Hey !
Aah, j'ai du mal à être satisfait de ce chapitre. Je l'ai pas mal retravaillé, j'espère qu'il sera chouette à lire !
Merci à Ya pour sa relecture !
Bonne lecture
Se jeter à l'eau
Asra
.
Un débardeur évasé blanc mêlé de rose et de vert, qui pend au dessus d'un sarouel long serré autour de ses chevilles. La tenue d'Asra est d'une simplicité d'autant plus déconcertante qu'elle lui va à merveille. Son oreille lourde de piercings en titane, iel a soigneusement arrangé ces quelques éléments avant de quitter son appartement. Les premières chaleurs de l'été qui s'annoncent passent sur sa peau dorée et iel change de trottoir pour marcher dans la lumière. C'est agréable. Une journée parfaite pour sortir.
Pour retrouver son ex, en revanche…
Asra ne sait toujours pas si c'est une bonne idée. Ça lui a sincèrement fait plaisir de retrouver Ilya, et iel s'est senti sourire en recevant son message. Mais rien n'efface les années qu'il lui a fallu pour se remettre de son abandon.
Iel n'a toujours pas osé parler de leur entrevue à Muriel. Nadia lui a dit qu'il serait toujours temps de confronter Julian, s'iel en ressentait le besoin. Et elle a accepté de l'accompagner aujourd'hui – Lucio en a profité pour s'incruster, ce dont Asra se serait bien passé. Mais soit.
Installé-e à la terrasse d'un café dont son amie lui a vanté les mérites, iel fait le tour des boissons chaudes. Iel choisit celle à la couleur la plus envoûtante, intitulée Butterfly Pea.
— T'as vraiment des goûts bizarres, Lucio siffle en se laissant tomber devant lui.
— Et nous nous passerons de tes commentaires, sa petite amie le coupe. À moins que tu ne tiennes à ce qu'Asra et moi terminions la journée seuls.
— Eh, non ! Arrête, Jules vient de se faire larguer et il est toujours chiant quand on le plaque. Gna gna gna, je suis un horrible petit ami, gna gna gna, tout est ma faute, il l'imite.
L'oreille attentive, Asra se redresse. Ilya vient de se faire plaquer ? Pourquoi, et par qui ?
— Ah ?
Iel glisse un regard à Nadia. Elle sait le peu qu'iel lui a expliqué, à propos de leur histoire au lycée. S'iel en juge de par son expression irritée, Ilya n'est pas plus capable aujourd'hui qu'à l'époque de soigner ses relations.
— Ouais, il s'est fait plaquer y a genre deux semaines. Mais c'est sa faute aussi, il-
— Eh !
Lucio n'a pas le temps de poursuivre qu'un Julian essoufflé apparaît derrière eux. Ses cheveux en bataille tombent sur une chemise à jabot blanche secouée par sa respiration hachée. La tenue complète a plusieurs siècles de retard, mais il la porte diablement bien.
— Jules ! Lucio s'exclame sur un sourire carnassier. Justement, on parlait de toi.
— Pardon pour le retard, err… Le bus est parti sans moi et j'ai dû attendre le suivant.
— Quel bus ? Celui qui passe chez ton plan cul ? Lucio ricane.
Asra sent d'ici la tension qui parcourt le corps du dernier venu. Parce que Lucio a vu juste, ou parce que la moquerie l'irrite ? La frontière est fine entre les options et iel réalise qu'iel ne connaît plus assez bien son ex petit ami pour trouver la réponse sur son visage rougi par l'effort. Iel le voit secouer la tête, agacé, puis chasser l'histoire d'un geste de la main. Ça transpire l'habitude.
C'est comme ces rumeurs, au lycée. Asra se rappelle de ce qu'on disait d'Ilya et de ses… fréquentations en soirées. Au final, iel n'a jamais su s'il l'avait vraiment trompé-e. Enfin. C'est du passé. Iel n'a plus la même conception de l'amour et des relations, aujourd'hui.
— Un double expresso pour moi, s'il vous plaît. Et… Non, juste le double. Ça suffira.
Amusé, Asra note qu'il a tâté le porte monnaie dans sa poche avant de revenir sur ses mots. Il en connaît un qui vit mal ses fins de mois.
— Laisse, c'est moi qui paie, Lucio pavane.
— J'ai pas besoin…
Mais la résistance de Julian ne dure pas.
— Err… Il vous reste du cake au citron ?
Quelque minutes et un café plus tard, le rouquin se détend enfin. Sobre, il est déjà moins bavard que lors de leur dernière soirée. Des doigts passent et repassent contre la table. Un tic qu'Asra lui connaissait déjà, à l'époque. Il a toujours ce côté mouvant, ces gestes qui s'amoncellent comme un long mouvement ininterrompu. Une machine qui jamais ne s'arrête. Et en même temps, il a l'air plus âgé. Plus sûr de lui, moins fantasque.
Iel sent que Nadia le surveille du coin de l'œil. Est-ce qu'elle le jauge ?
— Et Marielle ? il vient jamais quand on l'invite, Lucio fait remarquer.
— Muriel, lea sorcière souffle.
Lucio l'a aperçu une fois, pendant la seule et unique soirée qu'Asra a organisée chez iel. Et tout ce qu'il a retenu de son ami, c'est la fourrure duveteuse d'Inanna. Rien d'étonnant, le connaissant. Mais il devrait arrêter de s'attendre à ce que le colosse revienne avec sa chienne. De son côté, Muriel n'a définitivement pas apprécié la rencontre. Ni le personnage, ni le verre de vin qu'il lui a renversé dessus ne lui ont plu.
— Muriel ? Julian s'étonne. Vous vous voyez toujours ?
— Comment ça, toujours ? le blond tique.
D'humeur duveteuse, Asra l'ignore et sourit à Julian. Iel porte sa tasse à ses lèvres.
— Toujours.
— Wow. C'est… Une très belle amitié. Ça fait quoi, sept ans que vous vous connaissez ?
— À peu près.
Sept ans. Huit en septembre. Asra n'oublie jamais la date, iel prépare une petite surprise chaque année, du genre qui font les yeux humides à Muriel et lui tirent un sourire maladroit que personne d'autre n'a jamais vu. En échange, Muriel lui offre des sculptures de serpent qu'il pose près du coin préféré de Faust.
— Vous étiez proche, Julian se souvient. C'est… c'est bien. Que vous ne vous soyez pas perdu de vue. Genre…
— J'ai saisi l'idée, je crois.
Iel croise les bras.
— Et toi ? Comment va Anged ?
— C'est une excellente question.
Le rire de Julian n'a pas changé. Si ce n'est qu'aujourd'hui, Asra devine qu'il l'utilise pour se cacher. Ses mains qui s'agitent et son dos qui frappe le dossier, c'est toute une carapace qu'il prend le temps de glisser autour de son corps. Iel le remarque sans rien en dire.
— Tu sais comment c'est. On se promet de se voir une fois à la fac et de rendez-vous en rendez-vous… Aucune idée de ce qu'il est devenu. Il faisait une licence de… De cirque ? Ou d'art du spectacle, quelque chose du genre. Ça t'aurait plu.
Tiens. Il est bien présomptueux de présumer de ses goûts – même si, effectivement, il a raison. Ce qui ne l'empêche pas de rougir.
— Enfin, je suppose, Ilya se reprend. Mm, et toi ? Comment vous vous êtes rencontrés, avec Nadia ?
Tout en parlant, il glisse un regard à la dame qui le scrute. Malgré leur conversation, Asra n'arrive pas à deviner ce qu'elle pense d'Ilya. Même si, de manière générale, elle ne pense pas souvent du bien des amis de Lucio.
— Par Natiqa.
— Natiqa ? Tu vois toujours Natiqa ?
— Attends, tu connais Natiqa ? Lucio siffle.
Cette fois, Asra ne lui sauve pas la mise. Il y a quelque chose d'amusant à voir le rouquin chercher à se défaire de l'attention d'un ami qui n'en est pas vraiment un. Il tousse, s'enquille le reste de son café d'une traite et massacre sa part de cake du bout de sa cuillère.
— On était dans le même lycée. Option Art visuel. Ou Cinéma, comment ça s'appelait, déjà ? Bref.
— Le même lycée ? Parce que vous vous connaissez depuis le lycée ? Lucio s'exclame.
— Qu'est-ce que tu croyais ? Julian soupire.
— Bah chaque fois qu'on croise quelqu'un que tu connais, c'est un plan cul ou un ex.
En soit, Lucio a raison. Mais apparemment, il est vexé d'être le dernier à avoir l'information. Son air bougon le rendrait presque attendrissant, si Asra n'avait pas mille raisons de le détester. Enfin, détester. Le mot est fort. Mais Lucio n'en reste pas moins un des êtres les moins aimables qu'iel ait rencontré et, à la place de Nadia, iel l'aurait quitté depuis longtemps.
— J'étais en Seconde, et Julian en Terminale, iel tranche. On avait une option commune.
Iel voit la lueur de compréhension passer dans l'œil du grand crétin. Trop tard, iel comprend qu'iel ne pourra pas lui cacher la nature de leur relation. Il n'y a pas besoin d'être fin penseur pour la deviner, et quand il le veut, Lucio sait se servir de son cerveau.
Heureusement pour iel, il a d'autres préoccupations.
— Pourquoi tout le monde ici a déjà vu tes sœurs sauf moi ? il geint.
— Ma sœur, Nadia rétorque. Et je n'ai pas choisi le lycée où elle a étudié, que je sache.
— Mais-
— Et c'est par elle que j'ai rencontré Asra. Je ne vais pas leur interdire de se voir pour satisfaire ton égo.
La famille. Un éternel sujet de discorde entre eux. Nadia refuse de présenter Lucio à la sienne, et lui… Eh bien, lui, Asra ne peut rien en dire. Il ne la connaît pas et n'a pas envie de la connaître. Un Morgasson, c'est déjà trop à supporter.
— Maintenant, cesse tes jérémiades et va demander un verre d'eau au comptoir, j'ai mal à la tête.
Agacée, elle le chasse d'un geste de la main. Soupire et ne se relâche qu'une fois Lucio loin de la table. Le sourire d'Asra s'allonge comme le museau d'une fouine.
— Désolée, elle s'excuse Il est…
— Lucio, Julian complète.
Comme si cette justification suffisait, la conversation reprend.
— Plus de bubble tea, donc ? le rouquin remarque en désignant la boisson d'Asra.
— Pas pour cette fois.
Ça l'amuse, qu'il s'en souvienne. Iel se rappelle encore de leurs rendez-vous d'adolescents fauchés qui comptent leurs petites pièces. Encore que le portefeuille de Julian était plus creux que le sien.
— Et toi, le café ?
— Encore et toujours. On survit comme on peut.
— Tu ne diras plus ça, quand tu enchaineras les crises cardiaques à quarante ans.
Julian ouvre un œil outré.
— La consommation de café ne provoque pas de crises cardiaques, encore moins à quarante ans.
— Mais la surconsommation…
— Tu sais que la quantité de colorant dans tes boissons est au moins aussi dangereuse que la caféine que je bois ?
— Il n'y a pas de colorants dans mes boissons, juste des épices, Asra ronronne.
— Qu'en sais-tu ?
— Excusez mon interruption, mais vous n'avez pas d'autres sujets de conversation que vos morts prochaines ? Nadia les coupe.
Le rictus d'Ilya, plein d'entrain, rappelle à Asra les longues tirades qu'il déclamait sur la scène du lycée.
— La mort est un excellent sujet de conversation, c'est le tabou autour qui n'a pas lieu d'être. Aussi, à ta place, je me méfierais. La fréquentation de Lucio est un danger pour la santé. Il met la patience des gens à rude épreuve et tout ce stress accumulé-
— Je doute que la patience soit la seule chose qu'il mette à rude épreuve, elle fait remarquer.
Asra ne comprend pas. Ce qui n'est pas le cas de Julian, vu les violentes rougeurs qui prennent soudain ses joues. Il se racle la gorge, picore un bout de cake et reporte son attention sur le jabot de sa chemise. Si ses tenues sont toujours aussi originales, iel note qu'il a laissé les chaînes abruptes pour des hauts distingués.
— Et sinon ? Il… Err, il n'a toujours pas réitéré sa demande en mariage ? le rouquin lance.
La gêne imprègne ses mots comme l'amusement pimente ceux de Nadia.
— Réitérer ? Je ne suis au courant de rien.
— Parait-il qu'il aurait perdu la bague, Asra ajoute.
Et comme iel termine son verre, le dénommé revient, ignorant de tout ce qui s'est dit à son sujet. Le reste de la conversation perd de son piquant, mais Asra n'en apprécie pas moins sa journée. Une pause, entre deux commandes, c'est ce qu'il lui fallait.
Il n'empêche que la remarque de Nadia a éveillé sa curiosité. Julian et Lucio… À moins qu'iel ait mal compris ? Pourtant, iel n'a pas l'impression que son ex petit ami apprécie l'énergumène qui partage le même appartement que sa meilleure amie. Au contraire. Enfin. Ça ne lea regarde plus, et iel n'est pas sûr-e de vouloir imaginer ça. Julian peut bien faire ce qu'il veut, les gens sont libres de commettre des erreurs.
Plus tard, iel repense à cet après-midi. Ses doigts caressant les anneaux de Faust alors qu'iel revoit l'expression éveillée d'Ilya. La chaleur étrange des vieux souvenirs remonte.
C'était bien. Pas parfait, pas monstrueusement gênant. Juste… Bien.
Peut-être qu'iel pourrait sérieusement envisager de renouer avec lui ?
Tadaaaam.
Pour la boisson dont il est question plus haut (Butterfly Pea), elle est bleue et c'est déjà très cool en soit. Et les boissons stylées vont bien à Asra, je trouve ?
À la prochaine !
