Failures
N°021
Parfois, alors que leurs routes se croisaient sur un point de la Galaxie, ils passaient du temps, ensemble. Y songeant distraitement, amateurs de sorties de toutes natures, s'adaptant aux élans locaux qui se révélaient toujours d'inattendues découvertes. Theron avait pris goût à accompagner son amant, peu importe le Monde, ni l'Astéroïde sur laquelle ils se retrouvaient ainsi. Ils s'accordaient des moments pour eux, en une imitation réussie de couple.
L'agent n'avait jamais cherché à aborder le sujet, dénombrant les mois qui avaient filés depuis qu'il s'était rendu auprès de Merosmé, à la veille de la crise sur Ziost. La Furie de l'Empereur lui avait laissé une place, progressivement, dans son agenda dépassé, entre deux massacres et quelques guerres de terrain à mener. Theron n'était guère plus disponible, accumulant les missions de haut vol, non sans satisfaction de se savoir encore indispensable pour le SIS de la République.
Finalement un soir, qu'il végétait paresseusement dans les appartements privés de son amant, à la Forteresse de Kaas City, sous couverture de circonstance, Merosmé avait, étonnamment, abordé ce sujet, le premier, ce qui n'arrivait pour ainsi dire jamais ; proposant de se rendre au centre-ville où se tenait la représentation d'un Opéra Sith.
Theron avait longtemps dévisagé le visage tendu de son compagnon, décelant quelques secrets sous la surface de cette proposition, que la Furie de l'Empereur ne semblait pas prête à partager avec lui, pour le moment.
« Ça va être chiant, non ? Marmonna l'agent, dans un élan de sincérité subtile.
_Je peux vous assurer, que cela ne le sera pas… Susurra le Seigneur Sith, dans un sourire dangereux qui glaça les veines de Theron. Il y a longtemps que je ne suis pas allé en voir un, pour me détendre un peu…
_En quoi consiste un Opéra Sith, exactement ? S'alarma l'agent, frissonnant d'inquiétude. Ceux qui se retrouvent à chanter se font tuer à la fin dans un bain de sang, c'est ça ? »
Merosmé s'esclaffa délicieusement devant son imagination fertile.
« Rien de cela. Affirma-t-il, le rassurant. Les Sith eux aussi, savent écrire de très belles tragédies… »
Theron avait fini par accepter, persuadé par l'intérêt que portait son amant à ce genre de chose. Qu'il pouvait clairement percevoir à quel point, la Furie de l'Empereur tenait à aller voir à nouveau un tel spectacle. Lui-même n'envisageait finalement pas un seul instant de se priver de la présence de son compagnon en demeurant à la Forteresse.
Merosmé s'était alors approché de lui, redressant le col de sa veste dans un sourire charmant. Leurs visages se touchant, en cette proximité audacieuse.
« Apprêtez-vous correctement, je vous prie. Les paysans républicains ne sont pas acceptés, en tant que spectateurs crédibles…
_Hé ! » Protesta l'agent, vexé ; le Sith lui avait filé entre les doigts.
Il n'avait pas protesté longtemps ; à peine quelques minutes parce qu'il avait dû en catastrophe se raser, relevant ses cheveux en arrière dans une coupe davantage typée impériale et supporter le tissu aride de son uniforme noir de cérémonie militaire. Grognant entre ses dents, il avait traîné des pieds et s'était laissé conduire en Taxi, jusqu'à l'opéra où se pressaient déjà de nombreux badauds. Attendant, que son amant daigne venir le rejoindre, comme ils en avaient convenu, un moment plus tôt.
Ignorant les attentions curieuses qui considéraient sa présence solitaire parmi cette foule dense de groupes, Theron avait commencé à trouver le temps long, décomptant le nombre d'entrées creusées dans l'immense édifice, en cas de fuite improvisée. Il abordait la dixième quand son instinct lui intima de se retourner, maintenant.
Son inspiration resta prisonnière de sa gorge.
Merosmé était finalement arrivé à son tour, le considérant avec timidité, à quelques pas à peine de là. La tenue du Seigneur Sith attirant les regards extérieurs comme des aimants ; celui de Theron ne voulait plus décrocher de cette peau opaline, qu'il découvrait pour la première fois, ainsi exposée, avec autant de révoltante sensualité. Le tissu pourpre fluide ne dissimulant rien des épaules découvertes de son amant, en un dos nu audacieux noué dans cette nuque, qui s'achevait, sur ses hanches. Le pli s'y poursuivait, moulant le charme de ses jambes et dévoilant leur longueur dans un fendu aventureux qui naissait de la pointe des cuisses, aux chevilles.
Le Seigneur Sith avait forcé son habituel maquillage, les peintures occupant jusqu'à la pulpe même de ses lèvres. Theron avait senti les siennes s'assécher, dramatiquement. Gauche et maladroit, il s'était précipité auprès de son amant, lui offrant un bras galant dont la Furie de l'Empereur s'empara avec pudeur, ne dissimulant rien de la satisfaction qu'elle tirait, face à l'admiration qu'elle parvenait si aisément à susciter en lui.
L'agent ne tenta même pas de nier cette vérité, un seul instant.
« Vous êtes… Amorça-t-il, peinant à trouver les mots à la juste hauteur.
_La ferme, Theron. » L'avait coupé son compagnon, embarrassé.
Il s'était exécuté, accompagnant silencieusement son partenaire sans quitter un seul instant son giron, odieusement heureux d'être l'amant de la Furie de l'Empereur, le clamant publiquement dans sa proximité étroite avec le Seigneur Sith, ignorant quelques commentaires acides. Savourant plutôt cette jalousie qui en suintait, dans un élan moral peu Républicain il avait resserré sa prise sur les hanches de Merosmé, ses doigts se perdant sur sa peau.
Theron était devenu un véritable amateur d'Opéra Sith.
