Hey !
Le chapitre arrive encore avec du retard. Pour le coup c'est ma faute, j'ai zappé quel jour on était, ET je me suis rendu compte que j'avais laissé un petit anachronisme que je me suis hâté de corriger. Voilà voilà.
Bonne lecture !
Sous sa surface
Asra
.
Comparé à la maison de Julian, celle d'Asra a l'air immense. Elle n'est pas si grande, pourtant. Mais il y a un jardin. Et un tout petit potager au fond. D'office elle dépasse l'appartement du corbeau.
— C'est… Wow. Tes parents sont propriétaires, ou ils louent ?
— Propriétaire. Ils remboursent le prêt.
Il mentirait s'il prétendait qu'ils étaient limités économiquement. Ses parents ont un bon travail, un seul enfant à nourrir. Ils ne sont pas riches, mais ils vivent bien. Seulement, il sait comme ils se sont cassé les dents pour en arriver là. Ça a été dur, pour eux plus que pour la majorité des autres élèves de leur promotion. Il sait que sa mère et ses tante se sont beaucoup occupé de moui, que tout n'était pas rose quand elles étaient petite. Il a de la chance.
Et parfois, il s'en veut de ne pas se donner autant qu'eux l'ont fait pour leurs études. Mais Asra n'y peut rien, il est comme ça. Il ne peut pas faire d'effort s'il n'est pas intéressé. Et sa conscience le titille chaque fois que ce luxe lui revient en pleine face.
— Ma chambre est en haut.
Ils enlèvent leurs chaussures. Ce n'est qu'une fois en haut qu'Asra remarque qu'il ne lui a pas fait visiter la maison. Tant pis. Il doute que la chambre de ses parents intéressent son corbeau. Le salon, le jardin, la cuisine, il les aura vu en passant.
L'étage est petit. Et il est majoritairement occupé par sa chambre, où il le traîne en lui tenant la main. Il aime montrer ce décor intime, ces breloques suspendues de partout, ces meubles sur lesquels il dessine et les premières cartes de son tarot dont il a collé les ébauches sur ses murs. Ses rideaux de fleurs et les draps qu'il a changés hier. Un bleu immense sur lequel il se laisse tomber après un long mercredi. Sa mère est avec des collègues, et son père a pris la route pour la fac. La maison est à eux.
— C'est…
Ça lui plaît, la manière dont le regard de Julian s'ouvre.
— Ça te ressemble. Beaucoup.
— J'apprécie.
Il sourit alors que son petit ami s'allonge sur le flanc. Son petit ami. Le premier qu'il fait venir. Le premier à découvrir son petit monde. Asra caresse sa main. Les doigts de Julian sont longs comme des pattes d'araignées, et ils sentent la cigarette. Il a envie de les embrasser.
— C'est toi qui a fait la déco ?
— Oui.
— C'est plein de détails.
Le regard de Julian passe sur le moindre point de couleur. Il le sent qui s'attarde sur ses cartes et ses livres d'astrologie. C'est un terre à terre, il ne croit pas à ce genre de de choses, Asra l'a bien compris. Mais il se demande si ça l'intéresse. Il pourrait lui tirer les cartes. Il est curieux de voir ce que les arcanes révèlerait à son sujet.
— T'as les moyens d'acheter tout ça ? Julian demande, curieux.
— J'ai fabriqué la majorité des décorations.
— Wow, sérieux ? T'es… Wow.
Il rit. Julian fixe le décor, hypnotisé, et quand il l'oublie enfin, Asra roule comme un adorable félin sous ses yeux. Il étire ses bras, son torse soulevé au milieu des draps. Son visage est discrètement maquillé, ses doigts vernis avec attention. Et bien sûr que l'autre le remarque. Il sent comme il l'observe. Il adore ça. Cette manière dont il le dévisage alors que ses prunelles tombent sur son corps.
— Toi aussi, t'es-
— Embrasse-moi.
Il le voit rougir et son sourire l'allonge. Julian vient enfin contre lui. Asra sent qu'il lui plaît. C'est une impression grisante qui lui remonte le long des veines et jette du flou dans son cerveau, comme la fumée des joints qu'il descend quand il angoisse. Une sorte de sucre pour l'esprit. L'attention de Julian est un délicieux bonbon. Personne ne l'avait jamais admiré comme ça, avant.
Séduire, ça ne l'intéressait pas. Et c'est devenu son jeu préféré.
— Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter un petit ami aussi beau ?
— N'exagère pas.
— C'est vrai. T'es à tomber par terre. Oh, attends. J'ai dû me cogner la tête trop fort contre la poutre du gymnase. Je suis dans le coma, c'est ça ? Je vais me réveiller ?
Asra glousse. Il sent les phalanges du drôle d'oiseau qui jouent dans ses cheveux, ferme les paupières pour mieux les apprécier. C'est agréable, et grisant, comme le passage du vent dans son dos quand il fait des courants d'air l'été. Il voudrait enlever son haut pour que Julian caresse ses épaules. Mais c'est une limite trouble qu'il n'a jamais passée. Il ne sait pas jusqu'où il serait prêt à aller, après ça. Et si l'autre voulait plus ? Il est plus âgé que lui, après tout. Il a déjà couché.
— J'espère que non, Julian termine.
— Tu veux que l'hôpital te débranche ?
L'éclat de rire qui le secoue le contamine. Ils gloussent comme deux hyènes avant de s'allonger paresseusement. Le soleil les touche depuis la fenêtre. Asra adore cette caresse chaude qui gagne sa hanche découverte.
— Tu me gardes une place au paradis ? Non, oublie. Je vais sans doute aller en enfer. Tu viendrais me rendre visite, tu crois ?
— De temps en temps. A quoi ça ressemblerait, l'enfer ?
— On aurait un canapé déchiré dans un reste d'appartement démoli. Comme après un incendie, avec des poutres brûlées et des vitres en morceaux. une cheminée tout le temps allumée. Ils passeraient du Ghost en fond. On aurait un frigo toujours rempli de cocktails et cafetière qui se remplirait toute seul.
L'idée lui plait. Il acquiesce en appuyant sa tête au creux de son épaule.
— C'est quoi, Ghost ? il demande quand même.
— Attends, je t'ai toujours pas fait écouter ?
— Pas que je me souvienne.
— Merde. Je dois réparer cette erreur au plus vite. T'as des écouteurs ?
Asra les lui tend. La bouche de Julian appuie brièvement sur son poignet. Il serre sa main dans la sienne une seconde trop, avant de brancher le câble à son portable.
— Alors alors… Square Hammer, ça te parle ?
— Du tout.
Ils enfoncent chacun un écouteur dans leur oreille, et la musique commence. Du métal, donc. Asra reconnaît ce genre de rythme. Il n'en écoute pas souvent. Pour autant, ça ne lui déplait pas. Ça ressemble à Julian et à ses bracelets en faux cuir pleins de pics. A ses fringues noires, ses hauts en résilles et son trait d'eye liner.
Est-ce qu'il pense à lui quand il écoute ces chansons, seul dans sa chambre ?
Il essaie de saisir le sens de ces mots. Se promets de les vérifier plus tard, alors qu'il choisit à son tour une chanson dans la longue playlist qui découle dans sa tête. Il lui en a déjà envoyé plusieurs au milieu de la nuit, entre deux messages. Des morceaux de lui transformés en notes, comme une traduction de ce qu'il ressent parfois. Ce qu'il est incapable de formuler.
— A ton tour ? Julian le taquine.
— Oui.
Annie's song. Des notes qui sentent les années passées, la nature. Quelque chose d'immense qui dort sous la terre. Il ferme les yeux sur la guitare et l'épaule de Julian pour mieux se laisser aller.
C'est comme ça que la journée passe. Dehors la pluie s'invite, et la fenêtre fermée d'Asra leur apporte une partie du bruit étouffé que goutes qui claquent. Ses doigts de de son petit ami vont et viennent dans ses cheveux. Ils écoutent tour à tour des bribes de sentiments qu'ils veulent faire passer à l'autre, la mélodie comme un pont entre eux. Un chemin secret qui raconte ce que le langage ne peut pas traduire.
Devil Town
Every Breath you take
Parfois, Asra fredonne. Ou Julian. Ilya, comme sa tante l'appelle. Il s'imagine faire rouler ce nom sur sa langue.
No Shade in the Shadow of the Cross
Carnival of Rust
I will follow you into the dark
Ça continue, encore et encore. Les chansons et la pluie qui rentrent dans leurs oreilles. Le monde dehors qu'il pourrait presque sentir sur sa peau, un vent frais, des gouttes, les doigts d'Ilya.
C'est comme un long sommeil à deux qu'ils partagent, un morceau de temps volé qui a, un instant, cessé de s'écouler.
Voilà ! De base, j'avais choisi Mary on a cross comme titre, pour Ghost, sauf que c'est sorti trop récemment. mais ça allait bien à Julian, je trouve. (Puis ça me faisait penser à Lost Souls de Poppy Z. Brite que je viens de finir. Je suis sûr que Julian ado lit Poppy Z. Brite.) mais Square Hammer colle plus avec leur conversation !
A la semaine prochaine !
