Mes petits chats,

Suite directe de la partie précédente. Comme écrit en préambule dans la partie 18, cette journée du dimanche 22 octobre est longue et il s'y passe beaucoup de choses. J'espère qu'elle vous plaira :)

Bonne lecture à tous,

ChatonLakmé


Petite note tout à fait anecdotique. Le montant des revenus annuels déclarés par Dean ci-dessous peut sembler élevé mais je me suis appuyée sur les déclarations moyennes réalisées en 2023 et 2024 aux États-Unis (respectivement 65 470$ et 69 392$). J'ai retenu une fourchette médiane.


L'affaire Philippe Delveau

o0O0o o0O0o

Dix-neuvième partie


La Nouvelle-Orléans, Louisiane, dimanche 22 octobre


Appuyé contre la cabine de l'ascenseur, Dean suit avec attention le témoin lumineux indiquant les étages. Deux, trois, quatre, cinq. Arrivée au sixième niveau, la cabine a un léger sursaut avant de s'immobiliser. Les portes s'ouvrent, la sonnerie qui les accompagne ressemble à un tintement de clochette. Dean s'imagine qu'elle est en argent massif, un de ces objets prétentieux qu'on inscrit sur une liste de mariage et qu'un invité ira acheter dans un magasin de décoration haut de gamme en se demandant à quoi cela pourra bien servir.

Le châtain pense parfois à des choses stupides quand il est nerveux.

Dean sort de l'ascenseur.

Devant Sam et lui, se déroulent quelques mètres d'un couloir couvert d'une épaisse moquette et une seule porte. Le châtain esquisse un sourire narquois. Ascenseur avec accès privé et un appartement par étage, il en était sûr. Il précède son frère et appuie sur le bouton de la sonnette. Un judas est percé dans la porte et ça, c'est ridicule. L'accès à l'immeuble de Destiny est contrôlé, personne ne peut y entrer si Peter le portier n'a pas été prévenu. Quand son frère et lui sont arrivés il y a quelques minutes, il a cru qu'ils devraient montrer une pièce d'identité pour confirmer leurs noms et prénoms.

Dean appuie encore sur le bouton. Même la sonnette qui résonne à l'intérieur de l'appartement tinte comme de l'argent.

Son ventre gronde bruyamment dans le couloir. Il frotte son estomac du plat de la main et Sam ricane à ses côtés.

—«Je t'avais dit que tu aurais dû petit-déjeuner correctement plutôt que de faire des dessins dans le sirop de tes pancakes…»

—«La ferme Sammy.»

—«Tu es toujours irascible quand tu as faim…», marmotte son frère.

—«Je n'ai pas faim.»

Le châtain serre ses doigts sur les anses de son sac en papier kraft. Sam et lui se sont arrêtés dans une boulangerie haut de gamme sur Canal Street. Dean ne pensait pas qu'une simple brioche pour quatre personnes – même avec un nom français et garnie de pralines – pouvait coûter plus de cinquante dollars. Il a quarante ans mais encore beaucoup à apprendre sur le monde.

Le châtain entend un bruit de pas étouffés derrière la porte. Il se redresse. Le cliquetis d'une chaîne qu'on retire, une clé qui tourne dans la serrure pour débloquer le verrou. Plusieurs verrous en réalité. Dean hausse un sourcil. Sérieusement? Alors qu'il n'y a qu'un seul accès et un cerbère en uniforme aux boutons dorés dans le hall? Les gens aisés ont vraiment des peurs étranges, il est content de déclarer un revenu annuel de seulement 68 000$ environ à l'administration.

La porte s'ouvre sur le mari de Destiny, sourcils froncés et bras croisés sur sa poitrine. Il porte un polo noir qui paraît très ajusté sur ses muscles; Dean note distraitement la manière dont le coton se tend sur son torse. Même si ses yeux clairs le transpercent d'une manière assez désagréable – merde, toujours pas très aimable –, ce mec est vraiment beau.

Le châtain esquisse un sourire, sans doute le plus maladroit de tout son très riche répertoire parce que Joshua serre la mâchoire. Ça dessine une ligne assez fascinante le long de –

—«Vous êtes venus.»

Le ton est méfiant, tout sauf amical. Dean enfonce ses ongles dans sa paume.

—«Desti – Votre femme nous a appelé ce matin. Nous ne pouvions pas manquer ce rendez-vous, il est trop important pour nous», répond-il poliment.

—«Vous êtes même légèrement en avance…»

—«Elle a bien précisé qu'elle détestait les gens en retard.»

Joshua esquisse un sourire carnassier.

—«Se présenter en avance à un rendez-vous peu également être considéré comme une forme d'impolitesse.» Il baisse les yeux sur le sac en papier, Dean croit le voir sourire. «Vous vous êtes arrêté au bon endroit. Leurs pâtisseries sont réputées dans toute La Nouvelle-Orléans.»

—«Il est seulement 10h, nous avons apporté une brioche.»

—«… C'est aussi un bon choix. Joshua Williams.»

Le châtain s'empresse de lui serrer la main. Joshua s'écarte de la porte en une invitation muette et il se glisse dans l'appartement, Sam sur les talons.

Bon, d'accord.

Dean s'attendait raisonnablement à un bel endroit – il y a quand même un foutu portier en livrée à l'entrée – mais pas autant. L'ensemble n'est pas d'un luxe ostentatoire, il s'agit plutôt d'un bon goût absolu – l'histoire des goûts et des couleurs est décidément une énorme connerie –, qui se reflète dans le moindre matériau utilisé, le moindre meuble et le moindre bibelot. Le jeune homme remarque du mobilier design, notamment une chaise modèle LC4 par Le Corbusier dont il a déjà vu un exemplaire dans cette émission de brocante que Mary suit assidûment sur le câble, revendue plus de 3 500 $ à un collectionneur texan. Dean suppose qu'elle est une édition originale de 1928, mieux vaut s'en tenir éloigner. Ni même songer de s'y asseoir.

Joshua les guide jusqu'à la cuisine d'un regard, les épaules raides. Un autre regard et les deux frères s'assoient sagement sur des tabourets hauts autour de l'îlot central. Eux aussi sont design, des modèles scandinaves en hêtre des années 1950. Il n'y connaît pas grand-chose en antiquités mais il est calé en décoration d'intérieur tendance. Mary ne cesse de changer celle de la maison familiale et de lui demander son avis.

—«Est-ce que vous prendrez un café?»

Dean accepte. Il espère que par politesse, Joshua va également leur proposer d'entamer la brioche à cinquante dollars. Le châtain meurt de faim. Leur hôte leur tourne brièvement le dos pour utiliser une machine dernier cri. Dean se demande où diable peuvent bien se placer les grains de café jusqu'à ce qu'il ouvre un petit compartiment sur le côté. Ah, il ne l'aurait jamais deviné.

Joshua dépose leurs tasses devant eux puis la sienne. La porcelaine tinte presque durement sur le plan de travail en marbre. Il croise ses deux mains devant lui et darde ses yeux clair sur eux.

—«J'ai fait part à Destiny de mes réticences mais elle a tout de même accepté de vous recevoir. Je devais sortir avec un ami ce matin, j'ai préféré annuler. Je ne voulais pas qu'elle reste seule», dit-il lentement.

Qu'elle reste seule avec vous. C'est parfaitement sous-entendu et très clair, merci bien.

Dean acquiesce docilement. Il pose le sac en papier entre eux et le pousse vers lui comme une offrande de paix. Joshua le tire lentement à lui. Même crispé, son sourire n'est quand même pas désagréable à regarder dans son genre.

—«Je vous remercie mais il va falloir un peu plus que ça pour que Des' pour pardonne votre sale tour. Elle est vraiment remontée contre vous», dit-il en jetant un regard à l'emballage.

—«Je suis navré d'avoir été obligé de le faire mais nous n'avons pas le temps. Notre ami n'a pas le temps.»

—«… C'était quand même moche de votre part. J'ai hâte de la voir vous corriger, ses colères sont assez explosives», ricane Joshua.

—«Je vais lui présenter mes excuses.»

—«Je vous ai dit que nous serions quittes après une gifle ou deux.»

Le châtain sursaute, il n'a pas entendu Destiny les rejoindre.

La jeune femme apparaît dans la cuisine. Pas de robe en soie, de stilettos ou de sac de marque. Elle porte une blouse à l'encolure échancrée et un short en lin noué à la taille qui rend ses jambes interminables. Ses cheveux sont rassemblés en un gros chignon sur sa nuque, négligemment retenu avec un foulard. Elle est aussi séduisante qu'à leur première rencontre mais ses traits sont tirés et ses yeux un peu cernés. Les lèvres pincées et un creux amer se dessinant dans sa joue droite, Destiny les salue d'un petit signe de tête avant de marcher vers son mari. Ce dernier enroule un bras autour de sa taille pour l'attirer à lui et l'embrasser. Un léger sourire vient éclairer son visage fatigué.

—«Est-ce que tu veux un café?»

—«Pas avant un rituel. Je dois garder l'esprit clair et la nuit a été vraiment difficile», soupire la jeune femme en passant une main lasse dans sa nuque.

Joshua lui serre immédiatement un verre de jus de fruit.

uand le regard de Dean croise celui de Destiny, il fait le dos rond et attend la gifle promise. C'est assez désagréable.

Tout en pianotant du bout des doigts sur le comptoir, la jeune femme roule des yeux.

—«Vous n'avez rien à craindre, je ne vais pas vous frapper pour remettre les compteurs à zéro entre nous.»

—«Tu lui as vraiment dit ça? Bon sang, je tombe encore amoureux de toi après sept ans de mariage…», ricane Joshua.

Il prend sa main et embrasse tendrement ses doigts. La jeune femme sourit un peu plus joliment avant de plisser les yeux vers le sac en plastique.

—«Vous vous êtes arrêtés chez CS Pastries? Vous êtes plus retord que je ne le pensais. Ou particulièrement intelligent», reprend-elle sans animosité.

—«Notre mère nous a juste bien élevé», rétorque Sam et Destiny ricane. «Mon frère et moi sommes des gens honnêtes, nous n'aimons pas faire de coups bas mais vous ne vouliez pas nous écouter et nous sommes vraiment pressés. Nous sommes sincèrement désolés.»

—«Cas a besoin de nous», ajoute Dean avec fougue. «Nous l'avons laissé à Butler pour faire nos recherches ici et il n'a pas –»

—«Il n'a pas le temps, je sais», le coupe doucement Destiny. «… Je l'ai rencontré.»

—«Qui? Cas?», s'étonne le châtain.

La jeune femme roule encore des yeux d'un air exaspéré. Assise en face de lui, elle lui donne un coup de pied dans le tibia et Dean grogne de douleur. Sam ricane discrètement à côté de lui.

—«Non, pas votre ami. Lui. … Philippe Delveau.»

Le châtain se raidit.

—«Il porte le nom de Philippe Laveau sur son acte de naissance…»

- «Je refuse de lui donner le même nom qu'à Elle, il est – il l'a souillé. Vous l'avez aussi appelé par ce nom quand vous êtes venus à moi», grogne la jeune femme.

—«Il s'agit d'une erreur de transcription des procès-verbaux de ses différents procès contre la famille de son père naturel. Il a aussi été enterré sous ce nom», explique Sam en sortant leur carnet de bord de sa sacoche.

—«Dans ce cas, c'est bien assez pour lui.»

Destiny noue nerveusement ses doigts autour de son verre. C'est stupide mais Dean note que son vernis à ongle pourpre est légèrement écaillé au bord. Pour une manucure probablement à 150$ dollars, c'est moche.

—«Vous êtes certaine que c'était lui?», insiste-t-il.

—«Il portait la chevalière que vous m'avez mise dans la main et il est… mauvais. Je sais ce que j'ai vu en rêve, Damballa m'a donné les réponses que j'attendais. Cet homme est mauvais.»

—«Qui est Damballa?»

—«C'est le Iwa de la connaissance», répond Sam en griffonnant déjà quelques mots sur une page vierge.

La jeune femme hausse un sourcil appréciateur à sa réponse. Dean cache son sourire satisfait dans sa petite tasse à expresso design. Bien joué, Sammy.

Son frère tapote sa page de la pointe de son stylo.

—«… S'il vous est apparu dans vos rêves, cela signifie que vous vous êtes directement adressé à lui, n'est-ce pas? Vous aviez pourtant dit que vous ne le feriez pas», reprend le blond.

Les fins sourcils de la jeune femme se froncent légèrement. Ah. De toute évidence, les deux frères peuvent perdre les points aussi vite qu'ils en gagnent; un peu comme Harry Potter et ses amis à Poudlard. Mauvais. Dean est doué en conneries. À la place du petit brun à lunettes, il aurait probablement bravé bien plus souvent le règlement de la célèbre école de magie britannique.

Les doigts de Destiny tapent dans un rythme de plus en plus staccato sur le marbre du plan de travail.

—«J'ai vu quelque chose hier soir, quand j'étais avec des amies. Nous dînions dans un restaurant et – Je ne le voulais pas mais il m'est apparu en quelque sorte. C'était dans une sorte de club clandestin, un endroit dans lequel rencontrer des hommes. «Elle déglutit légèrement. «Il était accoudé au comptoir dans un costume de Baron-Samedi. Il portait un masque de crâne sur le visage.»

—«Avez-vous vu à quoi il ressemble? Nous avons appris beaucoup de choses sur lui mais rien sur son apparence.»

Destiny esquisse un sourire crispé. Joshua pose une main sur sa hanche et la caresse délicatement de son pouce pour l'encourager. Le châtain voit son alliance briller doucement à son annulaire. Il trouve ça un peu beau.

—«… Il est… beau. Vraiment beau. Mais il est terrifiant aussi. Il ne me voyait pas mais j'avais l'impression de sentir son regard sur moi. Il y a quelque chose de cruel en lui. De mortifère.»

Dean jette un regard à son frère. C'est aussi leur conclusion et c'est la raison pour laquelle il a tellement envie de l'anéantir.

La jeune femme éloigne son verre d'eau et croise ses mains devant elle.

—«Vous le traquez parce qu'il traque également votre ami, n'est-ce pas? Il le veut.»

Le châtain acquiesce vigoureusement, la mâchoire serrée. Destiny soupire lourdement et tire nerveusement sur une tresse échappée de son chignon.

—«Et si vous m'expliquiez tout depuis le début? Je suis prête à vous écouter, je suis maintenant trop impliquée pour l'ignorer. C'est la raison pour laquelle j'ai interrogé Damballa et Il m'a répondu dans la nuit qui a suivi. Les Iwas ont des choses à me dire. À vous dire. Alors parlez-moi aussi», dit-elle lentement.

Joshua ouvre le carton de la brioche avant de la mettre dans un plat. Il sort un couteau, des assiettes – comme une offrande de paix –, et Dean esquisse un sourire. Il prend le carnet des mains de Sam et le pousse lentement vers Destiny.

Comme avec Elijah, le temps des secrets et des précautions est fini.

Il ouvre la bouche et commence à raconter.

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Butler, Pennsylvanie, dimanche 22 octobre


Castiel est fatigué.

Il a les membres lourds, l'esprit un peu troublé et les lèvres sèches. Le corps engourdi.

Sa gorge est râpeuse, ses inspirations un peu erratiques deviennent presque douloureuses quand elles passent sa trachée. Elles vrillent quelque chose dans le moindre de ses muscles, font vibrer ses nerfs et trembler ses os.

Le brun sourit d'un air languide.

Son corps ressemble à un champ de ruines mais c'est une bonne fatigue.

C'est un peu vaseux mais plaisant.

C'est une torpeur délicieuse dont il avait oublié combien elle était réellement enivrante.

Castiel frotte doucement ses yeux d'un revers de main un peu paresseux avant d'exhaler un lourd soupir de plaisir.

Dans ses rêves, Dean le touchait déjà parfaitement. À présent dans leur lit, tout lui semble si réel. Le moindre effleurement sur son corps fait crépiter des étincelles dans ses organes. Il a l'impression de ne plus savoir penser, de ne plus savoir bouger si ce n'est pour frissonner. Onduler des hanches. Écarter les cuisses.

Il pourrait avoir honte si ce n'était pas aussi bon. S'il ne se sentait pas aussi aimé et précieux.

—«… Là. S'il te plaît, juste là…», souffle-t-il d'une voix éraillée.

Castiel déglutit. Difficilement. Sa gorge est si sèche, sa langue est lourde et pâteuse dans sa bouche. Il se lèche les lèvres pour les humidifier. Elles sont un peu craquelées, il sent les petites peaux hérissées contre sa langue. Il les lèche plus fort. Plus vite.

Il rit. Son pouce caresse la chair tendre et martyrisée.

«Tu vas te blesser.»

—«J'ai soif…», proteste le brun en rouvrant lentement les paupières.

Elles sont lourdes et brûlantes.

Le jeune homme papillonne des yeux et tourne la tête vers la salle de bain. La porte est ouverte, il pourrait se lever et aller se servir un verre d'eau, fraîche et bienfaisante. Mais cela signifie devoir se lever et Le quitter. Ses longs doigts flattent ses côtes, Ils courent sur son torse jusqu'à son bas-ventre. Jusqu'à son sexe.

Castiel siffle entre ses dents et se cambre légèrement tandis qu'Ils se referment sur lui.

Sa virilité – presque trop sensible –, pulse doucement dans Sa paume chaude et accueillante. Parfait.

Dean couvre à présent son torse de baisers humides, le brun sent ses cheveux effleurer sa peau. Ils sont doux et Castiel peut humer l'odeur de son shampoing tandis que son menton le chatouille un peu.

Le parfum est musqué, viril.

Le brun en avait un autre souvenir quand le jeune homme le tenait contre lui dans sa chambre pendant la séance de Révélation. C'était plus doux, un peu fruité et sucré. Dean se plaignait que les produits de bain mis à disposition dans leur chambre d'hôtel au Clarence Inn sentaient aussi le pensionnat de jeune fille.

Il fronce légèrement les sourcils.

Oui, ce n'est pas cette senteur de bois et de – Il y a également une faible odeur de cigarette et Dean ne fume pas. C'est mal mais Dean serait sexy s'il fumait.

Castiel cligne des yeux, le corps soudain un peu froid.

Dean rampe à nouveau vers lui et pose sa bouche sur la sienne. Baisers brûlants, dévorants.

Le brun gémit doucement tandis qu'il se cambre contre Lui.

«Tu as soif. Tu peux t'abreuver à mes lèvres.»

Il rit légèrement, caresse l'arrondi de son épaule et sent une fine étoffe de coton sous sa paume.

Dean est toujours habillé.

Castiel secoue légèrement la tête et claque sa langue de frustration contre son palais. Il veut l'avoir nu contre lui, comme dans ses rêves. Son souffle chaud effleure ses lèvres et le brun inspire doucement, bouche entrouverte. Pour boire. Pour Le boire.

Dean semble satisfait, il flatte gentiment son bas-ventre du bout des doigts.

«Je peux te nourrir aussi. Tu n'as besoin que de moi.»

Le châtain parcoure son torse de baisers mutins, sa langue s'attardant sur sa peau humide de sueur. Ses mains habiles – oh, tellement habiles –, se perdent déjà sur celle plus sensible à l'intérieur de ses cuisses.

Sa bouche malicieuse remonte le long de son sternum et le chemin de baisers devient brûlant, hérissant son épiderme de chair de poule. Elle trace des dessins abstraits jusqu'à sa mâchoire, suit le relief un peu trop saillant de ses tendons tandis que Castiel bascule la tête en arrière pour lui offrir plus de place.

Le brun crochète ses doigts à ses épaules toujours habillées. Étrange comme elles lui paraissent fines. Dean porte souvent des tee-shirts; le brun n'a pas pu s'empêcher de remarquer la carrure musclée de son torse sous le coton qui se tend sur des reliefs séduisants.

Dean grogne dans son cou et mordille lentement sa jugulaire.

«Tu n'as besoin que de moi.»

Castiel opine lentement. Surtout s'il continue à lui faire l'amour comme il le fait depuis –

Quand?

Quel jour cela-t-il commencé?

Il ne sait plus vraiment.

Son amant gronde contre lui avec satisfaction. Ses doigts effleurent ses côtes, semblant en faire le décompte avec soin.

Le brun se tortille légèrement de gêne sous lui. Il enroule ses doigts autour de son poignet quand Sa main vient s'accrocher à l'os un peu trop saillant de sa hanche. Trop visible sous la peau trop blanche et fine.

—«Ne fais pas ça… Ce n'est pas beau, ne les regarde pas», chuchote-t-il.

Dean rit tendrement et ses dents mordillent le lobe de son oreille.

«Tu devrais plutôt te préoccuper un peu plus du fait que tu t'offres ainsi à moi. En pleine journée, nu dans notre lit et dans la lumière du soleil.»

Castiel fronce les sourcils et renifle discrètement tout en caressant son poignet de son pouce.

Vraiment? Il est vraiment en train de faire ça?

Cela l'étonne, il est un homme pudique dans l'intimité. Déjà dans son appartement à Manhattan, au douzième étage et presque sans vis-à-vis, il faisait l'amour avec Oliver avec les fins voilages tirés pour les cacher.

Dans leur lit.

Depuis quand ont-ils quitté le parquet pour le matelas?

Il papillonne des yeux et regarde distraitement autour de lui.

La chambre est illuminée par le soleil, celui-ci entre à flot dans la pièce par le bow-window aux rideaux grands ouverts. Ses rayons éclairent d'une lumière presque crue le mobilier. Et son corps. Le brun rougit légèrement. Il se voit maintenant. Offert sur le matelas, allongé par-dessus les draps et les cuisses écartées. Son érection est rouge et palpitante contre son bas-ventre. Les poils sombres de son pubis et son aine sont marbrés des traces sèches de son plaisir.

Castiel déglutit. C'est une vision un peu obscène sur son corps trop maigre.

Le jeune homme gigote légèrement mais Dean est habile. Son amant le distrait en glissant sa main entre ses cuisses pour frotter de son pouce la peau sensible de son périnée. Castiel se cambre dans un mouvement incontrôlable de son bassin. C'est tellement bon, c'est tout ce qu'il aime et tout ce qui le fait vibrer.

Son doigt se fait plus pressant, plus insistant. Il lui fait perdre la tête. Le brun en oublie le désordre innommable de son lit. Le couvre-lit tombé sur le parquet. Les draps roulés en boule au fond, rassemblés en un tas informe contre le cadre de lit en acajou. Les oreillers en débandade.

Dean rit.

«Si impudique.»

—«C'est faux», proteste Castiel, le rouge aux joues.

«Vraiment? Ta peau est couverte de semence, elle a séché sur toi. Je ne peux même pas passer mes doigts dans les poils de ton pubis.»

Son amant a un ton un peu chagrin, un peu déçu. Le brun pose ses mains sur ses yeux, les épaules rouges de gêne.

«Tu as tant de… vigueur.»

C'est un ronronnement ravi mais Castiel secoue la tête, mortifié.

Il sent Dean brosser tendrement de ses lèvres la toison sombre sur son bas-ventre et ses doigts s'accrocher dans les résidus secs. Oh. Oh… Le châtain glousse, la vibration agite sa peau d'un léger frémissement. Castiel tâtonne maladroitement autour de lui, tente d'attraper un morceau de drap pour s'essuyer. Dean rit toujours et il sent son regard fixé sur lui, à la fois tendre et moqueur.

Le brun gigote.

En désespoir de cause, il attire à lui l'oreiller voisin, celui de Dean. Sa main longe son bras, s'attarde un instant sur la peau fine de son poignet avant de caresser ses jointures serrées. Une invitation à lâcher prise. Encore. Il enlace leurs doigts. Castiel déglutit au geste tendre. C'est tellement… Dean. Son amant porte leurs mains jointes à sa bouche et les embrasse délicatement. Ça le bouleverse un peu. Dean est l'homme qu'il a toujours rêvé d'aimer.

«Ne te cache pas. Pas à moi. Tu peux tout me montrer, je t'accepte comme tu es. Si voluptueux. Si lascif…»

—«Mais c'est –»

«Je suis flatté de voir que je te donne autant de plaisir. J'aurai dû faire un pas vers toi bien plus tôt.»

—«… C'est vrai?», demande Castiel d'une petite voix un peu incrédule.

Il se sent pourtant si laid. Il presse un baiser sur son poignet, un geste passionné, un peu éperdu. Une manière de sentir son pouls erratique sur ses lèvres.

«C'est ce que j'aurai dû faire. J'ai su que tu étais fait pour moi dès la première fois que je t'ai vu. Je t'ai trouvé beau.»

Dean s'allonge contre lui et parsème son torse de baisers langoureux. Sa peau nue – comment est-ce possible, Castiel ne l'a pas vu se déshabiller? –, frotte doucement contre la sienne. Le brun la sent avec une acuité brûlante. Sa cuisse puissante aux muscles contractés, nue elle aussi, est passée par-dessus la sienne. Ses hanches sont emboîtées à son propre bassin.

Tout le corps de Dean est contracté, tendu.

Il sent ses muscles durs, leurs reliefs puissants.

Ses reins impriment une ondulation savante et leurs corps commencent à danser ensemble.

Castiel hoquette et se mord les joues.

—«Je suis… trop… maigre», ahane-t-il.

«Tu es beau. Tu es parfait pour moi. Tu es fragile, délicat et je dois te protéger. Je te protégerai de tout pour que tu sois heureux. Avec moi. Ici, dans notre lit.»

Le brun glousse un peu de joie. Étroitement emmêlés, les deux hommes chahutent comme deux amants malicieux. Ils partagent leur air et leurs rires bouche contre bouche. C'est si bon.

«Tu n'auras besoin de rien faire, de rien penser. Je prendrai soin de toi. Laisse-moi faire ça pour toi. Je te chérirai comme tu le mérites.»

Il rit aussi et frotte son nez contre sa joue d'un air câlin.

La passion s'assoupit un peu entre eux, remplacée par la douceur.

Dean referme avec précaution ses bras sur lui, il l'enlace et picore son cou de baisers chauds et tendres.

Castiel caresse son dos nu du bout des doigts et ferme les yeux. Il savoure le mouvement lent de sa cage thoracique, la sensation de ses muscles au repos. Il effleure de ses lèvres le tatouage de protection dessiné sur son pectoral droit puis plonge son visage dans son cou.

Dean semble particulièrement satisfait.

Une de ses mains flatte sa cuisse avant de glisser vers son sexe sensible. Il le loge parfaitement dans son poing et le caresse lentement, presque paresseusement. Castiel frémit de plaisir.

«Laisse-moi faire Cas. Je t'aime. J'ai pensé que tu étais précieux au premier regard. Cet homme qui t'a abandonné ne te mérite pas.»

Le brun sent son cœur se pincer désagréablement. Il se presse un peu plus contre Lui et contre la main qui lui fait tant de bien, attentive à la moindre de ses réactions. Il ne veut pas penser à Oliver, à ses vacances de rêve au soleil avec cet homme séduisant. Ni à leurs baisers affichés sur tant de photos prises dans ce paradis tropical.

Castiel ne les envie pas vraiment mais il rumine un peu quand même.

Dean lui relève le menton et l'embrasse langoureusement.

«Il ne te mérite pas, ne pense plus à lui. Juste toi et moi, comme j'y pense depuis le premier jour. Toi et moi pour toujours.»

Le brun esquisse un sourire un peu timide et opine lentement. Son amant le récompense d'un nouveau baiser, languide et empli de promesses.

«C'est ce que tu désires au fond de toi, n'est-ce pas? Qu'on t'aime sincèrement et pour l'éternité. Je suis d'accord, je suis prêt à t'offrir ça. Je ne veux pas autre chose avec toi mon amour.»

Le brun déglutit.

—«Ne parle pas d'éternité, tu ne sais pas ce qu'il peut se passer… Les gens changent, ils ont d'autres envies et plus rien n'est comme avant», chuchote-t-il avec tristesse.

«Je ne suis pas cet homme qui t'a laissé. Je ne doute de rien et je sais mieux que quiconque ce qui nous attend après. Ce sera toujours toi et moi, mon amour. Juste à penser à nous aimer.»

Castiel ouvre légèrement la bouche pour lui répondre.

Il est coupé par le grondement rauque de son estomac.

Le brun hausse un sourcil et frotte son ventre du plat de la main.

—«…J'ai aussi besoin de nourriture un peu plus substantielle. Je pense que je devrais me manger quelque chose»», rit-il.

Oui, manger quelque chose.

À quand remonte son dernier repas au juste?

Et quel était-il?

Le jeune homme cherche dans ses souvenirs, un peu distrait par Dean qui continue à le caresser avec expertise. Il ne sait plus mais il pense qu'il a faim. Oui. Son ventre se tord légèrement et la sensation est familière. C'est étrange de renouer avec une chose qui n'est pas de celle dont Dean l'étourdit si délicieusement depuis des heures. Des heures? Vraiment? Des jours peut-être. Le châtain l'a-t-il réellement entraîné dans un tel marathon sensuel? Avec son corps si fatigué?

Son ventre se tord à nouveau, un peu plus fort. Il esquisse un geste pour sortir de l'étreinte de Dean. Le châtain gronde dans son cou.

«Tu n'en as pas besoin. Tu n'as besoin de rien d'autre. Reste ici avec moi. Tu es bien. Tu me le dis à chaque fois que tu gémis et ondules contre moi. Je te nourris Cas.»»

Il a la voix un peu boudeuse, c'est adorable.

Castiel insiste et s'extrait des bras amoureux de son amant. Il rougit un peu quand la main de celui-ci glisse doucement sur sa virilité sensible alors qu'il se redresse contre les oreillers. Le brun bascule lentement ses jambes sur le bord du matelas et passe une main sur son front. Il se sent groggy, la peau humide d'une sueur un peu maladive. Un peu faible et nauséeux. Il s'est peut-être redressé trop vite. Castiel doit manger quelque chose. Au téléphone, Dean lui a dit que c'était important.

Manger…

Le châtain lui a dit de le faire pour être fort et lutter.

… Lutter contre quoi?

Contre… qui?

Il se gratte la mâchoire. Derrière lui, son amant rampe sur le matelas et frotte sa joue barbue contre la peau sensible de ses reins d'un air câlin.

«Reste avec moi. Pour toujours.»

Le brun tend une main et passe à l'aveugle ses doigts dans les cheveux courts et doux, un sourire aux lèvres.

—«Je dois me lever», répète-t-il.

Il doit le faire.

Hier, il a demandé à Carol de l'aider à faire des courses.

Castiel fronce les sourcils.

Oui, c'est ça.

La blonde allait au supermarché aujourd'hui, ils devaient se retrouver devant chez elle pour qu'elle les y conduise. Dans la journée – il ne se souvient plus quand –, il lui a finalement demandé de faire les achats pour lui car il était trop fatigué pour l'accompagner. Carol a accepté, sans doute taraudée par la culpabilité de l'avoir presque chassé de chez elle il y a deux jours. Le brun comptait sans doute un peu dessus pour la faire céder.

… Est-il réellement si épuisé que cela?

Le jeune homme se sent las mais les sensations sont un peu identiques à celles qu'il ressent quand il courrait longtemps dans les allées de Central Park; parfois sur un bon vingt kilomètres. Ça le rendait languide, d'une mollesse paresseuse, le reste de la soirée. Pas fatigué au point de refuser toute sortie.

Pourquoi s'est-il esquivé pour faire ses courses?

«Reviens au lit avec moi.»

Castiel continue à caresser distraitement Ses cheveux.

«Tu n'as pas besoin de partir. Reviens avec moi.»

Le brun jette un regard à la pendule posée sur sa table de chevet. Les fines aiguilles en laiton indiquent quatorze heures passées et une fois encore, cela l'étonne. Il est vraiment tard.

Castiel a-t-il mangé quelque chose depuis son réveil?

Il ne se souvient plus.

Son regard traîne sur le dessus du petit meuble. Il ne se souvient pas non plus avoir retiré son collier et sa bague. Les bijoux sont pourtant posés sur le plateau.

Castiel porte machinalement une main à son torse pour sentir le poids fantôme de la médaille bénite autour de son cou. Rien. Uniquement sa chair trop sensible d'avoir été embrassée. Marquée.

Le brun baisse les yeux et louche un peu sur son torse.

Il rougit.

Sa peau est marbrée de suçons et de traces de dents. Il frotte lentement son pectoral gauche de sa paume. Les baisers insistants de Dean forment un collier autour de son cou. Il frotte plus fort. Quelque chose lui manque, un contact, une sensation. Un relief qu'il aime toucher distraitement et frotter de son pouce pour le sentir. Le cadeau du châtain pour lui. Quelque chose de plus réel que les suçons violacés qui couvrent la peau trop fine de son torse.

C'est étrange.

Dans son rêve, Dean était différent.

Moins possessif.

Son amant embrasse chaudement le creux de ses reins. Il laisse traîner mutinement sa langue sur les petits creux juste au-dessus de ses fesses.

«Reste avec moi. Reste avec moi. Reste avec moi.»

Castiel hésite. Il tend une main vers la table de chevet et récupère lentement sa chaîne. Il la tient au bout de ses doigts, fait jouer un instant la lumière dessus. L'argent est noir, la médaille si couverte de corrosion que le motif est à peine visible sous la pourriture.

Dean rampe et couvre ses épaules de baisers.

«Cette babiole sans intérêt te distrait. Reviens-moi.»

Un autre baiser dans sa nuque, plus insistant tandis qu'Il caresse sa hanche.

«Reviens-moi Cas.»

Castiel se sent mollir. Il s'abandonne un peu à cette étreinte si douce qui l'enveloppe comme une couverture, qui le protège de tout. À ce corps solide, musclé et brûlant, à cette chair roide qu'il sent dans le bas de son dos.

Son ventre se tord une nouvelle fois.

Malgré son désir, il secoue la tête en une protestation silencieuse.

Cela Lui déplaît.

Soudain, Dean est partout autour de lui – sur lui –, enroulé autour de lui pour le retenir. Le brun sait pourtant que ce n'est pas possible, aucun humain ne peut faire ça. Il lutte un peu mais son corps est si courbaturé. La sonnerie de son portable lui vrille soudain les tempes. Castiel papillonne un peu des yeux et repousse l'étreinte de son amant.

«Reste. Reste. Reste.»

—«S'il te plaît, c'est peut-être important», proteste-t-il.

«Tu n'as besoin de personne. Je t'offre tout. De l'amour, beaucoup d'amour.»

Le brun tourne la tête, pose un baiser à la commissure de Ses lèvres et s'arrache enfin de ses bras. Son portable sonne une nouvelle fois avec insistance tandis qu'il referme ses doigts dessus.

—«Carol a dû rentrer des courses, elle va m'apporter ce que j'ai demandé.»

«Elle peut attendre. Tout peut attendre Cas. Tu es le plus important.»

Castiel pourrait s'agacer de tous ces mots d'amour un peu creux. Il n'est pas un grand amateur de déclarations sentimentales, il considère depuis toujours qu'elles sont le miel qui cachent les mensonges. Un simple «Je t'aime» a plus de valeur à ses yeux que toutes les promesses faites les yeux dans les yeux et les mains dans les mains. C'est ce qu'Oliver faisait parfois et pourtant, cela ne l'a pas empêché d'accepter leur rupture sans combat.

Les mots de Dean devraient le rendre un peu suspicieux mais il n'entend que leur ferveur et leur dévotion.

Pour lui.

Quelqu'un l'a-t-il déjà aimé aussi fort?

«On peut vivre comme ça, mon amour. Juste l'un avec l'autre. Reste.»

Castiel déverrouille son portable et navigue lentement dans sa messagerie. Sa sonnerie répétée semble envahir toute la maison, plongée dans le silence et dans une atmosphère moite de plaisir. Il a reçu d'autres messages qu'il n'a pas entendu.


De Carol. Reçu à 14h05.

Je quitte le supermarché à l'instant. Est-ce que tu souhaites que je vienne te déposer tes courses dès mon retour?


De Carol. Reçu à 14h20.

Urgence avec Finley à la maison, je viens te voir dès que possible.


De Carol. Reçu à 14h26.

J'ai fini à la maison. Est-ce que tu es là?


Le brun rédige lentement par l'affirmative tout en marchant vers la salle de bain.

Dans son dos, il entend Dean ruminer sa déception et se rouler dans les draps.

«Reste. Reste. Reste.»

C'est comme une litanie, entêtante et de plus en plus plaintive. Un ordre dissimulé aussi.

Castiel l'ignore.

Il se rafraîchit rapidement et enfile des vêtements froissés, posés au-dessus de la pile de linge sale. Juste un pantalon – sans sous-vêtement –, puis une chemise.

Tandis qu'il attache avec soin les petits boutons, le brun jette un regard à la porte de sa chambre. Elle est fermée. Il hausse un sourcil étonné. Castiel ne se souvient pas de l'avoir fait. Il ne le fait plus depuis des jours, il a l'impression que la laisser entrouverte le met moins en danger. Comme s'Il pouvait partir et le laisser en paix.

Lui.

Il ne s'est pas montré depuis des heures, depuis que Dean l'a rejoint.

C'est étrange aussi.

«Reste. Reste. Reste. Reste. Reste. Reste.»

Castiel secoue la tête. Il ne s'absente que quelques minutes tout au plus, leur amour pourra survivre.

Il pose la main sur la poignée, force un peu. La porte refuse de s'ouvrir.

Le brun fronce les sourcils.

Il tente de tirer plus fort. Dean est soudain à ses côtés. Castiel ne l'a pas entendu s'approcher. Il enveloppe sa main posée sur la clenche de la sienne. Son amant est toujours délicieusement nu et il se colle contre lui, le presse délicieusement contre la porte close. Il enfonce son nez dans son cou.

«Tu sens bon.»

—«Je n'ai pas mis de parfum», répond distraitement le brun.

Il continue d'appuyer et de tirer sur la poignée, sans succès. Les doigts de Dean sont des serres d'aigle autour des siens. Il mordille la longue ligne de sa nuque, s'attarde sur les suçons et le brun frissonne. C'est presque douloureux sur sa peau sensible.

Depuis combien de temps le mord-il dans le cou?

«Je sais. Tu étais nu devant ton miroir. Je te regardais.»

Son amant le touche, le caresse et le fait jouir depuis des heures – peut-être –, mais Castiel se sent quand même rougir.

—«On n'espionne pas les gens dans l'intimité», proteste-t-il mollement.

«Nous sommes chez nous, dans notre chambre. Je peux regarder mon amant quand il est nu et qu'il fait ses ablutions. Tu es beau quand tu es nu et je t'aime.»

Dans la bouche de Dean, ablutions sonnent d'une manière vraiment étrange. Son amant est l'homme des références de pop culture qui lui échappent mais que Castiel aime écouter. La manière dont les yeux du châtain brillent de malice est jolie.

Son portable vibre dans la poche de son pantalon froissé.

Castiel y jette un regard distrait.


De Carol. Reçu à 14h38.

Je quitte la maison, j'arrive.


—«Je dois descendre accueillir Carol. Laisse-moi passer», reprend-il en crispant ses doigts sur la poignée.

Dean enfonce brièvement ses ongles dans la chair tendre de sa main avant d'obtempérer de mauvaise grâce. Il le mord fort à la jonction de son cou et son épaule comme une vengeance mais Castiel le sent tout de même s'éloigner de lui.

La porte s'ouvre enfin, si brusquement que le brun manque de tomber en arrière. Il se rattrape maladroitement puis se glisse dans le couloir, frottants son cou contusionné d'une main d'un air troublé.

Le Dean de ses rêves n'est pas comme ça.

Castiel descend les escaliers jusqu'au vestibule.

Dans son dos, il a l'impression que son amant rumine encore, qu'il siffle bruyamment entre ses dents serrées en signe de désaccord. Inconsciemment, il presse le pas. Il n'a pas envie de se disputer avec Dean, pas maintenant qu'ils se sont enfin trouvés et que ce qu'ils vivent est si parfait. Ils s'aiment.

Le brun jette un regard à son reflet dans le porte-manteau de l'entrée puis ouvre la porte.

Carol se tient sur le perron, entourée de deux grands sacs de courses. La jeune femme rejette ses longs cheveux en arrière et le salue d'un sourire un peu maladroit. Elle agite légèrement son portable entre eux.

—«J'ai préféré te prévenir de mon arrivée pour ne pas te prendre au dépourvu», dit-elle avant de hausser un sourcil. «Tu m'as dit que tu n'étais pas assez en forme pour m'accompagner et tu n'as pas l'air très bien Cassie. Est-ce que tu dors correctement?»

—«Oui, assez bien.»

Castiel tire machinalement ses doigts sur la boutonnière de sa chemise. Il sait que ses clavicules et le haut de son torse sont couverts de marques d'amour, il n'a pas envie que son amie les voit. Ça ne regarde que Dean et lui mais il pensait que leur amour passionné lui donnerait meilleure mine que cela. Carol ne remarque rien et rit doucement. Le brun sent aussi la tension dans ses épaules se dissiper un peu. C'est un peu comme avant entre eux.

—«Excuse-moi, je ne devrais pas te materner comme je le fais. … Il y a des produits frais, on ne devrait pas s'attarder ici. Tu peux prendre ce sac? Je te rejoins dans la cuisine avec le reste.»

Le jeune homme obtempère. Il attrape les sangles et vacille un peu, désarçonné par son poids.

Est-il si faible que cela qu'il n'arrive plus à porter une dizaine de kilos?

Il cambre les reins, force sur ses bras pour soulever le sac avant de remonter le couloir. Il marche et ahane légèrement. Ses muscles tremblent et il se sent transpirer un peu dans l'effort. C'est le manque de sucre, il doit simplement faire un peu d'hypoglycémie. On brûle une centaine de calories quand on fait l'amour et Dean ne lui laisse aucun repos depuis ce qui ressemble à une éternité.

La porte dans son dos claque bruyamment et Castiel sursaute. Il presse le pas vers la cuisine, Carol sur les talons. Son amie est très proche de lui. Elle le pousse légèrement en avant pour le faire avancer plus vite, un sourire d'excuse un peu tordu aux lèvres.

Le brun pose son sac sur l'îlot central et essuie son front d'un revers de la main tandis que Carol abandonne le sien d'une manière particulièrement désordonnée. Castiel esquisse une petite moue désapprobatrice. Il a entendu un bruit de verre un peu inquiétant dans le sac. Son amie semble avoir trouvé une bouteille de cette huile d'olive importée de Grèce qu'il affectionne tant. Elle coûte plus de 20$ dollars les 75 cl, il aurait préféré l'entendre tinter un peu moins fort.

Le brun ouvre son sac et commence à ranger soigneusement son contenu. Non loin de lui, Carol regarde nerveusement autour d'elle. Elle ressemble à une biche guettant le danger dans une clairière. À une proie. Le brun hausse légèrement les épaules, à moitié caché derrière la porte du frigo.

—«Je te remercie pour ton aide et de m'avoir avancé l'argent. Peux-tu me dire combien je te dois?»

La jeune femme balaye une nouvelle fois la pièce des yeux avant de sortir un long ticket de caisse de la poche de son jean. Elle dépose le papier sur l'îlot central, recule un peu et croise les bras sur son torse.

—«Je te laisse vérifier les articles que j'ai pris et le montant», dit-elle d'un air soucieux.

—«… J'ai confiance en toi.»

—«Je te remercie mais je préférerai que tu le fasses… Juste pour que nous soyons bien d'accord tous les deux», insiste-t-elle en le remerciant d'un sourire maladroit.

Le brun referme lentement le frigo et s'exécute, accoudé à l'îlot central. Il balaye attentivement la liste imprimée des yeux, suit du doigt les montants correspondants. Aucune erreur, aucun achat inutile et rien ne manque. Castiel sourit doucement. Son amie a bien trouvé l'huile du Péloponnèse et l'ensemble des ingrédients nécessaires à son jambalaya. Il va pouvoir le cuisiner pour Dean et le manger avec lui, leurs jambes emmêlées sous la table de la salle à manger.

Il hoche la tête et s'éclipse pour aller récupérer son portefeuille.

Quand le brun revient, Carol est en train de terminer le rangement avec empressement. Ses gestes sont saccadés, presque brutaux. Elle froisse les emballages des fruits et légumes sans pitié, ferme les placards d'un coup de hanche ou de coude. Castiel préfère ne pas relever. Il sort cinq billets de 20$ de son portefeuille. La jeune femme semble être à fleur de peau et le brun est simplement content de la revoir aussi bien disposée à son égard. Carol lui a manqué.

—«Je n'ai pas de quoi faire l'appoint. Tu peux garder la différence en remerciement», la taquine-t-il gentiment.

La blonde pose ses mains sur le plan de travail et claque sa langue contre son palais.

—«Je ne t'ai presque rien acheté, c'est plus de 15$ de différence Cassie. Je ne vais pas te voler.»

Le jeune homme rit doucement. C'est presque comme avant. Son amie tente de lui rendre un billet mais Castiel le lui met d'autorité dans la main. Qu'elle refuse un peu plus d'argent est une chose, qu'elle en ait de sa propre poche pour payer ses courses est hors de question.

—«Utilise-le pour acheter un petit quelque chose aux enfants si tu as des scrupules.»

Carol s'assombrit. Elle hésite puis sort du dernier sac de course un emballage en papier kraft. Elle le pose lentement devant lui et le pousse dans sa direction.

—«… C'est le livre sur la numismatique que tu as donné à Tom. Je te le ramène, il ne l'a pas ouvert. … Il n'a pas non plus mangé les biscuits, il ne veut rien qui vienne d'ici» souffle-t-elle.

—«Mais je les lui ai offerts…»

Castiel déglutit difficilement. La jeune femme passe une main sur son visage et enroule nerveusement une longue mèche dorée autour de son doigt.

—«Il est encore un peu bouleversé, cela lui passera. Je sais qu'il reviendra te voir et qu'il t'offrira un dessin pour s'excuser, tu sais combien il t'admire.»

—«Mais il a peur de moi», conclue le brun d'une voix d'outre-tombe.

Son amie secoue la tête avant de regarder autour d'eux. Comme une bête traquée. Elle frissonne imperceptiblement.

—«Il n'a pas peur de toi mais de cette maison…»

—«Cette maison est parfaite. Je suis bien ici», grogne le brun.

Elle écarquille les yeux de surprise.

—«… Cassie, tu sais que c'est faux. Il a quelque chose qui te rend malade et je ne me ferai pas avoir parce que tu me dis que tu dors à peu près correctement.»

—«Je vais mieux.»

La jeune femme passe nerveusement une main dans ses cheveux, les lèvres serrées.

Castiel croise les bras sur son torse. Il a envie qu'elle parte.

—«… Nous pourrions sortir ensemble prochainement. Je pensais déjà te proposer d'aller manger quelque chose si tu étais venu faire les courses avec moi. Dean m'a dit de veiller sur toi pendant qu'il est à La Nouvelle-Orléans et j'avoue que je n'ai pas été très présente ces derniers jours mais ça va changer. Tu es trop seul ici.»

—«Je ne suis pas seul», proteste le brun en crispant ses doigts sur ses biceps.

Carol lui adresse un sourire un peu tordu. Elle se rapproche de lui, prend doucement sa main dans la sienne avant de presser affectueusement ses doigts.

—«Je suis désolée de t'avoir traité comme je l'ai fait hier. J'ai eu tort et je n'en ai pas dormi de la nuit mais je veux me faire pardonner Cassie. Tu ne veux pas qu'on sorte? Ce soir ou demain midi? Juste tous les deux comme avant?»

Le brun regarde sur leurs mains liées, le visage de son amie – un peu plus longtemps –, puis la pendule de la cuisine. La grande aiguille bouge doucement et il esquisse une petite moue un peu ennuyée. L'heure du déjeuner est largement passée, il a faim mais moins qu'il ne le pensait quand Dean tentait de le garder dans leurs draps.

Il sent son amie serrer encore un peu plus ses doigts autour des siens, une supplique silencieuse à accepter son invitation.

Castiel ne répond pas.

Il n'a pas réellement envie de sortir avec elle.

Carol s'est sincèrement excusée et il l'apprécie alors c'est important pour lui. Mais la blonde cherche sa compagnie alors que Dean est là, qu'il l'attend dans leur lit pour lui faire tout un tas de choses merveilleuses. Castiel n'a pas envie de le quitter. Il peut vivre encore juste d'amour et d'eau fraîche avec lui, enroulés dans les draps et à se laisser nourrir, sa bouche si chaude contre la sienne.

Le brun lève distraitement les yeux au plafond, vers leur chambre, et esquisse un sourire.

La peau de son cou et de ses épaules le brûle agréablement. Ce sont les marques d'amour de son amant. Mon dieu ce qu'il veut aller le retrouver.

—«Cassie?»

Les traits de Carol sont légèrement contractés par l'inquiétude et ses prunelles noisette fouillent presque son visage pour quêter sa réponse. Castiel serre gentiment ses doigts des siens avant de dénouer leurs mains. Il secoue lentement la tête.

—«Je ne t'en veux pour rien Carol, tu n'as rien à te faire est encore un peu malade, tu dois être très occupée. Ne te sens pas obligée de me proposer un rendez-vous», dit-il doucement.

—«Tu n'es pas une corvée!», rétorque-t-elle d'une voix blessée.

—«Je te remercie mais je t'assure que ce n'est pas inutile. Tu devrais rester avec lui.»

—«Mais Dean me l'a demandé et tu étais d'accord pour passer du temps à la maison.»

Dean. Dean. Castiel retient bravement le frisson voluptueux qui descend le long de son dos pour se nicher dans ses reins. Il plie avec soin les sacs de courses, les lisse de la paume avant de les rendre à son amie.

—«Je ne veux pas être un poids et je pense que c'est la dernière chose dont tu as besoin en ce moment. Ça va aller Carol. Dean –»

Castiel pince les lèvres. Il a envie de lui dire que le jeune homme n'est pas un sujet car Il est déjà ici et qu'Il le noie de plaisir et d'amour à lui en faire oublier son nom et le monde qui tourne autour d'eux. Dans le regard de son amie, il lit pourtant quelque chose qui lui indique de garder prudemment le silence sur son bonheur sentimental et sensuel.

—«Dean?», l'encourage son amie.

—«Dean est d'accord avec tout ça», botte en touche le brun. «… J'ai un peu l'impression qu'il est ici avec moi tu sais.»

C'est une réponse acceptable, juste un peu élusive parce qu'il n'aime pas le mensonge.

Carol fronce les sourcils, les sacs serrés contre sa poitrine.

—«Est-ce qu'il rentre bientôt de La Nouvelle-Orléans? Est-ce qu'il te donne de ses nouvelles? Vous continuez à vous appeler?», reprend-elle après un silence.

—«… Oui. Je pense qu'il est satisfait de la manière dont les choses se passent.»

Voilà, bien joué. C'est encore mieux.

Son amie hausse un sourcil et cale ses reins contre le plan de travail. Castiel se mordille nerveusement les joues. Il a envie qu'elle parte. Ils en reparleront plus tard, vraiment plus tard quand le brun aura à nouveau envie de revenir dans le vrai monde. Pour le moment, Dean lui suffit. Le manque de lui est presque douloureux, il fait comme un creux dans son ventre et sa poitrine. Le Manque.

Une lueur passe dans les yeux noisette de la jeune femme et une légère ride se creuse entre ses sourcils. Le brun se prépare. Il sait qu'elle n'en a pas fini avec lui. Castiel n'a pas envie de parler, de devoir lui expliquer qu'il sait mieux qu'elle ce que Dean veut pour lui. Bon sang, le châtain l'attend nu dans leur lit, tout en peau dorée, en muscles ondulants, en yeux verts et en éphélides sur ses joues. Soudain, le brun a un peu soif et faim. Il veut les compter une à une du bout des lèvres. Puis retracer les contours de son tatouage. Il en a tellement envie.

Castiel passe une main lasse dans sa nuque.

Il presse fort ses doigts, ses ongles dans la chair tendre. Il frissonne. Sous leur pulpe, il sent une autre marque laissée par Dean.

Le brun rougit légèrement. Il a encore l'impression de sentir le parquet dur sous son ventre, les joints des lames se dessinant sur sa peau trop fine. Son amant le couvrant de son corps tandis qu'il le dévorait de baisers chauds et mutins, plus bas, toujours plus bas. Son nez qui cajolait l'arrondi un peu saillant de ses épaules, qui dessinait ses trapèzes tendus jusqu'à sa nuque pour la mordre. Fort. Son haleine chaude, son gémissement de plaisir étaient des baumes dessus. Castiel gigote légèrement. Il a un peu honte mais il a joui à ce moment-là et Dean a rit si joliment de bonheur à son oreille.

Le brun caresse doucement la morsure du bout des doigts. À fleur de peau, il sent déjà les étincelles familières du désir dans son aine.

Le jeune homme pose une main sur l'avant-bras de son amie et l'entraîne doucement hors de la cuisine en direction du vestibule. Pas de proposition polie d'un café ni quelques derniers mots échangés sur le perron. Le brun n'a pas envie de faire semblant. Ils passeront de bons moments ensemble après.

Devant la porte d'entrée, Carol se dérobe un peu.

—«Tu ne peux me mettre à la porte Cassie, je n'ai pas fini de te parler», proteste-t-elle.

—«Ce n'est pas ce que je suis en train de faire. Je travaille beaucoup en ce moment, je n'ai pas énormément de temps à te consacrer. Il y a ce projet d'exposition au Maridon Museum et mes clients. Je suis en train de finaliser plusieurs ventes importantes, je dois aussi renouveler le fonds de mon magasin.»

—«Tu n'as pas fait d'achat depuis des semaines», rétorque son amie du tac-au-tac.

Castiel roule légèrement des yeux. Ce n'est ni le lieu ni le moment pour évoquer la stratégie commerciale de sa maison-galerie. Merci bien, il sait ce qu'il fait, il travaille dans ce domaine depuis plus de quinze ans et il est bon dans ce qu'il fait.

—«J'ai besoin de vendre pour alimenter ma trésorerie et acheter à nouveau de très belles pièces. J'ai du travail Carol.»

La jeune femme pince les lèvres, les sourcils froncés.

Le brun la connaît bien, il se prépare à la contre-attaque mais celle-ci ne vient pas.

Dans le lointain de la maison, un porte claque violemment.

Il n'y a pas de vent, aucune fenêtre ouverte, pas de courant d'air inopportun.

L'escalier se met à craquer doucement comme si quelqu'un le descendait. Son grincement résonne d'une manière particulière dans la maison silencieuse. Quand une lame grince à son tour dans le vestibule – comme si quelqu'un marchait et les rejoignait –, la blonde écarquille les yeux et pâlit légèrement. Elle balaie du regard la cage d'escalier et le couloir. Castiel lève à peine la tête pour observer la galerie. Il esquisse un sourire, il lui semble voir l'ombre de Dean qui l'attend.

Carol le tire doucement par une manche.

—«Viens avec moi Cassie. Je t'invite à prendre le thé chez Valentine», souffle-t-elle d'une voix un peu étranglée.

Le brun hausse un sourcil. C'est une très belle adresse du centre-ville, une de celles où ils aimaient s'asseoir parce que c'était un plaisir rare qu'ils s'offraient. Même avec de bons moyens financiers, Carol et lui ont encore trop les pieds sur Terre pour accepter qu'une madeleine à 10$ pièce soit quelque chose de normal.

Il lui sourit d'un air d'excuse.

—«Nous irons une autre fois Carol. Je ne peux pas abandonner ce que je suis en train de faire, c'est trop important.»

La blonde veut protester une fois encore mais soudain, c'est le lustre au-dessus de leurs têtes qui vacille bruyamment sur sa chaîne.

Castiel sourit doucement.

Ses doigts effleurent tendrement le creux de ses reins, doux et invitants et il frissonne.

En face de lui, Carol est un peu blême, les lèvres exsangues.

—«Tu… Est-ce que tu as senti ça?», demande-t-elle d'une voix un peu chancelante.

—«De quoi parles-tu?»

—«De – De ça! Cet air glacial tout à coup!»

Le brun hausse un sourcil.

—«La porte d'entrée est ouverte, tu dois te trouver dans un courant d'air.»

—«Il fait plus de vingt degrés dehors et il n'y a pas de moindre souffle de vent. Cela n'a rien à voir», siffle la jeune femme en lui jetant un regard noir.

Cette fois, Castiel hausse les épaules. Que peut-il y faire? Son amie tire à nouveau sur sa manche avant de se pencher vers lui.

—«Cassie, ce n'est pas normal», insiste-elle en chuchotant.

Le porte-manteau à côté d'eux tremble violemment, le miroir vibre dans son cadre et les patères en cuivre couinent dans un bruit de sanglot.

Carol respire vite et serre les dents, si fort que les tendons se dessinent sous la peau fine de son cou.

—«S'il te plaît, viens avec moi», supplie-t-elle.

—«Je reste chez moi, Carol. Dean est d'accord.»

Oh oui, il l'est. Il le presse même de remonter vers lui en enfonçant son bassin dans le sien d'un geste un peu vicieux. Sa respiration est moite et chaude à son oreille et le brun se mord les joues pour ne pas gémir.

Castiel se penche imperceptiblement en arrière pour s'appuyer contre lui.

Dean est déjà brûlant et avide de lui, le brun sent son désir irradier de la moindre parcelle de son corps. Il lèche distraitement ses lèvres et sent ses oreilles chauffées. Son sexe commence à gonfler dans son pantalon devant Carol et il n'a pas honte. Le brun a juste envie de la congédier mais son air décomposé le retient de dire une parole trop dure qu'il pourrait regretter. À la place, il prend sur lui et sourit gentiment. Et il se montre bien brave parce que Dean commence à onduler savamment contre lui.

—«Quand j'aurai réglé mes affaires, j'aurai plus de temps. Je t'inviterai à manger ici, je ferai tes plats préférés et j'achèterai le dessert chez Valentine», propose-t-il gentiment.

Carol se mord douloureusement les joues avant de secouer la tête. Une mèche blonde se coince derrière son oreille droite, formant un angle amusant. Castiel s'en moque, il tente de contenir la montée de désir en lui alors que le châtain joue déjà habilement avec son corps. Dieu, ça devrait être tellement gênant mais c'est si bon.

—«… Je ne peux pas faire ça Castiel. Cette maison me met mal à l'aise.»

Le brun fronce les sourcils.

Il a envie de la contredire mais Il crochète ses doigts sur sa hanche trop saillante. Le bout de ses doigts glisse déjà sous l'ourlet de son pantalon. Castiel inspire doucement. Encore quelques centimètres – juste quelques-uns –, et le jeune homme les sentira caresser les boucles soyeuses autour de son sexe. Sa virilité pulse joyeusement dans son pantalon sans sous-vêtement, le coton frotte contre sa peau sensible.

Dean mordille délicatement le lobe de son oreille et le brun retient son lourd gémissement. Autant que le balancement de ses propres hanches pour répondre aux frottements du châtain.

«Renvoie-la. J'ai besoin de toi, pas elle.»

—«… Je me sens en danger quand je viens ici. … Il a rendu mon fils malade, Il m'a rendu malade», reprend la blonde d'une voix étranglée.

«… Tu as aussi besoin de moi et du plaisir que je t'offre. Tu es déjà presque nu pour moi. Tu as envie que je te déshabille encore une fois. Si avide, si désireux.»

Castiel rougit un peu plus. Oui, ça serait bon et tant pis s'il semble trop gourmand d'amour; Dean partage avec enthousiasme son appétit de jouissance. Son bassin s'emboîte parfaitement au sien, le châtain roule savamment des hanches et une langue de feu vient lécher son aine.

—«… Je vais rentrer, Cassie»

Le brun papillonne légèrement des yeux. Il entend la voix un peu chevrotante et emplie de peur de son amie, il voit la pâleur de son visage mais Castiel ne parvient qu'à hocher lentement la tête en souriant légèrement. C'est obscène. Il lui ouvre la porte d'entrée mais ne l'accompagne pas sur le perron. Il reste dans le vestibule, pressé contre Dean qui a solidement refermé ses bras autour de lui et posé son menton dans le creux un peu trop prononcé de sa clavicule. Le brun adore. Oliver n'aimait pas enlacer leurs mains en public, il trouvait ça un peu mièvre mais Dean comprend, lui. Castiel n'a besoin de lui expliquer, ils envisagent l'amour de la même manière. Oliver ne comprenait pas, Carol ne le peut pas non plus.

La blonde le regarde une dernière fois mais Castiel est déjà ailleurs, perdu dans ce ronronnement chaud qui résonne en lui. La manière dont elle serre les sacs de courses contre sa poitrine, comme un dérisoire bouclier en plastique, est un peu pathétique.

Dean gronde dans son cou.

«Renvoie-la. Elle t'a amené à manger pour plusieurs jours, tu n'as plus besoin de personne maintenant.»

—«Cassie, je…»

«Pour plusieurs jours, Cas. Tu es tout à moi.»

Oh ce surnom, cette intimité entre eux.

Dean se presse contre lui une nouvelle fois, plus que prêt à lui faire l'amour contre la porte de la maison.

Castiel aussi.

Bassin contre bassin, dos contre torse. Ses hanches les bercent toujours et le brun lui répond lascivement. Sa respiration chaude et moite dans son cou le rend incandescent.

Il salue Carol d'un petit signe de main et son amie cligne des yeux avant de détourner les yeux d'un air gêné. Oui, il a sans doute l'air un peu débauché. Elle ouvre la bouche mais Castiel ne la voit déjà plus. La porte d'entrée s'est déjà refermée sur elle. Seule. Elle ne claque pas. Il n'y a ni tremblement du chambranle ni tintement inquiétant des plaques de verre gravées; à peine fait-elle un petit chuintement discret.

Castiel entend la clenche s'enclencher très doucement. Cette fois, cela ressemble à un petit soupir, doux et caressant. Le brun pense qu'il doit faire un bruit un peu semblable alors que Dean caresse doucement son aine du bout des doigts.

C'est juste eux à présent.

«Remonte avec moi Cas, reviens te coucher dans notre lit. J'ai des choses à te dire. … Des choses à te faire.»

Le jeune homme acquiesce lentement, déjà vaincu.

Le sang pulse dans ses tempes et son bas-ventre bourdonne agréablement de désir. Il enlace leurs doigts avant de l'entraîner derrière lui dans l'escalier. Castiel lui emboîte docilement le pas. Il songe distraitement qu'il reste peut-être des courses à ranger mais il regarde les reins nus de Dean et il hausse légèrement les épaules.

Elles attendront.

Depuis les premières marches, il croit apercevoir le témoin lumineux de la messagerie du téléphone fixe clignoter doucement. Il attendra aussi, il n'a même pas entendu l'appareil sonner.

Il avait aussi quitté la chambre pour manger quelque chose mais cela a si peu d'importance maintenant…

Castiel traverse la galerie, toujours entraîné par son amant.

Dean entre dans la chambre. Il traverse la pièce, piétine le cercle d'invocation toujours tracé sur le parquet pour gagner le lit. Il s'assoit lentement sur le matelas, à gauche parce que c'est devenu sa place.

«Déshabille-toi Cas. Tu n'as pas besoin de garder de vêtements quand nous sommes ensemble.»

Dean hausse un sourcil malicieux, une petite moue languide aux lèvres.

Castiel rit joyeusement.

Le brun commence à déboutonner sa chemise froissée. Il fait glisser le tissu le long de ses bras et son amant grogne son approbation en le complimentant. Le jeune homme rougit de plaisir. Il retire la ceinture de son jean, le fait à son tour tomber au sol. Il n'a pas de sous-vêtement.

Le grondement de plaisir de Dean fait courir une fine chair de poule le long de sa colonne vertébrale.

«Viens.»

Oui – dans une seconde –, il veut poser ses affaires sur la commode avant. Les mains pleines de ses affaires, le brun baisse les yeux sur les poignées en bronze doré. Elles ont noirci sous l'oxydation et les extrémités délicatement ciselées disparaissent sous la corrosion. Cela le contrarie, il aime beaucoup ce meuble qu'il a chiné au marché aux puces Chelsea Flee Market à New York. Castiel gratte doucement les écailles pulvérulentes d'un ongle. Quelques petits morceaux tombent sur le parquet.

«Cas

Le frisson dans son dos le fait un peu trembler. Le jeune homme passe lentement ses mains sur ses bras pour se réchauffer.

«Cas. Mon amour.»

Oh. Oh. Le brun se penche légèrement pour ouvrir un tiroir, le grognement de désir de Dean dans son dos ressemble au tonnerre. Il a un peu envie de pleurer, il est tellement désiré.

«Viens vers moi.»

Le ton est impératif.

Castiel dépose ses vêtements en vrac sur le plateau en marbre de la commode. Ils glissent et tombent sur le parquet mais le brun ne les ramasse pas. Semblable à un automate, il marche déjà vers le lit pour Le rejoindre.

Dean est allongé, complètement nu, les jambes paresseusement écartées. Il a les bras croisés derrière sa tête pour mieux le contempler, une moue sensuelle ourlant ses lèvres pleines. Ses yeux posés sur lui sont incandescents. Son sexe superbe pointe dans son nid de boucles claires.

Castiel a chaud. Et soif. Et faim.

«Viens t'allonger contre moi. Je vais te faire à nouveau l'amour. Te faire tout oublier.»

Le brun grimpe lentement sur le lit. Il hésite un instant, rampe sur le matelas pour tenter de chevaucher Dean avec malice. Une lueur étrange, presque dangereuse, brille soudain dans les prunelles vertes de son amant. Ce dernier l'enlace à bras le corps et le renverse brusquement dans les draps pour le surplomber de son corps. C'est un peu vigoureux mais Castiel écarte déjà les cuisses pour l'accueillir. Il ferme les yeux, la respiration légèrement erratique. Dean le récompense d'un baiser passionné. Délicieux. Le brun gémit de plaisir.

«Repose-toi. Abandonne-toi Cas. Tu peux lâcher prise, je suis là pour toi.»

—«Je sais. Tu es tout ce que je veux», chuchote-t-il.

Dean hausse un sourcil.

Ses doigts qui longeaient ses flancs s'arrêtent et le châtain enroule un bras autour de sa taille. Il s'allonge contre lui, frotte ses lèvres contre son ventre. Sa mâchoire barbue effleure son pubis et Castiel hausse les hanches d'une manière incontrôlable.

«… Si je suis tout ce que je veux alors jette ces babioles sans valeur.»

Dean désigne d'un signe de tête la chaîne et la bague en argent posées sur la table de chevet.

«Tu n'en as pas besoin, je suis là pour te protéger contre tout. Ce sont des porte-bonheurs superstitieux. Ils ne sont pas puissants comme je le suis. Ils ne le seront jamais.»

—«Tu me les as offerts et tu m'as demandé de les porter», lui rappelle doucement le brun.

«Jette-les, ils sont inutiles et laids. Tu es beau, je pourrais te couvrir d'or et de diamants.»

Castiel cajole tendrement sa nuque.

Il ouvre maladroitement un tiroir – il ne veut pas s'éloigner de Dean – puis balaye le dessus de la table de chevet à l'aveugle pour y faire tomber les bijoux. Le brun sent sous ses doigts les fins maillons de la chaîne, la petite médaille. Après une seconde, il entend un léger tintement. Il se réinstalle confortablement contre ses oreillers, satisfait du devoir accompli.

Dean embrasse son aine, frotte sa joue contre son sexe et Castiel soupire de plaisir. Il n'a pas besoin d'autre chose pour être heureux.

Poussée au bord de la table de chevet, la chaîne glisse lentement par terre, entraînée par son propre poids. Elle emporte la bague avec elle. Les bijoux tombent derrière le petit meuble, dans un nid de poussières et de pourriture.

Elle s'étend encore et gagne lentement chaque centimètre carré de la maison.

Castiel ferme les yeux. Dean le récompense en commençant à le masturber et en l'embrassant avec passion. Il vole son souffle mais le brun ne songe pas à s'éloigner de son amant. Il n'a besoin de rien d'autre que de Lui.

.

Dans le couloir du rez-de-chaussée, le téléphone fixe sonne. La sonnerie est puissante mais rien ne bouge dans la maison. L'écran de l'appareil s'illumine plusieurs fois jusqu'au déclenchement du répondeur automatique.

«Veuillez laisser un message après le bip sonore. (Bip).»

«Bonjour Castiel, c'est Jessica. Excuse-moi de te déranger, je voulais m'entretenir avec toi au sujet de la prochaine exposition du Maridon. Tu m'avais dit que tu me donnerais ton avis sur le scénario et sur les œuvres que tu pourrais nous prêter. Je n'ai pas de nouvellesEst-ce que je peux passer te voir à la fin de la journée? J'aimerais en discuter de vive voix si tu veux bien et –»

La voix de la jeune femme grésille. Elle saute avant d'être couverte par un concert de bruits blancs jusqu'à devenir inaudible.

Le téléphone fixe émet un étrange petit bruit, à mi-chemin entre un claquement et un craquement.

Le voyant clignotant de la boîte vocale se fige brusquement.

Un dernier sursaut, comme un râle d'agonie.

Une dernière lueur puis il s'arrête.

Le voyant ne clignote plus.

La voix désincarnée du répondeur automatique crachote un peu.

«Pas de nouveau message.»

Dans la chambre, Castiel gémit bruyamment son plaisir tandis qu'Il l'étourdit de mots d'amour et de caresses.