Mes petits chats,
Voici la suite de "L'affaire Philippe Delveau". Il s'agit d'une journée très riche pendant laquelle il se déroule de multiples événements aussi, elle se déroulera en plusieurs parties distinctes. Je publie ce soir la première.
Pour une fois, pas de notes de contexte. Je vous laisse profiter (je l'espère) de ce moment et de la tension qui monte lentement (je l'espère aussi).
Je vous souhaite une bonne lecture :)
ChatonLakmé
L'affaire Philippe Delveau
o0O0o o0O0o
Dix-huitième partie
La Nouvelle-Orléans, Louisiane, dimanche 22 octobre
Affalé sur une banquette dans la cour intérieure de l'hôtel, Dean dessine de la pointe de son couteau des motifs dans le sirop d'érable de ses pancakes. De son point de vue, c'est une représentation de chat plutôt correcte mais en face de lui, Sam ricane d'un air moqueur. Le châtain hausse les épaules.
Son frère ne le reconnaît pas parce qu'il regarde son dessin à l'envers, voilà tout. Il est persuadé d'être parvenu à saisir l'idée – l'essence – du chat plus qu'une représentation anatomiquement parfaite.
… De toute manière, Dean n'aime pas trop les chats.
Il achève de tracer avec soin les moustaches et le petit museau en triangle – très important le petit museau pour voir l'essence du chat – quand un homme en costume noir et chemise blanche s'arrête devant leur table de petit-déjeuner. Le châtain lui jette un vague regard d'ennui. Il a (très) mal dormi, il est (très) peu disposé à discuter avec quiconque de quoi que ce soit. Même les plaisanteries pleines de malice de Sam lui pèsent. Peut-être est-il un peu jaloux de son lourd sommeil de bébé qu'il a supporté une grande partie de la nuit tandis que lui se retournait encore et encore dans ses draps, suppliant Destiny de les appeler.
Sam et lui prévoient de quitter le New Bourbon Hotel après le petit-déjeuner.
Ces pancakes au sirop d'érable et aux pralines ont le goût atroce de la défaite.
—«Monsieur Winchester? Veuillez m'excuser de vous déranger mais une dame souhaite vous parler. Elle attend au téléphone de l'accueil. … Cela semble important.»
Le couteau de Dean fait un dérapage dans l'assiette, un horrible crissement qui traverse le sirop d'érable et détruit définitivement son œuvre d'art.
Il baisse les yeux.
Son chat ne ressemble plus à rien – plus de petites moustaches ni de petit museau en triangle. Le châtain s'en moque comme de son premier boxer de grand garçon. Il gobe même la praline qu'il a utilisée pour imiter une tache sombre sur son pelage et se lève brusquement. La table tremble, les verres et les couverts tintent dangereusement. Sam se jette en avant pour les retenir. Dean ne le remarque pas. Il s'étonne à peine de ne pas entendre un bruit de verre brisé dans son dos, il est déjà en train de traverser la cour au pas de courses vers l'entrée.
Derrière le comptoir, une employée lui montre le téléphone d'un petit signe de tête. Le châtain s'y précipite.
—«Allô?»
—«Monsieur Winchester? Dean Winchester?»
—«C'est moi.» Il déglutit. «… Destiny?»
Le jeune homme a l'impression que le silence dans le combiné dure une éternité.
—«… Oui. Est-ce que vous pouvez venir à Magazine Street ce matin? À dix heures?»
—«Je viendrais quand vous voulez. …Vous acceptez de m'écouter?», répond Dean avec empressement.
—«Vous m'avez déjà obligé à le faire. (…) J'ai vu des choses cette nuit et je dois vous parler.»
Le jeune homme acquiesce farouchement, les doigts crispés sur le bord du comptoir.
—«Apportez aussi la chevalière et tous les autres éléments que vous avez rassemblés sur votre affaire.»
—«… Vous voulez réellement revoir la bague?»
—«Vous m'avez joué un sale tour hier midi en la mettant dans ma main. … Je vous giflerai une fois que vous serez devant moi et nous pourrons repartir sur de bonnes bases.»
Dean rit d'un ton un peu étranglé. C'est de bonne guerre et pas si cher payé si la jeune femme a déjà des réponses.
—«Mon frère et moi serons là à l'heure.»
—«Je l'espère, je déteste le manque de ponctualité. Je préviendrai Peter de votre arrivée sinon il refusera de vous ouvrir. Il vous a déjà trouvé très suspect hier quand vous m'avez parlé devant l'immeuble. À tout à l'heure.»
—«À tout à l'heure. Et merci», souffle le châtain.
—«Je vous l'ai dit. Une gifle et nous serons quittes.»
Destiny raccroche un peu brusquement. Dean fait de même mais avec une douceur qui fait sourire l'employée derrière le comptoir. Il la remercie avec une telle chaleur qu'elle rougit un peu.
Le châtain passe une main dans sa nuque et retourne précipitamment dans la cour intérieure. Sam l'attend avec une impatience mal dissimulée. Il se redresse sur sa chaise quand il le voit revenir et tressaute de la jambe tandis qu'il se rassoit. Dean reprend son couteau et tente d'arranger son dessin de chat dans le sirop d'érable. Il n'aurait pas dû manger la praline, le contraste de couleur sur le blanc de l'assiette était bien trouvée.
—«Est-ce que c'était Destiny?»
—«Elle nous attend chez elle à dix heures.»
Son frère hausse un sourcil.
—«Je pensais que tu serais plus enthousiaste que ça. Si elle a appelé et qu'elle accepte de nous rencontrer, je suppose que c'est parce qu'elle a quelque chose pour nous.»
—«Elle a quelque chose, elle me l'a dit», acquiesce Dean. «… Sa voix était étrange. Elle avait l'air nerveuse.»
—«C'était peut-être de la colère. Il ne serait pas étonnant qu'elle t'en veuille encore pour ton petit tour de passe-passe d'hier», ricane son frère.
Le châtain lui jette un regard noir et agite vigoureusement son couteau, projetant quelques gouttes de sirop devant lui. Il est satisfait de voir l'une d'entre elles tacher la manche de Sam parce que son frère n'a pas reculé assez vite. Dean sourit d'un air de garnement et pose lentement son couvert sur la table.
—«On réglera ça avec une gifle, elle me l'a dit deux fois», grimace-t-il légèrement en s'affalant contre le dossier de sa chaise. «Destiny m'a demandé de venir la chevalière. On devrait peut-être aussi lui apporter quelque chose pour faire la paix. Et retirer du liquide à un distributeur. Je ne sais pas combien va nous coûter la séance et je doute qu'elle prenne la carte bleue.»
Sam hausse un sourcil.
—«Tu veux faire du shopping ce matin?»
—«Bordel non, ne déforme pas ce que je dis. Je pensais juste à nous montrer poli. On ne se présente pas chez quelqu'un les mains vides.»
—«Ouais. C'est parce que tu es un si bon fils qui écoute les conseils de maman que tu as gavé Castiel de tartes depuis qu'on est à Butler.»
Dean lui jette un regard noir. Il gratte la nappe blanche d'un ongle, les sourcils froncés.
—«Il faudra lui ramener une tarte aux pralines, je le lui ai promis», dit-il lentement.
—«Si tu veux mais je pensais que les choses allaient mieux entre vous. Tu t'en es bien sorti quand il t'a appelé hier et il t'a répondu.»
Dean claque sa langue contre son palais d'agacement et gratte encore la nappe. Il ne veut plus y penser. Il a laissé un message au brun, ils ont échangé par message et ça va mieux entre eux. Il a même à moitié avoué à Castiel qu'être attiré par les hommes n'était pas un problème. «Au contraire.» Merde, il a déjà fait beaucoup mieux que ça; bien mieux que ces deux pauvres petits mots un peu pathétiques et timorés.
—«Destiny déteste les gens qui ne se montrent pas ponctuels. Nous devrions y aller», reprend-il brusquement en se levant.
Sam hoche la tête et termine rapidement de manger sa salade de fruits de saison.
Dean avale également ses pancakes sans réelle envie, observant distraitement la petite fontaine au fond de la cour. Il écoute son glougloutement doux et agréable. Destiny est une puissante manbo mais elle était nerveuse au téléphone; pas contre Dean – ou pas trop – mais à cause d'autre chose.
C'était de l'appréhension.
Le jeune homme tente aussi bravement que possible de ne pas prêter attention à la manière dont son ventre se tord désagréablement.
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Butler, Pennsylvanie, dimanche 22 octobre
Castiel soupire doucement d'aise. Les yeux fermés, pelotonné sous ses draps et le visage dans l'oreiller, il est bien. Son corps est encore alourdi par le sommeil, ses membres sont las et son esprit, agréablement groggy.
Le brun frotte doucement son nez contre la taie d'oreiller, un sourire languide aux lèvres.
Ce sont des sensations familières et agréables.
Il sort paresseusement une main des draps pour se gratter le cou, le torse puis s'enroule à nouveau sur lui-même. Il garde les yeux fermés. Il est bien. Cela lui rappelle la matinée précédente, celle pendant laquelle il s'est touché dans son lit encore chaud. Celle où il était en quelque sorte avec Dean.
Le châtain était aussi avec lui cette nuit, il l'a rêvé. Pas de sexe, pas de passion. Seulement des baisers et une – délicieuse – scène quotidienne, comme si les deux hommes étaient ensemble.
Castiel a rêvé de Dean rentrant chez eux, garant avec soin l'Impala le long du trottoir avant de rentrer dans la maison avec ses clés. Il l'appelait pour le prévenir de son retour, le rejoignait à l'étage dans son bureau et le saluait d'un tendre baiser dans le cou. Le brun inclinait un peu la tête sur le côté pour laisser plus de place à sa bouche. Il était assis à son ordinateur, entouré de livres d'art parce qu'il préparait la prochaine exposition de sa galerie.
La maison de Belmont Road n'est plus un magasin d'antiquités, elle est devenue la leur. Castiel aime ça.
La veste en cuir un peu râpée du châtain est accrochée dans l'entrée. Il adore ça.
Castiel ignore pourquoi mais il a imaginé que Dean est propriétaire d'un magasin d'électronique dans le centre-ville. Seule certitude dans son rêve, il aime le voir bricoler dans le petit atelier qu'il s'est installé au rez-de-chaussée, penché sur son établi et entouré de pièces détachés. Le brun s'appuie d'une épaule contre le chambranle de la porte et le regarde faire, longtemps, un sourire tendre aux lèvres. Quand Dean le remarque, c'est Castiel qui vient alors l'embrasser, ses bras enlaçant ses épaules solides et le châtain qui incline la tête en arrière pour le laisser butiner à son aise, un rire chaud dans la gorge.
Ça a été son rêve, le récit d'une journée banale dans la vie d'un couple qui s'aime.
Dean et ses sourires pleins leur maison.
Dean et ses rires qui résonnent dans la moindre pièce.
Dean et ses baisers malicieux qui chuchotent des mots d'amour.
Dean dans leur lit qui le serre contre lui dès que Castiel s'allonge à ses côtés. Dans ce rêve, le châtain ne dort pas nu – il porte un pantalon en coton et le tee-shirt de groupe de rock –, il est même frileux et ses pieds sont froids sous leurs draps. Le brun grogne quand il le taquine sur ses mollets et Dean ricane d'aise. C'est banal à en pleurer.
Dean avec lui quand ils déjeunent chez Carol, entourés par les enfants et Finley. Le châtain assis à côté de lui, un bras nonchalamment posé sur le dossier de sa chaise de jardin tandis qu'il parle de sport avec Everett.
C'est encore plus banal à en pleurer pourtant Castiel est tellement heureux.
Sam et Jessica sont aussi dans leur vie. Et Gabriel. Tous ensemble.
Le brun papillonne des yeux.
Il tâtonne machinalement sur le matelas, grimace de le trouver si froid.
Dans son rêve, Dean dort du côté gauche de leur lit.
Il aime s'étaler dans les draps et sur lui. Les oreillers sont toujours par terre et il grommelle chaque matin au réveil parce qu'il se prend les pieds dedans.
Castiel ouvre lentement les paupières.
La chambre est vide.
L'autre moitié du lit est parfaitement faite, le linge bien tiré et les oreillers bien tapés. Pas d'affaires qui traînent – toujours – sur la chaise à côté du guéridon devant le bow-window. Pas de chaussures abandonnées devant la commode. Ce sont des baskets parce que dans son rêve, Dean sort courir avec lui et qu'il est beau et sexy même trempé de sueur.
Castiel roule lentement sur le dos et se frotte le visage.
Ouais, un rêve. Rien d'autre. Il était beau pourtant, avec son compagnon et ses amis. Gabriel à ses côtés.
Le brun se mord les joues. Cela fait longtemps qu'il n'a pas rêvé de son meilleur ami. Après son décès, c'était devenu si fréquent qu'Oliver lui avait suggéré d'aller voir un psychologue pour l'aider à faire son deuil. Quand il en a parlé à Dean peu avant son départ à La Nouvelle-Orléans, le châtain a reniflé de dédain.
—«Ce n'est pas médical Cas, cela n'a rien à voir. Gabriel était probablement déjà avec toi et tu sentais sa présence d'une certaine manière. Juste après leur décès, les disparus sont encore très proches de notre côté de la Porte. Je suis sûr que tu avais l'impression de l'entendre te parler parfois. (…) J'en étais sûr. Il n'y avait rien d'anormal chez toi Cas. C'est ce mec qui avait un problème.»
Castiel sent sa gorge se serrer légèrement, il pose ses poings serrés sur ses yeux.
Dans son rêve, Gabriel était identique à lui-même, charmeur, blagueur et gourmand. Il adorait Dean et clamait à qui voulait l'entendre qu'ils étaient les hommes de leur vie.
Le brun se relève lentement, se frotte longuement les yeux avant de balancer ses jambes sur le bord du matelas. Il jette un regard à son portable allumé, à la batterie pleine. Castiel le laisse branché presque en continu pour être certain de ne rien manquer car l'appareil se décharge à une vitesse inédite jusqu'à présent. Ce matin, le menu en haut de l'écran affiche plusieurs barres sur le petit logo de la batterie. Le brun le déverrouille machinalement pour vérifier sa messagerie. Pas de signe de Dean mais le prénom de Carol clignote doucement.
De Carol. Reçu à 9h02.
Bonjour Castiel. Je vais au supermarché en début d'après-midi. Est-ce que tu souhaites toujours m'accompagner?
PS: Je suis vraiment désolée pour hier. Vraiment, vraiment désolée.
Castiel plisse les yeux, voit que le petit smiley lui envoie des baisers et que ses yeux de cartoon sont plein de larmes. Ah oui, les courses. Il n'y a plus pensé depuis hier.
Le brun tire machinalement sur l'ourlet de son pantalon de pyjama. Il pourrait inviter son amie à boire un thé ou un café avant de partir; il lit dans ses mots combien elle se sent mal. Lui aussi.
Le petit visage blanc et cerné de Tom passe brièvement devant ses yeux. Ses pleurs convulsifs aussi, par Sa faute à Lui.
C'est aussi la sienne, il n'a pas su le protéger.
Castiel pince les lèvres.
Il doit se débarrasser de cette culpabilité, il doit rester fort pour Dean. Dean qui le prendrait par les épaules pour lui dire les yeux dans les yeux qu'il n'est pas responsable et qu'il va Lui botter le cul (les mots du châtain, pas les siens). C'est ridicule la manière dont Castiel s'accroche à ça et à ses yeux verts.
Il hoche lentement la tête. Il va sortir, voir du monde, faire ses courses et boire une tasse de thé. Tout ça et pas forcément dans cet ordre. Inutile de faire traîner les choses entre lui et Carol, cela ira mieux après une discussion franche, des excuses et ce earl grey que le brun a vraiment envie de boire. Il songe brièvement qu'il achètera peut-être de quoi dîner chez le traiteur sur N Main Street. Il a envie de se faire un plateau télé le soir venu, de manger quelque chose qu'il aime en regardant un programme stupide à la télévision. Il attendra sans doute aussi l'appel de Dean avec impatience pour rire à nouveau avec lui… et espérer que le châtain lui annonce qu'il rentre enfin à Butler.
Le brun repose son portable et va dans la salle de bain. Il est en train de prendre ses comprimés de vitamines quand l'appareil sonne sur sa table de chevet. Castiel s'empresse de le récupérer. Le numéro est inconnu mais il décroche quand même. Il se sent d'humeur cordiale, y compris avec un service de démarchage téléphonique vantant le placement financier du millénaire ou l'achat d'une palette entière de bouteilles du meilleur vin du monde dont il n'aura jamais entendu parler.
—«Allô?»
—«Mr. Novak? Bonjour Monsieur. Ici Janice du Boston Park Plaza. Je vous appelle au sujet de votre réservation.»
—«… Je vous demande pardon?»
Le Boston Park Plaza? Une réservation pour quoi faire? Un discret cliquetis de touches d'ordinateur résonne dans le combiné. Il fronce les sourcils.
—«Excusez-moi Mr. Novak mais vous avez réservé deux chambres dans notre établissement pour un séjour de trois jours il y a dix mois.»
—«Je suis navré, je pense qu'il s'agit d'une erreur.»
Son interlocutrice au téléphone s'étonne à son tour. Ils vérifient ensemble les coordonnées du fichier clientèle et de la réservation. Le brun reconnaît l'empreinte de sa carte bancaire et son adresse mail personnelle. Pourquoi donc aurait-il réservé un séjour à Boston –
Castiel écarquille les yeux. Il déglutit, sa main tremble un peu tandis qu'il s'assoit sur le bord du lit. Il enfonce ses doigts dans les draps encore chauds, les crispe douloureusement sur le matelas.
—«Je suis la personne qui a pris votre réservation il y a dix mois. Si je me souviens bien, vous m'aviez précisé que c'était pour une occasion spéciale, un anniversaire je crois.»
Un –
Seigneur.
Castiel ferme fort les yeux, comme si cela pouvait tout changer. Comme s'il pouvait revenir en arrière. Il exhale un souffle tremblant.
—«… C'est exact, je me souviens.»
—«Nous vous attendions hier, Mr. Novak. Je suis navrée de vous annoncer cela mais en vertu de la politique de notre établissement, je vous informe que la prestation est considérée comme due. Vous ne recevrez aucun remboursement de notre part pour votre réservation non honorée. Est-ce que vous me comprenez?»
—«… Oui.»
—«Vous êtes bien entendu en droit de contester cette décision. Le cas échéant, je vous invite à vous rapprocher de notre service client. Je vous envoie le formulaire correspondant par mail. Vous avez sept jours pour faire votre demande. Vous pouvez également les joindre au numéro figurant un bas de l'imprimé. Certaines clauses particulières de nos contrats peuvent annuler cette décision. Nous vous demanderons juste une preuve de votre bonne foi.»
Le brun passe une main tremblante dans ses cheveux et sa nuque.
Il se souvient maintenant.
Le Boston Park Plaza ce superbe hôtel quatre étoiles qu'il a réservé des mois à l'avance pour s'assurer d'avoir les meilleures chambres, deux suites voisines dont la plus grande était pour Gabriel. C'était pour ses quarante ans que son meilleur ami voyait arriver avec une pointe d'inquiétude. Il n'arrêtait pas de se regarder dans les miroirs anciens de leur galerie et de toucher la commissure de ses yeux et de ses lèvres à la recherche de rides. Castiel voulait adoucir ce passage difficile en lui offrant un luxueux week-end. Il avait prévu tant de choses pour lui faire plaisir mais le brun a oublié. Il a oublié parce que Gabriel est parti et il faudrait qu'il se souvienne de tout pour apporter une preuve de sa bonne foi afin de récupérer ses deux mille dollars.
L'idée lui donne la nausée.
—«Votre réservation a naturellement été annulée et vos chambres ont été attribuées à d'autres clients. Souhaitez-vous réserver un autre séjour? Le Boston Park Plaza met tout en œuvre pour que vous ne restiez sur une mauvaise expérience.»
La nausée monte.
Elle serre si fort sa gorge que Castiel inspire brusquement pour tenter de retrouver un peu d'air.
—«Vous n'êtes pas responsable, je suis le seul en cause. Je… J'aurai dû vous prévenir», croasse-t-il.
—«Les imprévus font partie des aléas de la vie, Mr. Novak. C'est la raison pour laquelle notre service client se tient à votre disposition pour échanger avec vous à propos de toute contestation de votre part.»
La gentillesse de son interlocutrice lui paraît obscène. Il ne veut pas de sa sympathie. Elle ne sait rien, elle ne peut pas comprendre. Plus cordial du tout, Castiel a envie de lui répliquer d'un ton cinglant qu'elle est idiote et de lui raccrocher au nez. Seule sa bonne éducation le retient.
—«J'espère que vous choisirez à nouveau notre hôtel pour votre prochain séjour à Boston. Nous serons ravis de vous accueillir. Je vous souhaite une belle journée, Mr. Novak.»
—«… Bonne journée à vous.»
Le brun écoute un moment la tonalité sonner dans le vide avant de couper à son tour la communication.
Il jette son portable dans les draps, noue ses doigts sur ses jambes.
Castiel regarde devant lui d'un air absent.
Inspiration. Expiration. Inspiration. Expiration. Pourrait-il faire une crise cardiaque parce qu'il a le cœur brisé? À chaque mouvement de sa cage thoracique, il éprouve une sensation oppressante.
Comment a-t-il pu oublier l'anniversaire de Gabriel? Non. Comment a-t-il pu oublier son ami? Après les obsèques, le brun s'est promis de se rendre parfois sur sa tombe au cimetière du Calvaire pour parler avec lui. Pourtant, il a oublié.
Castiel déglutit et frotte ses yeux qu'il sent s'humidifier.
Il voulait lui rendre visite pour célébrer la vie et leurs souvenirs, pour lui parler de ce qu'il manquait et plus tard, lui présenter un homme vraiment bien et lui dire en souriant tendrement qu'il était heureux. Ce n'était pas Oliver. Son ex-compagnon pensait que ses visites au cimetière étaient morbides. Blessé, Castiel protestait de sa bonne foi et Oliver l'embrassait langoureusement pour se faire pardonner et le distraire. Il avait quand même accepté de l'accompagner, une seule fois.
Le brun frotte ses yeux plus fort.
Pourquoi Oliver n'a-t-il pas non plus donné signe de vie? Son ex-compagnon le lui avait promis alors qu'ils se disaient au revoir avec tristesse. Ils buvaient ensemble un dernier café dans cet établissement branché non loin de la galerie. Castiel déménageait à Butler quelques jours plus tard, seul et le cœur un peu en vrac.
Oliver l'avait compris et il avait promis malgré leur séparation.
—«Tu es spécial pour moi Castiel. Quand tu reviendras à New York, viens dormir à la maison. En tout bien tout honneur. Je viendrai avec toi au Calvaire, je ne peux pas te laisser affronter ça seul.»
—«Et si je suis avec quelqu'un?»
Castiel ne voulait pas être méchant mais un vent un peu froid avait soufflé sur leur table. Peut-être qu'au fond de lui, bien caché dans son marasme de douleur et de tristesse, le brun lui gardait rancœur de mettre un terme à leur histoire pour une simple histoire de déménagement. Butler n'est pas une bourgade, elle compte environ treize mille habitants. L'aéroport de Pittsburgh est à moins de cent kilomètres, Oliver aurait pu trouver sans aucune difficulté un poste dans une entreprise de communication. Ils auraient emménagé dans une grande maison plutôt que de vivre encore chacun chez soi parce que trouver l'appartement de leur rêve à Manhattan les aurait endettés pour le reste de leur vie. Les deux hommes auraient pu être heureux alors oui, Castiel lui en voulait de cet abandon facile pour ne pas quitter New York, éludant un peu qu'il s'investissait moins dans leur relation.
Oliver était un vrai New-yorkais, pas l'homme de sa vie.
L'endroit le plus sauvage où il s'était jamais rendu était les rives de Peconic Bay dans les Hamptons et face à un cygne s'approchant d'un peu trop prêt, il ne s'était pas montré courageux. Cette fois non plus. Assis devant son café latte à quinze dollars, Oliver n'avait pas lutté. Il avait terminé sa tasse, réglé la note pour eux deux, s'était levé avant de l'embrasser chaudement, ses doigts plongés dans les petits cheveux qui caressaient sa nuque.
—«… Prends soin de Castiel. Je t'aime tu sais.»
Oui mais pas assez pour affronter réellement tout ça avec lui.
Castiel enfonce ses ongles dans ses paumes.
Il sait qu'il a été difficile à vivre après le décès de Gabriel mais les circonstances ne lui ont pas permis de faire son deuil. Il avait dû gérer l'organisation des obsèques et veiller à l'exécution du testament de son meilleur ami. En froid avec sa famille, Gabriel l'avait désigné comme son exécuteur testamentaire pour gérer son important patrimoine. Chez Mr. Howard Gray, notaire sur 5th Avenue et client de leur galerie, Castiel avait été aux premières loges pour les voir se déchirer pour ses comptes en banque, sur l'estimation de son appartement dans l'Upper West Side et tout son contenu. Le brun avait tout vu, figé dans ce beau bureau cossu, perdu au milieu de ces affrontements répugnants et blessé qu'on l'accuse de vouloir s'accaparer les biens de Gabriel. La seule idée d'hériter de sa superbe collection personnelle et de ses parts dans leur galerie l'hébétait presque de douleur. Quand la société de transport était venue livrer chez lui les œuvres d'art d'un goût exquis, Oliver avait sifflé d'admiration et d'une pointe d'envie. Le brun l'avait haï à ce moment.
Oliver et ses promesses.
Castiel fronce les sourcils. Il récupère son portable à tâtons dans les draps et ouvre ses réseaux sociaux. Le brun n'en est pas particulièrement friand, Gabriel gérait pour eux la communication de leur galerie sur le net et l'administration de leur site internet. Sans doute un peu charmé par sa perplexité, son ex l'avait initié avant de se lasser de ses questions et de ses hésitations.
Dans son rêve – et même si Castiel ne sera jamais le community manager de l'année – Dean est doux, patient et le récompense de baisers mouillés.
Il se connecte à son propre compte, inactif depuis presque un an, navigue dans ses contacts et clique sur le profil d'Oliver.
Son ex-compagnon avait promis pourtant il l'a complètement oublié.
Le brun fait défiler ses derniers messages, regarde les photos de palmier et de grands cocktails colorés.
Oliver n'est pas à New York. Il n'est même pas aux États-Unis s'il en croit l'architecture derrière lui.
Castiel fait défiler encore quelques posts.
Il déglutit.
Son ex est parti en vacances au soleil et il n'est pas seul. Sur un cliché, il tient un autre homme par les épaules. Ce dernier est appuyé contre lui, sa joue contre la sienne et un large sourire aux lèvres. Il est un peu plus jeune que, séduisant et très bronzé.
Castiel remonte plus haut sur son profil.
L'inconnu apparaît pour la première fois au début du mois de juin et ils sont déjà en couple. Ils s'embrassent et s'enlacent. Le brun crispe ses doigts sur son portable. Oliver et lui étaient séparés depuis moins d'un mois. Non pas que Castiel pense qu'il existe un délai moralement acceptable pour commencer une nouvelle histoire après une rupture – il croit au violent coup de cœur et le sien a les yeux verts – mais déjà en mai, le couple bronzait ensemble sur une plage de Floride semble-t-il, les pieds dans la piscine à débordement de leur hôtel. Castiel adorait la Floride.
Quatre années de relation lui ont également permis de tout connaître d'Oliver alors il comprend qu'il semble avoir découvert avec Marc – son prénom est inscrit dans la légende – une sorte de nouveau Nirvana sensuel. Le brun le lit dans son sourire un peu lascif quand il le regarde; dans la manière dont il pose une main sur sa hanche, juste glissée sous le vêtement pour toucher sa peau. Après avoir fait l'amour, Oliver était toujours câlin et tactile et de sa voix encore rauque de son orgasme, il lui disait des choses éternelles. Quelques semaines après, il fait la même chose avec lui tandis que Castiel se débat avec son chagrin et son… quoi-que-ce-soit personnel. Il a rencontré Dean mais il n'y a rien entre eux même si le brun le rêve certaines nuits. Il est juste seul, plus seul que jamais sans Gabriel. Et il est laid; mon dieu, tellement laid et tellement malade. Tellement fragile et tellement pathétique.
Le brun exhale un souffle un peu tremblant.
Il regarde encore quelques photos – se flagellant sans trop savoir pourquoi – et commence doucement à pleurer. Ses larmes sont de plus en plus lourdes, de plus en plus nombreuses. Elles coulent dans son cou, mouille le col de son pull. Encore et encore.
Castiel essuie ses yeux d'un revers de main pour éclaircir sa vue brouillée.
Il est si fatigué.
Le brun regarde sa commode.
À côté du crucifix en ivoire, il a laissé le bol en argent que Sam a utilisé pendant leur séance de spiritisme il y a environ trois semaines.
«Fais-le. Utilise-le pour l'appeler.»
Castiel renifle doucement, il frotte son nez humide d'un revers de main. L'argent parfaitement poli luit doucement, semblable à une lanterne.
«Fais-le. Tu as besoin de lui parler. Il te répondra. Il est toujours à tes côtés. Il est ton meilleur ami, ton frère.»
Le jeune homme acquiesce lentement. Gabriel lui manque tellement. Il crispe ses doigts sur sa poitrine, son cœur a des soubresauts douloureux dans sa cage thoracique.
«Il t'aime et il veut aussi parler avec toi. Il veut te rassurer, te dire que tout va bien.»
C'est ce que Gabriel a toujours fait pour lui. Quand il habitait encore à New York, il lui suffisait d'appeler son meilleur ami pour que ce dernier débarque chez lui, le col de travers et les bras chargés. Le dvd d'une comédie absurde dans une main, leur poids en cochonneries sucrées dans l'autre. Les deux hommes passaient une soirée comme au temps de leurs études. Oliver trouvait ça un peu ridicule et ces soirs-là, Castiel ne le retenait pas. C'était entre Gabriel et lui, il n'avait pas besoin de partager. Quand il allait vraiment très mal, il cherchait la compagnie de Gabriel et pas celle de son compagnon. C'est peut-être pour cela qu'il n'a pas insisté quand Castiel a proposé qu'ils se séparent. Les gens ne luttent pas quand ils savent que c'est déjà perdu. Les animaux non plus et ils cessent de ronger la patte prise dans un piège. C'est une chose qui va au-delà de l'instinct de préservation.
Le brun marche jusqu'à la commode, prend le bol en argent et caresse doucement le rebord de son pouce.
«Oui, tu en as besoin. Tu te souviens? Il faut de l'eau et une feuille de chrysanthème. Et des bougies pour…»
—«… pour guider les morts de l'autre côté de la Porte», achève Castiel dans un souffle.
«Oui, tu en as besoin de deux. Va chercher ce qu'il faut. Il t'attend.»
Le brun essuie son nez humide d'un geste peu élégant et descend dans la cuisine. Il fouille méthodiquement dans le frigo. Hésite. Feuille lisse ou feuille dentelée? Grande ou petite? Vert clair ou –
Il sent une caresse sur sa main. Le jeune homme la décale légèrement sur la droite. On le guide.
«Celle-ci, une feuille de chrysanthème. Prends les bougies maintenant.»
Castiel ouvre un placard. Il les trouve au fond, à côté des serviettes de table en tissu, des bougeoirs anciens et sa belle ménagère en argent qu'il sort quand il dresse une belle table. Cela n'est pas arrivé depuis une éternité.
… Est-ce que Dean aimerait une table avec une nappe blanche et de la vaisselle en porcelaine?
Ses doigts se resserrent sur les siens.
«Prends-les. Tu le fais pour lui, il est toujours avec toi. Pas comme l'Autre.»
Castiel remonte dans sa chambre, son trésor serré contre sa poitrine avec une boîte d'allumettes. Il a le cœur au bord des lèvres et continue de pleurer doucement sa douleur.
Le brun remplit le bol en argent dans la salle de bain et le pose sur le parquet. Il roule le tapis et le tire sur le côté avec soin pour ne pas l'abîmer. Il sera aussi plus facile de tracer le cercle sur le bois nu.
Il écarquille légèrement les yeux.
De la craie.
Il a besoin de craie.
Castiel s'éclipse brièvement dans son bureau, en trouve un morceau au fond de son pot à crayon.
De retour dans la chambre, il contemple un instant les objets épars sur le parquet. Une main – Sa main – se pose doucement sur le bas de ses reins et le pousse légèrement en avant. Une invitation. Du courage.
«Fais-le. Il t'attend. Il a tellement hâte de pouvoir te parler.»
Castiel a toujours eu une remarquable mémoire alors il dispose les bougies, le bol et la feuille de la même manière que Sam il y a trois semaines. L'eau comme catalyseur, les bougies comme lanternes. C'est fait.
La craie à la main, le brun a une légère hésitation au moment de tracer le cercle d'invocation. Il était très impressionné pendant la séance. Par l'assurance de Dean aussi, par ses gestes précis et son air confiant; Castiel a toujours trouvé les hommes sûrs d'eux très séduisants.
Il passe une main dans ses cheveux, tire doucement sur ses mèches sombres. Il n'est pas certain pour le cercle. Dans quel sens était écrite la prière en latin? Et quel était exactement le premier mot? Les langues anciennes étaient la spécialité de Gabriel. Gabriel…
Castiel enfonce sa tête entre ses épaules et ferme les yeux.
Sa main effleure gentiment son cou puis à nouveau ses reins. Lentement. Tendrement. Il frissonne légèrement. Ses doigts glissent doucement le long de son avant-bras jusqu'à son poignet, là où le pouls bat d'un rythme un peu saccadé. Ils vont jusqu'aux siens qu'ils couvrent délicatement.
—«Je ne sais plus…»
«Je vais te guider. Trace-le en commençant du côté ouest, là où le soleil se couche, où la vie devient la mort et où la lumière se transforme en ténèbres.»
Castiel s'exécute docilement. Il Le sent, penché par-dessus son épaule, attentif et bienveillant. Il caresse toujours sa nuque, lui indiquant qu'il est sur la bonne voie.
Le brun achève de tracer le cercle. Il ne l'a pas oublié. Quand il le faisait, Dean lui avait expliqué que son frère et lui ajoutaient parfois des symboles protecteurs. Sam s'était fait tatouer un chrisme sur une épaule. Lui-même porte le nom latin de saint Michel le tueur de démon sur son pectoral droit. Castiel a trouvé ça sexy alors il s'en est rappelé. Dans son rêve, il l'imagine et il peut toucher le tatouage du bout des doigts tandis que Dean le surplombe dans leur lit, appuyé sur un coude. Il sent la peau au grain fin et doré frissonner agréablement sous son toucher. Le châtain ferme les yeux de plaisir. Ses prunelles vertes brillent d'une lueur irréelle. Comme si Castiel était tout.
Il crispe ses doigts sur le morceau de craie.
«Concentre-toi. Tu ne fais pas ça pour lui. Écris la suite.»
—«Je ne suis pas sûr des mots de la prière…», souffle-t-il.
«Je ne peux pas la dire, je ne peux pas dire Ces mots. Tu dois t'en souvenir seul.»
Sa main se retire doucement. Il frotte le bout de Son nez dans les petits cheveux dans sa nuque. Câlin. Encourageant.
«Souviens-toi. Sans Elle, il ne peut pas venir te retrouver.»
Castiel sent les larmes monter à nouveau. Il ne sait plus. Il ne sait vraiment plus. Il ferme les yeux si fort qu'il voit des paillettes blanches danser sous ses paupières.
Le premier mot était… Il était… Il parlait de…
—«Je n'y arrive pas.»
«Tu la connais au fond de toi. Quand il l'a tracé devant toi, tu lui as demandé ce qu'elle signifiait. Tu connais Ces mots.»
Le brun écarquille brusquement les yeux. Il a raison. Dean a lu la version latine avant de lui faire la traduction. Il se mord nerveusement les joues. Il doit se souvenir. Il le doit. Il… Il se souvient.
Castiel sourit.
«Je savais que tu y arriverais. Écris-les Mots.»
Le brun s'accroupit sur le parquet et tend la main. Il l'arrête.
«Non. Tu dois commencer à l'écrire du côté est, en direction de Jérusalem et de Son tombeau.»
Il chuchote doucement à son oreille, Son souffle froid effleure sa peau et le fait frissonner.
«C'est bien. Continue. Tu y es presque.»
À chaque mot qu'il termine de tracer en lettres capitales, Il l'embrasse tendrement dans la nuque. Sur la mâchoire. Derrière l'oreille. C'est un peu comme un jeu amoureux et parce que cela le distrait, Castiel le repousse d'un mouvement d'épaule impatient. Il rit et recommence sans s'en soucier. Chaque baiser ressemble aussi à une récompense. Ça le fait lentement mollir et plier. Il le sait, il lui suffit de toucher du bout du doigt la brèche ouverte dans son cœur pour en creuser les bords douloureux. Se frayer un chemin en lui. Se creuser un petit nid au chaud pour permettre à la pourriture de prendre et de se développer.
Castiel termine de tracer la dernière lettre. Il l'embrase à la commissure des lèvres.
«Tu dois Les réciter de tout ton cœur pour qu'il t'entende. Tu dois le vouloir du plus profond de ton âme.»
—«Je veux le revoir. J'ai besoin de parler à Gabriel.»
«Lui aussi le désire. Mais tu dois te presser.»
—«… Pourquoi?», déglutit le brun.
«Parce qu'il souffre. Il est loin de toi et votre lien est en train de se désagréger. Il va bientôt passer la Porte, celle de l'Autre Monde. Il va te laisser seul, pour toujours. Sa place n'est pas avec toi, il doit partir.»
Castiel s'assoit en tailleur sur le parquet. Il allume les bougies et commence à réciter la prière. Il n'a pas les moyens de se souvenir des longues paroles de Sam alors le brun s'accroche au cercle avec une pointe de désespoir. Il prend le bol et plonge son pouce dans l'eau.
Ça ne fonctionne pas.
Il n'y a rien. Il ne sent rien.
- «Gabriel n'est pas là…», souffle-t-il.
«Tu n'es pas assez puissant mais je peux t'aider encore. Si tu me laisses faire, tu ne seras plus seul.»
Castiel hoche lentement la tête. Il est récompensé d'un léger baiser sur ses lèvres sèches.
«Efface-le cercle de sel autour de ton lit. Retire le sel dans les coupelles aux quatre coins de la pièce. Il t'empêche de réussir.»
Le brun déglutit.
—«C'est pour me protéger.»
«Tu n'en as pas besoin. Gabriel ne te fera jamais de mal, il est ton frère. Si tu veux lui parler, tu dois ouvrir la Porte. Ouvrir ton cœur. En grand.»
Castiel hésite. Il jette un regard alentour. Le cercle de sel autour de son lit est toujours sale et gris. Le brun a beau le retracer tous les jours, il pourrit encore et encore. Dans un tel état, difficile de croire qu'il puisse encore réellement le protéger. Dean lui a dit de le changer dès que cela arrive. Le propriétaire de son épicerie en centre-ville commence à le regarder avec de plus en plus de suspicion. Depuis quelques jours, Castiel le soupçonne même d'augmenter le prix au kilo dès qu'il vient. Peut-être pas. Sans doute pas. Il est si fatigué.
«Si tu le gardes dans la chambre, tu n'y arriveras jamais. Efface-le. Détruis-le. Il t'empêche de le voir. Tu n'entends pas Gabriel? Il t'appelle mais tu ne l'entends pas.»
Castiel essuie ses yeux humides. Il se penche, disperse le sel sur le parquet d'un large revers de main. Il brise le cercle. Le baiser qu'Il lui donne sur les lèvres est plus puissant. Plus avide. Plus dévorant.
«Appelle-le. Il t'attend.»
Le brun se rassoit. Il ferme les yeux et récite la prière avec une ferveur renouvelée. Il l'appelle plus fort. Plus dévotement.
—«Gabriel… J'ai besoin de te parler. S'il te plaît… Je veux m'excuser. J'ai oublié ton anniversaire alors que je t'avais promis…» Sa gorge se serre. «Ce n'est pas ce que je voulais, je ne voulais pas… Gabriel. S'il te plaît. Je veux te parler.»
Le brun sursaute. La flamme des bougies vacille doucement. Droite, gauche, droite, gauche, droite, gauche. Encore et encore. Elle tangue plus fort alors que Castiel ne sent pas le moindre souffle d'air dans sa chambre. Il sourit à travers ses larmes. Son meilleur ami est avec lui, comme cette fois-là avec Sam et Dean.
Il se redresse.
—«Gabriel ?», souffle-t-il.
La bougie crépite doucement, presque joyeusement. Il étouffe un rire plein de sanglots. Il s'est passé la même chose lors de la séance de spiritisme, il se souvient. Le brun se frotte les yeux.
—«Montre-toi s'il te plaît. Tu peux écrire sur le parquet ou sur le mur, tu peux faire ce que tu désires. Je veux juste te lire», demande Castiel avec tendresse.
Cette fois, les flammes des deux bougies tremblotent doucement. C'est comme une réponse.
Castiel hoquette.
En face de lui, des lettres apparaissent péniblement sur le papier peint. Elles le déchirent un peu, de petites particules de papier tombent doucement sur le parquet. Le brun n'y prête aucune attention. Peu importe que le lai lui ait coûté plus de cent dollars parce qu'il l'a fait faire sur mesure et de manière artisanale. Même dans une petite ville de Pennsylvanie, faire réaliser ce type de travail coûte une fortune.
Gabriel le déchire devant lui mais Castiel sourit.
FRERE
—«Bien sûr Gabriel», rit-il joyeusement.
(…)
PROTEGE
—«C'est aussi ce que tu as toujours fait pour moi», acquiesce le brun avec tendresse.
(…)
PAS SEUL.
PLUS SEUL.
Castiel avale sa salive. Il gratte la toile de son pantalon d'un ongle.
—«… Tu as raison, d'une certaine manière. … Dean est quelqu'un de bien et je l'aime… beaucoup», admet-il doucement.
NON.
Castiel fronce les sourcils. Les flammes tremblent brusquement.
—«De qui parles-tu? Il n'y a que Dean, je –»
Le brun tremble aussi. Fort. Il sent des baisers dans son cou, une bouche qui se presse fort contre sa peau, qui la marque de légers coups de dents. De beaucoup de salive aussi.
Castiel lève une main et la passe lentement dans son cou. Il regarde ses doigts. Ils sont secs.
PAS LUI.
Le brun repose doucement le bol en argent devant lui et croise les mains sur ses genoux.
—«Dean me plaît Gabriel, c'est de lui dont je suis un peu… amoureux», avoue-t-il et il sent ses oreilles picoter légèrement. «Je ne comprends pas de qui d'autre tu parles. Je sais que tu l'aurais apprécié. Vous vous seriez bien entendus.»
PAS LUI.
Castiel vacille. Son presque-frère et lui ont toujours été d'accord sur tout, ou presque. Gabriel s'acharnait à lui faire comprendre qu'Oliver n'était pas l'homme de sa vie même s'il l'aimait mais maintenant, il y a Dean – d'une certaine manière toujours – et son meilleur ami s'oppose à lui avec une telle force que cela le trouble.
Le jeune homme renifle doucement.
Autour de lui flotte une odeur de cigarette un peu douceâtre, un peu sucrée aussi. Et les paroles en français d'une chanson d'un autre temps.
Les bougies s'éteignent brusquement.
AMOUR.
AUTRE.
Cette fois, Castiel flanche. Il ne comprend pas. Il ne comprend pas.
PORTE.
PARTIR.
Le brun écarquille les yeux. L'autre bougie crépite bruyamment avant de s'éteindre à son tour. Il crispe ses doigts sur ses genoux.
—«Non… Non, Gabriel, s'il te plaît», chuchote-t-il.
Face à lui, le mur est atrocement balafré, le parquet jonché de débris de papier peint haut de gamme. Les mots sont tracés sur le mur-même à présent, si profondément qu'ils creusent le plâtre de la cloison.
La tête enfoncée entre les épaules, les yeux gros de larmes, Castiel ne comprend pas.
—«S'il te plaît Gabriel, s'il te plaît. J'ai encore besoin de toi, ne me laisse pas», murmure-t-il d'une petite voix.
Pour le garder encore, il fait comme Il lui a dit. Il ouvre grand son cœur, son âme et offre tout ce qu'il est.
Il bascule.
.
Il le voit.
Il attendait ce moment et Il jouit de le provoquer.
Castiel se recroqueville légèrement sur lui-même, pâle et défait.
Le brun ne le voit pas, ombre qui s'étend lentement derrière lui jusqu'au mur. Silhouette noire prête à l'enlacer. À l'emporter.
Il étend lentement ses bras, Ses mains aux longs doigts effilés.
Ils traversent sans peine le cercle de sel qu'il a détruit pour Lui – Il a envie d'éclater de rire à cette idée –, puis le cercle d'invocation.
Les bougies tombent.
La feuille de chrysanthème dans l'eau flétrit et moisit.
L'argent du bol noircit et commence à se couvrir de corrosion.
Le brun est à Lui.
Il l'accueille en son sein sans même le réalisé; tout son être blesser par la solitude, par le deuil et par la tromperie. Cela a finalement été si facile de le faire sombrer, Il n'a plus qu'à l'entraîner plus loin dans les ténèbres.
Quand Castiel s'abandonnera enfin entièrement, Il l'emportera.
Il sera Sien, juste pour Lui, juste à Lui.
Il frémit de plaisir à cette idée.
.
«Mon amour.»
Le brun inspire brusquement.
«Je ne t'abandonnerai jamais.»
Il rôde, envahit lentement la chambre. Toute la chambre. Les coupelles en terre cuite dans les angles de la pièce se fissurent. Partout, la pourriture. L'odeur est terrible mais Castiel ne semble pas la remarquer.
«Je t'aime. Je suis là pour toi.»
—«… Quel est ton nom?»
Cette question lui ressemble à un souvenir lointain. Le brun fronce légèrement les sourcils, il tente de se rappeler mais Sa bouche se pose sur son cou, traçant un chemin de baisers jusqu'à son épaule. Ses lèvres effleurent sa nuque avant de la mordre. Fort.
Castiel se cambre légèrement.
—«Quel… est… ton nom?», ahane-t-il.
«Je suis celui qui veut que nous ne soyons jamais séparés. N'est-ce pas aussi ce que tu désires?»
—«Mais je ne sais pas qui tu –»
Il rit, presque tendrement.
Ses longues mains frôlent le parquet, avançant vers lui comme des insectes de cauchemar à cinq pattes. Elles raclent le bois, Elles l'éraflent. Ses ongles griffent le cercle tracé à la craie et s'acharnent à le détruire avec une sorte de plaisir pervers. Le bol en argent se couvre entièrement de corrosion, des pulvérulences grises et verdâtres. Partout. Une maladie qui dévore le métal pour ne plus rien laisser. Le néant.
«Tu me connais. Je veux juste t'aimer. Laisse-moi le faire pour toi.»
—«… Je veux pouvoir t'appeler.»
«Je suis celui que tu veux que je sois. Je porte le nom que tu désires.»
Castiel déglutit. Tout son corps picote agréablement sous Son toucher, ses nerfs et ses sens sont un peu à vif.
Il est partout. Il l'effleure, le caresse, le titille.
Une chaleur familière envahit son aine. Il serre lentement les cuisses, gêné de sentir son sexe gonfler dans son sous-vêtement.
Il rit encore. Ses mains glissent sur son ventre, mutines et douces. Elles caressent sa peau à la lisière de son pantalon. Puis sa peau nue. Comment se sont-Elles glissées en dessous de sa chemise? Comment aussi vite?
—«Le nom que je désire…?»
Castiel hésite mais Ses doigts effleurent déjà son érection timide. Il exhale un soupir de plaisir.
—«… Dean.»
Sa main a un sursaut sur son entrejambe, Ses ongles s'enfoncent dans l'étoffe de son pantalon et la braguette.
«… Si c'est ce que tu souhaites. Je suis celui que tu veux au plus profond de ton âme.»
—«Dean», répète le brun avec plus d'assurance.
«… Je serai celui que tu gémis quand je te donne du plaisir.»
Castiel s'allonge lentement sur le parquet, poussé en arrière par Sa main. Il pose un bras sur ses yeux tandis qu'Il s'affaire déjà sur son sexe sensible. Le brun se cambre et gémit doucement, les yeux fermés. Il s'abandonne, ses barrières s'effondrent lentement.
Avant, il n'y avait que solitude et maintenant, Gabriel est là. Et Lui.
Il cède.
Les ténèbres envahissent la maison de Belmont Road.
.
Enfin, il s'abandonne. Enfin, ses défenses cèdent.
L'Autre n'a fait que retarder l'inévitable. L'Autre est loin et s'il est parvenu à éloigner Castiel de Lui, le brun Lui revient enfin.
Tout à Lui.
Il sourit tandis que, allongé devant lui, Castiel ondule doucement dans Sa paume. Il gémit encore. Il gémit le prénom de l'Autre mais jamais il ne s'est ainsi tordu de plaisir sous Lui.
—«… Dean.».
Une ombre voile un instant Ses traits. Rage. Possession. Avidité.
IL EST À LUI!
Il appuie plus fort, empaume le sexe sensible et referme Ses longs doigts sur lui.
Si Castiel pouvait se voir.
Débraillé. Débauché. Les vêtements ouverts. Le visage tordu par le plaisir.
Ses mains s'agitent, ses doigts se crispent pour tenter de L'attraper, de Le tirer à lui pour le serrer contre son torse trop maigre.
Il sourit d'un air de vainqueur, effleure sa bouche de la Sienne pour le faire réclamer.
Il le caresse plus voluptueusement encore pour lui faire perdre la tête.
Il doit l'étourdir, le faire se perdre entre ses bras jusqu'à ce que Castiel ne désire plus que Lui et qu'il oublie tout.
Il a évincé Gabriel de la maison il y a des semaines de cela lors de cette séance de spiritisme. Il renifle d'un air dédaigneux tandis que Castiel halète de plaisir à ses pieds. Humains ignorants. C'est leur faute si le meilleur ami du brun s'est dévoilé à Lui d'une manière aussi visible, le chasser a été un jeu d'enfant.
Il a manipulé le brun pour lui donner ce qu'il désirait. Lui-même a obtenu ce qu'Il voulait. Plus de cercle de sel, plus de protection.
Castiel s'offre, faible, bouleversé et sans défense. Presque entièrement vaincu.
Il sait qu'il ne lui faudra que peu de temps pour le convaincre d'abandonner aussi le collier et la bague que l'Autre lui a donné. C'est encore ce qui l'empêche de le dévorer entièrement. Le brun ne portera plus alors que Ses marques à Lui; celles qui embellissent le mieux son corps blanc et fragile. Si beau. … Si facile à briser. Si facile à soumettre. Castiel le suivra où Il le lui demandera. Pour toujours. Il le possédera et Sa patience sera enfin récompensée.
Il a manœuvré dans l'ombre depuis que l'Autre a quitté leur maison.
Il a tenté de faire douter Castiel de l'Autre et de ses amis. Puis de le terroriser pour qu'il cherche du réconfort auprès de Lui. Mais l'Autre a toujours été là, entre eux. Il l'a réconforté, il l'a rassuré, il l'a fait rire. Plus désastreux encore, il lui a redonné de l'espoir et des… sentiments. C'est tout ce qu'Il s'acharne patiemment à détruire depuis des mois, avide de le posséder.
Castiel halète de plaisir sous Lui, il ondule sur le parquet.
Il a ouvert sa chemise, la peau de son torse est rose et humide. Ses tétons pointent et un frisson agite ses muscles à chaque spasme de plaisir. Son ventre se creuse, ses abdominaux se contractent tandis qu'Il passe une langue gourmande dessus. Le brun est très mince, ses os saillent un peu sous la peau trop fine mais ce n'est pas grave. Castiel semble juste être un peu plus près de la tombe, un peu plus près de l'apparence d'un corps mort. Cela lui plaît. Dans peu de temps, quand Il parviendra à l'éloigner à nouveau de la nourriture, Il pourra compter ses os sous la peau trop fine. Un squelette aux yeux vitreux, les joues rosies par la fièvre. Un pied au bord de la fosse. Parfait. Tellement parfait. Il sera à Lui. Pour toujours.
—«… D – Dean. Oh, Dean, c'est bon…»
Il se penche sur le brun, sa main toujours sur son érection et embrasse ses tétons durcis. De son autre main, Il enfonce profondément ses ongles dans le parquet de rage.
Encore le prénom de l'Autre.
Il doit prendre sur lui, l'étourdir d'étreintes passionnées car Castiel aime ça et que son corps est beau quand il vibre dans l'amour.
Il doit vénérer ce corps, le couvrir des souvenirs de son amour et de sa passion car l'Autre ne ferait jamais ça. Probablement pas. Les désirs de l'Autre lui sont égal, Il s'en moque car quand l'Autre réalisera son affection pour le brun, il sera trop tard.
Lui se sera soigneusement conformé aux fantasmes que Castiel n'a pas conscience de nourrir depuis des jours, de son désir pour l'Autre.
Il lui ressemblera même si cela Lui donne envie de le tourmenter à le faire se jeter par une fenêtre ou à se tirer une balle dans la tête pour le plaisir de voir ses yeux verts s'éteindre dans la mort. Il a fait ça une fois, il y a très longtemps. Cela avait été un passe-temps vaguement divertissant le temps qu'il avait duré. L'homme était quelconque, Il ne se souvient plus de son nom excepté qu'il n'avait rien à voir avec la splendeur qui se cambre devant lui, les reins creusés, les épaules moirées par sa transpiration.
La main droite de Castiel s'agite dans le vide, désireuse d'attraper. De saisir pour s'accrocher et ne pas sombrer trop fort, trop vite. Il lui donne la sienne. Leurs doigts ne peuvent pas encore s'enlacer, le brun est encore trop loin de la Porte pour ça, mais il y parviendra, bientôt.
Sa bouche lui donne des baisers étourdissants, lui vole son air et Castiel a l'air d'étouffer. Il frémit à son tour de désir.
Le brun écarte les cuisses et tremble. Il entrouvre les lèvres, lui offre sa langue. Il sourit de satisfaction. Si parfaitement impudique et lascif, ondulant à demi-nu, seul, sur le parquet de sa chambre en plein jour.
Castiel est superbe. Si vivant mais plus pour très longtemps.
—«Dean…»
«Mon amour.»
Castiel couine de plaisir.
Il ne le laissera jamais à personne, jamais à l'Autre.
Il est Sien mais il le sera entièrement dans peu de temps.
L'Autre ne sera pas encore rentré de La Nouvelle-Orléans et il ne pourra que constater son échec.
—«Dean…»
«Oui. Pour toi.»
Le brun est beau mais il le sera bien plus encore dans la mort. Son ultime possession.
Philippe en jouit d'avance.
Quelques petites précisions avant de vous retrouver dans quinze jours pour la suite de cette folle journée :
1) J'espère sincèrement que le plan de Philippe est clair et qu'il rend toute la situation décrite ci-dessus plausible. Je sais que Castiel faisait de son mieux en l'absence de Dean mais, induit en erreur par Philippe (maintenant, on peut cesser de faire comme s'il était aussi Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-Nom), il est redevenu fragile. Passer par ce malstrom d'émotions l'a rendu plus vulnérable et donc plus sensible à la suggestion. Philippe gagne en puissance et il gagne donc aussi son prénom par la même occasion.
2) un détail sans importance pour la suite de l'histoire mais je tenais à le préciser. Pourquoi Castiel aurait-il des feuilles de chrysanthème dans son frigo ? Il s'avère que les feuilles de cette fleur sont comestibles. Elles peuvent notamment être mangées en salade ou être cuites comme des épinards. J'ai donc décidé que Dean avait pu en acheter et les laisser chez Castiel pour les utiliser éventuellement dans une autre séance de spiritisme. Cela me semble à peu près plausible mais je ne savais pas comment l'indiquer dans le corps du texte donc... Ceci explique cela (je pense).
