Failures
N°046
Le ciel ployait sous les épais volumes de fumée souillée par les feux et la poudre. Une odeur de guerre saturait l'atmosphère suffocante. Merosmé s'en abreuvait, en proie à une fervente excitation. Menant ses hommes sur la prise d'une position récalcitrante, l'Empire marchait désormais sur les murs de la cité.
Les corps alanguis des opposants accompagnaient son chemin tandis qu'il progressait au travers des affrontements tournés court. La Furie de l'Empereur excellait à mater les révoltes. Cela valait aussi bien pour l'ennemi, que pour leur camp sujet aux récriminations fratricides. Il était un agent exécuteur, un bourreau de premier choix.
Au milieu du chaos, il se sentait vivre dramatiquement au rythme erratique du cœur qui bat dans sa poitrine. Toutes ses taches de sang qui constellaient la neige, le faisaient rire gentiment ; savourant sa victoire acquise.
Il ne perdait jamais.
Surtout pas contre la République et ses soutiens.
La ville abritait des peuples appartenant à la seconde catégorie. Cela suffisait pour qu'ils soient considérés comme des menaces à abattre. Merosmé avait reçu ses ordres, il trépignait maintenant d'annoncer l'excellente nouvelle au Conseil Noir.
De nombreux Impériaux continuaient de progresser dans les rues de la cité. Se frayant un passage sous couvert des nombreux bombardements qui faisaient trembler le sol. En groupe de formation serré, les soldats de première ligne se frayaient un chemin sous les injonctions de leurs officier supérieurs.
Merosmé ne se lassait pas de ce spectacle.
Parfois tout ne se passait pas complètement sans anicroche. Une ambiance embarrassée accueillit sa présence au point de rencontre. La Furie de l'Empereur était habituée à ce genre de timidité de la part des points impériaux qui connaissaient davantage la légende que la véritable personne sous le masque.
Pas de ses propres hommes, familiers de ses débordements.
« Capitaine.
_Monsieur. Salua le plus haut gradé. Nous avons pris le contrôle de ce quartier. Mes officiers font le ménage désormais. »
Ah. Le ménage. Merosmé savait parfaitement ce que cachait ce mot inoffensif. Cela expliquait cette tension ambiante. Il commençait à deviner le problème.
« Vous avez trouvé des orphelins.
_T-trois, Sire. Et un bébé. Balbutia le Capitaine, le conduisant vers un immeuble demeuré intact malgré les affrontements, où ils entrèrent. Je les ai abrités dans ce bâtiment que nous avons investi comme base temporaire. Que devons-nous f-faire d'eux ?
_Je vais m'en occuper. »
Merosmé perçut l'infime sursaut dans la position du haut-gradé lorsqu'il dégaina son sabre laser. Un instant, l'homme parût sur le point de l'arrêter. Il se résigna finalement face au visage menaçant du Seigneur Sith.
La Furie de l'Empereur pénétra à l'intérieur de la pièce.
« M-Monsieur… Où sont nos parents ? »
Quatre gosses se tenaient les uns contre les autres, tentant de se réconforter au milieu de cette tempête. Aucun excédait dix ans. Et le plus âgé serrait contre lui son frère emmailloté dans un torchon. Le bébé ne cessait pas de pleurer entre ses bras maladroits qui ne savaient pas l'apaiser.
Merosmé s'approcha dans la pénombre. Son sabre ondoyait comme une menace, il faucha sèchement les quatre petits corps qui s'effondrèrent mollement. Le Seigneur Sith rangea sa lame. Se pencha pour récupérer le couffin abandonné au sol.
Deux grands verts le considéraient avec effroi. Alors il se mit à chantonner une comptine, au milieu du chaos ambiant. Serrant ses bras, et berçant contre lui cette fragile existence. Transmettant de sa chaleur à la petite chose qui après quelques minutes de cette tendresse se pelotonna finalement au confort de sa bure sombre. Le Seigneur Sith accueillit cette marque d'affection en souriant gentiment.
Merosmé posa une main sur ses grands yeux, les fermant délicatement.
La nuque du nourrisson craqua sordidement dans le silence.
« Excellence, je…
_Je vous en prie, Capitaine. »
Le Seigneur Sith considéra cet homme qui le regardait maintenant sans plus d'admiration. Mais comme il méritait d'être vu par ses pairs. Par ses actes ignobles, et non son glorieux engagement militaire. Par ses rétorsions sanglantes qui tâchaient sombrement son âme.
« L'Empire attend de vous que vous soyez des soldats. Elle ne vous demande pas de devenir des monstres. C'est pour cela que des gens comme moi existent.
C'est mon travail de Sith. »
La Furie replaça son masque sur son visage inerte.
La victoire n'était pas encore acquise.
