Hey !

Et voilà le chapitre de la semaine, enfin là en temps et en heure ! En plus il est chouette et chou. Pas d'angst pour cette fois, on profite juste.

EDIT : J'AVAIS OUBLIE LES KAOMIJO POUR ASRA voilà cette terrible erreur est réparée.

Encore merci à Ya pour la correction !

Bonne lecture !


A travers la nuit

Asra

.

Il est loin, le temps où Asra partait se coucher à 22h30. Celui où il se sentait hors la loi quand il osait lire jusqu'à minuit. Les vacances ont débuté depuis quatre jours, et il les a passés ses mains sur son téléphone, à guetter les messages de Julian.

— Ne te couche pas trop tard, son père lui dit alors qu'il débarrasse.

— T'inquiète.

Ses parents ont remarqué ses réveils tardifs et les cernes sous ses yeux. Ses longues siestes au milieu de la journée. Mais il s'en moque. C'est les vacances. Pas d'obligations, sinon celle de profiter de ces longues journées sans réveil. Il peut faire ce qu'il veut.

Et ce qu'il veut, là, c'est lire le message qui fait vibrer le téléphone sur sa table de chevet.

23h, ce n'est pas si tard. Il fera attention, encore un ou deux textos et il fermera les yeux. Asra sait se montrer raisonnable quand il veut.

[Natiqa EST chaotique. T'imagines même pas. Elle adore voir les gens se foutre sur la gueule.

Tu t'entendrais bien avec elle, t'es sûr que tu veux pas venir ?]

Il baisse la lumière pour apaiser ses pauvres yeux. Il doit bien y avoir un mode nuit là-dessus, mais il n'a pas la patience de le chercher.

[C'est pas trop mon truc, les soirées (。ŏ﹏ŏ)]

Faux. Il n'en a jamais fait, mais il adorerait y aller juste une fois, pour voir. Il se demande à quoi pourrait ressembler la fête d'anniversaire de Natiqa - s'il en croit tout ce qu'il a entendu sur elle, ça doit être explosif. D'autant qu'elle a déjà son propre appartement. Est-ce qu'elle est déjà majeure ?

De toute façon, ses parents ne le laisseront jamais. Il y a de l'alcool, pas d'adulte, ils ne laisseront jamais leur chaton de quinze ans passer la nuit là-bas. Il pourrait mentir et prétexter qu'il se rend chez Muriel, mais s'ils appellent sa mère, il est foutu.

[Même avec moi ?]

Il sourit, des fourmis plein le ventre.

[Je préfère te voir seul à seul]

Il aimerait tellement profiter des expressions de Julian quand il reçoit ses messages. Est-ce qu'il glousse, ses dents blanches exposées dans la nuit ? Est-ce qu'il remonte sa couverture sur la pointe de son nez ?

[On peut aussi se voir seul à seul. Si ça te tente. Le cinéma, c'est ton truc ?

Je peux t'inviter. J'ai des économies.]

C'est plutôt à lui d'inviter Julian. Il a l'air assez ricrac avec sa tante. Sans être riche, la famille d'Asra profite d'un confort agréable. Mais la proposition lui plait.

[On peut aussi aller au café. Y en a un chouette en centre ville, ils font le truc que t'aimes bien avec les bulles.

Les bubble tea ?]

[C'est ça (人 •͈ᴗ•͈). Je savais pas qu'on en avait un en ville, c'est où ?]

[Vers la fontaine de la Trinité, derrière la librairie ! Je te monterai ;^) Mercredi après les cours, ça te tente ?

Tu vas où, d'habitude ?]

[Mercredi prochain (?・・)

Nulle part ! Je les fais moi-même.]

Julian l'invite, là, hein ? Est-ce que c'est un rendez-vous ? Il en a envie. Un tête à tête avec lui au chaud au fond d'une salle, sur une table simple, un cocon enveloppé de musiques et de couleurs. Une boisson en face d'eux, les regards qui se cherchent et s'évitent et les pieds qui se touchent sous la table. Le drôle d'oiseau a les jambes tellement longues, il ne pourra pas l'éviter.

Il veut, oui. Le nez enfouit dans son oreiller, il inspire.

[Oh. Je suis impressionné. C'est pas galère ? Comment est-ce que tu fais les bulles ?

Celui de la rentrée ! J'ai pas de DS. Ce serait bon pour toi ?]

[Parfait.]

C'est un rendez-vous, hein ? Ils seront seuls, avec leur boisson et leurs yeux fuyants. Il s'amusera à faire rougir Julian entre deux gorgées, il tapera dans son pied pour le faire réagir et il l'écoutera déblatérer en bégayant ses histoires qu'il invente sans doute, mais qui font plaisir à entendre. Est ce qu'il pourra lui prendre la main ? Asra prend souvent la main de Muriel. Ça ne veut rien dire, au fond.

Un mélange d'excitation et de peur lui gonfle la poitrine. Il n'a encore jamais eu de rendez-vous.

Est-ce qu'il doit en parler à ses parents ? Il pourra toujours prétendre qu'il va réviser avec des amis. Une sortie après les cours, au milieu de l'après-midi, ils ne poseront pas de questions.

[J'ai des billes de tapioca ! Et pour le reste, j'ai juste besoin de thé, de matcha et de lait d'amande. Je te montrerai, si tu veux.]

Minuit passe. Tant pis. Il fera la sieste demain pour rattraper. Deux longues heures de sommeil après le repas, allongé sous le soleil d'hiver qui entre par la fenêtre.

Les quatre zéro qui s'alignent sur son écran n'empêchent pas ses petits yeux excités de rester guetter les réponses de Julian. Il faudra qu'il raconte tout ça à Muriel, demain.

[T'es incroyable.]

Il se mord la lèvre.

[Parce que je sais faire des bubble tea ? (・o・)]

[Parce que tu sais faire un tas de trucs tout seul. Comment est-ce que t'as appris tout ça ?]

[Je fais pas tant de choses. Juste des trucs que j'aime bien et qui m'intéressent

(ノ◕ヮ◕)ノ*.✧]

[Tu es en train de faire un tarot. Je ne crois pas qu'on puisse dire que c'est "pas grand chose". Et tu dessines bien. Puis j'ai vu les tenues que vous avez commencées pour le court-métrage, t'es le seul qui sait comment ça fonctionne les patrons et tout, c'est impressionnant.]

Asra ne trouve pas ça si compliqué. Pour ce qui est des patrons, il a appris dans le grand livre que sa tante lui a donné. Et puis, ils font relativement peu de vêtements. Ils vont surtout retoucher ceux qui sont déjà disponibles, et voir qui peut apporter quoi pour compléter les tenues.

Mais il sourit. Grand comme le croissant de lune qui passe par la fenêtre. Son ventre se retourne et tremble agréablement, les papillons courent sous sa peau. Il a envie d'entendre Julian poursuivre sur sa lancée. C'est la première fois qu'il impressionne quelqu'un. Que ça lui plait.

Il repense à ces types qui sont venus lui parler, la dernière fois. A leurs questions. L'angoisse le frappe aussi durement que le regard de Muriel les a chassé, mais il inspire. Des crétins du genre, il y en a dans tous les lycées. Il ne doit pas s'arrêter sur ce genre de rumeurs.

[Natiqa aussi s'y connait en tarot, non ?]

[Oui, mais elle les dessine pas. Elle sait juste tirer les cartes.]

Est-ce qu'il doit lui en parler ? A sa place, il préfèrerait savoir ce que les gens racontent sur lui. Et puis… Il est curieux. Pas toujours des bonnes choses.

[C'est déjà cool ! (。•̀ᴗ-)✧ Quel genre tirage elle fait ?]

[Parce qu'il y en a plusieurs ?]

Un gloussement félin lui échappe. Il serre son traversin contre lui, noue ses jambes autour de la masse confortable et scrute la lumière de l'écran.

Tant pis pour ces histoires futiles. Elles attendront. Il ne veut pas gâcher ce moment.

[Tu ne savais pas ? (●_●)]

Les gens trouvent ça bizarre, d'habitude. Le tarot, les cartes, son intérêt démesuré pour le sujet. Asra rêve de tissu transparent, de table ronde et de bougies dansantes, de prédictions murmurées tout bas. Il aime décoder les indications que les cartes lui donnent, dessiner le pont entre elles et la personne assise face à lui. Surtout, il adore toute la mise en scène qu'il peut faire autour. Les différents jeux qui existent, et le sens que leurs créateurs insufflent dans leurs dessins. Il cherche les détails dissimulés qui révèlent la signification des arcanes.

L'écran se met à vibrer, soudain. Il sursaute.

Le nom de Julian apparaît. Le cœur d'Asra fait des pirouettes.

Il est tard, ses parents dorment. Mais leur chambre est loin. En bas. Les murs sont épais. Sa voix porte peu.

Il décroche avant d'hésiter.

— Asra ?

Cette voix.

— A ton avis ?

— Oh. Désolé, j'avais envie d'entendre ta voix. Ça me manque, ça fait longtemps que- enfin, pas si longtemps, mais… Tu passes de bonnes vacances ?

— A minuit passé ?

Silence. Il peut l'entendre rougir d'ici, ses joues comme de grosses pivoines, avec sa grimace gênée et son regard qui descend. Ses jolis yeux bleu de pluie.

— Pardon, c'est-

— Je plaisante, Julian.

Juste de dire son nom, il retient un sourire. Julian, ça roule sur sa langue. Il caresse le drap plissé de son lit, son téléphone posé dessus.

— Je voulais pas te déranger, Julian insiste.

— Me déranger ? Qu'est-ce que tu pourrais interrompre au milieu de la nuit ?

— Ton sommeil ?

Il éclate de rire, le ravale aussitôt en pensant à ses parents et glousse tout bas près du combiné.

— Je ne dormais pas, des fois que ça t'aurait échappé.

— Oui, je… Tu aurais pu t'endormir entre deux messages. Tu t'endors toujours entre deux messages.

— C'est un reproche ?

— Non !

Et c'est reparti pour un tour.

— Ça me fait plaisir, que tu parles aussi tard avec moi, il marmonne vite fait.

— Tu ne voudrais pas t'endormir en premier, pour changer ?

— Moi ? Je t'ai déjà dit que je dormais jamais.

— Tu ne réponds jamais avant midi. Je te soupçonne de faire la grasse matinée.

— C'est pas une grasse matinée si je me suis endormi après six heures.

— Donc tu t'endors.

— C'est un interrogatoire que vous me faites passer, Mr. Alnazar ? Qui vous envoie ?

Il pouffe entre les draps. Tout est léger quand Julian lui parle, il n'a plus envie que de rire et de rouler dans son lit frais. Mais quand même, six heures. Il est sérieux ? C'est tard, il sera claqué à la rentrée. Même s'il a toujours l'air claqué. Asra se demandait s'il n'exagérait pas ses cernes au maquillage, mais vu son rythme de vie…

— La société secrète des pirates-médecins.

Est-ce qu'il serait capable de tenir jusqu'à six heures, lui ? Juste pour lui parler ?

— Pardon ? Il y a une société secrète des pirates-médecins, et tu l'as intégrée avant moi ? Je suis outré.

— J'ai des relations.

— Et tu m'en fais pas profiter ? Je suis outré et déçu.

— Nous n'acceptons malheureusement pas le team Jacob parmi nous. C'est le premier commandement du règlement.

— Je vois. Et il y a d'autres commandements du même genre ?

— Pas de chaussettes claquettes pendant les réunions.

Un souffle scandalisé lui parvient.

— C'était arrivé une fois ! Et c'était pendant les répétitions. Je tentais quelque chose.

— Tu les as gardées toute la séance.

— Je suis quelqu'un de sérieux. Quand je teste un truc, je vais jusqu'au bout.

— C'est à cause de ce genre d'erreurs que les aliens font demi-tour chaque fois qu'ils passent sur notre planète.

Il l'entend pouffer à l'autre bout du combiné.

— De la part de quelqu'un qui ne porte jamais de vêtement à sa taille, je trouve ça déplacé.

— Mes crocs sont exactement à la bonne pointure.

— Tes quoi ?

— Et j'ai aussi des boxers à ma taille.

— Asra, tu portes des crocs ?

Son torse se gonfle de rires qu'il ne laisse pas sortir. Il sourit trop fort pour quelqu'un qui devrait dormir, mais ça lui fait du bien. Tellement de bien. Il ne veut pas raccrocher.

— Peut-être.

— C'est grave ça, tu sais ? Je vais devoir contacter la police de la mode.

Et il éclate. La tête enfouie dans son oreiller, pour éviter de réveiller ses parents. Une joie qui résonne le long de ses membres comme un écho à l'infini.

— Je leur dirais, pour les chaussettes claquettes, il menace.

— Les crocs sont au-dessus des chaussettes claquettes. C'est la pire erreur de goût qui soit. Pitié, dis-moi que tu ne les portes pas avec des chaussettes.

— Sinon quoi ?

— Je ne pourrai plus t'adresser la parole. Il en va de mon honneur.

— Et si je refuse de répondre ?

Son expression figée lui parvient parfaitement. Il sait comme ses yeux s'ouvrent, ses iris allumés d'un feu choqué qui se répand sur sa peau blanche.

— Asra, je suis sérieux.

— Moi aussi.

— J'ai besoin de savoir.

— Je ne parlerai que sous la torture.

— Tu ne sais pas de quoi je suis capable.

Les draps se plient sous le poids de son corps qui ne cesse de rouler. Ses mains agrippent et fourragent, reviennent sans cesse sous ses lèvres. Il sourit trop fort. Et c'est bon, comme ça éclate dans son ventre quand Julian le fait rire. Ça le remplit.

— Quoi ? Tu vas venir jusqu'ici en chaussettes claquettes ?

— Est-ce que tu veux bien arrêter avec cette histoire de chaussettes claquettes ?

— Jamais.

Une excitation intense, qui réveille un appétit insatiable. Il est avide des mots qui vont suivre. Et chaque réponse le rend plus impatient de la suivante.

— Très bien. je vais continuer d'en mettre, les aliens ne viendront jamais et ce sera uniquement de ta faute.

— Je ne suis pas responsable de tes mauvaises décisions.

— Mes mauvaises décisions sont la conséquence des tiennes.

— Attention. Si tu continues, je te fais mettre sur la liste noire de la société secrète des pirates-médecins.

— Très bien. Je monterai ma propre société.

La conversation s'éternise, les heures s'allongent. Mais même quand les yeux d'Asra s'alourdissent, il refuse de les fermer. Il pousse sa voix près du combiné, ses rires enchantés et ce petit bonheur qui grandit chaque fois qu'il entend Julian. Julian aussi pressé que lui dans son ton. Il ignore le deux qui laisse place au trois, le trois au quatre. La lourdeur dans ses membres.

Il ne se souvient pas d'avoir raccroché. Quand il ouvre les yeux, le lendemain, il est presque midi et son téléphone est éteint près de lui. La panique de l'heure tardive se mêle à l'exaltation du souvenir qui colore encore ses joues.

Il faut absolument qu'il envoie un texto à Muriel pour lui raconter ça.


Voilà. J'adore les moments de complicité entre ados au milieu de la nuit, je trouve ça trop chouette à écrire. C'est drôle et léger, ça fait du bien et ça me rappelle de bons souvenirs du collège et du lycée.

A la semaine prochaine !