Hey !

Avec un peu de retard, voilà un autre chapitre Muriel. Écrit pendant la Nuit du Fof, sur le thème Robe (je devais faire un chapitre avec Asra de base, mais j'ai vu ce thème et j'ai tout de suite pense à cette scène)

Merci à Ya pour sa relecture !

Bonne lecture !


Muriel

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Asra a des étoiles dans les yeux et la tête dans les nuages. Si simple que soit la métaphore, Muriel n'en voit pas de plus juste quand il regarde son ami marcher. Le galopin avance et pépie gaiement, lui raconte son dernier rendez-vous avec "Ilya" et sa nouvelle idée de carte pour son jeu de tarot. Il a dû laver ses cheveux hier, parce que ses boucles sont rondes et qu'elles sentent le savon.

— Tu veux des calissons ?

Il lui tend le paquet qu'il vient d'acheter. Muriel en attrape un entre ses gros doigts, délicatement. Le goût sucré de la pâte se répand dans sa bouche.

— Merci.

Il suit son ami dans la rue, ses cheveux qui s'agitent chaque fois qu'il tourne brusquement la tête vers une vitrine. Il gambade comme une chèvre au milieu d'un pré, à s'émerveiller de tout ce qu'il lui plaît. Muriel a toujours trouvé ça beau, cette simplicité avec laquelle Asra aime et s'éprend du monde. Cette sincérité.

Mais il sait aussi comment il se cache et ment, et il y pense chaque fois que le garçon pose sa main sur son bras. Il ne s'y accroche plus comme avant, quand ils marchaient main dans la main. Est-ce que c'est à cause de Julian ?

Julian.

Muriel ne l'aime toujours pas. Il détourne les yeux chaque fois qu'Asra les pose sur son téléphone. Ses mains, si petites par rapport aux siennes, pianotent à la vitesse de l'éclair. Il glousse seul, sourit et soupire.

Et Muriel repense à ce qu'il lui a dit. Sur son petit ami, et sur ce qu'ils ont fait. Il ne trouve pas que ça l'ait changé - ni en bien ni en mal. Mais une vieille rancœur s'allume quelque part sous sa peau. Il lui avait dit, à l'autre. La nourriture. Les mensonges enrobés d'Asra, la poussière qu'il jette aux yeux des gens pour faire croire que son monde est beau. Et Julian n'a rien fait, rien trouvé de mieux à faire que… ça.

Il ne sait pas voir les choses autrement qu'en surface. Mais Asra cache, dissimule et enjolive. Quelqu'un qui ne cherche pas à voir plus loin ne peut ni le comprendre, ni le mériter. Et il a cette horrible impression, cette voix qui lui dit que Julian prend, mais qu'il manquera à l'appel le jour où il faudra donner.

— C'est son anniversaire, la semaine prochaine. Il faut que je trouve quelque chose.

Dix-huit ans. C'est le chiffre qu'il va passer, alors qu'Asra n'en a que quinze. Et Muriel déteste ça. Julian est plus âgé, et il n'est pas capable de se comporter comme l'adulte qu'il est censé devenir.

— Prends des bonbons, il lâche.

— Non, c'est trop facile. Il faudrait un truc marquant pour la majorité.

Muriel n'a pas la moindre idée de ce qui plairait au rouquin, et il ne veut pas y réfléchir. Il se contente de suivre son ami dans les rues, d'écouter ses suppositions. Rien ne l'empêchera de penser qu'Asra devrait penser à lui plutôt qu'à son petit ami. Depuis qu'il est avec Julian, il oublie de se faire plaisir.

— Il aime la piraterie, mais ses potes penseront forcément à lui offrir quelque chose sur Pirate des Caraibes.

Il avance et débite des idées qu'il avale et oublie. Tourne la tête pour regarder les vêtements derrière les vitres. Asra aime bien ça, les vêtements. Il en a déjà confectionnés. C'est encore maladroit, mais il rapièce tout seul ses tenues abîmées, et il invente de magnifiques décorations.

— Tu devrais fabriquer quelque chose, Muriel suggère.

Ça lui arrache les lèvres.

— Tu penses ?

Mais c'est Asra. Il sera toujours là pour l'aider, même s'il devait préparer un voyage en Enfer.

— Si tu veux faire un cadeau unique.

— C'est vrai.

Son sourire s'apaise. Sa paume s'appuie sur l'épaule du grand brun et cette chaleur précieuse… Est-ce que Julian la voit, cette fragilité qui trahit Asra chaque fois qu'il cherche de l'amour dans le regard des gens ?

La course reprend, et ils prennent la direction de ce magasin d'art que le gribouilleur aime tant. Il a ses billets au fond de la poche, son regard qui brille, excité d'avance. Mais ces mêmes yeux s'arrêtent soudain sur une vitrine. Son pas se calme. Muriel se pose à ses côtés, étonné, avant de relever la tête.

Devant eux, c'est une robe que son ami admire. Un tissu blanc qui tombe. Des manches souples et une taille serrée. Un mélange de fleurs rouges et blanches. Muriel n'y connait rien en mode, mais il la trouve jolie.

Asra, qui ne parle plus, reste planté là. Et soudain, il se tourne vers lui.

— Tu crois qu'elle m'irait ?

Il jette ces mots comme une blague. Mais son sourire de renard ne le trompe pas. Ses yeux tremblent. Ses doigts se serrent. Sans pouvoir l'expliquer, Muriel sent que c'est une des questions les plus importantes qu'Asra lui ait posées. Sa réponse changera quelque chose en lui. Entre eux.

Il se tourne vers la robe. Ce n'est pas une de ces blagues lourdes comme celles de Julian, quand il enfile une jupe et une horrible perruque au club de cinéma avant de prendre une voix exagérément aiguë.

C'est sérieux.

— Tu devrais l'essayer.

Il se racle la gorge.

— Pour savoir.

Asra ne rit plus. Quand il se tourne à nouveau vers ce tissu léger, Muriel sent comme ça lui fait envie. La vendeuse est au téléphone, il la voit d'ici.

Il pose sa main sur la petite épaule de son ami.

Ce qui se joue là, il n'a pas de mot pour le formuler. Mais c'est bouleversant.

Bouleversant de voir Asra se regarder, alors qu'il ajuste les manches autour de ses épaules devant le miroir du magasin. Muriel se pose entre lui et la vendeuse pour lui cacher le regard perplexe qu'elle leur lance, et il lui sourit doucement. Sur son corps, le tissu tombe. Il a pris une taille trop grande et la robe ne sert pas assez sa taille, mais les couleurs lui vont bien.

Est-ce que c'est pour ça qu'il va mal, ces derniers temps ? Il n'a jamais eu l'impression qu'Asra avait du mal avec son corps. Mais peut-être…

Muriel ne sait pas. Il ne peut pas savoir, puisqu'il n'est pas lui. Et il ne veut pas pousser Asra plus vite qu'il ne se sent le courage d'avancer. Mais quand son ami se tourne vers lui, dans sa robe trop grande, l'air perdu, il hoche la tête.

— C'est joli.

Il veut qu'il sache que peu importe la route, les choix qu'il fera, il sera là. Toujours. Asra a beau jouer les oiseaux libres, il a besoin d'un arbre où se poser. D'une sécurité et d'un soutien inconditionnel, même dans ses mauvais choix. Et tout ça, Muriel le lui donnera.


Et voilà ! Je ne pense pas souvent utiliser les nuits du Fof pour avancer cette histoire, mais là j'avais terriblement envie de faire cette scène.

(Puis ça fait un peu de fluff après le chapitre précédent)

A la prochaine !