Hey !

Et enfin un chapitre qui arrive en temps et en heure !

C'est pas un chapitre très lourd mais je préviens qu'on aborde certains des thèmes sensibles de l'histoire ici.

Bonne lecture !


Sous la surface

Julian

.

Julian trépigne. Asra est censé sortir dans deux minutes et il n'en peut plus d'attendre. Ses doigts lui manquent, son sourire de renard et ses yeux allongés aux cils clairs. Ils n'ont pas pu se croiser ni ce matin ni à midi, il ne l'a pas vu au self. Il meurt d'envie de retrouver son parfum fleuri contre son nez. Quoi que, Asra sortira du gymnase. Son odeur sera plus proche de la sueur, mais ça lui va aussi. Tant qu'il peut embrasser le coin de sa peau et l'entendre rire.

Est-ce que c'est normal, d'aimer autant quelqu'un ? D'y penser tout du long du cours de maths qu'il a oublié de copier. C'est mauvais pour ses études. Il doit réviser, et il pourra toujours le faire chez lui, mais il ne pouvait s'enlever de la tête la douceur de ses boucles et le touché de ses épaules froides.

Les rires cachés dans sa voix.

La chaleur de sa bouche

Julian est amoureux. En couple depuis plus d'un mois. Il a le cœur qui cogne et le sang qui court un marathon dans le corps chaque fois que son petit ami s'approche trop près. Une dose d'adrénaline qui monte d'un coup. Il n'est pas doué avec les relations, d'habitude - ou plutôt il est doué pour les gâcher, mais là…

C'est le bon, il le sent.

— Asra est pas là.

La voix de Muriel le fait sursauter.

— Eh ! Ah, pardon, je t'ai pas vu arriver, je… Salut, Muriel.

Il toussote.

— Pas là ? Comment ça ?

— Il est malade.

Oh. C'est pour ça qu'il ne répondait pas à ses messages, donc. Merde. Le monde s'effondre avec ses fantasmes. Il ne devrait pas être aussi déçu, il peut toujours passer le voir chez lui, mais… Toute cette attente pour rien. Julian baisse les yeux comme un gosse privé de Noël.

— Il est rentré à midi, Muriel ajoute.

Rentré. Il ne le lui a pas dit. Pas qu'il ait besoin de lui en parler, Asra fait ce qu'il veut mais Julian aurait aimé savoir. Pour ne pas attendre. Pour le plaisir de trouver un texto de son petit ami sur son portable en sortant du cours de Maths. Il n'aime pas quand Asra le tient loin de lui.

Est-ce que c'est une maladie crade ? Il imagine bien que s'il a rendu tripes et boyaux, il n'avait sans doute pas envie d'en parler. Oui, ça expliquerait le truc.

— Parfait, mmm… Désolé pour le dérangement alors, je- Il a quoi ? Enfin, il allait bien ?

C'est toujours compliqué de causer avec Muriel. Déjà, il est aussi grand que lui. Et encore, il a le dos voûté. Julian se sent rarement petit, et il n'aime pas ça. Ensuite, quand il parle, il aime bien que la personne en face lui réponde, et c'est peu de dire que Muriel n'est pas un grand bavard. C'est un mur. Un mur de pierre froide. Ilya a du mal à comprendre le lien qui s'est tissé entre ce type et le petit soleil qui illumine sa vie.

Enfin, il est - presque - sûr que Muriel aime Asra. Et que c'est pour ça qu'il ne l'aime pas lui. Parce qu'il ne l'aime pas, c'est une évidence. Il ne le regarde même pas en face.

— Il était fatigué.

Ses énormes épaules montent et retombent. Est-ce qu'il lui ment ? Il n'a pas envie de taper la causette avec lui, sans doute. Dommage, parce qu'Ilya est un oiseau féroce.

— Fatigué ? Il est malade ? Je peux passer lui apporter ses cours si jamais, t'as quelque chose à lui-

— Je m'en occupe.

Son ton se durcit. Ok, c'est mort. Mais il peut quand même passer. Il a juste à envoyer un texto à Asra, hein ?

Oh, c'est terrible comme il veut le voir. Il s'imagine déjà en train de lui faire chauffer une bouillotte. Il lui parlerait pour lui changer les idées, avant de lancer un film. La dernière fois, ils parlaient de commencer Doctor Who ensemble. Ilya a un crush monstrueux sur Jack Harkness. Il faut qu'Asra le voit. Il est bi en plus, ou pan, il ne sait plus exactement mais la première fois que Julian a vu un mec en embrasser un autre à l'écran, c'était John Barrowman qui roulait un patin à son partenaire dans Torchwood, et-

— Asra…

Muriel recommence à parler. Tout seul. Une première.

— Oui ?

— Il mange pas.

— C'est normal, s'il est malade. Est-ce qu'il avait mal au ventre ? Ou-

— Non.

Le colosse secoue la tête et, pour la première fois, Julian comprend qu'un truc cloche. Muriel ne parle pas comme ça. Pas avec autant d'hésitation. Plus que fuyant, son regard est…

Inquiet ?

Oui. Il est inquiet.

— En général, il mange pas. Pas beaucoup.

— C'est vrai qu'il a un appétit d'oiseau.

Un adorable rossignol qui picore trois graines dans son assiette avant de s'envoler. Julian ne s'en étonne pas plus que ça - ce serait l'hôpital qui se fout de la charité, vu les repas qu'il oublie quand il est plongé dans ses révisions. Asra n'est pas maigre de toute façon, il n'a sans doute pas besoin de plus. Il croit. Croyait.

— Depuis que sa grand-mère est morte, il mange encore moins.

Muriel a l'air trop grand, soudain. Et minuscule. En même temps. Fragile, c'est le mot qu'Ilya cherche. Muriel a l'air fragile, et c'est gênant, parce qu'il ne sait clairement pas quoi dire pour le rassurer. Il n'y a rien à dire de toute façon. Asra mange peu, et ?

Et c'est comme un orage qui s'avance. Un gros, très gros point noir. Il sous-entend un truc.

— Ça a dû lui faire un choc.

Évidemment. Il énonce des évidences, mais il ne voit pas quoi dire d'autre à ce grand ours qui n'a de toute évidence pas envie de pousser la conversation plus loin. Il plonge ses mains dans ses poches, cherche ses cigarettes et se rappelle trop tard qu'il a laissé le paquet sur la table ce midi, quand sa tante lui en a demandé une. Merde. Il a grave besoin d'un clope, là.

— Je suis sûr que…

Que quoi ? Pourquoi est-ce qu'il a commencé cette phrase ?

— Je verrai… Avec lui. Je lui en parlerai, si ça t'inquiète vraiment.

— Mm.

L'autre n'a pas l'air de le croire. C'était bien la peine de venir lui parler, s'il ne lui fait pas confiance. Enfin. Il le regarde qui ramasse ses immenses épaules autour de lui, y enfonce sa tête et trace, son sac de sport sur le dos. Ilya soupire. Ok. C'est fini. C'était awkward, mais c'est terminé.

Il attrape son portable.

Avec un peu de chance, Muriel flippe pour rien.

[Hey !

Alors comme ça on est malade ?

(J'espère que tu vas bien. Je peux venir te tenir compagnie ? Tes parents sont là ?

(je t'aime)

(Je peux aller chercher des bubble tea en passant.]

Il envoie. Et si Asra refuse ? Il ne l'invite jamais quand ses parents sont là. Est-ce qu'il a honte de lui ? Non, il… vu comme sa tante s'est comporté quand il est venu, Julian peut comprendre. Il n'a sans doute pas envie de voir ses vieux déballer la moindre petite honte de son enfance pour amuser la galerie. A sa place…

Julian ne sera jamais à sa place. Il ne pourra pas lui présenter ses parents, puisqu'ils sont morts. C'est aussi pratique que ça lui brise le cœur.

Les mains dans les poches, il se tourne et s'en va retrouver le bus qu'il prendra seul, en attendant une réponse de son petit ami. Il cale son casque sur ses oreilles.
Mais les mots de Muriel ne le quittent pas.

Asra mange peu. Anged aussi, et plein d'autres gens. Ça ne l'a pas inquiété, au début. Mais maintenant qu'il y pense, il le revoit calé dans son lit, sa mine pâle et son regard brillant devant les crédits de La mouche. Il a cru qu'il était malade, ou qu'il avait mal au ventre. Mais cette expression, ce n'était pas celle de quelqu'un qui a la nausée.

Asra n'allait pas bien.

Et Ilya commence à entrevoir une idée qui l'inquiète aussitôt.

Sauf qu'il n'a pas vomit. Il n'a pas touché à la bassine qu'il lui a laissée, et il ne s'est pas levé pour aller aux toilettes. Il se fait des idées. Muriel aussi. Ou peut-être pas ? Il n'a passé qu'une seule nuit à ses côtés.

Merde. Ilya ne sait pas. Il regarde par la fenêtre, tape du bout des doigts contre la buée. Vérifie son portable.

[Désolé 。゚・ (﹏) ・゚。

C'est pas la grande forme, perd pas ton temps. Je ne pourrai pas faire grand chose de toute façon. On se verra demain.]

Ça veut dire qu'il ne passe pas ?

[C'est pas grave, on peut juste lancer un film et glander devant.]

[Ma mère m'emmène chez le doc.

Une prochaine fois ? (´。• ᵕ •。`)

(Moi aussi je t'aime)

(Même si tu es team Jacob (# Ò﹏Ó) ]

Il sourit. Si Asra a encore la force de plaisanter, c'est que tout ne va pas si mal, hein ? Pas la peine de paniquer. Il est déçu, mais il va rentrer réviser et il sera d'autant plus heureux de le retrouver demain. Voilà.

Tout va bien se passer.

Mais dans le doute, il lance quand même Chrome pour taper "Anorexie" dans la barre de recherche.


Et voilà.

J'ai pas mal avancé pendant le camp nano, il me reste un peu d'avance. J'ai clairement pas fini la première partie parce que je me suis concentré sur d'autres projets, mais j'ai quand même gagné quelques chapitres. Je vais essayer de finir tout ça en Aout !

A la semaine prochaine !