Hey !
Cette semaine, on part sur un chapitre plus angst. C'est pas le méga drama non plus maiiis voilà.
(Oui il est tard. Mais j'étais en train de terminer Sorrowland de Rivers Solomon. C'était trop bien.)
Merci à Ya (cœur) pour sa relecture, et bonne lecture à vous !
La peur tapi contre les murs
Asra
.
Asra repose son téléphone, déçu.
Julian est sûrement parti en vacances dans un coin sans réseau. Ou alors il est plongé dans ses révisions. Ça se comprend, son programme est immensément plus dur que le sien - et il le prend au sérieux, là où lui se contente volontiers d'une moyenne qui flirte avec le dix. Il a dû se couper des autres pour se concentrer. Asra en fait de même quand il dessine un projet important pour lui. Il abandonne son portable dans un coin de la pièce, enfonce un casque sur ses oreilles, et…
De toute façon, il verra Julian à la rentrée. Et le mercredi suivant, si tout va bien. Pas la peine de s'inquiéter. Il le lui aurait dit, s'il comptait annuler.
— Tu es ailleurs.
Allongé près de lui, Muriel l'observe du coin de l'œil. Son ventre est un oreiller confortable. Asra aime s'y planter quand il a la tête trop pleine d'idées.
— Je suis claqué.
Toujours donner une part de la vérité quand on veut la cacher. C'est plus convainquant.
— Il s'est passé quelque chose ?
Sauf avec Muriel.
— J'ai mal dormi cette semaine. Avec le stress des cours.
Sa grande main passe au milieu de ses boucles, et Asra la récupère pour la serrer dans la sienne.
Son ami ne le croit pas, pas entièrement, mais c'est vrai. Il a très mal dormi, à veiller jusqu'à pas d'heure pour parler avec Julian. Et maintenant qu'il ne lui répond plus, il dort mal parce qu'il angoisse. Il ne comprend pas. Ils échangeaient jusqu'à ce que le soleil pousse ses premiers rayons hors de terre et soudain, plus rien.
Est s'il lui était arrivé quelque chose ?
Il se lève d'un bon pour attraper son tarot.
— Et Julian ?
Asra baisse les épaules. Il ne se demande pas comment Muriel a deviné. Muriel devine toujours.
— On parle plus, il lâche, comme si ça n'avait pas d'importance.
Mais ça en a. Parce qu'il ne comprend pas, et ce qu'il ne comprend pas lui fait peur. Il se sent comme un escargot qui voudrait garder sa tête au fond de sa coquille.
Est-ce qu'il a fait quelque chose de mal ? Peut-être qu'il l'a vexé. Blessé ? Non. Julian le lui aurait dit, hein ? Il aurait… Ou peut-être pas. Asra ne peut pas savoir, il ne connaît pas Julian. Pas aussi bien qu'il le voudrait. Il y a tout un pan de son histoire, de ses craintes, qu'il ignore. Des coquilles d'oeufs qu'il ne peut pas éviter.
Il avait vraiment l'impression de lui plaire.
— Vous parlez plus ?
— C'est ça.
— Vous vous êtes disputés ?
— Non.
Julian a juste arrêté de lui répondre. Depuis presque cinq jours.
Il a dû prendre du retard avec leurs conversations, et il doit le rattraper. C'est sans doute aussi bête que ça, une explication banale qui ne lui serait pas venue à l'esprit. Mais son torse se serre comme une éponge, et toute l'énergie qu'il croyait avoir lui coule entre les doigts.
Il mélange mollement ses cartes.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Asra hausse les épaules.
— Il répond pas à mes messages.
Une lueur se glisse dans l'œil de Muriel. Oh, il a compris que son ami n'aimait pas ce drôle d'oiseau. Il ne le lui fait pas sentir, parce qu'il tient à lui laisser sa liberté. Il prévient sans jamais empêcher. Et c'est une des qualités qu'Asra aime le plus, chez lui. Il sait qu'il peut tout dire, il ne perdra jamais la sécurité que sa présence lui offre.
— Il a peut-être perdu son portable.
Il le dit sans y croire, ça se sent. Mais oui, peut-être. Il l'aura cassé. Sauf qu'il existe mille autres moyens de le joindre, à commencer par Messenger. A moins qu'il n'ait aussi perdu son ordinateur, ça ne tient pas.
— Ou alors il a pas de réseau.
— Peut-être.
C'est possible, mais alors pourquoi ne l'a-t-il pas prévenu ? Julian ne lui doit rien, mais… Ils parlaient tellement. L'oiseau de nuit devait bien se douter qu'il s'inquièterait ? Et si c'était justement son objectif ?
Son paquet mélangé, Asra pose ses cartes sur le sol. Il les étale en demi-cercle maladroit.
Il ne veut pas lui trouver d'excuse. Il a surtout besoin de se changer les idées.
— Je verrai à la rentrée.
Ça aussi, ça sonne faux. Il suffit de voir comme Muriel le regarde pour comprendre qu'il n'y croit pas. Mais il a la gentillesse de ne pas pousser plus loin.
Asra ferme les yeux. Il inspire et tasse au fond de lui les forces qui lui nouent le ventre. Puis il passe sa main au-dessus des cartes. Il laisse ses doigts se poser là où il sent comme une attraction invisible qui le traîne. Une chaîne qui le guide de carte en carte.
Il en tire trois, qu'il retourne délicatement.
La lune à l'envers pour le passé.
Le cinq de coupe à l'endroit pour le présent.
Magicien à l'envers pour le futur.
La dernière carte le rassure. L'arcane du magicien l'a toujours attiré, il se sent en confiance chaque fois qu'il le voit. Pourtant, sa position devrait l'inquiéter. Une arcane majeure retournée, pour son futur, ce n'est pas bon signe.
Asra les observe avant d'aller chercher son oracle.
— Qu'est-ce que ça dit ? Muriel demande.
La lune, à l'envers, n'est pas un bon pressage. Elle décroît et plonge dans l'obscurité. Asra y voit les événements qui l'ont secoué ces derniers mois. La mort de Moui, la peur qu'il ressent parfois sans la comprendre. Un nœud d'émotion et d'angoisse qu'il ne sait pas démêler. C'est normal. Le temps de l'adolescence est plein de contraintes, mais il lui faut dénouer ces peurs qui l'empêchent d'avancer.
Le cinq de coupe est une suite logique à la carte précédente et à l'interprétation qu'il en fait. Il a perdu quelque chose d'important. Les journées sont longues, l'ennui se mêle à l'angoisse. Il a souvent cette impression que le monde ne ressemblera plus qu'à ça. Un amoncellement de nuages. Même quand il trouve une source de réconfort…
Il déglutit. Julian a sans doute un million d'excuses possibles qu'il ignore. Mais Asra se sent abandonné.
— Que les choses vont mal, pour l'instant.
Il caresse la courbe douce de la carte.
— Mais que ça ne durera pas.
C'est aussi ça, la symbolique du cinq de coupe. Les tempêtes passent, même quand on les croit éternelles. Ça ira mieux. Un jour. Plus tard.
Quand il reverra Julian, peut-être ?
Asra tourne son regard vers la dernière carte. Deux arcanes majeures sur un seul tirage, la signification est forte. C'est un message qu'il ne doit pas ignorer. Retourné, le magicien invite à la méfiance. Il doit faire attention aux belles paroles et aux étoiles qui brillent trop. Mais faire attention ? A qui ? A quoi ? C'est la carte la moins claire. Surement parce qu'elle désigne son futur. Il ne sait pas encore ce qui l'attend, mais il doit faire attention.
Tout ce qui brille n'est pas d'or, comme son père aime le dire. Quand c'est trop beau, ce n'est pas toujours bon à prendre. Seulement, Asra ne voit pas ce qui serait trop beau dans sa vie, aujourd'hui. Il n'y a que Muriel qui soit une constante sûre de son existence, et il ne représentera jamais un danger ni une déception. C'est Muriel.
— Et celle-là ? Elle dit quoi ?
Justement, Muriel l'interroge.
— Je ne sais pas encore.
Asra prend la carte au creux de sa main.
— Elle représente le futur. C'est une mise en garde. Mais je ne sais pas contre quoi.
L'œil du grand brun s'assombrit. Est-ce qu'il a une idée ? Asra croit deviner laquelle, mais il n'est pas d'accord.
Muriel s'abstient de parler, aussi ne pousse-t-il pas la conversation plus loin. Le garçon note tout ce qu'il a pu tirer de ce tirage dans son carnet, puis il range proprement ses cartes et son oracle.
Le reste journée n'est qu'une longue attente grise, qu'il écume la tête posée sur l'épaule de son ami, une console de jeu entre les mains. Un long après-midi d'ennui à deux, où Asra essaie d'oublier cette question qui trotte dans sa tête.
xoxoxox
Cette fois, c'est la dernière.
Asra débloque son portable. Mais rien. Encore. Pas de notification. Il déglutit.
Demain, c'est la reprise. Il a déjà préparé son sac, vérifié méticuleusement qu'il avait bien tout ce qu'il lui fallait deux fois. Une manière comme une autre de gérer son angoisse.
Il a envoyé un message à Julian, il y a deux heures. Le seul qu'il s'est autorisé. Pour lui souhaiter une bonne rentrée. Lui dire qu'il espère qu'il va bien.
Et il n'a toujours pas de réponse.
Peut-être que Julian ne veut plus de lui.
Peut-être qu'il n'a plus ni ordinateur ni portable et que la première chose qu'il fera en le voyant, lundi, c'est lui sauter dessus pour s'excuser.
Peut-être qu'ils ne parleront plus. C'était juste une amitié éphémère, et… Et Asra était tellement sûr de lui plaire. Il ne veut pas perdre cette affection brillante qu'il lisait sur sa trogne.
La tête enfoncée dans son oreiller, il soupire. La chambre est froide. Il a aéré avant de dormir, et la flemme l'a pris avant qu'il ne trouve le courage d'aller se faire une bouillotte. Tant pis. Il y a le chauffage, de toute façon.
Il pose son téléphone sur le coin de la table. C'est l'heure de dormir, alors autant ne pas déroger. Il ne pourra pas se permettre de veiller jusqu'à trois heures du matin avec les cours.
Il ferme les yeux. Remonte la couverture sur ses épaules.
Inspire. Expire.
Il tient cinq minutes avant de les rouvrir. Mais son écran est lisse et noir. Aucune trace de notification.
Asra se tourne, attrape un livre. Il en tourne quelques pages en quête de fatigue, mais impossible de se concentrer. Alors il fouille dans la petite boîte en cerisier perchée sur son armoire, dont il tire une feuille et un des pochons que son cousin lui a filés cet été, puis il va se poser près de la fenêtre. Avec un peu de chance, ça le détendra.
Pourquoi est-ce qu'il ne peut pas simplement s'endormir, comme le fait la majorité des gens ? Ses parents sombrent aussitôt qu'ils ont posé la tête sur l'oreiller. Fut un temps, c'était aussi son cas.
Son ventre grogne. La faim n'aide pas, mais il a toujours su s'endormir même le ventre vide. Et puis, il n'est pas vide. Il a pris deux yaourts avant d'aller se coucher. C'est tout ce qu'il a pu avaler. Entre son estomac et sa bouche, il y a comme un nœud qui empêche la nourriture de passer. Ses parents ont mis ça sur le compte de la rentrée, et sa mère s'est contentée de passer sa main dans ses cheveux en lui souhaitant bon courage.
Mais Asra n'a pas besoin de courage. Il veut comprendre pourquoi, brusquement, Julian ne lui donne plus de nouvelles.
C'est idiot. C'est son droit de prendre ses distances s'il en ressent le besoin. Mais pourquoi est-ce qu'il ne l'a pas prévenu ? Il aurait pu lui envoyer un message, un petit tas de lettres, juste de quoi effacer le souci qui menace.
Il aurait…
Le téléphone clignote. Asra s'en empare.
Son ventre se retourne.
[Salut !
J'espère que ce message ne te réveillera pas si tu dors. Merci pour le tien !
J'ai laissé mon portable de côté pour me concentrer à fond sur mes révisions (Dur dur la vie de futur médecin), désolé. J'espère que ta semaine à toi était cool.
Et j'espère que tu vas bien.
(J'espère beaucoup de trucs. Pardon. J'ai hâte de te voir demain.)
Dors bien ;^)]
Asra relit ces mots une fois. Deux. Il vérifie le destinataire, mais c'est bien le numéro de Julian qu'il reconnaît sous son nom.
Des révisions. C'était juste des révisions, voilà. Julian aurait pu le prévenir, et dans un autre monde, Asra se mettrait en colère. Mais dans celui-là, il n'éprouve qu'un soulagement immense qui lui coule dans tout le corps. Une sorte de bonheur qui, sans chasser l'angoisse, la recouvre.
[Salut ! (ノ◕ヮ◕)ノ*.✧
Tu vas devoir t'habituer, tu n'auras plus de vie en médecine. (Tu es sûr de vouloir prendre ce cursus ? Remarque ce sera pareil en prépa. Tu es destiné à souffrir ( •́ ‿ ,•̀))
Je vais bien. Mais cette absence injustifiée sera rapportée à la société des pirates-médecins. Je me dois de faire un rapport.
(J'ai hâte de te voir aussi (◍•ᴗ•◍)❤)
Ça tient toujours, pour mercredi ?]
Et voilà. Bon ça finit quand même bien ? Et ce sera un peu plus chouette la semaine prochaine !
Pour le tarot, je me base sur les cartes et les significations du jeu.
A la semaine prochaine !
