Failures
N°019
L'Alliance avait très rapidement adopté son leader, en la personne de Merosmé. Des anciens Impériaux qui avaient pu le soutenir autrefois, aux plus réfractaires Républicains qui conservaient une dent plutôt dure contre la Furie. Tous, s'étaient laissés finalement séduire par le charisme et la volonté du dirigeant d'en découdre avec Arcann, peu diplomatiquement. Le Seigneur Sith s'était affirmé, en une véritable machine de guerre sur le terrain, mais aussi comme un excellent stratège qui parvenait à trouver des points positifs jusque dans les situations inextricables.
Pour cela, il avait gagné la confiance de ses Hommes et leur respect. Personne n'osait remettre sa crédibilité en cause, ni critiquer un ordre. Merosmé s'était semble-t-il, adouci avec le temps, mais il restait encore intraitable sur certains aspects. Aucun n'aurait seulement osé le contredire sans avoir au moins une batterie d'arguments raisonnables. A vrai dire, seule Lana pratiquait l'exercice périlleux, en tant que Commandant en Second, essuyant les élans d'humeur de la Furie qui n'avait alors jamais, si bien portée son nom.
Un point unique perturbait toutefois les troupes : Theron Shan. L'ancien agent du SIS était une personne agréable, doté d'un sens moral très républicain. Il était souvent débordé mais parvenait tout de même à se libérer dès que son aide était réclamée. C'était le genre à arriver le premier le matin et à repartir le plus tard, quand tout le monde se trouvait couché. Son bureau se trouvait au milieu de tous les autres, avec une humilité grisante, il ne se permettait de prendre la parole que lorsque l'on attendait son point de vue ; faisait preuve d'une intelligence ahurissante. Sans compter ses talents pointus dans le domaine de l'informatique qui avait bien souvent sauvé des missions.
Il faisait partie de ceux qui avaient fondé l'Alliance, aux côtés de Lana. Une amitié réelle avec une Impériale qui avait surpris de la part de ce Républicain de cœur. Ces deux-là se connaissaient sans nul doute depuis bien plus longtemps que l'avénement de l'Empire Eternel. Ils continuaient à débattre verbalement sur leurs convictions, Merosmé servant d'arbitre.
Certains avaient susurré que l'établissement de ce trio remontait aux affrontements contre les Révanites, lorsqu'une trêve avait été signée entre les deux camps, quelques jours. Des anciens de cette époque qui avait vu de leurs yeux, la Furie fricoter avec son agent.
Oui, peut-être sauf que leur Commandant ne laissait rien percevoir de ses affaires personnelles et ce fait entraînait un grand nombre de rumeurs, sur les bancs de la Cantina. C'était là une curiosité un peu naturelle que de vouloir connaître davantage leur meneur, savoir si sous cette couche de glace qui ne semblait jamais s'émouvoir, quelque chose de plus humain palpitait.
Le Seigneur Sith s'entêtait à ne rien laisser percevoir, s'en tenant au même traitement envers l'ancien agent du SIS, que pour les autres de l'Alliance. En retour, Theron ne dépassait pas la ligne du « Commandant » de circonstance. Aucuns gestes ne trahissaient rien entre eux qu'une confiance qu'ils avaient, l'un pour l'autre.
« Vous croyez au moins qu'ils couchent ensemble, ou ils se regardent dans le lit ? » Lâche un jour une contrebandière agacée à ses collègues, perdant patience.
Un vent d'approbation s'élève aussitôt, dans la cantina.
« Je n'ose pas imaginer le reste de leur relation s'ils s'en tiennent à une pareille atmosphère entre eux. Approuve un Cathar, non sans mesquinerie.
_Vous savez, ils ne sont sans doute pas ensemble. »
Un rire retentit alors parmi la masse ivre et grouillante, celui de Vette qui s'amuse follement de la nature réelle de ce débat : des cancaneries militaires bonnes enfants.
« Si vous le pensez, c'est que vous êtes complètement aveugles. Raille la Twi'lek. Dois-je rappeler qui a le droit d'interrompre notre adorable Commandant en toutes circonstances ? Theron. Qui s'occupe à chaque fois de la liaison de notre adorable Commandant lorsqu'il est sur le terrain ? Theron. Qui est le premier à se précipiter à l'infirmerie quand notre adorable Commandant s'y trouve ? Theron. Qui ne se soucie pas de prendre des gants lorsqu'il reproche des choses à notre adorable Commandant ? Encore, Theron. Ah, et qui a illuminé les yeux de notre adorable Commandant en ramenant ses fesses jusqu'ici enfin ? Theron. »
Un silence accueillit cette longue tirade alors que la Twi'lek concentrant tous les regards, vient à quitter les lieux d'un pas sautillant et satisfait d'elle. Qu'elle n'était pas mécontente d'afficher ainsi les histoires de cœur de son ancien Maître. A trop vouloir contrôler Merosmé ne se rendait pas compte qu'il oubliait une part de l'attractivité d'exposer ses faiblesses, de reconnaître son humanité. Ce point-là était sans doute celui qui s'assurerait le plus fidèlement du dévouement de ses troupes. Ce n'était ni le fait d'être un bon meneur, ni son engagement militaire qui pencheraient la balance en sa faveur mais celui de son cœur.
Une sagesse qui fût confirmée lorsque, quelques mois plus tard, s'en allant alors, pour achever l'Empereur Eternel, la retenue de Merosmé s'était fracassée sur les lèvres de Theron, sans se soucier un seul instant des sifflets qui accompagnèrent leur élan soudain. Comme l'obéissance avait cédé place au respect dans le cœur des membres de la coalition, le respect avait cédé place à un réel attachement pour leur meneur. Pour cette personne qui comme eux, avait quelqu'un d'important à protéger, et qui ressentait, comme eux. Et qui avait sans doute un peu peur, comme eux.
Merosmé était devenu le Commandant de l'Alliance, pour de bon.
