Hey !

Je poste en coup de vent parce que je suis en famille chez mon amoureuse (qui a relu ce chapitre cœur sur elle). Bonne lecture !


Premières joies

Asra

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[On se retrouve en SVT !]

Trépignant, Asra traverse d'un pas bref la distance qui sépare l'arrêt de bus du lycée. Ce même trajet qu'il fait habituellement avec Muriel. Il voudrait avoir la patience d'attendre son ami, mais une excitation nouvelle agite le bout de ses doigts.

Même le froid ne l'atteint pas.

Il avance et devant le portail, un grand oiseau à l'allure drôle l'attend, clope au bec. Asra inspire. Est-ce qu'il peut s'avancer ? Anged est là, aussi, en train d'écraser son mégot. Il lui adresse un geste de la main, et le garçon sourit poliment. Le visage de Julian s'illumine.

— Asra !

Quelques secondes de plus et sa main se loge dans la sienne. Il note le froid du cuir d'une paire de gant qui n'est définitivement pas adaptée à la saison..

— Salut.

Sa tête contre son épaule, Asra ne se soucie pas des regards qu'on leur accorde. Les gens vont se demander ce qu'ils ont raté pendant les vacances. Ça ne le changera pas des mirettes curieuses qui tournent autour de Muriel et lui. Ici, au moins, la foule indiscrète aura raison de se poser des questions.

— Tu fumes ? Anged demande, son paquet à la main.

— Pas souvent.

Et pas du tabac. De l'herbe à l'occasion, pour calmer ses angoisses, mais il n'a pas envie d'en parler maintenant. Le gars n'insiste pas et range ses cigarettes.

— Attends, tu lui proposes ça comme ça et moi je dois faire des pieds et des mains pour en avoir une ? Julian se plaint, outré.

— Toi tu taxes tout ce qui bouge.

Son bras maigre vient faire le tour de sa taille. Est-ce qu'il va l'embrasser avant de filer en cours ? Asra voudrait. Il se fout des gens autour et de leur curiosité. La bouche de Julian est sans doute toute chaude, et elle le serait encore plus contre la sienne. Est-ce qu'elle est gercée, en hiver ? Il n'y a pas fait attention au Nouvel An. Il l'aurait remarqué si c'était le cas, non ?

Mais Julian ne se penche pas. Il tourne ses yeux vers lui, sourit maladroitement et le serre. Asra inspire son parfum de clope.

Bientôt, la sonnerie les sépare.

. . .

Dans la régie, c'est une autre histoire. Asra picore à peine avant de quitter la cantine et Julian s'est préparé un panini maison pour manger avec lui à l'abri des regards. Mais il n'a pas le temps de mordre qu'un petit angelot cornu l'invite à se pencher sur ses propres lèvres.

Asra le sent rire contre ses dents.

— Wow, je… Ok. Qu'est-ce que j'ai fais de toi ? le corbeau glousse.

— Ton petit ami.

Ça fait drôle à prononcer, les mots roulent sur sa langue comme les pierres lisses qu'il ramasse au bord de la mer. Petit ami. Julian rougit, rit pour le cacher et se laisse tomber dans le fauteuil tournant de la pièce.

— C'est… Pardon, j'ai pas l'habitude, il s'excuse.

— L'habitude de ?

— D'avoir quelqu'un. Au lycée.

Oh ? Asra aurait parié qu'il était connaisseur dans le domaine. Plus que lui, en tout cas. Julian lie des amitiés partout où il se pose. Tout le monde le connaît. Son assurance est une façade bien ficelée, mais il n'a pas besoin de plus pour séduire.

La curiosité du lycéen s'éveille alors qu'il vient s'asseoir sur la table.

— Tu n'es jamais sorti avec personne ?

— Hein ? Si !

Julian lève les mains. Puis les yeux. Il mord dans son repas, croise ses interminables jambes. Son slim lui va diablement bien, et Asra se demande s'il lui arrive de porter autre chose. Des vêtements qui ne servent pas à mettre en valeur la minceur de ses cuisses. Comment peut-il avoir un corps aussi fin alors qu'il mange plus que lui ? Est-ce qu'il fait du sport ? Il n'a pas un gramme de muscles, pourtant.

— Mais pas… Pas quelqu'un du lycée. Enfin, pas souvent. Disons que je tisse plutôt des relations en dehors.

— Oh.

L'angoisse se taille une part entre eux.

— Ça te gêne ? Asra demande.

— Non ! Du tout, c'est pas- toi, ça te gêne ?

Il n'avait pas pensé que Julian pouvait préférer la discrétion, concernant sa vie de couple. Il n'est pas du genre à se tasser. En témoigne sa tenue et son trait d'eye liner clairement visible.

Il secoue la tête.

— Non. Je me moque de ce que les gens peuvent dire.

Lui revient soudain la conversation qu'il a eu au début de l'année. Ces gars et leurs rumeurs sales. Il n'a pas cherché à en apprendre plus, ça ne le regarde pas. Mais si Julian ne noue pas de relations au lycée, il l'imagine mal se retrouver planqué derrière un bâtiment à…

Enfin. Il a dit pas souvent, pas jamais. Et puis, une pipe et une relation, ce sont deux choses différentes. Il n'a pas le contexte de l'histoire. Il ne sait même pas si c'est vrai, en fait. Inutile d'y penser.

— J'aime être avec toi, il ajoute.

Il voulait attraper ses doigts, mais Julian les a enroulés autour de son repas. L'odeur du fromage l'attire et lui creuse le ventre.

— Moi aussi, la brindille répond. Mais… Enfin, ça te va si on s'affiche ? Je sais que tout le monde aime pas ça, c'est… Les gens sont chiants.

— Je m'en fous.

Asra est sérieux. Il a l'habitude d'être dévisagé, et il fait avec. Tant pis pour les rumeurs. De toute façon, qu'est-ce que les gens pourront raconter sur eux ? Ils sortent vraiment ensemble.

— Ok, je… Err. J'ai le droit de t'embrasser au lycée, alors ?

Son nez lui fait comme un bec. C'est encore plus flagrant quand il tourne la tête. Julian fait souvent ça, quand il est mal à l'aise. Zieuter ailleurs tout en guettant la réaction de son interlocuteur.

— Oui.

La voix d'Asra porte son engouement. Oui, il a envie de l'embrasser dehors. De se coller contre lui quand il a froid, de respirer au creux de son cou trop haut et de rire pressé contre le tissu de son pull. Il veut que Julian lui attrape la taille, qu'il caresse ses cheveux. Qu'il enroule ses doigts autour des siens en le raccompagnant jusqu'au bus - ou jusque chez lui.

Il veut le regarder les yeux pleins de lumière, comme dans les romans d'amour qu'il a dévorés. Sentir son cœur cogner à l'identique.

— Et maintenant, Julian tente, plus maladroitement. Je peux t'embrasser ?

— Ça dépend. Il y a de la viande dans ton panini ?

— De la viande ? Je-non, je crois pas, c'est juste… Attends.
— Julian.

Un rire de grêle remonte le long de sa gorge.

— Je plaisante.

Il n'en faut pas plus à Julian pour attraper sa bouche. Leur baiser a un arrière goût marqué de fromage, mais Asra ne s'en plaint pas. Il profite simplement du contact humide de leurs lèvres, de ses mains trop longues qui l'invitent sur ses genoux et de cette épaule maigre où il pose sa tête. Il sent, contre sa tempe, la pointe de ses articulations. La finesse de sa peau. Son cœur qui cogne quelque part en dessous de la chair.

Il ferme les yeux.

. . .

— Je te raccompagne ?

Le sourire franc de Julian tranche le paysage alors qu'Asra s'approche de la sortie. Il jette un regard vers Muriel, lequel enfonce ses mains dans ses poches. Il sent d'ici la tension qui crispe les muscles du grand ours, mais c'est Julian, et il a envie de profiter de tout le peu de temps qu'il peut grappiller avec lui.

— Pourquoi ? Le chemin est dangereux ? il le taquine.

— On sait jamais. Tu pourrais tomber sur un surveillant mal luné. Ou un professeur cannibale. Il y a un courant de maternels au bout de cette rue, tu n'atteindras pas l'autre rive sans aide, crois-moi. La rivière est pleine de parents impatients.

Son torse s'agite. Les grands gestes du lycéen illuminent son regard d'une joie moqueuse.

— Ça marche.

A nouveau, il se tourne vers son ami. Est-ce qu'il lui en veut ? Il n'a pas envie de mettre Muriel mal à l'aise. Mais Muriel, justement, ne dit rien. Il finit par lui sourire en sentant son regard sur lui, et il les invite à passer devant d'un geste de la tête.

Sa main dans celle de Julian, et sa lèvre entre les dents, Asra se laisse guider jusqu'à l'arrêt de bus.

— Et ton DS ? le garçon demande.

— Un désastre.

— Aie. T'as raté ?

— Je préfère ne pas en parler, Julian soupire. C'est trop frais. Je suis pas prêt.

Quand Asra va pour lui donner un coup d'épaule, le rouquin lui prend la taille, le fait tourner et l'invite à tomber contre son torse pour y déverser son rire.