Hey !
Aaaaaah j'ai oublié de poster hier. J'avais relu et tout en plus, ouuuuups. Pardon pour le retard !
Merci à Ya pour sa relecture, et bonne lecture à vous !
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Asra
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— Tout le monde est là ?
Nadia secoue la tête. Asra sent d'ici le stress qui lui cause des migraines. Elle glisse ses doigts autour de son front, souffle et contemple la masse de gens – des étudiants, pour la plupart – qui discutent entre eux.
— Non. Mais ça fait déjà dix minutes qu'on attend.
— Il y a toujours des gens qui oublient d'annuler, Asra avance. On a qu'à distribuer les bracelets, et on commencera sans eux s'ils ne sont toujours pas là.
— Lucio fait partie des absents.
Oh. Sincèrement, iel n'est pas plus surpris que ça. Lucio arrive quand ça le chante. Mais pour ce qui est de se saouler jusqu'à pas d'heure, il est plutôt du genre à se pointer en avance.
— Appelle-le, je vais commencer à distribuer, iel propose.
— Merci.
Son amie s'éloigne, et Asra ouvre la caisse pour commencer à récolter les deux euros nécessaires pour participer à l'événement. Certains donnent plus. Tout par dans la trésorerie de l'asso, de ce qu'iel en sait. Mais ça, c'est justement Lucio qui gère – sur le papier, dans les faits, Nadia en fait sûrement plus qu'elle ne l'avoue. La sorcière se contente de distribuer les bracelets arc-en-ciel à ceux qui ont donné. Ces petits bouts de papier qui sont censés donner accès aux réductions sur les consommations, si tant est que les bars sélectionnés pour le barathon jouent le jeu. Ça s'est bien passé la dernière fois qu'ils ont organisé un événement comme celui-là, il y a six mois, il n'y a pas de raison pour que ça rate ce soir, mais…
Non. Nadia angoisse assez pour deux, iel ne va pas en rajouter. Cette soirée sera mémorable, alcoolisée et pleine de fous rires.
— Alors ?
Nadia, justement, revient vers iel alors qu'iel referme la caisse.
— Il arrive, elle soupire. Il est passé prendre un ami avant de venir.
— On compte une personne de plus ?
— Oublie la cotisation pour celui-là, il est fauché. Lucio lui paiera les commandes.
Asra glousse. Puis il enroule son bras autour de celui de son amie. L'angoisse a laissé place à la colère, mais c'est sa manière à elle de gérer le stress. Il respecte ça sans chercher à la calmer – de toute façon, il n'aime pas assez Lucio pour le défendre. C'est un gosse de riche capricieux qui dilapide son argent et pleurniche quand ses jolis billets ne suffisent pas à lui obtenir ce qu'il veut. Et il est loin d'être au point, côté racisme et transphobie. Asra lui passe tout parce que sa stupidité l'atterre plus qu'elle ne lea blesse – surtout, parce qu'iel estime ne pas avoir son mot à dire sur les fréquentations de Nadia. Mais quand-même. Iel ne sait pas comment elle peut le supporter.
— Je peux ranger la caisse, alors ?
— Oui.
Iel serre sa main. Ensemble, ils dirigent le groupe vers le premier bar de la liste pour une heure de beuverie.
L'endroit n'est pas loin et le prix de la pinte est raisonnable. Asra s'en sert une avant de s'asseoir avec son amie vers l'entrée, pour surveiller les participants. C'est toujours moins amusant de faire partie des organisateurs. Mais ça ne l'empêche pas de profiter.
— Alors, il n'a fait sa demande en mariage ? iel demande, avide de ragots.
— Certainement pas.
Nadia grimace.
— Il n'a toujours pas retrouvé la bague. Et il n'est pas prêt de remettre la main dessus.
— Méfie-toi, il risque d'en racheter une.
— Et je le verrai sur ses comptes avant qu'il n'ait le temps de me demander quoi que ce soit.
— Sauf s'il l'achète en liquide.
— Il aime trop sortir sa carte bleue pour ça.
À sa place, Asra n'en serait pas si sûr-e. Lucio apprécie sans doute l'idée de débarquer dans une bijouterie de luxe avec une grosse liasse de billets dans la main. Il pourrait éventer sa tête de lamproie avide avec.
— Pourquoi tu ne lui dis pas que tu n'es pas intéressée ? iel demande, sa chope au bord des lèvres.
— Parce qu'il reposerait la question deux semaines plus tard.
Pas faux.
Asra doit l'avouer, il ne comprend pas toujours pourquoi Nadia se coltine une type pareil. Il a de l'argent, mais ce n'est pas comme si elle était dans la dèche. Il n'a rien à lui apporter d'autre que des compliments à la pelle doublés une présence collante qui alourdit les soirées. Sans parler de ses remarques profondément stupides. En soit, Lucio n'est pas méchant. Mais il n'a rien pour lui qui ne soit pas superficiel.
Iel croit savoir ce qui empêche Nadia de le quitter, mais si c'est bien ce qu'iel devine, rien ne sert de l'embêter avec ça. Elle fait ses choix, iel fait les siens. Iel se contente de finir son verre avant d'appuyer son épaule sur la sienne.
— Et toi, personne à l'horizon ?
— Pas pour l'instant.
Iel joue du bout des doigts avec les longues mèches mauves qui s'échappent de son impeccable coiffure, la tête vautrée sur son amie.
— Tu devrais profiter de la soirée, plutôt que de coller la référente, elle le taquine.
— Je profite très bien d'ici.
Iel sourit. Mais ça se casse, au coin de ses lèvres. Un manque d'assurance qui empêche Nadia d'insister.
C'est vrai, Asra pourrait profiter du barathon, effleurer des mains et jouer la sorcière pleine de secrets, écraser ses lèvres sur d'autres. Iel n'aime ni le monde ni la foule, mais se noyer entre la fascination qu'iel exerce et l'amour qu'iel aime partager, ça lui convient. Convenait.
Mais iel a encore le cœur en miettes.
Six mois. Oh, iel se remet plus vite que ça, d'habitude.
— Regarde celui-là.
Nadia désigne un type accoudé au comptoir. Un grand gars brun, plutôt costaud, l'oreille lourde de piercings. Pas mal. Iel ne passerait pas sa vie avec, mais la nuit à refaire le monde dans une petite chambre éclairée par les lampadaires de la rue, pourquoi pas ? Ils pourraient au choix faire l'amour, raconter l'avenir ou rire bêtement sur des blagues dont ils auraient honte le lendemain. Marcher jusqu'à pas d'heure. Peut-être que ce type a un chien, un gros chien, qu'ils iraient balader le soir.
— Trop grand.
— Depuis quand ça te dérange ?
— Je n'ai pas envie de me retrouver contre un mur, le nez écrasé sur son torse.
Le rire de Nadia le secoue.
— Et lui ?
Cette fois, la personne qu'elle désigne est accoudée au comptoir. Ses cheveux ras décolorés forment des boucles plus serrées que celles d'Asra. Sa robe noire glisse sur une peau presque aussi sombre. Son maquillage est impeccable – ça leur fait une passion commune. Mais il y a quelque chose dans son rire éclatant qui lui rappelle son ex. Son cœur se relâche brusquement dans sa poitrine.
— Trop tôt, il soupire.
La main de Nadia se glisse dans la sienne.
Six mois. Iel a encore du mal à s'endormir dans son lit vide. Faust se glisse près d'iel pour lui siffler sur le nez dans l'ombre, et iel gratte sa petite tête réconfortante. Mais ça ne suffit pas.
— Un autre verre ?
Asra secoue la tête. Il leur reste trois bars à faire, la soirée ne fait que commencer. Iel aimerait tenir encore debout avant de quitter le point de rendez-vous. Même s'iel ne fait pas partie des bénévoles de l'association, iel a promis à Nadia de l'aider, et…
Son fil de pensées se coupe subitement, comme une tignasse blonde pleine de gel se pose dans son champ de vision. Le sourire coupant de Lucio s'impose. Iel reconnait son trait d'eye liner épais et sa chemise qui doit bien couter un smic brut. Son parfum d'eau de cologne lui parvient d'ici, comme iel perçoit le souffle agacé de sa meilleure amie..
— Noddie ! il gueule dans le bar.
— Parle moins fort, elle grimace.
L'énergumène se glisse jusqu'à elle, mais elle le coupe avant qu'il ne se lance dans une ses déclarations exaspérantes.
— C'est à cette heure que tu arrives ?
— Y avait du monde sur la route ! Et le mec du café d'en face a fait chier parce qu'il voulait pas que je me gare sur la place bleue, là, alors que les autres étaient minuscules.
— La place handicapé ? elle rétorque, incrédule.
— Ouais, celle-là.
Asra songe amèrement qu'elle ne lui va pas si mal, et… Non. C'est méchant, et pas pour Lucio. Iel doit arrêter avec ce genre de raccourci, ne serait-ce que pour Muriel.
— Puis j'ai dû passer chercher Jules. Eh ! il gueule. Jules ! Bouge ton cul ! Et précise bien que c'est sans menthe, pour le Mojito !
Un Mojito sans menthe, tiens. Iel lui ferait bien remarquer qu'il peut autant commander directement un verre de rhum, il épargnera cette tâche à la barmaid qui s'active derrière le comptoir. Mais comme iel se tourne justement vers ledit comptoir, son visage se fige.
Là. Ces boucles rousses, ce nez dur et les tâches de rousseurs qui percent la peau tout autour.
Ces yeux gris des jours de pluie.
C'est impossible. C'est impossible, parce que les chances pour que ce qui est en train de se produire arrive sont infimes. Mais comme iel ramène sa main tremblante autour de son verre, Asra n'a pas le temps de se demander pourquoi les astres lui ont réservé une telle surprise. Sa bouche s'ouvre et là, au fond de lui, la glace se fissure.
— Ilya ?
