Hey !
Avec un peu de retard, voilà le chapitre de la semaine ! Il est moins fluff que la semaine dernière, et… Voilà. Bien Bien.
Merci à Ya pour sa relecture !
Et bonne lecture à vous !
Premières joies
Julian
.
Il faut grimper deux escaliers sans ascenseur, et Julian a déjà honte.
Le couloir n'est pas loin de la définition d'insalubre. Une des lumières a sauté, une autre clignote et vu l'odeur, quelqu'un a dû pisser contre un mur en rentrant de soirée. Alors le corbeau trace jusqu'à sa porte les membres plein d'angoisse.
— Désolé, c'est… Mm, c'est mieux à l'intérieur.
Il ravale de justesse une blague graveleuse. Pas sûr qu'Asra ait prévu d'entrer ce soir. Il a des capotes au cas où - Julian a toujours des capotes. Mieux vaut un paquet périmé qui n'a pas servi qu'une série de boutons là où ça devient délicat de gratter en public, comme il dit. Mais-
Pourquoi est-ce qu'il pense à ça ? Seigneur, Asra est sur le pas de sa porte, il aimerait autant ne pas lui faire la conversation la tête pleine d'image de phallus boutonneux.
Tendu, il le laisse passer le premier.
— C'est pas très grand. Ma chambre est au fond, et ma tante au taf. Et Pasha… Pasha ?
Il crie son prénom dans l'entrée. Pas de réponse.
— Pasha est chez une amie. Je suppose.
— Bien.
Le sourire d'Asra le rassure. Le couloir de la honte ne l'a pas fait fuir. Parfait. Julian vire ses bottines en observant son petit ami qui se débarrasse même de ses chaussettes. Il devrait lui dire que ce n'est pas une bonne idée, il risque de se prendre un truc non identifié au coin du pied. Mais Asra marche toujours pieds nus, partout. Qui est-il pour aller contre sa volonté ?
— Tu veux manger quelque chose ?
— Ça ira.
— Et boire ? J'ai…
Il ouvre la porte du frigo.
— … Du lait. Tu veux du lait ? Désolé, c'est du lait de vache, j'ai rien d'autre et-
Et Asra est végétarien, mais ça ne veut pas forcément dire vegan ? Merde, il a prévenu sa tante pour ce soir, mais uniquement pour la viande et le poisson. Et si elle préparait quelque chose qu'il ne collait pas à son régime ? Ou qu'il n'aimait pas ? Est-ce qu'il a des goûts particuliers ? Pourquoi il ne lui a pas posé la question avant ? Quel con, il aurait dû prévoir.
Et s'il avait des allergies ?
— On a aussi du sirop de grenadine et… Ça te gêne, de boire un truc périmé depuis six mois ? Il reste du jus d'orange si- Ah, non. Pasha a dû le finir ce matin. Mais… Je peux toujours aller faire des courses ?
— Je vais prendre de l'eau, ça m'ira.
De l'eau. Ok. Asra lui sourit. Il n'a pas l'air dégoûté, tout va bien. Il faut qu'il arrête de flipper pour un rien. Il n'a pas envie de mourir d'une syncope à l'âge non canonique de dix-sept ans, presque dix-huit.
Leur boisson en main, ils filent dans la chambre où Ilya passe ses nuits à lui envoyer des messages. Il a fait le ménage à fond hier, mais il y a toujours un tas de fiches de révision éparpillées sur sa table, et une pile de livres de médecine dans un autre coin. Des bouquins chopés d'occasion, dont les informations ne seront sans doute plus exactes quand il passera ses examens. Mais c'est toujours ça de pris.
— Je peux aller chercher des chaises si tu veux. Sauf si tu préfères t'asseoir sur le lit ?
Est-ce que ça ressemble à une invitation à coucher ? Il prie pour qu'Asra ne le voit pas comme ça.
— Le lit fera l'affaire, Julian.
Le garçon pose son verre sur la table de chevet.
— Pas la peine de stresser.
— Mm, je ne stresse pas, je suis juste…
— Mort de trouille ?
L'expression moqueuse d'Asra lui fait chavirer le cœur. Il devrait se voir, avec son sourire de renard. Julian a l'impression qu'il va le bouffer tout cru. Ce qui ne l'empêche pas de venir s'asseoir près de lui sur les draps - propres, il les a changés pour l'occasion.
Voilà. Asra est dans sa chambre. Jusqu'à demain matin.
— Alors, err, ta journée ?
— Elle s'est aussi bien passée que les deux autres fois où tu m'as posé la question.
— Oh. Parfait.
Julian va aller s'enterrer sous sa couette. Mais la tête d'Asra qui s'étale sur son épaule - alors qu'il s'étale lui-même sur les draps - l'en empêche.
C'est un détail auquel il ne s'attendait pas, avant de sortir avec lui, mais Asra est particulièrement tactile. Il lui prend tout le temps la main. Même quand ils ne sont pas serrés l'un contre l'autre, les doigts du garçon passent en flottant sur son bras. De légères caresses qui lui tirent des sourires. Il aime le sentir qui se blottit contre lui à la moindre occasion. Ça lui donne envie de le protéger. Est-ce qu'Asra a besoin d'être protégé ? Non, sans doute pas.
— Ta chambre est petite, il remarque.
— Ouais, c'est… Ma tante gagne pas des masses, et c'est le seul salaire de la maison. On a déjà la chance d'avoir deux chambres séparées avec Pasha, alors-
— Ce n'était pas un reproche.
Il remarque son regard qui se balade partout. La honte le prend soudain. Et s'il avait laissé un caleçon sale quelque part ? Ou un vieux mégot de clope abandonné dans un verre qu'il n'a pas lavé depuis un mois ? Un café oublié pendant ses révisions, qu'il laisse volontairement pourrir pour observer la formation des moisissures à la surface.
— La déco est à ton image, Asra lâche.
— Ah, oui. Mm… C'est-à-dire ?
L'angelot - son angelot - désigne les posters de groupes. Panic! at the Disco sur la porte, My chemical romance et Indochine contre le mur. Nirvana près de la fenêtre, même si ça fait longtemps qu'il n'a plus écouté. Et The Smiths au-dessus du bureau. Julian adore. Morrissey est une source de fantasmes inépuisable.
— C'est très… métal ?
— Donc je suis métal ?
— Tu t'es regardé, récemment ?
— Je ne vois pas ce qui te fait dire ça.
Il le sent glousser contre son cou. Son nez frotte sa peau, un nuage de frissons passe dans sa chair et- Non. Non non non. Pas de ça maintenant. C'est la première fois qu'il l'invite, et il n'a pas prévu de faire des trucs sales.
— Tes bracelets à clous, ton haut en résille et les bottes que tu portais aujourd'hui ? Est-ce que tu as au moins un jean qui ne soit pas moulant ?
— Un. Il est déchiré et il a des chaînes à la taille. Mais c'est assez peu pratique en hiver, le froid passe par les trous.
— Oh, et j'imagine que le haut en résille te tient particulièrement chaud.
Si ça ne tenait qu'à lui, Julian lui demanderait de le lui enlever. Mais ça fait trois fois qu'il se promet de ne pas penser à ce genre de chose.
— C'est différent. J'ai un débardeur en dessous.
— Un débardeur d'hiver ?
— Un… Err.
Il fait mine de lui taper le bout du nez.
— Je crains pas le froid. Mais j'ai toujours une veste au cas-où, si c'est ce qui t'inquiète.
— Je ne te vois pas souvent la mettre.
Parce que le style passe avant le confort.
— Je la garde des fois que tu me l'emprunterais.
— Quelle adorable attention.
Vu la différence de taille entre eux, le prêt de vêtement ne se fera que dans un sens. Mais Julian adorerait voir Asra dans ses fringues. Ce serait sans doute trop grand pour lui - comme il aime - et le noir irait à merveille avec sa tignasse blanche et sa peau brune. Et puis, ce serait son sweat. Son odeur qui l'accompagnerait. Enfin, l'odeur de ses clopes, surtout. Des clopes qu'il taxe. Bref.
— Ta tante rentre quand ?
— Très bonne question. Techniquement, à vingt heures, en comptant les quinze minutes qu'elle passe à parler avec ses collègues et le chemin pour rentrer. Si elle reste boire un verre avec eux, ce sera plutôt vingt et une heure. Voire vingt-deux.
Mais elle ne restera pas boire en sachant qu'ils ont un invité à la maison, hein ? Oh, ça lui arrive d'oublier ce genre de détail. La mémoire chaotique est un trait de famille. Mais l'invité en question est son petit copain, et il sait que sa tante meurt d'envie de le voir. Le premier petit ami qu'Ilya ramène à la maison, ça se fête. Il prie pour qu'elle n'en profite pas pour déballer toutes les histoires honteuses qui ont jalonné son enfance. Il y aurait trop à dire, de toute façon.
— Et elle est comment ?
. . .
— J'étais complètement paniqué ! Alors j'ai fait le tour du quartier, j'ai même appelé les voisins pour m'aider. Tu sais où on l'a trouvé ?
— Tata !
— Suspendu au grillage d'un jardin, deux rues plus loin !
— Est-ce qu'on peut changer de sujet ? C'était just-
— Il avait essayé d'entrer en douce pour piquer des cerises chez le voisin. Il en avait plein les poches d'ailleurs, sauf qu'en essayant de partir, il a glissé du haut du grillage et la veste s'est empalée sur la pointe.
— Et vous m'avez décroché avec un escabeau, fin de l'aventure.
— Le vieux n'a même pas remarqué le gamin suspendu à son grillage, tu te rends compte ? Il faut dire qu'il était un peu sénile, aussi, mais quand même…
Asra éclate d'un rire aussi franc que poli. Bien. L'odeur de pipi dans le couloir n'était rien en comparaison du repas qu'il affronte. Julian aurait dû savoir que sa tante en profiterait. Il va aller s'enterrer dans le jardin.
Sauf qu'ils n'ont pas de jardin.
— Les cerises étaient bonnes, au moins ? Asra demande.
— Grave ! Pasha s'exclame. Mais il y avait des asticots dans certaines, fallait les couper avant de les manger.
Résigné, Julian picore dans son assiette les quelques aubergines qu'il lui reste. Sa tante a tenté un plat qui aurait sans doute dû ressembler à des lasagnes végétariennes, et si le résultat n'y ressemble pas, le gout est tout à fait acceptable. Assez pour qu'Asra en ait mangé une partie. Est-ce qu'il aime ? Il ne se force pas pour faire plaisir, au moins ? Julian sait qu'il a un appétit d'oiseau. Il ne voudrait pas…
— Vous avez des glaces au congélateur pour le dessert ! la Devorak déclare.
Des glaces. Ils n'en prennent pas souvent. Julian a l'habitude d'en voler dans les grands caissons à l'entrée des boulangeries l'été. Il ouvre, en prend une qu'il paie et deux qu'il planque sous sa veste noire. Les vendeurs ne se méfient pas de sa bouille de gentil couillon.
Si leur tante en a acheté, c'est pour faire bonne impression. Donner cette illusion de famille parfaite qui mange des lasagnes maisons et des glaces au dessert devant un film. Ce qu'ils ne font, en somme, jamais. Il ne comprend pas pourquoi elle enfile soudain ce costume de tata parfaite - enfin, si, il comprend, c'est le premier petit copain qu'il ramène à la maison. Mais tout sonne comme quand une de ces comédies pleines de rires préenregistrés, et Julian n'arrive pas à se fondre dans le décor.
— Oh, Asra ! Est-ce qu'Ilya t'a parlé de cette fois où il a perdu son maillot de bain à la piscine ?
La prochaine fois, il invitera Asra quand elle sera chez son mec.
. . .
Leurs glaces, ils les mangent bien devant un film. Un film qu'ils ont lancé dans la chambre après avoir fermé le volet. Julian a déplacé sa table de chevet devant le lit pour poser son ordinateur dessus - un de ces ordis portables qu'on leur donne en entrant au lycée. Il cherche un site où regarder La Mouche en VOSTFR.
— Y a des scènes… Disons qu'il vaudrait mieux qu'on ait terminé les glaces avant qu'elles arrivent, il prévient.
— Pas de problème.
Il adore ce chef-d'œuvre. En fait, il adore tous les films dans lesquels Jeff Goldblum joue. Il était à tomber par terre, jeune. Et il n'a pas trop mal vieilli. Un régal pour les yeux - et pour ses hormones. En plus, on le voit plusieurs fois torse nu.
— Prêt ?
— Yep.
Asra sourit, vaguement. Julian lance le film, puis il vient se caler contre son petit copain. Le bref baiser qu'ils échangent a un goût de noisette et de caramel. Il note, pourtant, que l'angelot n'a presque pas touché à sa glace. Il la termine à sa place à la moitié de la séance improvisée.
— Désolé. Je suis calé.
— T'inquiète.
Ses traits tirés ont l'air plus écoeurés qu'autre chose. Peut-être que c'est le parfum qui lui déplait ? Il aurait dû en choisir un autre. A moins qu'Asra n'aime pas du tout les glaces. Sa tante prend toujours les cornets du supermarché, mais Ilya n'est pas fan.
Surtout quand Brundle mouche vomit sa bile acide alors qu'il croque la pointe en chocolat.
Bien. La prochaine fois, il choisira Jurassic Park.
— Verdict ? il lance pendant le générique.
— Il aurait dû choisir un autre animal, Asra déclare.
Julian éclate de rire.
— Techniquement il a pas choisi. La mouche est rentrée sans son accord.
— Certes.
Asra tente un sourire, mais ses lèvres se tordent en grimace. Il ne se sent pas bien. Ça crève les yeux.
— Asra ?
Il pose sa main sur la sienne.
— Ça va ? T'es… Err, pâle. Sans vouloir faire une mauvaise blague ou quoi.
— C'est rien.
Mais son regard de pierre précieuse s'abaisse comme pour se cacher alors que le garçon bohème pose sa tête contre son épaule. Julian se mord la lèvre. Il y a quelque chose qui ne va pas.
— J'ai trop mangé, Asra ajoute.
Il n'a pris qu'une assiette de fausses lasagnes, et le peu de glace qu'il a avalé ensuite n'a pas dû prendre des masses de place dans son estomac. Mais Julian ne dit rien. C'est vrai qu'il mange peu, d'habitude. Il n'est pas maigre, mais pas grand non plus. Et puis, les aubergines étaient grasses. Sa tante a abusé sur l'huile, ça l'a peut-être écoeuré, et-
Ilya inspire. Stop. Il pense trop, et pour rien. Pas la peine de se prendre la tête comme ça. Il la secoue, la pose sur celle d'Asra et serre délicatement ses doigts.
— Tu veux que j'aille te chercher une bassine ?
— Ça ira.
— D'accord, mais si jamais… Pardon, j'aurais pas dû choisir un film comme ça. C'était un peu dégueu. Pasha a vomi son dessert la seule fois où elle l'a vu.
— Sérieux ?
— Ouais. Enfin, elle a pas vraiment vomi. Disons qu'elle a eu un haut le cœur pendant qu'elle mâchait sa pomme, et… Pardon. Ça aussi c'est dégueu.
Il le sent glousser, faiblement.
— Je vais quand même chercher une bassine. Pour si jamais t'as besoin au milieu de la nuit, Ok ?
— D'acc.
Il le regarde un instant. Ses jolis yeux, aux cils longs. Julian n'avait jamais remarqué qu'ils étaient aussi noirs. Ou alors c'est la nuit qui lui joue des tours. Asra a peut-être mis du mascara ? Mais il a de beaux yeux, comme les poupées, ou les biches. Ou les vaches. Celles qui broutent dans les prés. Ils en croisent quand ils partent chez leurs grands-parents, l'été, et peut-être que cette année il pourra y aller avec lui ? Ce serait cool. Tellement cool. Il lui montrera les coins à têtards et les bateaux noix-cure-dents. Tous ces trésors d'enfance dont il ne se lasse pas.
— Je t'aime.
Ça sort tout seul et tout bas, il n'a même pas le temps de rougir. Est-ce que c'est trop tôt pour le dire ? Pour une fois qu'il le pense, il se sent ridicule. Et si Asra ne l'aimait pas ? Ce n'est pas parce qu'il sort avec lui que…
— J'avais deviné.
D'accord. Là, Julian rougit. Oh. Au moins, Asra sourit un peu ?
La bassine. Il aura tout le loisir de se torturer le cerveau cette nuit, mais pour l'instant, son petit ami a besoin de lui. Il le sent qui se presse dans ses bras sans lui répondre. C'est adorable. Peu importe ce que ça veut dire.
Ses doigts glissent dans ses boucles qu'il embrasse avant de se lever. Une bassine, donc. Et il montera aussi le Doliprane, et une tisane. Tout ce qui pourrait éventuellement lui faire du bien. Une bouillotte ?
Rien n'est trop beau pour sa sorcière.
La la la.
J'ai bien avancé avec le Camp nano ! J'ai repris pas mal d'avance et si tout va bien, cette fanfic devrait pouvoir conserver un rythme d'un chapitre par semaine, ce qui est somme toute chouette.
A la prochaine !
