Mes petits chats,
Je vous propose aujourd'hui une autre partie de "L'affaire Philippe Delveau". Dean et Sam font une découverte importante pendant leur séjour à La Nouvelle-Orléans tandis que Castiel se débat un peu, seul, à Butler. Suspense, suspense ;)
Chère Lucie Alice Pendragon, tu as été assez gentille pour me donner ton avis sur la forme à donner aux paroles de l'entité. Je me range à ton opinion, cela me plaît aussi comme cela. Merci !
Je profite également de ces quelques lignes pour vous informer que je pars en vacances pour trois semaines à compter du lundi à venir. Je préfère ne pas m'engager et ne pas réussir à tenir ma promesse aussi, je vous informe que je ne parviendrai pas à publier pendant ce laps de temps. L'histoire commence à gagner en épaisseur, il y a de plus en plus de personnages et de faits historiques précis à mentionner. Je dois faire énormément de recherches pour vérifier mes propos et conserver toute la cohérence et la crédibilité nécessaires à cette enquête. En effet, la seule part d'invention dans cette histoire est celle de la famille dont il est question plus loin dans ces lignes (bien que son nom soit effectivement aussi celui d'un village de France) ; l'ensemble du contexte est quant à lui parfaitement authentique. Ce travail double le temps nécessaire à la correction… J'en appelle donc à votre bienveillance et vous remercie pour votre patience.
Je vous souhaite une agréable lecture,
ChatonLakmé
Un armorial désigne un recueil des armoiries de la noblesse d'une nation, d'une province, d'une ville ou d'une famille. Celles décrites dans les lignes suivantes peuvent être dessinées comme suit :
« Coupé, d'or au cerf d'azur et de gueule à la tour d'argent » : L'écu est séparé en deux parties, l'une à fond jaune avec un cerf bleu, l'autre de couleur rouge avec une tour blanche.
« D'azur à la croix d'argent cantonnée de quatre nefs d'or » : L'écu est à fond bleu avec une croix blanche entourée de quatre navires jaunes.
Le gombo est un ragoût originaire de Louisiane créé au XVIIIe siècle. Il se compose d'un bouillon très aromatisé, de légumes et d'une protéine (viande, poisson ou fruits de mer).
Paul Newman (1925-2008) est un célèbre homme de cinéma américain, réalisateur, producteur, scénariste et acteur dans une soixantaine de films entre les années 1950 et le début des années 2000. Il a été récompensé à plusieurs reprises pendant sa carrière.
Garden District est un quartier de La Nouvelle-Orléans situé dans le French district. Il concentre parmi les plus belles demeures anciennes de la ville.
Retour vers le futur (Back to the future en version originale) est une trilogie cinématographique de science-fiction américaine sortie entre 1985 et 1990. Elle raconte les voyages dans le temps du lycéen Marty McFly et du scientifique Emmett Brown grâce à une voiture DeLorean modifiée.
L'affaire Philippe Delveau
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Douzième partie
La Nouvelle-Orléans, Louisiane, samedi 14 octobre
Il est possible que Dean soit en train de se cacher entre les rayonnages du Williams Research Center. Le châtain a l'impression que la responsable de salle le regarde d'un drôle d'air depuis qu'ils sont arrivés. À chaque fois qu'il se lève de la table qu'il occupe avec Sam, sa chaise racle à peine sur les carreaux en ciment mais elle le regarde. Il se demande s'il ne préférait pas son collègue un peu intrusif et au sourire trop charmeur qui lui a proposé si longuement hier de lui faire découvrir La Nouvelle-Orléans. Dean a jeté le bout de papier avec son numéro dans une poubelle à peine sortie de la bibliothèque mais au moins, il ne lui donnait pas l'impression d'être un criminel en puissance.
Le châtain penche légèrement la tête pour lire les titres qui s'alignent sur l'étagère suivante. Il repère une Histoire des Créoles français de La Nouvelle-Orléans et la sort du rayon. Plus loin, le châtain s'empare d'un ouvrage sur l'immigration française en Louisiane. Le sujet est plus vaste mais pourquoi pas de nombreux livres s'empilent déjà sur leur table et les deux frères ne sont plus à ça prêt.
Dean descend de la mezzanine pour retrouver Sam. Celui-ci est en train de dépouiller le catalogue en ligne de la bibliothèque de la HNOC, les sourcils froncés par la concentration.
Les deux frères ont également commandé un peu plus tôt des ouvrages conservés en magasin. L'attente est interminable. Comme le jour précédent quand ils ne pouvaient pas accéder à la bibliothèque à cause d'une foutue panne informatique.
Dean entend le bruit discret d'une porte qu'on ouvre plus loin. Dans le silence feutré de la salle de lecture, c'est comme le grondement du tonnerre. Elle grince un peu sur ses gonds.
Une femme aux longs cheveux grisonnants, noués en tresse sur son épaule droite, entre en poussant un petit chariot devant elle. Sa collègue à l'accueil indique leur table d'un signe de tête. Dean oublie immédiatement les deux livres avec lesquels il vient de redescendre de la mezzanine. Leur commande arrive. C'est presque aussi satisfaisant que de se faire livrer une pizza triple fromage, bœuf haché et supplément pepperoni de chez Luigi's quand il loge dans son appartement de Kansas City.
— « Je suis navrée pour l'attente, ce sont des livres qu'on demande rarement et j'ai eu du mal à les retrouver. Il manque L'Armorial des familles créoles françaises daté de 1803 », dit-elle en souriant d'un air d'excuse.
Cette fois, le châtain les oublie tous. Il crispe ses doigts sur le montant du chariot.
— « C'est le livre pour lequel mon frère et moi sommes venus. Nous avons vraiment besoin de le consulter », dit-il aussi poliment que possible.
— « Il se trouve dans notre réserve des livres rares et précieux, il faut l'autorisation d'un des conservateurs du musée de la HNOC pour le sortir », explique-t-elle patiemment.
— « Est-ce que l'un d'entre eux est ici ? », demande Sam avec empressement. « Je suis désolé d'insister mais nous sommes vraiment très pressés. »
— « Nous faisons des recherches généalogiques pour le compte d'un notaire qui a en charge une succession compliquée », ment Dean avec un aplomb qui lui attire un regard admiratif de son frère. « Il y a des enfants qui sont concernés par ce patrimoine et un peu d'aide leur serait bien utile… »
Cette fois, le regard de Sam est réprobateur. Oui, il sait, c'est moche de jouer sur la corde sensible mais ils n'ont pas le temps. Savoir qu'un foutu livre imprimé il y a plus de deux cents ans leur empêche d'accéder à ce dont ils ont vraiment besoin le met vraiment en rogne. Leur interlocutrice se gratte la nuque sous sa tresse et Dean lui adresse un sourire vraiment vraiment charmant.
— « Mr. Patterson est présente aujourd'hui. Si vous remplissez l'imprimé maintenant, je peux le lui apporter directement. » Elle sourit. « Vous avez de la chance, c'est un spécialiste de l'histoire des familles de colons français de La Nouvelle-Orléans. »
— « Incroyaaable… », annone un peu Dean.
C'est le mieux qu'ils peuvent avoir pour le moment alors d'accord il n'est pas trop contrariant.
Le châtain marche rapidement jusqu'au comptoir d'accueil, s'empresse de remplir le document et de le rendre à leur interlocutrice. Celle-ci le remercie d'un sourire amusé avant de quitter la salle de lecture. Dean la suit du regard jusqu'à ce que la porte se referme sur elle. Il se laisse ensuite à moitié tomber sur sa chaise et répartit les livres entre lui et son frère. Autant utiliser utilement leur temps en attendant ce foutu bouquin qui sent probablement un peu le moisi. Il fronce légèrement le nez et grimace.
Dean est en train de se perdre dans les détails de l'histoire urbaine de La Nouvelle-Orléans – c'est assez hors-sujet mais très intéressant – quand un discret raclement de gorge résonne derrière lui. Il tourne paresseusement la tête. Mr. Emmett Patterson est l'image archétypale du conservateur de musée. Le corps grand et sec, de petites lunettes rondes, une calvitie superbe et un costume à carreaux d'une coupe hors d'âge. Le châtain n'a pas vu une cravate de cette largeur depuis le mariage d'un de ses oncles en 1989. Il se mord les joues pour ne pas sourire trop fort.
— « Bonjour. Emma m'a apporté votre demande de communication de L'Armorial. Je souhaiterais en discuter avec vous », dit-il en montrant l'imprimé.
— « Est-ce que je l'ai mal rempli ? Je suis navré, j'ai peut-être été trop rapide. »
— « Vous l'avez très bien fait, c'est la raison qui me paraît un peu insuffisante. Ne le prenez pas mal mais notre exemplaire est en très mauvais état et nous le sortons de manière vraiment exceptionnelle. L'année dernière, je l'ai refusé à un professeur d'Harvard pour la même raison. »
Dean et Sam échangent un regard entendu. Merde. Ils ont bien essayé de trouver l'ouvrage dans une autre bibliothèque de La Nouvelle-Orléans mais il est vraiment rare. Son cadet a caressé un temps l'idée de l'acheter avant de renoncer aussi sec ils n'ont pas cent cinquante dollars à dépenser pour ça et Dean refuse de le faire payer à Castiel au titre de frais professionnels.
Le châtain pince les lèvres.
Il sort à nouveau la chevalière de son petit pochon. Le sel et la sauge à l'intérieur ne se sont pas dégradés depuis qu'ils les ont ajoutés alors que la maison de Castiel semble tomber en pourriture. Pourtant, la bague est la clé. C'est incompréhensible, peut-être faudrait-il appeler à nouveau Bobby.
— « Nous travaillons pour un notaire dans le cadre d'une succession compliquée. Notre seule piste est cette chevalière et un courrier qui nous ont conduits à La Nouvelle-Orléans. Nous devons identifier la famille dont les armes sont gravées sur la pierre. »
Le conservateur s'empare de la bague et se déplace jusqu'à une fenêtre. Il plisse les yeux tandis qu'il fait jouer la lumière du jour sur la pierre gravée.
— « C'est un travail français ancien, je le vois aux poinçons », reconnaît-il. « … L'Armorial ne vous sera d'aucune utilité. »
— « Pourquoi ? »
— « Il est trop ancien. Il est paru en 1803, avant la vente par la France de la Louisiane aux États-Unis et n'a pas connu de réédition depuis. La gravure est vraiment dans un terrible état mais je crois reconnaître ces armoiries. J'ai fait ma thèse sur les familles françaises arrivées après la seconde vague d'immigration, celle qui a suivi la Révolution française. J'ai vu ces armoiries sur des documents postérieurs. »
— « La lettre que nous avons trouvée porte l'en-tête de la famille de Blagny », déglutit Dean.
Le conservateur hoche la tête.
— « Leurs armes sont très proches mais pas identique. Ma thèse est dans mon bureau, je dois me replonger un instant dedans. Si vous voulez m'accompagner… J'ai cru comprendre que c'était important », marmotte-t-il en rendant la bague à Dean.
Le châtain acquiesce vigoureusement tandis que son cadet le remercie chaleureusement. Sam range soigneusement leur poste de travail, empile les livres sur le chariot dédié au retour tandis que son frère trépigne.
Ils quittent ensemble le Williams Research Center et Dean a vraiment envie de pousser gentiment Emmett Patterson dans le dos pour lui faire presser le pas qu'il a très petit. Il marche aussi comme un conservateur de musée. Lentement, trop lentement. Aller un peu plus vite, juste un tout petit plus vite, il aimerait bien pouvoir mettre le nez dans sa thèse avant la fermeture de la HNOC.
Le bureau est une petite pièce bien rangée dont les murs sont couverts de gravures colorées et de livres alignés sur le dessus d'armoires basses débordant de papier. Le conservateur les invite à s'asseoir d'un geste tandis qu'il marche droit vers un volume relié de carton noir à la couleur passée. Il revient s'asseoir à son bureau et dégage un peu devant lui pour poser l'exemplaire assemblé d'une manière artisanale. Dean lui montre rapidement une photo de l'en-tête de la lettre et l'homme acquiesce.
— « J'ai dressé à la fin une table des noms listant toutes les familles que j'ai recensés dans les archives locales », dit-il en commençant à compulser le volume. « Il y a aussi le croquis de leurs armoiries quand j'ai pu les trouver et… Oui, c'est ça. »
L'homme tourne le livre vers Sam et Dean et tapote du bout du doigt en fine ligne tapée à la machine, tout en bas de la page. Le châtain esquisse un sourire discret. Une thèse dactylographiée, c'est très vintage. Il plisse les yeux.
— « Coupé, d'or au cerf d'azur et de gueule à la tour d'argent. Armoiries de la famille de Vernantes, mentionnée pour la première fois dans les archives de La Nouvelle-Orléans dans l'acte de vente d'une plantation en 1805 », lit le châtain avant de lever les yeux. « Je ne doute pas de vous mais comment pouvez-vous en être sûr ? Nous sommes allés voir un bijoutier spécialité hier après-midi, il n'a pas réussi à déchiffrer la gravure. »
— « Je suis sûr qu'il est très compétent dans son domaine mais nous avons chacun notre spécialité », répond gentiment le conservateur. « J'ai étudié des dizaines de blasons, je suis certain de ce que j'avance. Le blason de la lettre reprend pour moitié celui-ci, il a été composé après le mariage de l'héritier de Vernantes avec une des filles de Blagny. Il s'agissait de deux grandes familles de planteurs de Louisiane. »
— « Que savez-vous de l'histoire de la famille à la fin du XIXe siècle ? », demande Sam en feuilletant l'épais volume.
Emmett Patterson se renverse dans son fauteuil et croise les mains sur son ventre. Le vieux siège craque sous son poids pourtant fluet.
— « L'abolition définitive de l'esclavage en 1865 a été un rude coup porté à l'activité du coton et du sucre. Les de Vernantes ont connus une période de gêne mais ils ont investi dans les chemins de fer aux États-Unis puis en Europe où ils faisaient des voyages fréquents. C'est peut-être à cette occasion que l'un d'entre eux a commandé votre chevalière à Paris », suppose-t-il. « Après le krach boursier de 1929, une partie de la famille est retournée s'installer en France en espérant fuir la crise. »
Dean écrit frénétiquement à l'intérieur de leur carnet de bord tout en hochant la tête avec conviction. Bien, très bien, vraiment passionnant. Quoi d'autre encore ? Le conservateur sourit.
— « Vous avez de la chance. Si je me souviens bien, certains de leurs descendants habitent toujours ici, à La Nouvelle-Orléans. Je n'ai pas d'adresse mais vous devriez trouver ce dont vous avez besoin dans un annuaire », reprend-il.
Le châtain vérifie plusieurs fois l'orthographe du nom de famille et fait un croquis un peu maladroit du blason avant qu'Emmett Patterson ne lui propose gentiment de faire des photocopies. L'homme quitte un instant son bureau, laissant les deux frères seul.
— « …Ce soir, je prends deux desserts au restaurant de l'hôtel », affirme Dean d'un ton bravache.
— « Je te suivrai peut-être en mangeant un gombo, tant de bonnes nouvelles me donnent faim », rit joyeusement Sam en hochant la tête.
Deux heures plus tard, le soleil commence à se coucher sur La Nouvelle-Orléans mais les deux hommes discutent toujours avec le conservateur. L'homme leur dresse avec passion et une remarquable érudition un portrait des familles françaises de la ville au XIXe siècle.
Plus il parle, plus Dean sent dans ses tripes qu'ils sont sur la bonne piste.
Il le croit si fort qu'il ne sent pas son portable vibrer dans la poche de son jean et se passionne pour l'histoire de la famille de Blagny. Leur blason – D'azur à la croix d'argent cantonnée de quatre nefs d'or – est plutôt sympa.
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Butler, Pennsylvanie, samedi 14 octobre
Castiel fait tourner distraitement son portable sur son genou, un angle après l'autre. Il a déjà tenté de joindre Dean à deux reprises dans la soirée, sans succès.
Bonjour. Vous êtes bien sur le répondeur de Dean Winchester. Merci de laisser un message et je vous rappellerai.
Le brun se mord les joues.
Oui, il pourrait le faire une troisième fois mais il n'ose pas.
Si Dean ne répond pas, c'est qu'il doit être occupé et Castiel ne veut pas le déranger. Le jeune homme a promis de l'appeler chaque soir, il doit juste prendre son mal en patience. Ne pas se décourager et surtout, ne pas L'écouter.
« Il a d'autres préoccupations. Tu n'es pas important. »
Castiel tente de chasser de son esprit le souvenir de Dean avec cette femme au décolleté plongeant, du dos large et musclé du châtain tandis qu'il entrait avec elle dans cette maison pour gagner une chambre. Leurs lèvres jointes, leurs mains qui se cherchent. Leurs corps emmêlés. Ce n'était qu'un rêve mais ça lui a semblé si réel.
Ses baisers étaient imprimés sur sa peau à son réveil et un suçon fleurissait comme une corolle d'hibiscus sous son oreille. Le brun n'a pas eu besoin de le regarder pour vérifier, il sent la peau contusionnée dès qu'il l'effleure d'un doigt. Ça le fait frissonner.
Le jeune homme ne regarde pas non plus les plantes du jardin d'hiver.
Il a trouvé un autre ficus mort le matin, brûlé par un souffle méphitique. Il a juste jeté le plant sec comme une brindille à la poubelle, de fins filets blanchâtres de moisissures courant sur la terre et les feuilles. Encore un. Castiel a l'impression que son jardin commence à ressembler à un cimetière.
Il se pince l'arête du nez.
« Il te tourne le dos encore une fois. Il te ment et ne reviendra pas. Oublie-le et sois à moi. »
Le brun soupire et tire sur sa médaille et sa chaîne. Il effleure la gravure de son pouce. Le jeune homme a l'impression que la surface est un peu moins lisse, le relief moins délicat mais c'est sans doute une vue de son esprit. Il est si… troublé. Si pensif.
Dean ne le rappelle toujours pas.
« Oublie-le et sois à moi. À moi seul. »
— « J'ai confiance en lui. »
Il rit et dépose un baiser sur sa nuque abîmée. Un baiser tout en dents pointues le brun les sent érafler sa peau sensible.
« Tu te mens à toi-même, mon amour. Ignore-le, il n'est pas important. »
Castiel est fatigué de Le repousser.
Depuis le départ des frères Winchester pour La Nouvelle-Orléans, Ses assauts sont quotidiens.
Il tient bon le jour mais la nuit, le jeune homme est taraudé par l'appréhension dès qu'il ferme les yeux. Il s'agit moins de ses cauchemars dans lesquels Dean l'abandonne avec son affaire que de voir Dean l'abandonner tout court. Le brun s'assoupit parfois pendant la journée et il ne rêve que de cela, du châtain qui le regarde avec une parfaite indifférence avant de lui tourner le dos. Parfois il est avec Sam, parfois avec une femme. Parfois seul et il semble parfaitement satisfait de retrouver sa liberté loin de Butler. Loin de lui. Castiel le voit monter dans l'Impala, des cannes à pêche dépassant parfois du coffre et un inconnu assis à côté de lui dans la voiture. Depuis un des salons du rez-de-chaussée, le brun le regarde éclater de rire et bousculer amicalement l'autre homme de l'épaule, Sam sagement assis derrière. Puis la Chevrolet s'éloigne dans un nuage de fine poussière. Plus personne, Dean est parti sans un regard pour lui.
« Personne n'est important à part Nous. Ils t'abandonneront tous mon amour. Ils sont volages mais pas moi. »
Son nez frotte doucement dans ses cheveux avec tendresse, comme s'il était précieux.
Castiel tourne la tête et observe la maison de Carol. Le SUV familial n'est plus dans l'allée devant le garage. Son amie aussi est partie. Alors qu'elle descendait le perron, un sac de voyage dans la main, il l'a salué. Elle n'a pas répondu, très probablement parce qu'elle ne l'avait pas vu.
« Elle ne t'a pas répondu parce qu'elle ne voulait pas te répondre. Elle t'a ignoré. Tu es un tel fardeau. »
Castiel se recroqueville un peu sur lui-même.
Il garde son portable devant lui pendant toute la soirée, posé sur la table quand il dîne un peu et sans réel appétit. Posé sur le canapé tandis qu'il regarde sans envie une rediffusion d'un western des années 1960 avec Paul Newman.
La maison est vide. Le quartier est silencieux.
Il est seul et Dean n'appelle pas. Alors quand Il se glisse contre lui sur le sofa et que Castiel sent Son poids sur lui dans un demi-sommeil, il ne lutte pas tout de suite. C'est bon de sentir une autre personne à ses côtés.
« Je suis là pour toi. »
Il l'embrasse délicatement puis plus possessivement. Ses mains glissent déjà sous son confortable haut d'intérieur en coton. Tombé sur le tapis, son portable vibre dans un bruit sourd. Castiel papillonne des yeux et tâtonne machinalement à côté de lui. Il s'est assoupi et à oublier de l'éteindre.
« Ignore-le. Ignore-le. »
Le brun a déjà déverrouillé l'écran. Il se frotte rapidement les paupières et se redresse d'un coude dans les coussins.
De Dean. Reçu à 23h24.
J'ai vu que tu avais appelé, je suis désolé de t'avoir manqué. Avec Sam, on est resté très tard à la HNOC. Il est encore trop tard pour t'appeler alors juste un mot pour te dire qu'on avance à pas de géants Cas ! Je t'appelle demain sans faute, c'est une promesse ! Bonne nuit et à demain !
Castiel sourit doucement et Il grogne de colère. Le jeune homme se lève et s'étire.
« Reste. »
Il éteint la télévision, jette un regard alentour puis monte rapidement à l'étage.
« Reste ! »
Le brun entre dans sa chambre et se prépare pour la nuit avant de se glisser dans ses draps. Il pose soigneusement son portable sur la table de chevet et soupire doucement de contentement quand il enfonce sa tête dans son oreiller.
Castiel effleure sa médaille une dernière fois avant de fermer les yeux. Sa présence est plus diffuse dans la chambre, comme quelque chose d'un peu lointain. Les cercles de protection, le sel, les symboles écrits à la craie sur le mur le maintiennent à l'écart.
Dean.
Le brun L'entend grondement de rage. Cela ressemble un peu au roulement du tonnerre et Castiel n'a jamais eu peur de l'orage. Il se pelotonne dans ses draps. Il va dormir.
« Oublie-les tous ! »
— « Non, ils sont mes amis », chuchote-t-il en sombrant dans le sommeil.
La Nouvelle-Orléans, Louisiane, dimanche 15 octobre
— « Je ne peux pas vous aider, je ne sais rien sur l'histoire de ma famille. »
— « Pas même quelque chose entendu lors d'une réunion de famille quand vous auriez un peu trop bu ? Ça peut être un détail, quelque chose qui vous semble insignifiant », tente Dean avec un sourire plein de malice.
Sam roule des yeux à côté de lui. Non, insinuer que leur hôtesse a la main leste sur l'alcool lors d'une cousinade n'est sans doute pas la meilleure stratégie pour la faire parler.
Elsie Vernantes plisse légèrement le nez avant de secouer la tête.
— … Vraiment rien du tout, je suis sûre de ce que j'avance. Nous ne faisons pas vraiment de fêtes de famille entre nous. Je pense que vous vous trompez de Vernantes. »
Assis dans un horrible fauteuil couvert de grosses fleurs en tapisserie, le châtain pince les lèvres de dépit. Il danse d'une fesse sur l'autre. L'assise, si déformée qu'il sent le relief des ressorts jusque dans ses os, n'a pas dû être changé depuis le début des années 1980. Sam pourrait lui rétorquer qu'il devrait avoir un peu de respect pour ce meuble plus vieux que lui il pourrait le faire s'il n'était pas lui-même occupé à oublier les ressorts de son propre fauteuil, tout aussi horrible que le sien avec sa tapisserie jaune semée de petits bouquets floraux. Le blond change à son tour d'appui, de la fesse droite à la fesse gauche. Dean a envie de rire.
— « … C'est pourtant un nom de famille peu courant. Nous n'avons trouvé que sept occurrences dans toute la Louisiane », reprend Sam en baissant les yeux sur leur carnet de bord.
— « Les homonymes, ça existe. »
Elsie Vernantes hausse les épaules et boit une gorgée de thé glacée. Quand elle penche la tête en arrière, les lèvres posées sur le col de son verre, ses énormes boucles d'oreille en bijouterie fantaisie cliquettent doucement. Dean en observe le mouvement avec une pointe de fascination. Elles sont aussi laides que le reste de l'ameublement mais étrangement, une telle harmonie finit par prendre un tour kitsch presque réconfortant.
Le jeune homme se frotte les yeux du bout des doigts. Les accords décoratifs so 1980's du salon commencent à lui faire perdre la tête.
Il baisse les yeux sur son propre verre. Les glaçons sont en train de fondre, diluant progressivement le thé glacé en un liquide d'une vague couleur ambrée. L'un d'entre eux craque en dessous, la fragile pyramide de glace s'effondre et tinte contre le verre dans un bruit semblable à celui des boucles d'oreilles de leur hôtesse.
Le châtain se mord les joues.
Il a soif, les rideaux du salon sont partiellement tirés et il faut chaud, mais il ne touche pas à son verre. Il n'a pas la moindre envie de découvrir à quoi peuvent ressembler des toilettes datant d'il y a quarante ans. Peut-être y a-t-il un petit tapis pelucheux autour du pied en porcelaine. … Il n'a vraiment pas envie de savoir.
Leur hôtesse repose son verre et croise ses mains sur son ventre. Elle porte une paire de mules ornées de fausses perles et de plumes sur le dessus, Dean a envie d'éclater de rire.
— « Je suis désolée mais je ne peux vraiment rien pour vous. Je ne suis même pas une véritable Vernantes, c'était le nom de mon mari », explique-t-elle en jetant un regard à un cadre photo posé sur la cheminée. « Il est mort il y a une dizaine d'années maintenant. Je n'ai pas vraiment de contacts avec ma belle-famille. … Ils sont un peu arrogants vous savez. »
Elsie se penche vers eux d'un air de confidence. Dean est poli et se retient vraiment de lever les yeux au ciel. Si elle leur avait dit ça dès leur arrivée, Sam et lui auraient gagné de précieuses minutes et seraient passés à un autre nom de leur liste. Non pas qu'elle soit particulièrement conséquente – leurs recherches dans l'annuaire de La Nouvelle-Orléans n'ont effectivement donné que sept adresses possibles – mais quand même le châtain aurait moins mal aux fesses et n'aurait pas l'impression de sentir le pot-pourri aux roses pendant le reste de la journée.
Sam se penche à son tour vers leur hôtesse, un sourire encourageant aux lèvres pour l'inviter à poursuivre.
— « C'est toute cette histoire autour de leur nom, de leurs origines françaises », reprend-elle en grattant d'un ongle trop longue et trop rose la toile de son bermuda en jeans. « Inutile d'être devin et d'être allé à Harvard pour comprendre qu'ils étaient planteurs. Ils ont fait fortune grâce à des esclaves et même s'ils n'ont plus grand-chose, ils sont encore très fiers de… tout ça même s'ils ont perdu leur particule depuis un moment. Vous savez qu'une demeure porte leur nom sur Coliseum Street dans Garden District ? Ils l'ont vendu après la crise de 1929 mais vous devriez entendre la manière dont ils en parlent… C'est comme si elle leur appartenait toujours… »
Elsie boit une nouvelle gorgée de thé glacé.
Dean se lèche distraitement les lèvres, hésite avant de l'imiter. Il a trop soif, tant pis pour les toilettes et leur possible tapis pelucheux. Il ne sait pas pourquoi, il l'imagine rose avec des fleurs moches aussi. Ça pourrait être intéressant de constater s'il a le don de voyance.
Le châtain claque sa langue de satisfaction contre son palais. Le thé est un peu trop dilué mais encore frais et franchement goûteux.
— « Je n'aime pas ce type de personne, je n'ai pas envie de les connaître non plus. Je trouve ça très laid vous savez », achève leur hôtesse en reniflant d'un air un peu dédaigneux.
— « Est-ce que vous pourriez nous donner tout de même une adresse ? À vous écouter, certains membres de votre famille pourraient nous aider dans nos recherches », demande Dean en buvant une autre gorgée. « Notre liste n'est pas très concluante pour le moment. »
Ils ont tenté de rencontrer une famille partie au lac Pontchartrain pour la journée selon les voisins, un vieil homme qui a refusé de leur ouvrir en leur criant qu'il est malhonnête de déranger les honnêtes gens le jour du Seigneur, une jeune femme en retard pour un rendez-vous amoureux qui a affirmé dans l'allée de son garage que de toute manière, elle ne savait absolument rien. Ah, et aussi eu ce couple qui possède un grand chien de garde attaché sous leur porche et qui s'est jeté si fort contre la clôture en aboyant que Dean et Sam n'ont pas osé passer le portillon.
Pas très concluant est donc un immense euphémisme et ils sont déjà à la moitié de leur liste. La thèse d'Emmett Patterson parlait d'une riche, influente et grande famille des environs. Celle-ci a été décimée avec les décennies, au moins autant que leur capital.
Elsie Vernantes réfléchit un instant, les yeux baissés sur la liste écrite par Sam. Elle désigne une adresse du doigt, l'air renfrogné.
— « Vous travaillez bien pour une succession, n'est-ce pas ? Le pire est peut-être encore de se dire que dans tout ça le mal peut payer parce que je vous assure que ce sont d'horribles personnes », marmotte-t-elle d'un ton amer.
— « Tout à fait entre nous, il y a très peu de biens concernés », la rassure Dean en se levant de son fauteuil à ressorts. « Je vous remercie pour votre aide, mon frère et moi allons continuer nos recherches. »
— « J'aurais préféré qu'il y ait des dettes oui, j'aurai presque préféré ça. J'aurai eu beaucoup de plaisir à les voir perdre un peu de leur superbe », ricane-t-elle en les raccompagnant.
Leur hôtesse leur ouvre la porte, Dean et Sam la saluent d'une poignée de mains et regagnent l'Impala.
Quand le châtain ouvre la portière, une bouffée d'air brûlant s'échappe du véhicule. Il grimace et essuie son front d'un revers de la main. La chaleur depuis le début de la journée est moite et étouffante, une vague de canicule frappe La Nouvelle-Orléans. Dean a l'impression de sentir déjà son tee-shirt coller à son dos contre le dossier de son siège et il a envie de boire des litres de thé glacé.
Appuyé d'une main contre le toit de la Chevrolet, il laisse la voiture s'aérer un peu, pianotant du bout des doigts sur le métal brûlant.
— « Quelle est la prochaine adresse, Sammy ? »
— « Moncla Avenue dans le quartier de Belle Chasse. Inutile d'attendre plus longtemps. Si ces Vernantes-là sont comme on vient de nous les décrire, autant arracher le pansement le plus vite possible », acquiesce son frère.
Le châtain grimace, il n'aurait pas dit mieux. Il palpe machinalement son torse pour sentir le petit pochon en velours et le relief de la chevalière sous sa paume puis pose la main sur le cuir de son siège. C'est… supportable, ils rouleront fenêtres ouvertes et les fesses un peu en avant pour ne pas coller leur dos au dossier.
— « Allons-y, nous avons un énorme pansement à arracher », dit-il s'installant derrière le volant.
Sam ricane tandis qu'il recroqueville son grand corps sur le siège passager. Il regarde attentivement leur liste avant de rayer le nom et l'adresse de leur dernière rencontre.
— « Elsie a dit que le chef de famille à Belle Chasse faisait un peu de généalogie », se rappelle-t-il. J'espère qu'il aura gardé de vieux souvenirs de famille qu'il pourra nous montrer. … Il en a forcément s'il est si fier de l'histoire des de Vernantes. »
Dean hoche la tête.
Arrêté à un feu rouge, il touche une nouvelle fois la chevalière avant de frotter doucement sa poitrine de sa paume. Le châtain espère aussi que la vue du bijou pourra peut-être faciliter la discussion avec cet homme. Jusqu'à présent, tout a été vraiment très peu concluant. Les choses ne se passent pas si mal que cela compte-tenu du fait qu'ils sont arrivés à La Nouvelle-Orléans seulement hier. C'est un peu lent mais d'une lenteur encore acceptable.
Il serre les doigts sur le volant, fait jouer ses articulations sur le cuir en souriant d'un air satisfait.
Il n'a pas menti à Castiel dans son message d'hier soir.
Sam et lui avancent et bien… d'une manière générale et acceptable.
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Dean contourne l'Impala pour rejoindre Sam sur le trottoir de Moncla Avenue et hausse un sourcil à la fois étonné et dubitatif. Le quartier de Belle Chasse est un lotissement moderne sans grand charme si ce n'est l'entretien parfait de ses rues et les abords des jolies propriétés. La maison, un pavillon classique à la pelouse bien tondue, est couronnée par les drapeaux de la Louisiane et des États-Unis.
Dean songe brièvement à de Vernante Mansion dont Sam et lui ont regardé des photos un peu plus tôt par curiosité. La demeure a changé de nom mais elle reste belle et imposante avec son bardage en bois et son double balcon en fer forgé richement ouvragé. L'ensemble a depuis été transformé en hôtel dont le prix des chambres l'a fait s'étrangler. Rupert Vernantes habite une maison agréable dans l'extension moderne de La Nouvelle-Orléans et il y a des oiseaux en faïence dans le jardin, posés en décoration sur de petits socles. Les temps changent.
Sam remonte l'allée pavée menant au perron. Sur la boîte aux lettres, Dean remarque l'autocollant un peu effacé du candidat républicain aux dernières élections présidentielles – un conservateur anti-diversités dans tout ce qu'elle a de plus diversifié – et il grimace. Il repense à l'intérieur de la maison d'Elsie, à son horrible fauteuil en tapisserie à fleurs et au salon au parfum un peu fané de roses. Ce n'était peut-être pas si mal finalement, elle était sympathique et elle leur avait servi un très bon thé glacé. Le jeune homme agite le col de son tee-shirt pour s'éventer, le coton colle à ses épaules moites.
Son frère appuie sur le bouton de la sonnette et essuie son front légèrement humide d'un revers de la main. Une clé tourne dans une serrure puis la porte s'ouvre.
— « Oui ? »
Dean prépare son plus beau sourire car la femme qui leur fait face – une cinquantenaire brune en robe un peu trop ajustée – les considère avec un air des plus suspicieux.
— « Bonjour. Mrs. Vernantes ? Sam et Dean Winchester. Nous travaillons pour un notaire de Springfield, Illinois dans le cadre d'une succession. Auriez-vous un instant à nous accorder ? »
Ses yeux clairs luisent doucement et elle s'écarte pour les laisser entrer. Le châtain se retient de rouler des yeux. Certaines choses changent et d'autres jamais, comme la perspective d'un argent gagné sans effort qui fait tomber toute prudence et distance vaguement polie.
Le salon est à l'image de l'extérieur de la maison. Il y a une cheminée dont le revêtement imite un modèle ancien en pierre, deux fusils de chasse accrochés au-dessus et des gravures vaguement historiques encadrées sur les murs. Dean repère toutefois des éléments de décoration plus intéressants des photographies couleur sépia dans des cadres, quelques bibelots et de petits éléments de mobilier datant du siècle précédent.
Au-dessus d'une console ornée d'un bouquet de fleurs artificielles, il remarque une petite peinture dans un cadre doré. L'ensemble ressemble à un autel.
Mrs. Vernantes les informe qu'elle va chercher son mari, Dean hoche distraitement la tête. Il se rapproche de la peinture et l'observe attentivement. La facture est épaisse, la matière picturale apposée par petites touches empâtées. De près, on dirait un assemblage de confettis colorés de loin, la petite huile sur toile représente sans le moindre doute possible de Vernantes Mansion. La demeure a des plantes vertes accrochées aux dentelles métalliques des balcons et de petits personnages en costume sombre ou en robes claires peuplent la rue. Dans l'angle en bas à droite, il lit une signature peinte en noire : Siegfried Mornay, 1887.
— « Bonjour, Rupert Vernantes. Ma femme m'a dit que nous avions de la visite. »
Le châtain se retourne.
Un homme aux courts cheveux poivre et sel coupés en brosse, l'air militaire, se tient dans l'embrasure du salon. Il porte un polo clair un peu trop ajusté et un jean sombre. Quand il leur tend une main ferme et puissante à serrer, Dean remarque une grosse bague en or à son annulaire droit ressemblant à une chevalière. Il tente de voir discrètement la gravure dessus, sans succès.
Rupert Vernantes leur serre puissamment la main et les invite à s'asseoir dans le salon en cuir soigneusement lustré et aux accoudoirs en bois bien cirés. Celui-ci couine sous leurs fesses quand les deux frères s'exécutent, c'est un peu moins distingué. Un napperon en dentelle orne la table basse, avec un autre bouquet de fleurs artificielles posé dans un vase en cristal. Une carafe de citronnade et des verres apparaissent soudain pour compléter l'ensemble. Mrs. Vernantes remplit très obligeamment leurs verres et disparaît à l'arrière de la maison.
Dean la remarque à peine.
À la manière dont son mari se tient, dont il pose ses mains sur les accoudoirs de son fauteuil et les jambes écartées, le châtain sait qu'il est celui qui pourra les éclairer.
— « Alors ? Que puis-je faire pour vous ? Vous êtes notaires, c'est bien ça ? »
— « Nous sommes généalogistes successoraux pour un notaire de Springfield », le corrige poliment Sam. « Nous avons été mandatés dans le cadre d'une succession sans héritier en ligne directe et nous recherchons les autres descendants potentiels. »
— « D'où venez-vous au juste ? »
— « De Decatur, à quarante minutes de Springfield. Le défunt habitait à Rochester, dans la banlieue », brode habilement Dean.
L'homme fronce les sourcils et se frotte la mâchoire.
— « … Je ne connais personne par là-bas. »
— « Nos recherches ont fait ressortir le nom de votre famille mais nous devons vérifier qu'il ne s'agit pas d'homonyme », reprend son frère.
— « Vernantes est un nom rare dans la région. Les seuls qui le portent sont ceux qui ont le sang de Louis de Vernantes, le premier de la lignée américaine, leurs veines », l'interrompt presque leur interlocuteur d'un ton froid.
C'est un peu écrasant de suffisance. Charmant.
Dean boit une gorgée de citronnade et complimente l'épouse alors que cette dernière rôde discrètement à l'entrée du salon. Elle hoche un peu timidement la tête et s'éclipse à nouveau. Le regard de son mari est lourd tandis qu'il la suit des yeux et l'invite sans le moindre doute à ne plus se présenter tant qu'il ne l'aura pas appelé.
Le châtain serre les dents sur le bord de son verre. Vraiment charmant.
— « C'est ce que nous pensons aussi mais nous sommes obligés de retracer l'histoire de votre famille pour cela », poursuit poliment Sam.
À ces mots, le visage austère de leur hôte s'éclaire. Il cale confortablement ses reins contre le dossier de son fauteuil, un sourire satisfait aux lèvres.
— « Vous avez frappé à la bonne porte. De tous les Vernantes qui habitent encore par ici, je suis le seul à maintenir la mémoire de notre nom. Est-ce que vous saviez que nous étions une très riche famille de La Nouvelle-Orléans il y a encore cent ans ? La plus belle maison de Garden District porte notre nom. »
Dean a envie de répliquer qu'il en a vu de plus belles et qu'elle s'appelle à présent Hôtel Beaux Jardins en français mais sa remarque serait sans doute peu appréciée. Il préfère baisser les yeux sur la chevalière en or à son doigt, un peu trop grosse et un peu trop brillante.
— « Est-ce que c'est un objet de famille ? », demande-t-il d'un air un peu naïf.
Rupert Vernantes contemple le bijou et rit.
— « J'aurai aimé mais ce n'est pas le cas. Je l'ai faite faire pour mes cinquante ans, le chaton reproduit les armes de la famille. Nous avions des armoiries à l'époque, nous étions de véritables nobles », se rengorge-t-il avec orgueil.
Si leur hôte était un néon, il serait en train de briller plus fort que le meilleur des éclairages à basse consommation.
Dean lui demande silencieusement la permission, leur hôte tend volontiers la main pour lui montrer la chevalière. Le châtain esquisse un rictus moqueur. Mon dieu, elle est vraiment énorme. Elle ressemble un peu à une bague de championnat de football américain, un semis de touts petits brillants remplacent les étoiles de la Star-Spangled Banner dans le quart inférieur droit. C'est une très grosse concession à l'histoire car les États-Unis de 1889 ne comptaient que quarante-et-un États. Dean a envie de jouer encore les naïfs et de le lui faire remarquer, juste pour le plaisir, mais il se contente de hocher la tête d'un air appréciateur. Le seul bénéfice que le châtain trouve à cette situation est que Rupert Vernantes prend soudain un air incroyablement bonhomme et sympathique. De toute évidence, il a envie de parler de sa famille. Ça tombe bien, Sam et lui sont là pour ça.
— « C'est vraiment fascinant », susurre-t-il poliment. « Auriez-vous dressé l'arbre généalogique de votre famille par hasard ? Cela nous aiderait beaucoup. »
— « Bien entendu ! Je vais chercher mes archives pour vous montrer le résultat de mes recherches. Je reviens immédiatement ! »
Pour un homme de sa stature, leur hôte se lève avec une rapidité étonnante. À peine le temps de boire une gorgée de citronnade, de regarder à nouveau la petite peinture à l'huile représentant Vernante Mansion et il est déjà de retour.
Dean hausse un sourcil agréablement surpris.
Il tient deux énormes cartons superposés et son épouse le suit en trottinant doucement, presque aussi chargée. Le couple dépose l'ensemble sur le tapis du salon, leur hôte ouvre déjà la première boîte pour en sortir un classeur remplis de pochettes en plastique.
— « Est-ce que vous avez déjà fait quelques recherches ? », leur demande-t-il.
— « À peine de quoi retrouver la trace de possibles héritiers en ligne indirecte. Nous sommes arrivés à La Nouvelle-Orléans avant-hier », répond courtoisement Sam.
Dean acquiesce en silence. Il préfère aussi écouter l'exposé probablement un peu ampoulé de leur hôte et ne pas l'interrompre les deux frères recouperont plus tard, à tête reposée, avec leurs propres informations.
Rupert Vernantes ouvre le classeur et le pose sur la table basse entre leurs verres de citronnade. Le châtain remarque immédiatement des copies de documents d'archives, soigneusement classés par date. L'homme déplie ensuite un très grand document composé de plusieurs feuilles collées les unes aux autres. L'arbre généalogique. Dean se penche dessus avec intérêt et hoche la tête d'un air appréciateur, leur hôte a réellement fait un très bon travail. Celui-ci tapote d'un doigt le haut du document. Un encart reproduit avec emphase un cartel de style ancien avec les armoiries de la famille. Fait à la main de toute évidence. Le châtain esquisse un sourire discret. Les ornements sont prétentieux, Dean est certain d'en avoir déjà vu des semblables mais plutôt sur les armes de la couronne d'Angleterre.
— « Ce sont les armoiries des de Vernantes, Coupé, d'or au cerf d'azur et de gueule à la tour. Le cerf symbolise la mort et la renaissance. En langage héraldique, il guide et protège les défunts. C'est impressionnant n'est-ce pas ? Est-ce que vous saviez qu'un village porte le même nom en France ? C'est de là que viennent mes ancêtres », reprend l'homme avec un sourire gourmand.
— « C'est très impressionnant », répond le châtain en suivant du doigt les branches les plus anciennes de l'arbre généalogique. « Pouvez-vous nous raconter un peu votre histoire ? »
— « Avec plaisir ! » Rupert Vernantes croise ses jambes puis les mains sur son ventre. « Ma famille a émigré de France au début du XIXe siècle. Le père de Louis de Vernantes avait déjà des intérêts dans une plantation qui lui rapportait énormément d'argent. Quand il s'est installé ici, il a fini par racheter l'ensemble de la propriété à son associé, décédé peu après son arrivée. Elle produisait du coton qu'il exportait ensuite en Europe. En deux décennies, il a amassé une véritable fortune. C'était un homme diablement intelligent. »
Dean et Sam acquiescent poliment. Oh oui, diablement intelligent.
Son cadet prend docilement des notes dans leur carnet et esquisse un arbre généalogique simplifié selon les indications de leur hôte. Celui-ci fronce légèrement les sourcils en voyant qu'il n'a plus toute son attention le blond lui adresse un sourire d'excuse et montre le carnet d'un geste, comme si travailler était une corvée et qu'il préférerait boire ses paroles parce que, eh bien le père de Vernantes était un homme vraiment diablement intelligent. Dean ricane en coin.
— « Continuez, je vous en prie », dit-il poliment.
— « … Nous nous sommes progressivement liés à d'autres familles de planteurs par mariages. Les affaires n'ont cessé de fructifier jusqu'à la guerre de Sécession. L'esclavage a été aboli, les plantations ont perdu leur main d'œuvre. … Nous étions tellement riches à cette époque… »
Oh oui, quel dommage de voir tout ce beau travail si diablement intelligent réduit à néant. Une ombre passe dans son regard tandis que Rupert Vernantes crispe les doigts sur les accoudoirs de son fauteuil. Un nostalgique du bon vieux temps d'avant la guerre civile, du bon vieux Sud esclavagiste. Charmant. Dean préfère se concentrer sur l'arbre généalogique.
— « Ça a dû être une période difficile. De Vernantes Mansion a été construit à cette époque ? », demande Sam avec une compassion parfaitement jouée.
Leur hôte secoue la tête avec raideur.
— « La maison du centre-ville porte le même nom que la demeure historique de notre famille, celle de la plantation qui avait été détruite en 1867. J'ai retrouvé dans les archives de la ville des plans et des dessins, c'était une véritable splendeur, d'un luxe que vous ne pouvez imaginer… Je cherche encore des représentations des intérieurs. Nous conservons quelques objets de famille, je rêverai de pouvoir les voir sur des gravures anciennes. »
— « C'est un beau projet », l'encourage à poursuivre le blond.
— « J'aimerais aussi constituer une association de descendants d'anciennes familles de La Nouvelle-Orléans. Nous sommes encore quelques-uns dans la région mais ce passé s'efface au fur et à mesure des générations qui disparaissent. Est-ce que vous ne feriez pas la même chose si vous descendiez d'une famille noble française ? », s'enflamme leur hôte.
— « Tout à fait, le passé doit toujours être préservé », acquiesce Dean et il n'a même pas réellement la nausée à la pensée de ces relents nauséabonds d'exploitation humaine. « De Vernantes Mansion est la maison représentée sur cette peinture, n'est-ce pas ? »
L'homme jette un regard à la petite huile sur toile dans son cadre surchargé de motifs décoratifs et de dorures, avec l'horrible bouquet en fleurs artificielles sur la console qui ressemblent à un autel mémoriel. Ses yeux flamboient d'orgueil.
— « Après 1865, le troisième comte de Vernantes – le fils de Louis – ne s'est pas laissé abattre. Il a investi ce qu'il restait de la fortune familiale dans le développement du chemin de fer à travers les États-Unis », reprend leur hôte en calant confortablement son dos contre le dossier de son fauteuil. « En moins de dix ans, il a reconstitué les biens de la famille et a fait construire une nouvelle maison dans le quartier le plus en vue de La Nouvelle-Orléans. »
— « Mais vous habitez à Belle Chasse », reprend naïvement Dean.
Il ne devrait pas être aussi satisfait de voir un tic nerveux agiter la commissure des lèvres de leur hôte. Ce dernier s'assombrit mais c'est incroyable combien le château apprécie de dire cette petite chose qui gratte. Même si Rupert de Vernantes est cordial – un peu prétentieux mais c'est le cas de bien des gens qui n'ont pas du tout de racines familiales françaises – son instinct lui dit de ne pas laisser tomber sa garde. Les cartons d'archives ont beau être nombreux et remplis de documents, Dean n'a pas l'impression d'être plus près des réponses qu'il espère tant.
— « La maison de Coliseum Street n'est plus en votre possession ? », ajoute-t-il.
– « Le krach boursier de 1929 nous a ruiné. Nous avions investi dans d'autres activités pour diversifier nos portefeuilles d'action, les capitaux de la famille n'y ont pas survécu. Les de Vernantes se sont séparés et certains sont retournés en France en espérant retrouver des biens. Un membre éloigné a même intenté un procès à l'État pour tenter de récupérer les propriétés familiales saisies à la Révolution française », grogne leur hôte.
Ah. Plus si diablement intelligent que cela donc. Rupert Vernantes enfonce si fort ses ongles dans les accoudoirs de son fauteuil que le cuir proteste et grince.
Dean hausse un sourcil, son ventre se tord imperceptiblement. C'est une sensation familière, celle qui fait crépiter le bout de ses doigts et ses orteils d'excitation. Quelque chose ne va pas, leur hôte semble en colère et il faut creuser un petit peu plus.
Il coule un regard en coin à son frère.
Sam a cessé d'écrire et il hoche imperceptiblement la tête. Lui aussi l'a senti, son antenne frétille même si la perspective d'une branche française de la famille complexifie par contre considérablement leur enquête. Dean se mord les joues. Hors de question qu'il prenne l'avion pour aller là-bas et plus encore si Castiel doit leur payer un séjour pour Dieu sait combien de temps parce ni lui ni Sam ne parlent la langue. Perdu dans ses pensées, Dean se dit qu'il aimerait bien l'entendre parler français et si cela sonne aussi sexy que Carol l'a affirmé.
— « Est-ce que vous savez si la branche française existe toujours ? Peut-être auriez-vous des contacts à nous donner qui pourrait nous aider », demande Sam.
Les lèvres pincées, leur hôte le dévisage en silence avec hauteur. Bon sang, Dean déteste vraiment ça.
— « Je n'en ai aucune idée. Les véritables de Vernantes sont ceux qui sont restés ici pour affronter les difficultés, ceux qui n'ont pas fuits. Je fais partie de la branche qui a décidé de rester en Louisiane et j'en suis fier. Les autres m'importent peu » », répond-il d'un ton sec.
Le châtain se mord les joues. Poil à gratter. Poil à gratter.
— « N'êtes-vous pas curieux de savoir ce qui a pu leur arriver ? De l'issue de ce procès ? »
— « Je vous ai dit que ça ne m'intéressait pas », gronde l'homme.
Le cuir de son fauteuil couine une nouvelle fois alors qu'il change lentement d'appuis d'une fesse sur l'autre.
Sam lui jette un regard d'avertissement. S'obstiner pourrait le braquer, il doit être plus fin que cela. Dean hausse discrètement les épaules. D'accord mais ce n'est pas sa spécialité.
Rupert Vernantes ferme brusquement le classeur et le range dans la grande boîte en carton. D'accord, de toute évidence il a été trop loin.
Le châtain se penche avec un intérêt renouvelé sur l'arbre généalogique. Il passe rapidement sur les premières branches, les plus anciennes. La chevalière est plus récente que les premières générations de la famille ces noms et ces morts ne peuvent pas les aider.
Leur hôte croise lentement ses mains devant son visage et y appuie son menton, les sourcils froncés. L'air buté. Mince.
— « … Dans quel cadre le nom de ma famille est-il ressorti au juste ? Je vous ai dit que je ne connaissais personne à Rochester », demande-t-il d'un ton un peu suspicieux.
— « Cela ne veut pas dire que vous n'êtes pas lié par le sang avec le défunt. Vous avez dessiné beaucoup d'autres blasons, vous n'ignorez pas la manière dont des familles peuvent parfois se lier… », lui fait remarquer poliment Sam.
Les sourcils de Rupert Vernantes s'abaissent encore un peu plus, ligne hirsute et menaçante. La peau entre ses deux yeux se froisse comme un papier de bonbon en papier cristal. Ce n'était pas la chose à dire, d'évoquer ce sang mélangé. C'est bien connu, on est toujours telleemment mieux entre soi.
Dean croise les jambes, pose sa cheville sur son genou et y crochète ses doigts. Tranquille confiance en lui. Assurance parfaite. Leur hôte pèse peut-être vingt kilos de plus que lui et il est possible que le châtain lui envie un peu la largeur de ses épaules mais il peut lutter à armes égales. Il joue aussi très bien le rôle du mâle alpha quand il le faut.
— « Le notaire qui nous a engagés nous a remis un dossier dans lequel il y avait une chevalière en or qui date de la fin du XIXe siècle. Elle est abîmée mais nous avons réussi à la faire identifier, elle porte les armes de votre famille. C'est ce qui nous a conduit jusqu'à vous et à vos parents les plus proches », explique-t-il lentement.
La courbe menaçante des sourcils poivre et sel s'abaisse brusquement sous l'effet de l'étonnement c'est presque comique. Leur hôte baisse lentement les mains pour les poser à nouveau sur les bras de son fauteuil.
— « … Est-ce que je pourrais la voir ? »
Dean entrouvre sa veste mais il en sort son portable. Le petit sachet en velours reste soigneusement caché dans sa poche intérieure.
— « Elle a de la valeur, nous ne la prenons pas avec nous », élude-t-il en ouvrant le dossier photo consacré à l'affaire de Castiel. « Il y a plusieurs clichés, vous pouvez les faire défiler. »
Rupert Vernantes feuillette déjà avidement l'album, les yeux plissés. Dean le voit zoomer, incliner le portable pour changer son point de vue, l'approcher de son visage pour mieux regarder l'écran.
— « … C'est impossible, vous ne pouvez pas l'avoir », dit-il lentement après un silence.
— « Est-ce que vous connaissez cette chevalière ? Est-ce que vous l'avez déjà vu ? »
— « Si je l'ai vu ?! » Il relève les yeux sur lui, ses prunelles lancent des éclairs d'indignation. « C'est celle de Joseph de Vernantes, l'aîné du fils de Louis de Vernantes. J'ai fait faire ma bague en s'inspirant de la sienne, elle m'a toujours fasciné. Comment pouvez-vous l'avoir en votre possession ?! »
— « Le notaire n'en a pas précisé la provenance », continue à mentir Dean avec aplomb.
— « Je ne suis pas étonné, elle a été volée ! », ricane l'homme d'un air sombre.
Ah. Voilà une information dont Sam et lui se seraient bien passés, un imbroglio judiciaire n'est jamais bon quand ils sont en chasse. Son frère et lui sont censés être discrets et surtout, mentir d'une manière suffisamment habile pour se fondre dans la foule qui va et vient. Être accusé de recel ne fait certainement pas partie dans leur plan, pas plus que d'être arrêté par la police sur les accusations d'un homme un peu trop fier de la couleur de son sang.
Dean se raidit.
Castiel l'a pourtant acheté légalement et l'arrogant antiquaire Gordon Clay leur a aussi donné l'historique de ses ventes successives sur les cinquante dernières années. Le châtain compte bien appeler le brun le soir-même depuis sa chambre d'hôtel, pas derrière les barreaux d'une cellule.
— « Je suis navré mais vous devez vous tromper. Le notaire nous a expliqué l'avoir trouvé dans l'appartement du défunt avec une lettre », tente habilement Sam.
— « Eh bien cet homme était un voleur », s'obstine leur hôte en crispant ses doigts sur le portable de Dean. « Je connais cette chevalière parce que je l'ai déjà vu représentée et je possède dans mes archives une copie de sa description quand Joseph l'a commandée à Paris. Il l'a décrite dans une lettre à une de ses sœurs. Je suis sûr de ce que j'avance. »
— « Est-ce que vous auriez une photo ? », insiste Dean.
Bon sang, ils n'ont jamais été aussi proches de découvrir l'identité du propriétaire du bijou. Ils doivent savoir.
— « J'ai une photo et une peinture. Venez avec moi. »
Rupert Vernantes lui rend son portable et les invite à le suivre d'un geste sec. Les deux frères lui emboîtent le pas. Ils montent derrière lui à l'étage, dans une petite pièce située à droite sur le palier.
Dans l'embrasure, Dean embrasse rapidement l'espace du regard. C'est un petit bureau un peu encombré avec une tête de chevreuil naturalisée au mur, deux vieux colts dans un cadre et un drapeau de la Louisiane. À côté d'une bibliothèque remplie de livres d'histoire locale, il y a un portrait peint à l'huile dans un cadre aussi surchargé de dorures que la petite peinture du salon représentant de Vernantes Mansion. L'œuvre est bien trop grande pour le modeste pan de mur où elle est accrochée, l'effet n'est pas très heureux mais Dean se fout comme de son premier vrai boxer de grand de ces considérations esthétiques.
Le modèle du portrait est d'une grande dignité dans cette atmosphère de brocante.
C'est un homme entre deux âges, au collier de barbe élégant et dont la large cravate en soie violette se détache sur une chemise d'une éclatante blancheur. Il porte un costume sombre et un gilet légèrement mordoré d'où sort une chaîne de montre en or.
— « Voici Joseph de Vernantes. Regardez sa main gauche », s'exclame leur hôte en désignant le portrait d'un geste emphatique.
Dean plisse les yeux.
Le modèle est représenté assis, les mains nouées sur les genoux juste à la lisière du bord inférieur de la toile. Le châtain s'avance encore un peu, il a l'impression de sentir la respiration de Sam effleurer sa joue. Sur l'annulaire droit, le peintre a représenté une tache de peinture jaune, un point vibrant de vie. C'est la lumière qui se reflète sur l'or. Encore un peu plus près. Dans la touche de peinture vigoureuse, le jeune homme discerne les couleurs mordorées de la sardoine puis un dessin tracé à la peinture noire, si fin qu'il semble avoir été fait à l'aide d'un pinceau doté d'un seul poil. Il représente les armes des de Vernantes sans aucun doute possible.
— « C'est une chevalière », note son cadet.
— « C'est la même chevalière. Observez attentivement le dessus. La sardoine a été taillée en une forme peu usitée et on reconnaît la veine dorée qui la traverse. C'est la même bague », affirme Rupert Vernantes avec une assurance renouvelée.
Dean se redresse et hoche la tête. C'est vrai.
Il fait un pas un arrière pour mieux contempler le portrait dans son ensemble. Le châtain croise les bras sur son torse, les sourcils froncés.
Ce serait donc lui ? L'esprit mauvais qui s'accroche à Castiel ? Vraiment ?
Il sait que cela ne veut pas dire grand-chose mais l'homme porte plutôt beau. Ses traits sont un peu austères, sa pose est un peu raide Dean a visité suffisamment de fois le Spencer Museum of Art de Lawrence au Kansas lors de sorties scolaires obligatoires pour savoir que c'est une convention de représentation. Les points blancs dans les yeux de Joseph de Vernantes animent son regard d'une forme de douceur et son air est avenant, peut-être l'effet de la touche enlevée de l'artiste. Le châtain remarque aussi l'ombre délicate d'un sourire accroché à ses lèvres charnues.
Ce portrait lui plaît et ce serait cet homme, leur ennemi invisible à Butler ? Son plus grand ennemi ?
Il jette un regard en coin à Sam. Son frère est toujours penché sur le portrait, les mains appuyées sur ses cuisses.
— « J'ai aussi des photos, vous allez voir que j'ai raison », ajoute leur hôte, les sourcils froncés devant leur silence.
Il s'assoit devant le vieil ordinateur installé sur le bureau, ouvre des dossiers et clique puis zoome sur plusieurs fichiers photos. Le dernier cliché représente Joseph de Vernantes en pied devant une toile peinte d'un faux paysage de parc. L'homme s'accoude nonchalamment sur une colonne à l'antique, sa main gauche dans le vide, tandis qu'il regarde au loin d'un air inspiré. C'est touchant de maladresse et Dean sourit. La qualité de la numérisation est telle que leur hôte grossit encore et encore le détail de sa main gauche. À son petit doigt, il y a une tâche un peu claire. La même chevalière, sans aucun doute possible.
— « C'est le même bijou », admet docilement le châtain parce que dire le contraire ne les aiderait pas.
L'homme lui jette un regard noir, de toute évidence vexé qu'il se sente obligé de verbaliser une si parfaite évidence. Il reprend sa navigation dans les dossiers de son ordinateur, clique à nouveau sur plusieurs fichiers, des copies de documents d'archives. Leur hôte affiche sur l'écran une page couverte d'une fine écriture manuscrite accompagnée d'une signature particulièrement énergique.
— « C'est la même bague et elle a forcément été volée puisque Joseph de Vernantes avait exigé dans son testament d'être enterré avec elle. »
Il pointe le curseur sur une zone de l'écran et les deux frères se penchent pour lire par-dessus son épaule.
Au début, cela ne ressemble qu'à un plat de spaghettis très embrouillés avec des boucles et des déliés mais leurs regards se forment et ils commencent à lire. Les biens meubles et immeubles, les possessions personnelles et les objets de valeur sont minutieusement décrits. Dans le paragraphe consacré aux dernières volontés, le demandeur le mentionne en toute lettre :
« En l'absence d'un fils auquel transmettre mon nom et l'emblème de notre famille, je demande à être enseveli avec ma chevalière commandée en 1889 à l'orfèvre Damien, installé rue du faubourg Saint-Honoré à Paris à Paris. Je veux qu'elle soit laissée à mon doigt et que jamais elle ne me quitte jusqu'à mes funérailles. Mon exécuteur testamentaire s'en assurera en faisant veiller ma dépouille. »
Dean hausse un sourcil. C'est un peu glauque.
— « … L'exécuteur testamentaire qui est mentionné a pu ne pas s'acquitter correctement de cette tâche », tente Sam.
— « Il l'a fait. Mr. Barner a fait certifier l'état du corps avant la fermeture du cercueil car Joseph de Vernantes s'était fait enterré avec plusieurs autres objets de grande valeur. Sa tombe a donc été profanée, c'est la seule explication possible. »
Dean pianote du bout des doigts sur le bureau, les sourcils froncés.
Il jette un autre regard en coin au portrait.
Même si toutes les pièces du puzzle s'assemblent parfaitement pour la première fois depuis presque un mois, quelque chose le chagrine. Si leur hôte a raison, alors Joseph de Vernantes a bien des raisons d'être hors de lui. Il n'est pas à sa place, on a violé son éternité, et cette chevalière – le symbole de son nom et de sa famille qui avait tant d'importance à ses yeux – lui a été arraché. L'affaire de Castiel serait une répétition un peu extrême de celles que Sam et lui ont déjà résolu, des défunts retenus de leur Côté à cause de leur chagrin ou de ceux de leurs proches qui les retenaient. … D'un point de vue strictement pragmatique, ce serait cohérent. Joseph de Vernantes blesserait Castiel parce que sa nature même se rebelle contre sa présence de ce Côté de la Porte, parce qu'il lutte contre un phénomène contre-nature.
Dean plisse les yeux tandis qu'il dévisage le beau visage altier peint sur la toile.
… Non, ça ne peut pas être ça.
Quelque chose ne va pas.
Les proches des défunts souffrent parce qu'ils sont liés les uns aux autres. Castiel ne partage aucune parenté d'aucune sorte avec leur suspect décédé il serait un simple dommage collatéral, une sorte d'ironique « faute à pas de chance ». Ce mal tombe sur lui comme il aurait pu frapper une autre personne
Le châtain tique à nouveau.
Il tique vraiment.
Non. Non, il n'y croit pas.
Et les stigmates dans sa chambre ? Et les marques d'amour sur le corps du brun ? Quelque chose lui échappe encore.
Il se penche sur l'écran pour regarder à nouveau les photos.
— « Est-ce que vous pourriez nous montrer à nouveau votre arbre généalogique s'il vous plaît ? »
Leur hôte s'exécute de mauvaise grâce.
Quelques clics supplémentaires et le document s'affiche à l'écran.
Dean lui fait resserrer l'image autour de Joseph et de sa famille proche. Il était le second enfant d'une fratrie de six dont quatre sœurs. Chacun d'entre eux s'est marié et a eu une descendance. Le nombre de neveux et de nièces est considérable, au moins autant que celui des cousins au premier degré du côté de Joseph.
Il serre le poing sur le bureau en bois ciré. Tant de gens, tant de noms à vérifier encore.
Le châtain palpe machinalement la poche intérieure de sa veste pour sentir le discret relief de la chevalière. Castiel l'a acheté, c'est donc bien qu'elle n'a pas été enterrée avec son propriétaire.
Il sort son portable et fait une rapide recherche d'image. Une fraction de seconde plus tard, Dean contemple une photo du caveau familial des de Vernantes dans le Saint-Louis Cimetery No 3.
Il hausse un sourcil. Une profanation ? Vraiment ? La tombe est un énorme mausolée avec toute l'emphase décorative caractéristique du XIXe siècle. Il a la forme d'un temple antique, couronné d'une coupole portée une forêt de colonnes aux chapiteaux richement sculptés formant un porche. Comment quelqu'un aurait-il pu forcer les énormes portes de bronze qu'il devine dans l'ombre du cliché ?
Dean secoue la tête. C'est impossible, leur hôte se trompe et la bague n'a pas été volée.
Si elle n'a pas été dérobée, Joseph de Vernantes n'a aucune raison d'en vouloir à Castiel.
Retour à la case départ, leur hypothèse ne fonctionne pas.
Les blessures faites au brun sont intentionnelles. Personnelles. On ne mord pas quelqu'un quand on n'a pas une bonne raison de le faire, si tant est que cela puisse exister. Même dans l'amour le plus passionné, Dean préfère embrasser que marquer. C'est bien de cela qu'il s'agit. N'a-t-Il pas gravé des mots de possession sur le cadre de lit de Castiel ? Son corps n'est-il pas couvert de Ses marques de griffures et de l'empreinte de Ses doigts ?
Le châtain fronce les sourcils.
Non, pas uniquement.
Il fait mal à Castiel à dessein. Il le marque comme sien et cela n'a rien à voir avec des sentiments.
Dean passe une main crispée dans sa nuque. Bordel, leur piste s'éteint à peine entamée. Il a l'impression de sentir l'odeur âcre de la fumée dans son nez et sa gorge, comme celle d'une bougie dont on viendrait de souffler la mèche. Pas une de ces bougies avec un agréable parfum d'intérieur, juste une bougie. C'est désagréable.
— « Est-ce vous voyez quelque chose ? », s'impatiente Rupert Vernantes.
C'est surtout ce qu'il ne voit pas qui l'intéresse. Il jette un regard à Sam, debout de l'autre côté de leur hôte. Son frère l'interroge d'un imperceptible signe de tête, il ne comprend pas où il veut en venir.
Le châtain roule des yeux. Et bien soit, si leur hôte est le seul à pouvoir les renseigner sur l'histoire de sa famille, il peut bien mettre les pieds dans le plat s'il veut. S'il dit quelque chose de travers, il sait que ce dernier le reprendra vertement mais qu'il lui répondra avant de le mettre dehors. Péché d'orgueil. Un, deux, trois, il se lance.
— « Êtes-vous certain que Joseph n'a jamais eu de fils ? Un parent suffisamment proche pour revenir sur sa décision et décider de lui léguer la chevalière ? Le testament que vous nous avons montré date de 1891 et il est mort en 1912. Les gens peuvent changer d'avis en dix ans. »
L'homme ferme brusquement tous les explorateurs de fichiers et éteint l'ordinateur. Les pieds de sa chaise raclent bruyamment sur le parquet du bureau tandis qu'il se lève avec raideur. Dean fait un pas en arrière, un peu surpris par la véhémence de sa réaction. Il a tant les pieds dans le plat si loin et profondément que cela ?
— « Les de Vernantes sont des hommes d'honneur. Nous ne revenons pas sur ce qui a été dit ou écrit », siffle-t-il d'un ton peu glacial.
La discussion est close et toute la posture de leur hôte leur montre métaphoriquement la sortie.
Dean jette un regard en coin aux deux colts exposés sur le mur. Inutile d'insister.
Son frère sur les talons, le châtain redescend dans le salon. Sur la table basse, il repère son verre de citronnade encore à moitié plein. Il esquisse un geste pour le terminer – il a la gorge sacrément sèche, foutue canicule – mais leur hôte se racle ostensiblement la gorge. Dean se retient de rouler des yeux. D'accord, il a compris. Entretien terminé, plus de citronnade pour lui et leur hôte leur indique la porte d'entrée – d'une manière plus du tout métaphorique.
— « Je suis navré mais j'ai d'autres engagements pour l'après-midi. Je peux vous donner ma carte de visite avec mes coordonnées si vous avez d'autres questions concernant votre affaire. … J'aimerais aussi avoir celles du notaire qui vous a engagé et les vôtres. Cette chevalière n'a pas à être en votre possession et j'aimerai entamer des démarches pour la récupérer. »
— « C'est tout à fait légitime. Je suis navré, mon frère n'avait pas l'intention de vous froisser. Vous devez comprendre que les recherches successorales comportent parfois leur lot de vieux secrets de famille à dévoiler », dit poliment Sam.
Dean pensait que leur hôte était sur la réserve ? Cela n'a rien de commun avec la rougeur subite qui envahit ses joues. Pas de gêne. Juste de la colère, pure et entière. … Non, pas de la colère. Une véritable fureur. Rupert Vernantes serre les poings tandis que ses épaules, toujours aussi larges, se crispent brusquement.
Le châtain hésite.
… Oh allez, une dernière petite pincée de poil à gratter avant que leur hôte ne les mette réellement à la porte. Juste pour ne pas avoir de regret.
— « Par expérience, nous savons qu'il y a des secrets dans toutes les familles », dit-il en regardant la petite peinture de Vernantes Mansion.
Sam le fusille du regard et le jeune homme lève les yeux au ciel. Oui, il sait mais ça lui a fait plaisir quand même et parfois sous le coup de la colère, les gens se laissent aller à des confidences involontaires. … Ou pas. Les joues de Rupert Vernantes pâlissent avant de reprendre une teinte carmin particulièrement soutenue. Dean juge le moment opportun pour battre en retraite vers le petit vestibule d'entrée.
— « Je porte le nom d'une noble famille française qui a fait partie des pionniers qui ont contribué à enrichir la Louisiane et La Nouvelle-Orléans. Mes ancêtres étaient des comtes, nous ne cachons rien et nous n'avons rien à nous reprocher ! », rugit presque leur hôte.
Les deux frères se replient vers la porte, Dean sort sur le perron sans attendre une autre politesse. Dans son dos, Rupert Vernantes souffle comme un taureau en colère le châtain se demande distraitement s'il y a des élevages bovins en Louisiane.
— « Donnez-moi les coordonnées du notaire », répète leur hôte en les suivant.
Sam griffonne quelques lignes sur une page de leur carnet, la déchire pour la lui donner et rejoint Dean à côté de l'Impala. Le châtain est déjà installé derrière le volant, il démarre à peine son cadet assis à ses côtés. Mieux vaut être loin quand l'homme découvrira que le numéro de téléphone est faux et que Mr. Brand Prashard, notaire à Springfield, Illinois, n'existe pas.
Arrêté quelques rues plus loin à un feu rouge, il retire brusquement sa veste, palpe une dernière fois la poche intérieure et la dépose avec soin sur la banquette arrière. Dean tire sur le col humide de son tee-shirt tandis que son frère passe une main dans ses cheveux. Le châtain voit ses tempes briller légèrement de sueur. L'agréable piscine du Clarence Inn à Butler semble être à l'autre bout du monde à cet instant. Dans l'Impala à l'arrêt, la chaleur est étouffante. Sam grogne d'agacement.
— « Bien joué Dean… », marmotte-t-il en lui jetant un regard en coin. « Tu n'as pas pu t'en empêcher, n'est-ce pas ? Il avait probablement encore des choses à nous apprendre concernant le propriétaire de la chevalière. »
— « Ses sources sont aux archives de la ville, nous pouvons aussi les trouver. J'ai pris la tête de Joseph en photo avec mon portable ainsi que l'arbre généalogique. Nous ne repartons pas bredouille », rétorque le châtain en haussant les épaules.
Ces mots ont un goût un peu amer dans sa bouche. Ils ont un nom mais ce n'est probablement pas le bon. Mieux que rien mais pas assez pour autant. Son cadet jette un regard à sa montre.
— « Souhaites-tu que nous rentrions à l'hôtel ? Cette chaleur est horrible, j'ai vraiment besoin de prendre une douche. Nous pouvons peut-être contacter à nouveau Emmett Patterson pour en savoir plus sur le contenu de sa thèse. Il a étudié les liens matrimoniaux entre les familles créoles de La Nouvelle-Orléans, il pourrait penser à une autre piste », propose-t-il en tirant sur le col poisseux de son tee-shirt.
Une autre piste. Dean jette un regard en coin à son frère.
— « Tu ne crois pas non plus à cette histoire de profanation et qu'Il se venge sur Cas ? »
— « Je ne le pense pas plus que toi. » Sam soupire et pose son crâne contre l'appui-tête. « Tu as vu à quoi ressemble le mausolée de la famille de Vernantes ? Ce n'est pas un simple caveau que des voleurs auraient pu fracturer… Je ne sais pas comment la chevalière a pu se retrouver sur le marché des antiquités mais il y a forcément une très bonne explication. Celui que nous cherchons n'est pas gêné ou en colère à cause de sa place de Ce Côté. Bobby l'a dit, Il le veut. C'est personnel. Pour quelle raison Joseph se serait attaché à lui ? Ça n'a pas de sens. »
— « … Tu penses qu'on pourrait avoir à faire à notre premier fantôme gay ? »
Le ton de Dean est gouailleur mais le regard entendu de son cadet lui fait entrer légèrement sa tête entre ses épaules. D'accord, c'était mauvais aussi.
— « Joseph de Vernantes a été marié, il a eu deux filles mais je suppose que cela ne signifie rien. L'homosexualité n'a été dépénalisée aux États-Unis qu'en 2003. » Sam fronce les sourcils. « … Je ne pense pas que ce soit ça, Il blesse vraiment Castiel. Sans compter que j'imagine très mal un aristocrate français fréquenter les cercles vaudous de La Nouvelle-Orléans. »
Ouais. Perdu dans ses pensées, Dean pile au dernier moment à un feu rouge, projetant son frère contre le pare-brise. Sam jure bruyamment tandis que la ceinture de sécurité lui rentre dans le bas-ventre. Le châtain s'excuse d'un borborygme inintelligible.
— « … Est-ce que tu penses qu'on pourrait faire fausse route ? »
Le regard de Sam lui brûler le visage mais Dean garde les yeux rivés sur la route. Ses jointures crispées sont presque blanches sur le cuir sombre et patiné du volant.
— « Cela fait trop de coïncidences et ni toi ni moi ne croyons aux heureux hasards. Tout concorde un peu trop bien, tu ne trouves pas ? »
— « Justement. Il est puissant, Il pourrait nous induire volontairement en erreur pour nous éloigner de Butler. »
Le châtain essuie rageusement son front humide d'un revers de la main. Putain ouais, Il le pourrait. Et Dean aurait marché à deux pieds dans le piège en sautillant de joie parce que lui aussi, il se pense diablement intelligent devant Castiel.
— « … Dean, nous sommes arrivés depuis deux jours et nos indices étaient très minces. Tu réalises que sans notre rencontre imprévue avec Patterson, nous ne saurions toujours pas le nom des de Vernantes ? Je trouve que nous n'avançons si mal que cela… » Sam lui donne un petit coup de coude affectueux. « Je sais que ce n'est pas aussi rapide que tu le voudrais mais nous avons encore un peu de temps devant nous. »
Eux oui – et leur chambre d'hôtel tient agréablement du palace – mais pas Castiel.
Dean jette un regard lourd de sens à son frère qui grimace. Il sait. Sam se réinstalle sur le siège passager, le châtain a envie de rire en le voyant se tenir un peu trop droit pour ne pas appuyer son dos en sueur contre le cuir. Lui a abandonné l'idée de toute dignité. Il sortira de l'Impala avec le tee-shirt trempé, le moindre passant verra combien il transpire mais tant pis.
— « Tu appelles Castiel ce soir ? »
— « Oui, je lui ai promis. »
Sam hoche la tête, il pianote distraitement des doigts sur sa cuisse tandis qu'il regarde par la fenêtre. L'Impala vient d'entrer dans French District, c'est comme faire un voyage dans le temps. Dean trouve assez cool l'idée que sa chère Baby soit un peu la DeLorean de Marty McFly dans Retour vers le futur. Cette voiture était le comble du cool quand il était adolescent.
— « … Retiens bien ce que je vais te dire parce que je ne le répéterai pas deux fois », reprend le blond après un silence confortable. « C'est mon antenne qui me dit que nous sommes où nous devons l'être. Nous ne faisons pas fausse route. »
— « J'apprécie la nuance », ricane son frère.
Dean grimace quand il sent une goutte de sueur brûlante couler le long de sa colonne vertébrale jusqu'à la ceinture de son jean. Il gigote un peu sur son siège. Il adore son frère mais il est fort probable qu'il lui passe devant pour aller prendre une douche avant lui. Il a vraiment trop chaud.
