Hey !

Nouveau chapitre fini dans les temps. Je dois vraiment essayer de reprendre de l'avance. Maiiis en attendant, j'ai mon plan. Donc je sais où je vais. Et du coup, on approche de la fin de cette partie.

(cette histoire sera beaucoup plus longue que prévue, aaaaaah.)

Merci à Ya pour sa relecture !

(TW en fin de page)


A demi-mots

Julian

.

Julian soupire. Il se mord la lèvre, le regard glissé en douce sur le corps tout près du sien. La chaleur de sa propre peau moite le gêne, et les draps humides lui collent à la peau, mais l'air frais qui passe par la fenêtre entrouverte lui tire un agréable frisson. Mars, ce n'est pas un mois pour laisser les vitres ouvertes. Mais il fait bon, et le corps tout aussi nu d'Asra sous les piaillements des oiseaux voisins lui donne des airs irréels.

Allongé sur le ventre, le galopin l'observe. Ses yeux brillent entre ses bras croisés. Il ne voit pas sa bouche, mais devine son sourire.

Merde. Il a envie de retourner l'embrasser. Mais il devrait peut-être se nettoyer la bouche avant. Asra n'a sans doute pas envie de coller ses lèvres sur celle de quelqu'un qui vient d'avaler son… Enfin.

Beurk.

Son ventre colle. Est-ce qu'il y a des mouchoirs quelque part dans cette chambre ? Un sopalin ? Un tee-shirt qui traîne- Non. Asra a suffisamment de décence pour ne pas s'essuyer avec des fringues qu'il balance au sale, lui.

— Tu… Mm, ça va ?

— Oui.

La voix du garçon est évasive. Fatiguée, mais contentée. Il en déduit qu'il a aimé ce qu'il vient de lui faire. Bien. Parfait.

Il serre un de ses nombreux oreillers contre lui.

— Tu aurais un mouchoir ?

Son rire brille dans cette pièce pleine de décors maladroits agencés à la main, et Julian se mord la lèvre. Il essuie son ventre avec ce qu'on lui donne. C'était un bon moment. Vraiment un bon moment. Il adore faire l'amour avec Asra.

Et en même temps, l'angoisse lui serre la gorge. Pas qu'il regrette, au contraire, mais il ne peut pas s'empêcher de penser…

C'est stupide. Son petit ami n'est pas comme lui. Il dit les choses comme elles sont. Mais.

Mais…

Est-ce qu'Asra lui ment, quand il lui dit qu'il a aimé ce qu'ils viennent de faire ? Ilya pourrait comprendre. C'est toujours délicat, d'avouer qu'on a passé une heure à s'emmerder.

Oh, pourquoi est-ce qu'il pense à ce genre de chose ? Il ne peut pas juste profiter de l'instant ?

Son petit ami est là, allongé contre lui. La peau luisante de sueur, le regard pétillant sous ses boucles. Il tend la main pour caresser sa nuque. Délicatement.

— T'es beau.

Il déglutit. C'est sans doute cliché de dire ça, mais Asra aime bien les clichés. Les mots d'amours et les films qui lui font terminer la soirée blotti contre lui. Le romantisme étire ses sourires, c'est adorable.

Et tellement loin de ce que Julian imagine, quand il se voit lui embrasser les chevilles.

Est-ce que c'est mal, d'avoir espéré qu'il lui tire les cheveux quand sa main brune les caressait tendrement ?

— Toi aussi.

Asra se redresse. Il vient contre lui pour mieux l'embrasser et le rouquin laisse faire, parce qu'il en a envie. Il s'étonne de ne pas le sentir écœuré. Regarde son visage qui s'installe sur son épaule. La lumière du jour qui découpe son corps en deux. Sa peau sent la sueur. Il a envie de la lécher. D'embrasser son cou, ses épaules, son ventre. Est-ce qu'Asra trouverait ça bizarre ?

Sa petite voix pleine de gémissements brisés lui revient.

— T'avais quel âge, la première fois que tu l'as fait ?

Mais la question efface le bruit délicat. Ne reste que les oiseaux dehors.

— Quinze ans.

Quatorze.

— Pourquoi ? il ajoute aussitôt.

Ilya a honte de mentir. Mais il n'était pas si loin des quinze, en vrai.

— Simple curiosité. C'était comment ?

Ça…

C'était de sa faute, alors Julian ne peut rien dire. Mais ce n'est clairement pas son meilleur souvenir en matière de sexe.

— Maladroit.

— Maladroit comment ?

— Mm, comme une première fois. J'y connaissais rien, alors… Enfin, c'était pas glorieux.

Aucune expérience, juste les hormones en feu et cette stupide impulsivité qui le poussait droit dans le mur.

— C'était avec qui ?

— Quelqu'un que tu connais pas.

— Je m'en doute.

Il le sent glousser, ne peut pas s'empêcher de caresser ses petits cheveux ronds.

— Un gars de mon lycée. On se croisait parfois.

Un type qu'il avait rencontré en soirée. Il avait déjà une bière dans le sang quand il a commencé à lui parler, et il n'a rien dit quand le mec a rapproché sa cuisse de la sienne, sur le canapé. Quand il lui a tendu une autre bouteille, qu'il n'a qu'à moitié bue. Il était plus âgé que lui. En Terminale, et encore, il avait redoublé. Majeur. Ça remuait quelque chose dans son ventre, la joie d'attirer l'attention de quelqu'un d'aussi grand. Presque un adulte.

— On se tournait autour.

— Vous sortiez ensemble ?

Ils sont allés fumer dehors. Là aussi, quand il lui a demandé son âge, il a répondu quinze ans. Et il ne sait toujours pas pourquoi. La peur de passer pour un gamin, il imagine.

— Non. On a fait ça qu'une fois.

C'était une fête en appartement, il n'y avait pas de chambre. Mais le gars avait une voiture garée au sous-sol. Une bagnole d'occas', sans doute. Bleu gris, pas bien grande. Mais ça suffisait à l'impressionner. Et Ilya n'en revenait pas, qu'un type comme ça ai pû s'intéresser à lui. Qu'il ait caressé sa joue. Qu'il l'ait embrassé. Il ne comprenait ni cette chance qui lui tombait dessus, ni le malaise qui lui a brusquement alourdi l'estomac quand cette main qui sentait la clope est tombée sur son ventre. Puis plus bas.
C'était direct. Mais comment est-ce qu'il aurait pu s'en plaindre ? Il bandait.

— Pourquoi ?

— Il cherchait pas de relation amoureuse. Et moi non plus. C'était plus… pour essayer.

Ilya avait toujours beaucoup pensé au sexe. Il s'y était intéressé plus tôt que ses amis, il y pensait quand il croisait des garçons qui lui plaisaient au collège et au lycée. Des types plus grands que lui, dont le regard le faisait rougir. Et d'un coup, alors qu'il avait l'occasion de savoir à quoi ça ressemblait, il voulait abandonner ce parking vide pour remonter danser sur de la musique pourrie ? Cette blague.

C'était juste de la gêne, il croyait que ça lui passerait. De toute façon, il n'avait plus le choix. Pas avec ses propres mains sur la ceinture d'un gars qui n'avait clairement pas l'air décidé à s'arrêter là.

— Ça t'a plu ?

Au pire, qu'est-ce qu'il risquait ? Ce ne serait pas plus chiant qu'un contrôle de maths. Il n'avait qu'à attendre la fin, et puis voilà. Il y avait pire dans la vie que de sentir ce truc énorme et humide dans sa main. Au moins, il lui montrait quoi faire. Il n'avait pas à se poser de question. Il s'est mis à genoux quand l'autre a appuyé contre son épaule, puis il est rentré dans la voiture comme il le lui a demandé. A quatre pattes sur des sièges inconfortables - et inconfortable, c'était le mot. Mais il a juste eu à serrer les dents le temps que ça passe. Ce n'était pas si désagréable, et il a même joui, quand l'autre l'a caressé. Ce n'était ni horrible ni violent, seulement…

— Ouais. Non. C'était bizarre.

Décevant. Une suite de gestes mécaniques qu'il s'est contenté de suivre et de subir. Déshabiller, toucher, inspirer un grand coup. Attendre. Comme un mode d'emploi qu'on applique. Il n'était même pas entièrement nu, il n'a enlevé que le bas. Et l'autre a juste défait son pantalon.

— On savait pas quoi faire, ni lui ni moi.

Il s'est rhabillé tout aussi vite. Pas de longue sieste flegmatique entre les draps moites. D'épaule creuse où poser sa tête. Une clope en guise de câlin post coït et voilà. Fini.

Une première fois expédiée comme une enveloppe à la poste.

— C'est jamais ouf la première fois. C'est normal, quand t'as aucune expérience pour un truc… C'est comme le reste, ça s'apprend. Avec le temps.

Un goût d'inachevé dans la bouche. Il a trouvé des mots pour saluer le type. Un gars qu'il n'a jamais revu.

Il a monté les escaliers en se frottant les bras. En haut le monde tournait, le salon sentait l'alcool et la sueur. Il a regardé ces gens qui bougeaient, comataient sur le canapé, picoraient des bouts de pizza dans un coin de la pièce. Son débardeur ne le couvrait pas assez.

Il est rentré à pied. L'appart de sa tante était à quoi, quinze minutes ? Pas la peine de l'appeler pour si peu. Elle devait sans doute dormir. Il ne l'a pas croisée en grimpant dans sa chambre, ses pas couverts par les ronflements de Pasha. Il a fait un détour par la salle de bain. Le miroir l'a surpris.

— J'ai aimé, moi.

Asra caresse sa joue.

— Quand on a fait l'amour la première fois. C'était bien.

Ilya se mord la lèvre.

— Mmh, oui, c'est… err, tant mieux. C'est cool. Pour toi.

Il y avait cet autre Julian dans la glace. Lui. Exactement le même garçon qui avait quitté la maison quelques heures plus tôt. Ce coup d'un soir n'avait rien laissé, pas même un suçon sur sa peau. Une douleur vague entre les reins, qu'il ressentait de loin.

C'est fait, il s'est dit. Il avait honte. Et il ne comprenait pas pourquoi. Peut-être parce qu'il n'assumait pas d'avoir autant d'intérêt pour le cul, même si c'était aussi le cas de ses potes. ceux avec qui il regardait du porno en douce quand les parents n'étaient pas à la maison. Ou alors il culpabilisait d'avoir fait ça avec un autre gars. D'avoir laissé faire sans prendre d'initiative. Est-ce que le type avait aimé ? Ilya n'avait pas, mais alors pas du tout l'impression de ressembler à ce qu'on aurait pu appeler un bon coup.

— C'est juste que…

Il ramène Asra contre lui, son long pif au milieu de sa tignasse bouclée. Elle sent le citron. Est-ce qu'il s'est lavé les cheveux avant de venir ?

— Avec le recul, je crois que j'aurais préféré attendre.

— Avant de le faire ?

— Ouais.

Il déglutit. Le souvenir lui colle à la peau comme une liqueur trop sucrée. Parfois, il a envie de la gratter. Il n'aime pas se rappeler de ça. C'était juste du cul, pourtant. Ce n'est pas la dernière fois qu'il a baisé à l'arrache dans un endroit non prévu à cet effet. Il a eu des plans bien pires, des soirées à mourir d'ennui. Et cette histoire derrière le labo de sciences…

Clairement, il y a des tâches plus sombres sur son palmarès sexuel. De quoi rougir pour les années à venir. Mais ça, cette déception froide et ces longues minutes à se demander ce qu'il faisait dans cette bagnole, à attendre que ça se fasse…

Son torse se gonfle. Il serre Asra contre lui.

— Je t'aime, il promet entre ses boucles.

C'est juste un raté de plus. Pas le premier, pas le dernier. Mais ça lui noue la gorge. Est-ce qu'Asra s'est senti comme lui, quand il l'a laissé au soir après l'avoir embrassé ? Quand il somnolait sur son épaule ? Est-ce qu'il avait honte ? Est-ce qu'il s'est douché en rentrant chez lui ? Il prétend le contraire, mais Ilya est bien placé pour savoir que les gens mentent. C'est plus simple comme ça.

Asra, justement, se redresse pour chercher son regard. Il vient appuyer son sourire sur sa bouche.

— Moi aussi, il y murmure.

Julian déglutit. Sa peau colle et il devrait le repousser pour aller chasser cette sueur. Il a cet angelot confortablement installé sur son ventre, qui lui roule des pelles comme s'il n'avait pas eu son truc dans la bouche quelques minutes avant et Julian ne comprend pas qu'il ne soit pas au moins dégouté.

Il le serre.

Mais ni son nez dans son cou, ni ses mains sous sa nuque n'apaisent ce malaise qui s'est installé.

Cette incompréhensible certitude que les choses ne se déroulent pas comme elle le devrait.


[TW : Sexe, dubcon/abus]

Voilà. Voilà voilà.

(Evidemment, Ilya n'est pas responsable de la situation qui est rapportée, même s'il le pense. S'assurer du consentement de ses partenaires pendant un rapport, c'est primordial. Profiter de l'absence de refus pour poursuivre, c'est du viol.)

On se retrouve dimanche prochain pour la suite !