir ou de se parler.
Castiel tire sur les manches de sa chemise.
Il n'a jamais aimé les départs.
— « Êtes-vous content de ce que vous avez fait là-haut ? », demande-t-il avec intérêt.
Le châtain lui jette un regard par-dessus son épaule et hoche la tête.
— « On a dû déplacer un peu ton lit pour l'éloigner du mur. Sam a tracé un pentacle derrière à la craie et sur le parquet en dessous. On y a beaucoup travaillé depuis deux jours pour qu'il soit le plus puissant possible pour te protéger en notre absence », lui explique-t-il.
— « … Vous avez déplacé le lit ? Il est très lourd. »
— « Pas tant que cela », élude Dean en haussant les épaules d'un air nonchalant. « Ne t'en fais pas, on l'a remis exactement au même endroit. »
Sam ricane discrètement à son affirmation vaguement bravache mais le brun ne réagit pas. Dean a dit qu'ils allaient revenir et cela suffit à le rassurer un peu. Il frissonne à peine quand il sent un souffle glacé dans sa nuque, une pression – comme une main – sur ses reins contusionnés.
Le châtain se relève, il époussette rapidement ses genoux et jette un dernier regard alentour.
— « Nous sommes prêts, Sammy ? »
— « Nous pouvons difficilement faire plus à part nous installer ici pour Le repousser en personne. »
Le jeune homme rit d'un ton badin et bouscule Dean de l'épaule d'un geste complice.
Castiel déglutit légèrement. Est-ce que cela pourrait être possible ? La maison est grande, il y a quatre chambres d'amis à l'étage Dean pourrait s'installer dans la pièce voisine de la sienne. Il serait partout, tout le temps avec lui son sourire rassurant et sa présence chaude et solaire.
Ses ongles s'enfoncent dans la chair encore tendre de son ventre, comme une punition.
Le jeune homme inspire dans un souffle un peu haché. Il se gratte fort la hanche.
L'empreinte de Ses doigts sur son corps le brûlent.
— « Est-ce que ça va ? »
Le brun relève brusquement la tête. Dean le regarde avec inquiétude et il hoche la tête d'un air raide, sans doute pas assez convainquant.
— « Je n'ai pas non plus envie de quitter Butler mais Sam et moi ferons le plus vite possible », souffle doucement le châtain. « Tu pourrais peut-être retourner dormir une ou deux nuits chez Carol. Ne reste pas seul ici. »
— « … Je vais lui demander si elle veut bien m'accueillir. Peut-être que nous irons pêcher à Lake Arthur cette fois, je pourrais te raconter à ton retour. »
— « Faisons ça. Envoie-moi aussi une photo de ce que tu auras attrapé sinon je ne te croirai pas », rit-il.
— « D'accord. »
Dean sourit. Ses yeux verts pétillent, il est absurdement beau dans son tee-shirt AC/DC vintage et sa veste en cuir aux coudes un peu râpés.
Castiel crispe ses doigts sur sa hanche.
Il n'a pas envie qu'il parte.
Le châtain discute avec Sam. Entre deux mots, il baille dans le creux de son coude et se pince l'arête du nez.
— « Vivement qu'on s'arrête à Louisville pour faire une pause et prendre un café », grommelle-t-il.
— « Mrs. Singleton t'avait proposé de nous préparer quelque chose à emporter et tu as refusé. »
— « Elle est la propriétaire de l'hôtel, elle ne travaille pas pour nous. »
— « Ça lui aurait fait plaisir pourtant. »
— « Elle nous gâte déjà trop. J'arriverai à survivre jusqu'à Louisville. »
Castiel bondit sur l'occasion juste une opportunité pour les avoir encore un peu avec lui, pour repousser le départ de Dean.
— « Je comptais m'en préparer un », ment-il parce que le café n'est pas bon du tout pour sa tachycardie. « Est-ce que vous voulez m'accompagner avant de partir ? »
Il voit le châtain hésiter, il y croit. Le jeune homme jette un regard en coin à son frère qui élude d'un discret haussement d'épaule. Dean mâchonne ses joues, hésite encore avant de refuser d'un signe de tête.
— « Ce serait vraiment avec plaisir mais il vaut mieux qu'on prenne la route maintenant. Je suis désolé Cas », répond-il à regret.
— « J'ai des scones aussi », essaye encore le brun.
Dean a envie de se laisser tenter, c'est si lisible sur son visage que Sam rit doucement. Castiel y croit si fort. Le châtain est gourmand, leur collation pourrait s'éterniser un peu. Les deux hommes discutent bien ensemble, souvent Dean rit en disant qu'il ne voit pas le temps passer en sa compagnie.
— « Nous allons y aller », répète finalement le châtain en passant une main dans sa nuque. « Plus tôt nous partirons, plus tôt nous serons rentrés avec des réponses, Cas. »
Le brun sourit et fait bonne figure, il a l'impression de L'entendre rire.
Sam regarde une dernière fois autour de lui puis gagne le vestibule, suivi par son frère.
Castiel leur emboîte lentement le pas. Sur le pas de la porte, il a un frisson.
Carol les attend à côté de l'Impala, Finley allongé à ses pieds dans la pelouse du brun. Le jeune homme sort sur le perron et descend les escaliers à côté de Dean qui détaille une nouvelle fois leur périple vers La Nouvelle-Orléans.
— « Nous devrions arriver demain en début d'après-midi, juste le temps de déposer nos affaires à l'hôtel, d'avaler un morceau et nous irons immédiatement au Historic New Orleans Collection. Sam a pris rendez-vous au centre de recherche. Nous avons aussi contacté la Louisiana Historical Society. »
— « C'est bien. »
Castiel tourne machinalement la bague de Dean à son doigt, il frotte son pouce sur les fines gravures sur le pourtour.
— « … Vous partez avec la chevalière, n'est-ce pas ? »
— « Nous avons besoin de la montrer aux historiens que nous allons rencontrer. Les armoiries sont trop abîmées, on ne voit pas grand-chose sur photo », acquiesce le châtain.
Elle est à toi, elle est ton bien.
— « … Elle est à moi. Je l'ai acheté, elle est à moi. »
Ses mots sont à peine audibles mais sa voix est rauque son ton, possessif. Castiel cligne des yeux et regarde Dean. Celui-ci l'observe d'un air décontenancé.
— « Dean, je – »
Le châtain s'arrête dans l'allée et lui fait face. Castiel se recroqueville un peu sur lui-même. Qu'est-ce qu'il lui a pris ? Pourquoi a-t-il dit une chose pareille ? Ça a juste été… instinctif, viscéral. Il sent le regard vert du châtain peser sur lui et il enfonce sa tête entre ses épaules avec honte.
Dean fait un pas vers lui.
— « Tu dois continuer à lutter comme tu le fais depuis des mois, Cas. Ne Le laisse pas gagner. Tu n'as pas besoin de ce bijou. Tu n'as pas besoin de Lui. Ne Le laisse pas parler pour toi », dit-il doucement.
Le brun hoche lentement la tête il va essayer en tout cas et de toute son âme pour ne pas le décevoir. Le jeune homme sourit et pose une main sur son épaule.
— « Je t'appellerai tous les soirs pour te tenir informer de nos recherches. Tu peux aussi appeler quand tu veux. Je ne pourrai peut-être pas toujours te répondre mais je te rappellerai sans faute », poursuit-il.
Castiel acquiesce une nouvelle fois. Il regarde l'Impala puis Sam qui discute avec Carol tout en caressant Finley derrière les oreilles.
— « Le trajet va être long, je ne veux pas que vous preniez des précautions avec votre séjour là-bas. Choisissez de bons restaurants où manger et changez d'hôtel si celui que vous avez choisi ne vous convient pas. Tu sais que l'argent n'est pas un problème Dean, je veux que vous soyez à votre aise la-bas », dit-il.
Dean le remercie d'un chaud sourire, Castiel sent le sang battre un peu sourdement à ses tempes tandis que les deux hommes marchent côte à côte jusqu'à l'Impala. Le châtain bouscule affectueusement son frère quand il le dépasse pour contourner la voiture. Il ouvre la portière et s'accoude nonchalamment au toit.
— « Carol ? Cas a envie de retourner à Lake Arthur pour pécher. »
— « Ce n'est pas ce que j'ai dit… »
La jeune femme rit joyeusement et hoche vigoureusement la tête.
— « Je prendrai soin de lui », répond-elle en croisant les bras sur son torse.
Dean acquiesce. Il sait qu'il s'agit moins de veiller à ce que le brun ne bascule pas dans l'eau à cause d'un monstrueux brochet que de garder un œil sur lui tout court. C'est ce qu'il espérait.
— « Sam ? », interpelle-t-il le blond.
Son frère s'est éloigné de quelques pas, le téléphone à l'oreille. Dean pianote sur le toit de l'Impala avec une pointe d'impatience. Il voit Sam sourire, rire. Passer une main dans ses cheveux une fois puis deux. … Il joue du bout du pied avec un gros gravier de l'allée. Le châtain hausse un sourcil. Il a l'air un peu idiot, il parle donc avec Jessica.
Le châtain esquisse un sourire en coin. Il appuie vigoureusement sur le klaxon de l'Impala. Le bruit est tonitruant et Sam sursaute. Il ricane.
— « Tu ne pars pas à la guerre, soldat ! Abrège et viens par ici, on a de la route à faire ! », se moque-t-il en roulant des yeux.
Castiel pouffe à côté de lui. Le châtain fait retentir une nouvelle fois le klaxon d'un geste bravache tandis que Finley aboie vigoureusement. Son frère le fusille du regard.
— « Je t'envoie un message quand je suis arrivé et oui, Dean sera très prudent sur la route », dit-il en regardant son frère avec insistance. « Prends soin de toi et – D'accord, je t'invite à dîner quand je rentre. Et je te ramènerai de vraies pralines de Louisiane. »
Le jeune homme rit joyeusement et Dean s'impatiente encore un peu plus.
Castiel s'est glissé à côté de Carol, dans une nappe de soleil. Ses cheveux ébouriffés prennent une teinte chocolat gourmande, sa peau chauffe doucement et devient plus rose. Il rit aussi alors que Finley lui fait fête, debout sur ses pattes arrières et se tortillant contre lui pour avoir des caresses. Le brun se plie volontiers à son caprice et, extatique, le beagle se laisse presque tomber sur le dos dans l'herbe pour lui offrir son ventre dans un long soupir de plaisir. Castiel s'accroupit pour continuer à le caresser gentiment.
Dean s'absorbe dans sa contemplation silencieuse. C'est une vision réconfortante alors qu'il est sur le départ. Le brun a l'air vivant et bien dans le soleil. Sam s'accoude au toit de l'autre côté de l'Impala.
— « Quelque chose à ajouter, soldat ? », se moque-t-il en désignant le jeune homme d'un discret signe de tête.
Dean se retient de faire un geste obscène dans sa direction. Il se racle la gorge et Castiel lève les yeux sur lui. Ses grands yeux si bleus et beaux dans son visage un peu trop pâle et émacié. … Non, ce serait vraiment déraisonnable d'accepter ce café et ces scones mais il doit lutter contre lui-même.
— « On va y aller. On fera le plus vite possible pour rentrer rapidement à Butler, Cas. »
— « D'accord. Soyez prudent sur la route. »
Le brun penche doucement la tête sur le côté, de cette manière adorable qui donne envie à Dean de faire des choses inconsidérées. C'est presque aussi bon que les scones maison avec cette confiture de fraises à se damner que Castiel achète dans une épicerie haut de gamme du centre-ville. Il hoche la tête.
— « … Tu appelles quand tu veux, tu te souviens ? Et tu n'es pas seul. »
L'ombre inquiète dans les yeux du brun s'estompe un peu. Il sourit et lui adresse un petit salut de la main, moins enthousiaste que celui de Carol tandis qu'il s'installe au volant de l'Impala.
— « Qui est celui qui part à la guerre maintenant ? », demande Sam d'un ton chantant en attachant sa ceinture.
— « La ferme Sammy. »
Il met le contact, manœuvre souplement l'Impala pour exécuter un parfait demi-tour dans la large allée d'une grande maison et repartir en sens inverse sur Belmont Road.
Dean salue Castiel avec assurance et enthousiasme tandis qu'ils repassent devant la maison. La Chevrolet roule lentement, son regard remonte brièvement sur la façade.
Soudain, un lent mouvement des rideaux de la chambre du brun.
… Une silhouette. Une ombre. Peut-être.
Le châtain cligne des yeux, un frisson dans les reins. Il n'est pas certain de ce qu'il a vu de ce qu'il pense avoir vu. Une simple illusion de son esprit ? … Lui ? L'Impala est déjà trop loin pour qu'il puisse vérifier. Il crispe les doigts sur le volant en cuir et fronce les sourcils.
— « … On aurait peut-être pu renforcer encore le cercle dans la chambre », marmonne-t-il entre ses dents serrées.
— « Nous avons fait tout ce que nous pouvions. J'ai même gravé un chrisme sur le cadre de lit, juste à côté des vévés. Tu te rappelles ? Le chrisme, le symbole du nom du Christ. Cette chose ne peut pas le toucher, c'est une des formes la plus pure du divin », répond son frère en se pinçant l'arête du nez.
— « … Excuse-moi. »
— « Si tu continues autant à douter, tu peux tout aussi bien rester à Butler avec Castiel et je partirai seul à La Nouvelle-Orléans. La route est longue, je n'ai pas envie de devoir me justifier encore et encore pour ce que je fais surtout que je le fais bien. »
— « Je t'ai dit que j'étais désolé », grogne Dean.
— « Eh bien souviens-t'en et arrête de me demander si je suis sûr de m'y être pris correctement. »
Le châtain acquiesce sèchement. Il crispe ses doigts sur le volant de l'Impala pendant une longue minute tandis qu'ils descendent N Main Street vers W Jefferson Street.
— « … J'espère que le cercle tiendra. »
— « Dean ! Je viens de te dire que – »
— « Je ne doute pas de toi, je me méfie de Lui. Rien n'est normal dans cette foutue affaire. Bobby a dit la même chose et il a dû voir plus de choses étranges en cinq ans de son existence que toi et moi dans toute notre vie. »
Sam tressaute nerveusement de la jambe. Son pied frotte sur le tapis de sol au poil rêche, Dean a presque l'impression d'entendre le petit frouch frouch régulier.
— « … Tu commences à avoir l'air aussi renfrogné que lui… »
Dean ricane, il sait apprécier l'euphémisme. Quand le vieux chasseur les a rappelés hier, la bordée de jurons qu'il a poussés dans le combiné a résonné dans leur chambre d'hôtel. Entre deux grognements, les deux frères ont surtout retenu que sa connaissance à l'université du Winsconsin-Milwaukee lui a certifié que les deux symboles étaient bien des vévés vaudous. C'est bien. D'une forme qu'il n'a jamais vue. C'est moins bien.
Rien n'est simple.
Merde.
— « Votre affaire pue aussi mauvais qu'un opossum crevé sur le bord d'une route, les garçons. Soyez très prudents. »
Dean ignore à quoi ressemble l'odeur d'un opossum mort mais il a une bonne imagination et surtout, il voyait presque la grimace de Bobby. Il songe qu'ils auraient peut-être dû demander conseil au vieil homme pour augmenter la puissance de leur cercle de protection peut-être qu'ils pourront lui en parler une fois arrivée à La Nouvelle-Orléans en prévision de leur retour à Butler. Si le cercle et le chrisme tiennent jusque-là, il faudra dans tous les cas les refaire.
— « À quoi penses-tu ? », demande doucement Sam.
— « Je pense au fait qu'on a intérêt à être rudement efficace une fois là-bas. On ne peut pas se permettre d'être absent pendant deux ou trois semaines comme à Butler. »
Le blond acquiesce.
— « Je serai gêné de présenter autant de factures à Castiel. Même s'il a insisté, nous avons déjà réservé une chambre dans un hôtel d'une gamme bien supérieure à ce que nous choisissons d'habitude. Cela me met un peu mal à l'aise. »
Cette fois, Dean esquisse un sourire. C'est vrai, les deux frères n'ont pas pu anticiper leur voyage ils ont pris une chambre où ils pouvaient dans le centre-ville. Le châtain n'est pas particulièrement satisfait par l'idée de faire payer cent cinquante dollars par nuit à Castiel mais l'hôtel possède un bar splendide décoré dans un esprit Prohibition qu'il a hâte d'essayer. Verre de whisky dans une main, fesses dans un large fauteuil Chesterfield en cuir fauve. Un plaisir un peu coupable qui a de l'allure. Le châtain se demande si Castiel apprécie un bon vieux whisky américain dans un beau cadre, comme Clint Eastwood. Clint Eastwood était vraiment sexy dans les années 1970.
Son frère étouffe un bâillement dans sa main. Il croise les bras sur son torse et cale le plus confortablement possible son grand corps dans le siège.
— « Nous allons y arriver, Dean. » Il ferme les yeux. « En attendant, tu prends les premières heures de conduite pendant que je dors un peu. On s'est levé très tôt et je n'ai pas bu de café… Tu as intérêt à me réveiller pour que je te remplace quand tu en auras besoin. »
— « Tu es né mille ans trop tard pour ça, Sammy. »
— « … Ouais, tu ressembles tellement à Bobby », ricane le blond.
Dean n'ajoute rien. Il se concentre sur la route, plutôt déserte à cette heure-ci et engage souplement l'Impala sur la Route 68 vers le sud. Un automobiliste sur la file opposée salue son passage d'un coup de klaxon admiratif mais il ne réagit pas.
Un coude sur la portière et son autre coude appuyé sur sa cuisse – une position qui lui permet de conduire pendant des heures sans se fatiguer ni se courbaturer – il garde les sourcils froncés. Concentré. Inquiet. Mentalement, il commence déjà à avaler les kilomètres. La Chevrolet aussi. Le jeune homme accélère un peu plus quand il dépasse Connoquenessing. Juste un peu plus. Puis encore un peu. Un peu plus.
Faire vite, rentrer tôt.
.
Castiel caresse distraitement Finley tout en regardant l'Impala s'éloigner.
Quand elle tourne à l'angle de Belmont Road et de N Main Street puis disparaît de sa vue, son ventre se tord très légèrement. Dean l'a salué gentiment quand il est repassé devant la maison, le brun a l'impression que c'était déjà il y a une éternité.
Il est distrait, caresse maladroitement le beagle et manque de lui mettre un doigt dans un œil. Finley renâcle bruyamment avant de lui mordiller doucement le poignet. Le jeune homme déglutit un peu. Il est seul avec Lui maintenant. Pour plusieurs jours. Comme avant.
Castiel jette un regard à la maison par-dessus son épaule. Énorme. Impressionnante. Monstrueuse. Vide, sans présence vivante. Semblable à un îlot sombre dans le quartier qui se réveille doucement autour d'eux. Le brun frotte distraitement sa poitrine du plat de la main.
— « Est-ce que tu veux vraiment retourner à Lake Arthur ? », lui demande gentiment Carol. « Les enfants vont aller passer le week-end chez mes parents à East Butler mais je pourrai y aller avec toi. J'ai envie de bronzer ailleurs que dans mon jardin. »
— « Dean te taquinait », rit-il en regardant au bout de Belmont Road, là où a tourné l'Impala un peu plut tôt. « On ira plutôt pêcher ensemble… S'il revient. »
Il enfonce sa tête entre ses épaules. Les mots lui ont échappé. Il n'a pas vraiment voulu dire… Si ? Le jeune homme sent le regard de son amie peser sur lui, attentif et affectueux.
— « Bien entendu qu'il va revenir. Que veux-tu qu'il reste faire à La Nouvelle-Orléans ? … Je ne l'imagine pas en grand amateur d'huîtres Rockefeller et de soupe de tortue. Ils ont signé un contrat avec toi dans lequel ils s'engagent à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour t'aider. Je suis certaine qu'ils vont être très efficaces et qu'ils seront bientôt là. »
Castiel lui adresse un petit sourire, un peu tordu à la commissure de ses lèvres avant de baisser les yeux sur ses pieds. Il ne juge pas utile de lui faire remarquer qu'un document d'une telle teneur – même rempli de termes juridiques tout à fait légaux – n'a aucune valeur dans un tribunal. Comment un juge pourrait-il statuer sur un cas d'escroquerie où des chasseurs de surnaturel n'auraient pas rempli leur part ? C'est absurde le brun aurait eu plus de chance d'obtenir l'annulation de son prêt étudiant sur un improbable prétexte que ça à l'époque.
Il hausse légèrement les épaules. Oui, quelle importance Castiel ne maîtrise pas plus ce qu'il se passe avec Lui que les affaires des frères Winchester.
Castiel crispe ses doigts sur le bas de sa chemise. Il se sent si impuissant. Et ce corps qui commence à lui faire horreur… Maigre. Pâle. Plus vraiment homme.
Carol enroule la laisse de Finley autour de son poignet et claque sa langue contre son palais pour attirer l'attention du chien. Le beagle se trémousse sur son arrière-train et tire déjà en direction de la maison. La jeune femme éclate de rire.
— « C'est spaghetti party ce soir. Est-ce que tu veux te joindre à nous ? »
— « Je travaille sur un projet avec Jessica pour le Maridon Museum, elle viendra me rendre visite après le travail. Une autre fois ? »
La blonde lui jette un regard en coin.
— « Vous avez un rendez-vous ensemble sans Sam dans les parages ? Est-ce que le pauvre est au courant ? », le taquine-t-elle. « J'ai vu comment ils se regardaient tous les deux. Ils ressemblent à Everett et à moi quand on flirtait ensemble à l'université. Comment est-ce que tu t'y prenais quand tu avais dix ans de moins, Cassie ? » »
— « Pas d'une manière très différente de celle que j'ai maintenant. Je ne suis pas très doué pour ça, je ne vois jamais les signes qu'on m'adresse », dit-il distraitement. « Quand j'ai rencontré Oliver pour la seconde fois, il a laissé son numéro de portable sous l'essuie-glace de ma voiture devant le magasin. J'ai cru qu'il l'avait abîmé et qu'il voulait me parler de nos assurances. »
Carol éclate de rire. Finley jappe joyeusement et tire un peu plus fort. La jeune femme le caresse gentiment derrière les oreilles.
— « Tu es incroyable, le pauvre a eu bien du courage », rit-elle une dernière fois. « Je dois rentrer mais n'hésite pas à passer quand tu veux. Tu ne dois pas rester seul ici. »
— « Dean a dit la même chose. »
— « Je sais, je l'ai entendu. Je dois reconnaître qu'outre son charmant sourire, il est plein de bons conseils. Fais lui confiance et tiens-moi au courant de vos appels. » La blonde sourit malicieusement. « … Vous avez des rendez-vous téléphoniques, je trouve ça adorablement désuet. »
— « Ce n'est pas – »
— « Bonne journée, Cassie ! »
Son amie claque une bise sonore sur sa joue et lui pince malicieusement la hanche. Elle ne sent pas Castiel se figer contre elle parce qu'il a mal, elle ne reconnaît pas non plus le sourire un peu vide qu'il lui offre. Carol le salue d'un petit signe de la main et traverse déjà Belmont Road vers sa maison.
Le brun reste un instant seul sur ce bout de trottoir devant chez lui il observe le ciel de Butler s'éclaircir alors que le soleil se lève, chaud et généreux.
Il inspire profondément. Il sera bien dans son jardin, assis dans une nappe de soleil.
… Dean n'est pas là pour sortir son fauteuil comme il est toujours si empressé de le faire. Pour lui.
Castiel effleure une dernière fois sa hanche contusionnée, passe ses doigts sous l'ourlet de son pantalon. Sur sa peau nue.
Dean n'est plus là mais il va revenir et il va faire cesser tout ça.
Le brun redeviendra l'homme qu'il était, maladroit en amour mais confiant en son allure et son corps qui n'hésite pas à effleurer, à sourire de la bonne manière face à un homme qui lui plaît. Ce n'est pas parce qu'il ne voit pas les signes des autres qu'il ne peut pas user des siens. Castiel ignore où vont les préférences de Dean mais à ce moment, quand il ira mieux, il lui demandera. Plus encore, il osera l'inviter même si le châtain joue dans une autre catégorie, ils sont un peu devenus amis et le moment serait agréable. Pendant la soirée, Castiel pourra le regarder bien en face, leurs genoux se touchant maladroitement sous la table du bar ou du restaurant. Jamais son dos, excepté quand Dean quittera leur table pour aller aux toilettes. Ce ne sera pas comme dans ses rêves avec des mains qui le touchent mais qui ne sont pas les siennes.
Castiel déglutit.
Il remonte l'allée, gravit les marches du perron et entre dans la maison. Le jeune homme referme la porte avec soin puis traverse le couloir jusqu'au jardin d'hiver après un détour par la cuisine pour se préparer un thé brûlant. La lumière est belle, il tire son fauteuil au plus près des portes-fenêtres. Assis, il peut voir le ciel de plus en plus limpide et une partie des hortensias du jardin.
Le brun s'installe, croise les jambes devant lui et appuie sa joue contre le rebord du dossier.
Il ferme lentement les yeux. Ça va aller, jusque quelques jours et Dean reviendra. Dean –
Un souffle frais – non, glacé – semblable à une respiration dans sa nuque.
Castiel tend une main tremblante vers sa tasse. Il observe la vapeur danser au-dessus du liquide brûlant. Elle s'agite, comme la flamme d'une bougie troublée par un courant d'air. Une série de tressaillements un peu chaotiques puis elle se dissipe. Le brun y trempe les lèvres. Le thé est devenu à peine tiède, le biscuit est insipide avec un arrière-goût rance.
Castiel frissonne. Il a froid.
Il repose la porcelaine sur le guéridon et crispe ses doigts sur son pantalon, le corps raide. Un autre soupir frais chatouille son oreille puis son cou, comme une bouche qui se promènerait sur sa peau. Des baisers.
Le jeune homme se décale légèrement sur son fauteuil, comme un enfant tentant d'échapper à une vieille tante trop parfumée qu'il voit une fois par an et qui barbouille ses joues de rouge à lèvre.
La respiration le poursuit. Elle se transforme en un rire, léger et frais. Malicieux. Sa bouche remonte jusqu'à sa tempe, frotte délicatement contre son cuir chevelu et ses mèches brunes.
— « Enfin seul mon amour. »
— « … Non. »
Un autre rire. Sa main glisse de son genou à sa cuisse. Puis haut. Plus haut. Castiel se tortille dans le fauteuil.
— « Je t'avais dit qu'il ne resterait pas à tes côtés, qu'il te quitterait. Tu es tout à moi maintenant. »
— « Dean va revenir. »
Un grognement résonne contre sa gorge et Ses dents s'enfoncent doucement dans sa chair tendre. Le sang bourdonne à ses tempes Castiel a l'impression de sentir la pulsation folle de sa jugulaire contre Ses lèvres.
— « Ne dit pas son nom, il n'est rien pour toi. Tu n'as pas besoin de lui puisque je suis là pour toi. Je suis là pour toujours. »
— « … Dean va revenir. Il a mis des protections dans la maison. »
— « Ces pathétiques petits tas de sel et ces symboles dans Notre chambre ? Ils sont tous inutiles. »
Sa main devient caresse sur son ventre. Sur son aine. Le brun se mord les joues.
— « Pourquoi lutter quand tu sais que je t'aime ? Ils ne peuvent pas m'éloigner de toi mon amour. Sais-tu pourquoi ? »
Il déglutit. Il ne doit pas l'encourager, il ne doit pas… Mais Il pourrait lui avouer des choses importantes, utiles à Dean Castiel pourrait aider et cessé d'être créature un peu pathétique même pas capable d'étendre ses propres draps sur la corde à linge. Le châtain ne s'est jamais moqué de lui mais qui pourrait trouver ça attirant ?
Sa main frotte, câline, contre la couture de son jean. Il inspire doucement.
— « … Pourquoi ? », ose-t-il.
— « Je suis là à cause de toi. Je suis là parce que tu m'appelles et c'est toi qui me retiens à tes côtés. Tu as besoin de moi. Tu es seul et je suis avec toi. Tu souffres et je te cajole. Tu ne t'aimes pas et je peux t'aimer deux fois plus. Tu dois juste faire de même. N'est-ce pas quelque chose de juste ? »
Le jeune homme halète doucement. C'est aussi comme ça qu'il envisage une relation amoureuse, avec du partage, du respect et de l'équilibre. Il rit et frotte son pouce contre la braguette de son pantalon.
— « Je sais que c'est ce que tu désires. Personne ne veut ton bien autant que moi mon amour. Nous sommes normaux, ce sont les autres qui sont différents. Est-ce que tu me comprends ? »
— « Je… »
— « Je t'aime comme si tu étais mon tout et tu ne verras plus que moi. Parce que c'est juste. Ne quitte plus Notre chambre ni Notre lit, là où je t'aime le mieux. Là où je te le chante. Est-ce que tu t'en souviens ? »
— « … Oui. … Fascination. »
— « Oui. Je t'aime pourtant / D'un amour ardent / Que rien ne pourra défaire. C'est ainsi que sont les choses entre nous, pour toujours. Oublie tout le reste. Je suis le plus important, notre histoire est la plus importante. »
Castiel frissonne presque douloureusement.
Sa bouche caresse son cou, Sa main remonte sur son torse, allant et venant le long de son sternum. Ses doigts pincent malicieusement ses tétons. Puis la morsure, comme cette nuit-là il y a trois semaines. Il le mord dans la nuque. Dur et possessif. Impulsif. Avide. Cette fois, le brun se cambre légèrement.
La vue brouillée par des larmes de douleur et de peur, il parvient encore à discerner les rares plantes qui ont survécu à son absence quelques jours plus tôt. Un grand oiseau de paradis se dresse toujours dans un cache-pot en porcelaine à motifs chinois Gabriel le lui a offert quand il a signé le compromis de vente de son appartement dans Manhattan. Castiel aime ses larges feuilles vert tendre, leur velouté et leurs nervures saillantes. Ces mêmes feuilles qui sont en train de brunir et de sécher sur leur pourtour. Comme en accéléré, il les voit se recroqueviller lentement, devenir malades. Une fine moisissure blanchâtre et pelucheuse les recouvre. Les une après les autres, les feuilles se contorsionnent d'une manière presque douloureuse jusqu'à ployer. Bientôt, elles s'étalent autour du pot en porcelaine, noires et flétries. Mortes.
Castiel étouffe un sanglot derrière ses lèvres pincées.
— « Je t'aime. Je t'aime et tu es à moi. Pour toujours. Sans lui. Il t'a abandonné à moi. »
Il continue à le caresser délicatement, lui murmurant à l'oreille combien il est beau et parfait.
Le brun se sent faiblir, ployer comme le grand oiseau de paradis.
Il lui chante des paroles d'amour à l'oreille. Entre deux strophes, Il embrasse la morsure dans sa nuque. Encore et encore et encore…
Butler, Pennsylvanie, vendredi 13 octobre
Les yeux rivés sur l'horloge accrochée au mur du restaurant, non loin de la devanture, Dean ronge son frein. Le modèle est une mauvaise copie d'une pendule ancienne, en matériaux un peu bas de gamme mais elle possède une trotteuse. Elle est devenue la malédiction du châtain. Il l'observe sans ciller depuis si longtemps qu'il sent ses yeux picoter légèrement. Possible qu'il en oublie de cligner des yeux ou encore de manger son jambalaya, pourtant délicieusement odorant.
Un raclement de chaises retentit à côté de lui et il tourne machinalement la tête.
La serveuse est en train de débarrasser la table voisine, un regard peu amène jetée en direction de son assiette à peine entamée. Le châtain lui adresse un sourire d'excuse, attrape sa fourchette pour faire un effort. En face de lui, Sam est en train d'achever son blackened fish avec une gourmandise qui l'intrigue et le distrait brièvement d'Elle ; peut-être choisira-t-il ce plat à leur prochain repas.
Tic-tac. Tic-tac. Tic-tac. Tic-tac.
Dean a l'impression d'entendre la trotteuse résonner dans son crâne. Quand la petite aiguille s'ébranle et marque péniblement treize heures trente, il étouffe difficilement un juron entre ses dents tandis qu'il enfonce sa fourchette dans son ragoût.
— « Bordel… »
— « Cesse de t'agiter et prend ton mal en patience. Le HNOC ouvre dans une heure, il était fermé ce matin à cause d'un problème informatique et personne n'y peut rien. Ce sont des choses qui arrivent, Dean », dit doctement Sam en s'essuyant la bouche.
— « Elles arrivent juste au pire moment possible. Nous ne sommes pas ici pour faire du tourisme », grogne le châtain.
— « Je suis certain que l'agent à l'accueil du Williams Research Center le comprendra dès que tu ouvriras la bouche. Sois courageux et prends sur toi. » Le blond boit une gorgée d'eau. « Jessica m'a expliqué qu'il y a un an, une tempête a provoqué un dégât des eaux dans une des salles du Maridon Museum. Le musée est resté fermé au public pendant quatre jours. »
— « Merde… »
Dean fronce les sourcils et gobe une énorme bouchée de riz et de bœuf. Il grimace, c'est froid et il n'ose pas demander à la serveuse de rapporter son plat en cuisine pour le faire réchauffer. Les épices ont un goût un peu étrange sur son palais mais il prend sur lui. Le ragoût réveille brusquement sa faim et il mange avec appétit.
Sam et lui ont pris un petit-déjeuner frugal en quittant Huntsville, ils ont presque jeté leurs bagages dans leur chambre d'hôtel sur Burgondy Street dans le quartier de Faubourg Marigny pour entrer au musée avant la fermeture de l'heure du déjeuner. Pas de chance, l'institution est fermée, les deux frères se sont occupés utilement en papillonnant dans les rayons de la New Orleans Main Library pour s'imprégner de l'histoire de la ville et de la Louisiane. Dean espérait passer sa frustration dans ce restaurant typique de Bourbon Street mais il trépigne trop d'impatience pour réellement l'apprécier.
Sam, qui a achevé son assiette, observe distraitement la rue par la petite devanture du restaurant. Il pianote du bout des doigts sur leur table.
— « J'ai repéré une boutique spécialisée en bijoux anciens pas très loin dans le Vieux Carré. On pourrait peut-être y montrer la chevalière en attendant l'ouverture du HNOC. »
— « Ce n'est pas ce qui est prévu. »
— « Nous n'allons pas attendre ici pendant encore une heure, Dean », rétorque le blond en roulant des yeux. « Le service du midi est presque fini et tu ne vas pas rester ici à manger ton poids en dessert pour faire passer le temps. Nous ne sommes pas experts en bijoux, ça pourrait peut-être nous aider. »
Le châtain acquiesce d'un air raide. De toute manière, tout sera préférable que de rester assis et d'égrener les minutes – non, les secondes de la foutue trotteuse – comme les grains d'un sablier sans fin. Des grains si petits qu'on ne les voit pas et qui ne semblent pas remplir le verre.
Dean essuie la sauce de son jambalaya avec de grands morceaux de pain, achève son soda et interpelle la serveuse d'un sourire. Il s'empresse de régler l'addition, précise que leur repas était délicieux, et pousse presque Sam dans la rue.
— « Nous allons dans quelle direction ? »
— « La boutique est un peu plus loin par là. Elle a une devanture en bois et une enseigne un fer forgé », lui indique le blond d'un signe de tête
Dean opine d'un air farouche et remonte Bourbon Street avec empressement. Il plisse les yeux, observe tous les magasins avec une attention frôlant l'indiscrétion ou le repérage pour un cambriolage à venir. Sam lève les yeux au ciel. Devanture en bois et enseigne en fer forgé. Devanture en bois et enseigne en fer forgé. Devanture en bois et enseigne en fer forgé. C'est une fausse facilité car tout le quartier français semble tout droit sorti du XVIIIe siècle, l'époque où les devantures étaient en bois et avaient des foutues enseignes en foutu fer forgé !
— « Elle est à droite Dean, juste à l'angle. »
D'accord, bien compris. Le châtain presse encore l'allure.
Il lève à peine les yeux sur l'enseigne et s'engouffre dans la boutique, son frère sur les talons.
Le magasin est petit mais agencé avec goût. Des vitrines anciennes en bois sculpté s'alignent le long des murs. Sur le velours pourpre qui couvre les étagères, l'éclat de l'or et des pierres précieuses a des flamboiements de soleil et d'arc-en-ciel. Son regard est attiré par une broche ornée d'un énorme cabochon rouge entouré de brillants. Le jeune homme préfère ne pas pousser trop loin l'idée qu'il puisse s'agir d'un véritable rubis. Et de véritables diamants. Il n'y a pas d'étiquette avec le prix, c'est mauvais signe. Dean est un homme pragmatique.
— « Bonjour. Je m'appelle Jean, en quoi puis-je vous aider ? »
Le châtain tourne la tête vers le comptoir en bois ciré. Un tout jeune homme métisse se tient derrière, raie bien propre dans ses cheveux gominés, fines moustaches de dandy avec un veston à rayure sur une chemise blanche. Dean hausse un sourcil. Il a de l'allure. Sam le dépasse pour s'approcher du comptoir, un sourire charmant accroché à ses lèvres.
— « Mon frère et moi travaillons sur un livre historique et un objet nous est en quelque sorte « tombé » dessus. Nous ne sommes pas des spécialistes alors un avis plus professionnel serait le bienvenu. »
— « Je suis plus compétent en histoire du bijou qu'en histoire tout court », admet le jeune antiquaire avec un sourire.
— « Est-ce que c'est votre magasin ? »
— « C'est celui de mon père mais il m'a appris tout ce qu'il sait, je travaille avec lui depuis que j'ai quatorze ans. Il est parti en vacances en Floride pour un mois. Je suis le fils de Maillet & Son. »
— « Heureux homme », rit Sam en faisant un signe de tête à son frère.
Dean ouvre sa veste et sort un petit sac en velours de la poche pectorale intérieure. Jean tend machinalement la main pour le prendre mais le châtain desserre lui-même le cordon pour récupérer la bague qu'il essuie discrètement sur le tissu. Inutile que l'antiquaire voit le sel et les feuilles de sauge dont ils ont garni la petite bourse pour atténuer les effets maléfiques de l'objet. Le jeune homme la pose sur le comptoir. L'antiquaire prend une petite loupe de bijoutier qu'il coince sur son œil gauche et porte la chevalière à son visage.
— « C'est un très bel objet, gros poids en or », dit-il en la faisant lentement tourner entre ses doigts. « Je vois deux poinçons français, celui de la ville où la bague a été réalisée et celui de garantie de la qualité de l'or. Il y a des armoiries gravées sur la pierre mais elles sont trop effacées pour être lisible… Elle a été brisée, cela complique la lecture. »
— « Même pour vous ? »
— « Même pour moi et c'est bien dommage. Les chevalières armoriées se vendent toujours mieux », acquiesce Jean avant de plisser légèrement le front. « … C'est étrange. Il n'y a que de menues traces d'usure sur l'anneau mais la pierre semble avoir été altérée délibérément, comme si elle avait été grattée en plus d'avoir été brisée. »
Dean s'accoude au comptoir.
— « Pourquoi aurait-on fait une chose pareille ? »
— « Peut-être pour essayer de graver d'autres armes par-dessus mais une pierre brisée devient inutilisable, le rendu n'aurait pas été très heureux. … Je distingue d'autres marques à l'intérieur. Elles sont aussi très effacées mais j'arriverai peut-être à faire ressortir quelque chose en lumière rasante », suggère le jeune homme.
Le châtain et Sam acquiescent. L'antiquaire sort un petit stylet lumineux d'un tiroir. Il pose la chevalière sur le comptoir et oriente le faisceau sur l'anneau, d'abord en dessous pour faire jouer la transparence de la sardoine. Le jeune homme fait ensuite aller et venir la lampe avec attention au-dessus, variant l'inclinaison jusqu'à former un angle de quatre-vingts degrés par rapport à la surface.
Dean plisse les yeux pour essayer de voir quelque chose. Sans succès.
— « … La pierre est très sombre, ce n'est pas courant pour une sardoine qui est plutôt d'une teinte rouge brun. Quant aux gravures sur l'anneau, elles ressemblent à une sorte de… croix avec des… étoiles à son sommet et sur les branches latérales. Elle est posée sur un rectangle comme une sorte de… d'autel ? Peut-être ? Elles sont minuscules, c'est vraiment à peine visible », hésite le jeune métisse.
Merde. Dean se raidit. Il se redresse contre le comptoir et jette un regard en coin à son frère. Sam hoche la tête. Son frère sort de sa sacoche en bandoulière leur carnet de bord et le présente ouvert au jeune homme à une page vierge.
— « Vous voudriez bien le dessiner ? », demande-t-il gentiment.
— « Je ne suis pas très bon… », s'excuse Jean en esquissant rapidement le symbole. « C'est assez ressemblant. Est-ce que vous voulez le voir aussi ? »
Le jeune homme tend la chevalière et le stylet au blond. Sam plisse les yeux puis, après un temps proche de l'infini pour Dean, finit par hocher la tête.
— « C'est bien ce que vous avez dessiné mais la forme est plus rudimentaire. Dean ? »
Son frère lui arrache presque les objets des mains pour regarder à son tour. Il déglutit légèrement quand la forme apparaît soudain délicatement, comme un secret bien caché réservé aux seuls initiés. Merde. Merde. Merde. Sam et lui la connaissent, c'est le symbole gravé sur le cadre du lit de Castiel, à côté du cœur décoré. Le vévé vaudou. Comment ont-ils pu manquer ça ? Comment… ?!
— « Est-ce que vous savez que ce cela signifie ? », tente-t-il en rendant la petite loupe à l'antiquaire.
Jean range l'objet et lisse distraitement sa moustache de son index.
— « … C'est peut-être parce qu'on est à La Nouvelle-Orléans mais ça m'évoque un peu un symbole vaudou », dit-il avant de rire légèrement. « Je n'y connais rien du tout et les seuls dessins qui y ressemblent, je les ai vus dans les boutiques pour touristes du quartier français. »
— « Pourquoi est-ce que quelqu'un l'aurait gravé à l'intérieur ? »
— « Je ne sais pas, le propriétaire était peut-être un homme un peu superstitieux ou il souhaitait peut-être indiquer que l'anneau était bien à lui, comme une marque de propriété. Décrypter les armoiries pourra sans doute vous aider », répond l'antiquaire en haussant les épaules.
— « Elles ne vous évoquent vraiment rien ? », insiste Sam.
— « Je ne vois pas beaucoup de chevalières passer dans la boutique. La plupart des gens préfère garder ces objets de famille, ne serait-ce que pour thésauriser sur la valeur de l'or. Ils vendent plus volontiers des bijoux un peu démodés. Dans ce cas, ils sont rarement armoriés », explique patiemment le jeune homme. « Qu'est-ce qui vous a amené à penser que vous pourriez trouver des réponses à La Nouvelle-Orléans ? »
Dean hausse légèrement les épaules.
— « Nous avons l'historique de vente de cette chevalière et on nous a montré une lettre dont l'en-tête pourrait y ressembler. Elle était au nom de la famille de Blagny. »
Jean fronce légèrement les sourcils, continuant à friser sa moustache d'un geste un peu coquet.
— « … Cela ne me dit rien non plus », avoue-t-il après un silence. « Vous devriez aller au HNOC et au Williams Research Center. C'est une très grande bibliothèque sur l'histoire locale. »
— « C'est ce que nous allons faire. Merci pour votre aide », acquiesce Sam.
Le blond salue le jeune homme tandis que Dean se contente d'un vague signe de tête. Il est déjà dehors. Sam referme soigneusement la porte derrière eux, la petite clochette en cuivre tinte doucement. Le châtain jette un coup d'œil à son portable.
— « Le musée est ouvert, allons-y dès maintenant. Il faut qu'on trouve à qui appartenait cette foutue chevalière », dit-il d'un ton sans réplique.
— « Le vévé a pu être gravé bien plus tard. Clay nous a dit qu'elle avait eu plusieurs propriétaires », lui rappelle Sam en lui emboîtant le pas.
— « Oh, je t'en prie ! » , s'exclame Dean en levant les yeux au ciel. « Notre enfoiré chante une vieille chanson en français du début du siècle et on semble se rapprocher de plus en plus d'un mauvais trip vaudou. La bague est énorme, elle porte des armoiries et la lettre est datée de 1876. Quelle famille américaine oserait représenter un truc pareil sur un bijou ? C'est ridicule de prétention. »
— « Un jour, je devrais te parler du style Rothschild, Dean… »
Sam lui donne un léger coup d'épaule et aligne son pas sur le sien. Les deux frères remontent rapidement Royal Street jusqu'au musée. Ils retrouvent la même affichette blanche scotchée sur la grande porte d'entrée. Aucune lumière à l'intérieur du bel édifice en pierre, il est toujours fermé.
Chers visiteurs,
Le HNOC est fermé pour la journée à cause d'une importante panne informatique. Nous serons à nouveau ouverts demain à partir de 9h30. N'hésitez pas à consulter notre site internet pour plus d'information. Vous pouvez adresser vos demandes de documentation au Williams Research Center à l'adresse mail habituelle. Nous sommes navrés de ce désagrément et espérons vous revoir nombreux.
— « Bordel Sam, tu nous as porté la poisse avec ta foutue histoire de musée inondé ! », s'exclame Dean d'une voix profondément indignée.
— « … Tu es une telle drama queen. Nous allons juste retourner à la Main Library pour le reste de la journée, ils ont peut-être des ouvrages sur l'histoire des familles françaises de La Nouvelle-Orléans que nous pouvons consulter. Je peux t'assurer que ce ne sera pas du temps perdu. … Et le directeur de la salle de lecture était plutôt sympa ce matin », répond son frère en tournant déjà les talons.
Le châtain grommelle des injures entre ses dents serrées. Tu parles, Dean n'a pas réellement apprécié la manière dont il le déshabillait du regard. Quand Sam et lui regagneront plus tard leur hôtel dans le Faubourg Marigny, il ne serait pas surpris de trouver son numéro de portable, glissé dans sa veste ou la poche de son jean. Le châtain le soupçonne de lui avoir déjà effleuré les fesses quand il l'aidait à chercher dans les rayonnages consacrés à l'histoire locale.
.
— « Il te ment. »
Castiel, allongé dans son lit, a le sommeil agité.
— « Il ne veut pas t'aider. Il n'a rien fait de la journée pour toi. »
Le brun dodeline de la tête dans son oreiller. Il a chaud. Il a froid. Il brûle. Il frissonne.
Castiel baisse puis remonte spasmodiquement les draps sur lui. La courtepointe est tombée sur le parquet il y a déjà plusieurs heures mais le brun ne l'a pas remarqué.
Castiel marche dans une rue du Vieux Carré.
Autour de lui, la foule de Mardi Gras est si compacte qu'elle l'entraîne dans un flot continu dont il ne parvient pas à s'échapper. Les maisons à l'architecture coloniale alentours sont pavoisées, couvertes de décorations dont les couleurs se noient dans les confettis que les festivaliers lancent autour d'eux au rythme des saxophones et des trompettes d'un groupe de jazz.
Le brun baisse les yeux.
Il n'est pas costumé. Il porte son plus beau complet et sa chemise bleu clair.
Dans la foule bigarrée qui crie et s'agite, il ressemble un peu à un croque-mort.
Soudain, une trouée perce ce flot humain qui tourbillonne. Sous le porche d'une belle maison au balcon ouvragé, il remarque une silhouette connue, nonchalamment appuyée d'une épaule contre une colonne en fonte ciselée comme une dentelle.
— « Dean… »
Le châtain n'est pas costumé non plus. Il porte sa sempiternelle veste en cuir et un jeans légèrement délavé avec des boots en cuir. Allure de baroudeur. Barbe de trois jours. Ce sourire aussi. Sexy. Dean a des confettis dans les cheveux et dans le cou Castiel a envie de les retirer délicatement du bout des doigts. Il est tellement beau que ça tord quelque chose dans son ventre.
La foule se déplace encore et la trouée s'agrandit. Brusquement, il se raidit.
Légèrement penché sur le côté, Dean parle à une femme. Il y a dans toute son attitude quelque chose qui tient de la séduction, de la chasse ; Castiel n'y connaît pas grand-chose mais il sait reconnaître les signes quand Dean le fait. C'est ce qu'il aimerait voir sur le visage du châtain quand ce dernier le regarde.
La jeune femme rit, effleure son bras, renverse la tête en arrière dans son hilarité. Dean sourit en coin et enroule un bras autour de sa taille. Il l'embrasse. Chaudement, d'une manière pleine de désir. Pour une femme.
Castiel déglutit, il se sent ridicule dans son costume trois pièces. Spectateur muet, il voit le couple flirter, se toucher, s'embrasser encore. Dean murmure quelques mots à l'oreille de la jeune femme, son visage enfoui dans son cou. Celle-ci hoche la tête, prend sa main et l'entraîne dans la maison en roulant des hanches. Promesse.
— « … Dean… »
Sur le pas de la porte, le châtain se retourne. Il regarde autour de lui leurs regards se rencontrent. Castiel lui sourit doucement, une demande silencieuse de rester avec lui. Dean hausse les épaules. Un sourire obscène ourle ses lèvres pleines quand la jeune femme vient butiner son cou pour attirer son attention, une main déjà posée sur son entrejambe.
Il se détourne et disparaît avec elle dans la maison. Sans un regard pour lui.
Castiel est ballotté par la foule costumée qui se presse autour de lui et l'entraîne. Il trébuche, manque de tomber. Un bras puissant s'enroule autour de sa taille pour le retenir et le colle contre un torse très masculin.
— « Je suis avec toi. »
Castiel tourne la tête. Habillé d'un costume de soirée, coiffé d'un haut de forme blanc et d'un masque de crâne, Il le serre plus fort. Le love contre Lui.
— « Il ne te regardera jamais. Il a déjà fait son choix et ce n'est pas toi. »
Il frotte doucement sa joue contre la sienne. Le brun sent sa barbe crisser doucement contre le masque.
— « Ce ne sera jamais toi. Il a sa vie et tu n'en fais pas partie. Tu n'es pas ce qu'il veut. Il n'a pas besoin de toi. »
Sa main vient enlacer sa hanche, douce et tendre. Il la caresse délicatement. Il est là pour lui. Le cœur douloureux, Castiel se sent céder lentement à sa chaleur.
— « Tu l'ennuies et il se lassera de vouloir t'aider. Je n'aurai jamais assez de toi. Jamais. Mon amour. »
La foule les pousse en avant, élan irrépressible et un peu fou.
Cette fois, le brun ne trébuche pas.
Il le tient toujours et avance d'un même pas avec lui. Contre lui. Ensemble. Castiel continue à marcher.
La foule les avale, ils disparaissent.
